Tout d’abord, je vous invite à lire mes deux articles précédents : “Les raisons d’être du placement de produits et le placement furtif” et “Le placement de produits, le placement évocateur et les opérations tie-ins”, afin de pouvoir mieux juger et apprécier cette troisième publication.

Après avoir traité du placement de produits en général, du placement évocateur, du placement furtif et des opérations tie-ins, nous allons à présent aborder l’intégration de produits en pratique et les tendances actuelles. Ainsi, notre analyse se fera à travers le prisme des réseaux sociaux, outil majeur du placement de produits, très populaire et décrié à la fois. Puis, elle se poursuivra par les pratiques, les modalités d’intégration et les réalités du marché. Enfin, nous aborderons la correspondance entre les objectifs marketing et de communication d’une marque, et l’œuvre ou le média idéal pour les atteindre.

1 – LE PLACEMENT DE PRODUITS EN PRATIQUE : LES DIFFÉRENTES PARTIES PRENANTES ET LES ETAPES NECESSAIRES A SA RÉALISATION

Pour bien comprendre les procédés de l’intégration de produits, il faut tout d’abord prendre en compte l’ensemble des acteurs et les différentes étapes qui participent à sa mise en place. Ceux-ci seront abordés selon le cas où un producteur fait appel au placement de produits comme source de financement de son œuvre. Ils ne concernent pas la situation dans laquelle l’annonceur souhaite créer ou développer la notoriété sa marque et/ou son produit, grâce à leur intégration dans une œuvre à fort potentiel de diffusion et de succès. En premier lieu, on peut aborder les quatre intervenants que sont le producteur de l’œuvre, l’agence de placements, la régie médias et l’annonceur. Ils sont à l’origine du contrat de placement de produits et de sa mise en place. Les producteurs en charge du financement d’une œuvre, transmettent son scénario à une agence spécialiste du placement de produits, telle que Place To Be Media ou à une régie médias, telle que celles appartenant aux grandes chaînes de télévision. Après réception des scénarii, l’agence de placements ou la régie médias opère une sélection des meilleurs, c’est-à-dire ceux qui sont susceptibles d’intégrer le plus naturellement possible une marque ou un produit, tout en étant rentable pour l’ensemble des parties prenantes. A partir des scénarii restants, l’agence ou la régie contacte un ou plusieurs annonceurs, afin de leur proposer d’intégrer leur marque et/ou leur produit en échange d’une rémunération. Une fois le partenariat établi, l’agence ou la régie définit un contexte précis dans lequel la marque et/ou le produit s’intègre. Elle suggère également une égérie avec laquelle travailler sur le projet. En fonction du contexte et de l’égérie est alors déterminé un certain budget. Puis, l’ensemble de ces éléments sont validés par les producteurs avant d’être proposés à l’annonceur. Après validation par ce dernier, s’en suivent l’édition et la signature d’un contrat de placement par le producteur, l’agence ou la régie et lui-même. Dès lors peut commencer le processus d’intégration de la marque et/ou du produit dans l’œuvre. D’autres acteurs interviennent alors dans le projet et travaillent afin de permettre la bonne réalisation du placement. Les décorateurs sont tout d’abord chargés de choisir le produit à placer, s’il n’est pas imposé par l’annonceur. Les auteurs s’occupent ensuite de modifier si nécessaire les textes qui contextualisent le placement et intègrent le produit de façon cohérente et naturelle au scénario. Puis, les accessoiristes font en sorte de rendre le produit bien visible et mis en valeur à l’écran. Enfin, les post-producteurs ont pour rôle de s’assurer que la marque et/ou le produit sont bien présentes et suffisamment remarquables.

2 – LE PLACEMENT DE PRODUITS EN PRATIQUE : LES TYPES DE CONTRATS ET LE COÛT D’UN PLACEMENT DE PRODUITS

On distingue trois types de contrats de placements de produits, selon la nature du placement. Ainsi, il existe un contrat spécifique pour les placements actifs, un pour les placements passifs et un dernier pour les placements avec citation de marque. Comme leur nom l’indique, un placement actif donne une place prépondérante à la marque et/ou au produit, qui sont au cœur du scénario de l’œuvre, alors qu’un placement passif leur attribue un rôle secondaire voire de figuration et fait d’eux de simples éléments de décor. Dans le dernier type de contrat, il s’agit de placer une marque et/ou un produit uniquement de façon sonore. Ils sont le plus souvent énoncés oralement par un acteur, dans le cadre d’une conversation ou en voix-off. Peu importe la nature de contrat, plusieurs éléments-clés sont toujours indiqués. Dans un contrat de placement figurent toujours le nombre de séquences dans lesquelles apparaissent la marque et/ou le produit. Il est également toujours indiqué le type de placement défini en fonction de la manipulation ou non d’un produit et de la citation ou non d’une marque et/ou d’un produit à l’écran. De plus, le budget est bien évidemment essentiel, en particulier pour pouvoir mesurer la rentabilité du placement de produits à la suite de sa réalisation. Ce budget est déterminé selon une estimation du nombre de points de contacts qui réunissent l’œuvre et le public, en prenant en compte l’influence et les points de contacts générés par l’égérie ou plus globalement le casting. Le coût d’un placement de produits est également variable en fonction du rôle du produit dans l’œuvre dans laquelle il est intégré. En effet, si l’insertion du produit implique une manipulation spécifique de la part d’un acteur, elle coûtera plus chère que si le produit est simplement placé dans le décor de l’œuvre.2 Par ailleurs, comme nous l’avons vu dans le premier article, le contrat de placement peut également comprendre des opérations de communication croisées ou complémentaires, aussi appelées tie-ins. Enfin, un contrat de placement précise le type d’œuvre dans laquelle sera intégré le produit. Du point de vue du producteur, il est défini selon le scénario, alors que du côté de l’annonceur, il est déterminé selon ses objectifs marketing et de communication.

 

3 – LE PLACEMENT DE PRODUITS : A CHAQUE OBJECTIF CORRESPOND L’ŒUVRE OU LE MEDIA IDÉAL

Intéressons-nous tout d’abord aux cas spécifiques des films et des séries, qui sont associés à des stratégies et des objectifs bien distincts. Ainsi, par exemple, si un annonceur souhaite atteindre un objectif de fidélisation de sa cible, il privilégiera plutôt un placement de son produit ou de sa marque dans une série car il s’agit d’une œuvre culturelle s’étendant sur la durée. Or, une période étendue sur le long terme permet une bonne appropriation de l’histoire, ainsi qu’une forte identification et proximité avec les personnages. L’insertion d’un produit ou d’une marque dans un tel contexte a donc un impact fort et durable sur la cible. En revanche, si un annonceur souhaite plutôt atteindre un objectif de notoriété et exposer son produit ou sa marque à une grande visibilité, il choisira idéalement de l’intégrer dans un film. En effet, un film est généralement plus médiatisé qu’une série par la multitude de médias dans lesquels il est promu, d’événements durant lesquels il est mis en lumière et en raison de son caractère exceptionnel. Sa médiatisation est d’autant plus forte qu’elle est souvent accompagnée d’opérations tie-ins, diffusées parallèlement à sa campagne de promotion. Ainsi, il touche une cible et une audience très large, de façon répétée et durable. Cependant, ces différences entre films et séries s’estompent de plus en plus avec l’essor des plateformes de streaming légal, telles que Netflix et le développement de nombreux événements autour des séries, tels que le Festival International de Télévision de Monte-Carlo, qui médiatisent aujourd’hui largement les séries, autant voire plus que les films. Si les objectifs d’une marque se concentrent davantage sur un ciblage très précis, autant en termes de catégories socio-professionnelles, que de tranches d’âges, ou encore de zones géographiques, alors elle choisira plutôt de faire appel aux contenus diffusés sur les réseaux sociaux. Des photos aux vidéos, en passant par les articles sponsorisés, sur Facebook, Twitter, Instagram ou encore Youtube, toutes les marques peuvent trouver le réseau social et le contenu idéaux pour atteindre leurs objectifs. Ainsi, par exemple, si une marque souhaite toucher les Milléniaux, elle privilégiera l’utilisation du placement de produits sur Instagram ou Youtube pour leurs contenus très visuels et animés, largement plébiscités par les digital natives.3 En revanche, si elle s’adresse à une cible plus large et plus âgée, elle fera plutôt appel à l’intégration de produits sur Facebook, réseau transversal à plusieurs catégories socio-professionnelles et tranches d’âges, qui touche de plus en plus les seniors.4

4 – LE PLACEMENT DE PRODUITS SUR LES RESEAUX SOCIAUX : L’ELDORADO DES MARQUES

Si le placement de produits est encore très utilisé dans les films et séries, aujourd’hui il explose surtout sur les réseaux sociaux.5 Nombreux sont les blogueurs, Youtubeurs, et autres stars de télé-réalité à avoir réalisé l’importance de leur influence sur leurs communautés de fans et de « followers ». Leur notoriété nationale voire internationale, leur succès et leur image auprès de leur public font d’eux de véritables influenceurs. Admirés voire adulés, ils possèdent un grand pouvoir de persuasion pour imposer leur point de vue ou leur goût comme une référence et ils font des produits qu’ils mettent en avant de véritables « must-have ». Face à une telle influence, les marques ont vite compris que les réseaux sociaux représentent une belle opportunité de communiquer efficacement et à moindre coût, tout en évitant le rejet de la publicité traditionnelle. Bénéficiant de la notoriété et de la réputation de la célébrité, la marque profite de sa caution humour, beauté, mode ou encore sportive, pour mettre en avant ses atouts de façon crédible. Grâce à la relation de confiance qu’entretient l’influenceur avec son audience, l’annonceur devient légitime auprès de sa cible. Mais avant de gagner son appréciation, il attire surtout son attention, très dure à obtenir avec la publicité classique. Beaucoup moins coûteux que cette dernière par l’absence d’achats d’espace, le placement de produits sur les réseaux sociaux est aussi beaucoup moins onéreux que celui dans les films et séries. Si certaines célébrités demandent des sommes importantes en échange d’un placement de produits, celles-ci n’équivalent pas les besoins de financement qu’ont les producteurs de contenus audiovisuels. Ainsi, l’intégration de produits sur les réseaux sociaux génère un très bon retour sur investissement (en anglais : Return on Investment, abrégé ROI). Elle est donc particulièrement intéressante pour les petites marques
ou les start-ups, qui cherchent à se développer rapidement et à grande échelle, tout en touchant précisément leur cible. En effet, à la différence de la publicité traditionnelle, mais aussi du placement dans les films et séries, le ciblage sur les réseaux sociaux est très précis car il est plus facile d’identifier clairement la communauté de fans d’une célébrité que les spectateurs d’un programme ou les consommateurs susceptibles d’être intéressés par la marque. La mise en place du placement de produits sur les réseaux sociaux est aussi simplifiée, autant pour la recherche d’influenceurs, que l’intégration technique du produit ou de la marque dans le contenu. Les influenceurs ayant conscience qu’une opération de placement est une source de revenus facile, ils acceptent aisément de prêter leur image et leur communauté à un annonceur, d’autant plus que l’intégration est souvent simple et rapide. Dans la plupart des cas, seuls une photo, une citation ou une furtive apparition sont demandés. Pour toutes ces raisons, beaucoup d’annonceurs et d’influenceurs s’allient dans le cadre d’une opération de placement de produits, le plus souvent mise en place sur Instagram et Youtube.

5 – LE PLACEMENT DE PRODUITS SUR LES RESEAUX SOCIAUX : FOCUS SUR INSTAGRAM

Réseau social privilégié pour les visuels, le design et l’esthétisme, Instagram occupe la 2ème place après Facebook avec ses 500 millions d’utilisateurs quotidiens6, qui publient chaque jour plus de 70 millions de photos. Majoritairement âgés entre 18 et 29 ans, ces digital natives sont très actifs et fidèles à la plateforme. Parmi eux se distinguent des « Instagrammeurs », ces utilisateurs qui partagent leurs centres d’intérêts avec leur grande communauté de followers, par le biais de photos et posts quotidiens. Qu’ils soient spécialisés en mode, beauté déco ou gastronomie, ils mettent en avant leur passion dans un univers qui leur correspond. S’imposant comme des références, ils sont de véritables influenceurs et ont donc une grande force de persuasion auprès de leurs fans. Ils représentent donc des partenaires idéaux pour la mise en place d’une campagne digitale ciblant les « Milleniaux », dès lors que l’univers de l’influenceur est en accord avec celui de la marque et de ses produits. Conscients de cette influence, les « Instagrammeurs » acceptent volontiers de s’associer avec des marques dans le cadre d’une opération de placement de produits. Tout en restant fidèles à leur domaine de prédilection et à leur univers, ils mettent alors en valeur une marque et/ou ses produits à travers un post et une photo séduisants, en échange d’une rémunération et/ou de produits gratuits. La rémunération de l’influenceur est proportionnelle à sa notoriété, la taille de sa communauté et son taux d’engagement. Ce dernier correspond au nombre de « likes » et de commentaires associés à chaque publication. Ainsi, à titre d’exemples, la star américaine Selena Gomez suivie par plus de 136 millions de followers et totalisant plus de 32 millions de « likes », gagne environ 450 000 euros pour un placement de produit sur Instagram.7 On peut citer par exemple le post de la chanteuse valorisant la bouteille « Contour » de Coca-Cola, spécialement customisée avec les paroles d’une de ses chansons. Ce placement a été mis en place dans le cadre de son partenariat avec la marque, à l’occasion de la campagne « “Share a Coke and a Song ».8 La photo a généré près de 7 millions de « likes ».9 Mais nos célébrités françaises font elles aussi beaucoup appel au placement de produits sur Instagram. Ainsi, Nabilla demanderait 2 500 euros minimum pour un post sponsorisé et EnjoyPhoenix (de son
vrai nom Marie Lopez) 5000 euros.10 Si Instagram est très plébiscité pour ses nombreuses opportunités de placements de produits, le réseau social limite tout de même l’intégration à une photo, qui réduit ainsi les possibilités de mises en scènes et de valorisation de la marque et/ou du produit. L’absence de mouvement, de paroles ou encore de musique, propres à la photo, font perdre au placement de produits ses avantages de mises en situation et de réalisme, valorisés dans les films et séries et plus globalement les contenus audiovisuels. C’est pourquoi selon moi, malgré le franc succès qu’il rencontre, Instagram n’est pas le meilleur réseau social pour pleinement tirer parti des possibilités qu’offre le placement de produits. Pour cela, il me semble plus intéressant de conserver les avantages de la vidéo apportés par un contenu audiovisuel. Ainsi, bien que chaque support possède ses propres spécificités, si l’on souhaite associer parfaitement intégrations de produits, réseaux sociaux et vidéos, il faudrait davantage se tourner vers le réseau social phare spécialiste de la vidéo : Youtube.

6 – LE PLACEMENT DE PRODUITS SUR LES RESEAUX SOCIAUX : FOCUS SUR YOUTUBE

Bien que dans une moindre mesure, comme les films et séries, les vidéos Youtube demandent beaucoup d’investissements techniques et financiers. De plus, il est bien connu que la rémunération de la plupart des Youtubeurs n’est pas très élevée, en particulier à leurs débuts. Afin de répondre à ce besoin de financement, nombres de stars de Youtube font appel au placement de produits. En effet, l’argent gagné et/ou les équipes mises à disposition par la marque partenaire de la vidéo, permettent aux vidéastes d’utiliser davantage ou du meilleur matériel, d’agrandir les effectifs de leur équipe technique ou encore d’améliorer la qualité technique de leur vidéo, avec de meilleurs effets spéciaux par exemple. De leur côté, les marques sont bien conscientes de leur popularité et de la viralité de leurs vidéos, qui en l’espace de quelques heures font le tour d’internet et circulent sur les autres réseaux sociaux. Comme sur Instagram, les Youtubeurs sont suivis par une communauté d’abonnés fidèles, qui visionnent régulièrement leurs vidéos et font de la sortie de chacune d’elles, un véritable rendez-vous, à la manière d’un épisode de série télévisée. Leurs « likes » et leurs commentaires témoignent d’un taux d’engagement élevé, très recherché par les marques. Comme énoncé précédemment, la vidéo est un support qui en plus d’être très viral, permet une meilleure mise en situation de la marque et/ou du produit. En mouvement, accompagné de musique, de jeux de lumière et de paroles, voire intégré dans un scénario, le produit prend vie et se fond davantage dans un univers. Comme pour les films et séries, il existe plusieurs types de placements sur Youtube. Le plus souvent, le produit apparaît furtivement ou est simplement cité par le Youtubeur. Il est intégré presque indépendamment de l’histoire de la vidéo, comme rajouté de façon plus ou moins cohérente au scénario. Mais parfois, la marque ou le produit placé fait l’objet d’un scénario à part entière, qui lui est propre. L’histoire tourne autour du produit et perdrait son sens sans lui. C’est le cas notamment de la vidéo « Le Dernier Niveau » postée sur la chaîne Youtube « Lolywood ».11 Réalisée et produite en partenariat avec Ubisoft et Microsoft, la vidéo raconte l’histoire de quatre amis téléportés dans le jeu vidéo « Assassin’s Creed Origins ». La fiction devient alors réalité, plongés dans le jeu, ils doivent affronter les ennemis du personnage principal, incarné désormais par l’un d’entre eux. L’histoire du jeu se déroulant dans les pyramides et tombeaux d’Égypte, les décors sont plutôt coûteux à recréer, de même que les costumes et les accessoires. Le scénario de la vidéo intégrant de la science-fiction, de nombreux effets spéciaux doivent être intégrés pour donner du réalisme aux décors, aux téléportations et aux combats des personnages. Des investissements humains et financiers en réalisation de la vidéo et en formation des Youtubeurs aux cascades ont également été nécessaires. L’ensemble de ces besoins ont pu
être pris en charge grâce aux placements de produits du jeu vidéo « Assassin’s Creed Origins » développé par Ubisoft et de la console de jeux Xbox signée Microsoft. En effet, ces marques ont aidé financièrement et techniquement les trois Youtubeurs de la chaîne « Lolywood » et ont ainsi permis la réalisation de cette vidéo. Mais si le scénario ne pouvait fonctionner sans ces partenariats, les Youtubeurs ne l’ont pas écrit pour correspondre aux marques et à leurs produits mais bien car ils souhaitaient raconter cette histoire. Tout en ayant certainement orienté la réalisation voire une partie de l’écriture du scénario, Ubisoft et Microsoft ont donc laissé une grande liberté de création aux vidéastes. Ainsi, leurs produits étaient naturellement intégrés à l’histoire, ils étaient même essentiels au scénario et à sa crédibilité. Toutefois, toutes les intégrations de produits à l’origine d’une vidéo Youtube ne sont pas naturelles. Nombre d’entre elles sont immédiatement identifiées comme étant des placements de produit par les abonnés. C’est le cas notamment de la vidéo « Hors-Série #7: ma réconciliation avec Quick ! » publiée par la chaîne « Le Tatou »12, qui s’inscrit comme la suite logique de la vidéo « Peut-on manger McDo chez Quick et inversement ? »13. Dans cette dernière, les Youtubeurs mettent à l’épreuve la durée possible de restauration chez Quick avec des produits McDonalds. Bien que filmée en caméra cachée, cette expérience a beaucoup déplu à la chaîne de restauration qui a certainement exprimé son mécontentement aux vidéastes. Ainsi, pour se réconcilier avec le célèbre fast-food, tout en bénéficiant d’une rémunération, les Youtubeurs ont accepté de tourner une vidéo dans laquelle ils testent les menus et sandwiches Quick. Les tests sont bien sûr positifs et sont accompagnés de commentaires élogieux. Émis à la fois par l’un des vidéastes de la chaîne et une responsable travaillant chez Quick chargée d’accompagner le Youtubeur dans son expérience, ils vantent les saveurs et la variété des sandwiches de l’enseigne. Bien plus qu’un placement de produits, une véritable publicité déguisée, cette vidéo a très vite été critiquée par les abonnés du « Tatou ». Par la suite, les Youtubeurs ont donc été contraints de s’excuser auprès de leur public mais aussi de revoir l’ensemble de la stratégie de financement de leur chaîne. En effet, en raison de ce placement en particulier, ils ont dû totalement repenser leurs sources de financement et leurs placements de produits futurs, au risque de perdre leurs abonnés et donc de mettre en péril leur chaîne. Cet exemple est loin d’être un cas isolé et le recours au placement de produits est un sujet très tabou et vite décrié sur Youtube. La plupart des Youtubeurs y ont déjà fait appel et presque autant se le sont vus reprochés par leurs abonnés. Cette source de financement est tellement courante et mal-aimée que Squeezie, l’un des Youtubeurs français les plus suivis avec plus de 10 millions d’abonnés14, en a fait une vidéo à part entière.15 Présentée sous forme de clip, elle parodie les pratiques du placement de produits sur Youtube, en insérant dans chaque plan un ou plusieurs placements tout à fait évidents. Chantée par Squeezie et son acolyte Youtubeur Maxenss, elle se veut être une autobiographie et un mea culpa adressé à leurs abonnés. Racontant qu’ils ont usé et abusé du placement de produits et déçu leurs fans au risque de les perdre, ils caricaturent un recours intensif et absurde, tout en y ajoutant une pléiade de stéréotypes : des jeunes femmes dénudées, des jeunes hommes riches et adulés, tous entourés d’un cadre luxueux et idyllique. Ainsi, bien que très populaire car proposant des contenus visuels et animés, Youtube a, comme Instagram, ses faiblesses et pâtit d’une mauvaise réputation en ce qui concerne l’intégration de produits. Si les exemples que nous avons étudiés démontrent les inconvénients du placement de produits pour les célébrités, les marques ne sont pas en reste. Si comme pour les films et séries, l’intégration de produits sur les réseaux sociaux possède un très bon rapport investissements/efficacité, elle implique cependant plus de risques pour la marque et son image.

7 – LE PLACEMENT DE PRODUITS SUR LES RÉSEAUX SOCIAUX : LE MIRAGE DES MARQUES ?

Si l’association d’une marque et d’une célébrité est assurément un important vecteur de notoriété, les bénéfices sur l’image sont davantage à nuancer. En effet, les stars sont souvent associées à une image bien précise de façon durable voire permanente, dont elles ont par conséquent beaucoup de mal à se débarrasser. Cette « étiquette » est d’autant plus marquée pour les stars de télé-réalité qui font partie d’un univers jugé superficiel et dont la notoriété est pour beaucoup éphémère. Toutefois, elle est également très prégnante chez les Instagrammeurs et les Youtubeurs, qui bien que bénéficiant plutôt d’une meilleure image et d’une notoriété plus durable, restent étroitement liés à leur domaine de prédilection. Lorsqu’elles mettent en place un partenariat avec elles, les marques prennent donc le risque de voir s’opérer un transfert d’image, accompagné d’une notoriété plus ou moins pérenne. De plus, elles ne sont pas non plus à l’abris d’un dérapage de la part d’une célébrité16, qu’il s’agisse d’un scandale faisant la une des médias, tel que l’agression de Thomas Vergara par Nabilla ou d’une apparition avec un produit concurrent, telle que les photos de Britney Spears une canette de Coca-Cola à la main, alors qu’elle est en partenariat avec Pepsi. D’autant plus que ces dérapages sont parfois répétitifs. C’est justement le cas avec Pepsi et Britney Spears, qui n’a pas respecté son contrat avec le n°2 du soda à plusieurs reprises. La chanteuse américaine a en effet été prise plusieurs fois en photos au fil des ans, un produit Coca-Cola à la main, alors qu’elle était toujours sous contrat avec Pepsi.17 Si le placement de produits sur les réseaux sociaux semble donc être un véritable Eldorado pour les marques, il peut vite devenir un mirage, qui sous couvert d’une bonne rentabilité, risque de nuire gravement à l’image d’une marque. Ainsi, pour réussir leurs intégrations sur les réseaux sociaux, les marques doivent au préalable bien choisir la célébrité avec qui elles désirent s’associer, en fonction de leurs objectifs, de la notoriété et de l’image de la star, mais aussi de son univers. Après avoir traité des tendances du placement de produits sur les réseaux sociaux, intéressons-nous à présent aux procédés de cette technique marketing. Dans cette partie, nous aborderons le placement de produits dans les faits, à travers un focus sur les parties prenantes qui participent à sa mise en place, les coûts qui lui sont inhérents, les différentes étapes nécessaires ou encore les divers types de contrats de placement.

Après avoir vu le placement de produits en pratique puis la correspondance entre objectifs et œuvre ou média et enfin, le placement de produits sur les réseaux sociaux à la fois comme un Eldorado et un mirage pour les marques, notamment à travers le prisme d’Instagram et de Youtube, nous nous intéresserons dans le prochain et dernier article, à l’avenir de cette technique marketing. Nous traiterons notamment des innovations et tendances à venir, mais aussi de sa capacité à s’adapter et à durer dans le temps, en particulier face aux autres outils de communication et aux attentes changeantes et grandissantes du public.

Je tiens à remercier vivement Monsieur Bourgeois, directeur de l’agence médias spécialisée dans le placement de produits, Place To Be Media, pour sa généreuse participation et son aide précieuse dans la rédaction de cet article, sans qui je n’aurais pu traiter de façon aussi précise et concrète des procédés et des pratiques du placement de produits.