Avant de commencer la lecture de cet article, je vous invite tout d’abord à lire le premier1, qui est utile pour pleinement comprendre les enjeux de celui d’aujourd’hui.

 

Après nous être intéressés au placement de produits en général, mais aussi au placement évocateur et aux opérations tie-ins, dans l’article précédent, nous allons aujourd’hui traiter du contexte dans lequel s’intègre le placement de produits en général et aborder plus spécifiquement le cas du placement furtif et des exemples associés. Ainsi, nous nous intéresserons aux facteurs économiques et sociaux, qui justifient l’utilisation du placement de produits dans l’industrie audiovisuelle et notre société actuelle. Notre objectif réside donc dans la compréhension des enjeux, qui motivent l’emploi de l’intégration de produits en général, mais aussi plus spécifiquement, du placement furtif. Nous ferons ainsi se confronter l’univers et la cible de l’œuvre audiovisuelle à ceux de la marque et du produit intégrés. Nous verrons alors que ce contexte complexifie encore davantage notre problématique, qui pour rappel est la suivante : Dans quelle mesure le placement de produits ou de marques associe-t-il le marketing et l’art ?

 

 

1. Un contexte social et sociétal favorable au placement de produits

 

Il est essentiel d’analyser le contexte et la situation actuels de l’industrie audiovisuelle, pour comprendre les enjeux auxquels elle fait face et la nécessité du placement de produits pour répondre à ses différentes problématiques. Pour mener à bien cette analyse, nous allons aborder les bouleversements du marché, de l’offre audiovisuelle, mais aussi du comportement des spectateurs. Depuis l’émergence des techniques de réalisation et de post-production modernes et de plus en plus complexes, en particulier en ce qui concerne le montage et les effets spéciaux, les contenus audiovisuels doivent être toujours plus innovants. A cela s’ajoute une concurrence grandissante au regard de la multitude de films sortant chaque semaine et du nombre de nouvelles séries présentées chaque rentrée. Cette concurrence est d’autant plus forte avec la popularité des services de streaming légaux, tels que Netflix, qui conçoivent et produisent leurs propres contenus.

 

Plus spécifiquement pour les séries télévisées gratuites, produites et donc financées par les chaînes de télévision privées, nous assistons à une baisse conséquente des fonds disponibles, en raison de la diminution de l’audience.2 En effet, face à la multitude de chaînes et de programmes proposés, mais surtout au développement d’internet, l’audience est aujourd’hui fragmentée et bien moindre. Ce bouleversement de l’audience influe nettement sur les achats d’espace publicitaire effectués par les annonceurs3 et donc sur les revenus des chaînes privées. Ainsi, cette pression constante imposée par le marché audiovisuel en termes de qualité comme de quantité des œuvres culturelles, ainsi que la diminution des fonds disponibles, rendent le financement de plus en plus difficile pour les producteurs. Face à ces problématiques, ils se doivent donc de trouver des solutions de financement alternatives, s’ils veulent créer de nouveaux films et séries et les faire perdurer sur plusieurs volets, tels que le font les sagas, ou sur plusieurs saisons, propres aux séries.

 

Au problème de financement s’ajoute le rejet massif de la publicité par les consommateurs, qui la perçoivent comme un élément perturbateur de l’intrigue. Ce rejet se reflète à travers l’utilisation grandissante de bloqueurs de publicités4 et de services de streaming légaux et illégaux, qui leur permettent d’éviter les publicités associées aux programmes en direct et en replay. Le zapping, bien que plus ancien, est encore très pratiqué, malgré l’entente de plus en plus fréquente des chaînes sur les périodes de diffusion des écrans publicitaires, afin qu’elles soient toutes synchronisées.5 Face à ce rejet massif et grandissant de la publicité, le placement de produits apparaît comme une alternative intéressante à la publicité traditionnelle car il permet aux spectateurs de suivre leur programme et son intrigue, sans risquer d’être interrompus. Ils tolèrent alors davantage cette technique publicitaire. Si elle est bien intégrée et qu’elle se fond parfaitement dans l’intrigue, elle peut même être perçue comme utile voire indispensable par le public, contrairement à la publicité traditionnelle, dont la seule vocation aux yeux des consommateurs est de vendre.

 

1 : Pour lire mon premier article, vous pouvez vous rendre sur cette page : https://www.tangram-lab.fr/2018/02/06/le-placement-de-produits-le-placement-evocateur-et-les-operations-tie-ins/
2 : Concernant la baisse de l’audience, se référer à l’article publié par Télérama le 8 Janvier 2018 : « En dix ans, les audiences télé ont baissé » http://www.telerama.fr/television/en-dix-ans,-les-audiences-tele-ont-baisse-%28mais-tf1-reste-la-premiere-chaine%29,n5427094.php ; Au sujet de la diminution des fonds disponibles des chaînes télévisées privées, voir l’article « C’est une première, les chaînes de TV gratuites perdent de l’argent », mis en ligne par Challenges le 28 Décembre 2017 : https://www.challenges.fr/media/television-la-rentabilite-des-chaines-gratuites-s-est-degradee-en-2016_557108
3 : Cette situation est abordée dans l’article « Globalement, quel que soit le média, le coût du contact unitaire baisse », publié sur le site Le Hub, de La Poste Solutions Business, le 24 Septembre 2015 : http://lehub.laposte.fr/interviews/globalement-quel-que-soit-media-cout-contact-unitaire-baisse
4 : Source : Voir l’article « Qu’est ce qui fait zapper la pub ? » sur le site d’Influencia, publié le 28 Janvier 2016. : http://www.influencia.net/fr/actualites/media-com,media,est-qui-fait-zapper-pub,6046.html
5 : Etude et chiffres à l’appui dans l’article du Parisien, en date du 18 Octobre 2017 : « Télévision : les Français «zappent» la publicité » : http://www.leparisien.fr/culture-loisirs/tv/television-les-francais-zappent-la-publicite-18-10-2017-7339344.php

 

 

2. Le placement de produits : une technique marketing relativement efficace et bien accueillie

 

Le placement de produits et de marques apparaît alors comme une technique marketing à la fois efficace et peu invasive, aussi bien pour l’annonceur qui intègre sa marque ou son produit, que pour le spectateur qui y est exposé. Ainsi, selon l’étude « Les annonceurs et le placement de produits » publiée par Public Impact en partenariat avec l’Union des Annonceurs, le 22 Mars 20126, 73% des annonceurs interrogés estiment que le placement de produits a eu un impact positif sur leur visibilité. Par ailleurs, 72,7% d’entre eux considèrent qu’il est bénéfique à leur image et 63,7% à leur notoriété. Ainsi, on constate un développement de la notoriété à hauteur de 15% et un taux de recommandation à des proches de 28%. On peut donc dire que le placement en général est très efficace et rentable par rapport aux coûts investis pour la diffusion d’un spot TV. Preuve en est, le ROI moyen d’une intégration de produits s’élève à 440% ! Mais l’efficacité de cette technique marketing est aussi reconnue par les spectateurs ! En effet, toujours d’après le rapport d’étude publié par Public Impact, ils reconnaissent que le placement de produits « facilite la mémorisation de la marque ». Cette dernière est telle qu’ils font part d’une intention d’achat deux fois plus importante que celle d’un spot TV. De plus, « 87% des spectateurs de moins de 25 ans déclarent avoir déjà eu une réaction réelle et concrète à la suite d’un placement de produits : prise de renseignement, recommandation à des proches, achat. »

 

Mais au-delà des avantages communicationnels, ce sont les résultats financiers qui sont également très appréciés des marques. La moitié des annonceurs déclarent ainsi que l’intégration de produits a positivement impacté leurs bénéfices. Le placement de produits en général, paraît d’autant plus pertinent qu’il est relativement bien accueilli par les spectateurs. En effet, selon la même étude, 96% du public interrogé « estime que le placement de produits ne nuit ni à la liberté de création, ni à la qualité de l’œuvre. ». Du point de vue de l’annonceur, toutes ces données nous permettent de confirmer l’efficacité et la rentabilité du placement de produits en général, par rapport à la publicité traditionnelle. Du côté du spectateur, cette étude démontre que l’intégration de produits est une solution face au rejet publicitaire. Elle lutte également contre l’image invasive et abusive souvent associée au placement. Ces chiffres peuvent notamment s’expliquer par le contexte et la frontière étroitement liés au divertissement. En effet, si la quasi-totalité des spectateurs pensent que l’intégration de produits ne nuit pas à l’œuvre, c’est que la marque et/ou le produit sont suffisamment bien insérés dans le contenu audiovisuel pour rester discrets, voire pour servir l’œuvre et enrichir l’intrigue.

 

Cependant, si le placement de produits est généralement bien accueilli, il est parfois (très) mal inséré dans le contenu. Dans ce cas-là, il présente alors lui un double inconvénient. Tout d’abord, d’un point de vue culturel, il est tellement remarqué de façon évidente par l’audience, qu’il en devient trop invasif et risque de sortir du contexte de l’intrigue. L’intrigue ainsi relayée au second plan, l’expérience du public se voit gâchée et l’œuvre culturelle est alors perçue comme une publicité déguisée, destinée uniquement à vendre un produit ou une marque à une cible. Les conséquences pour l’annonceur en sont ensuite généralement mauvaises car un placement associé à une expérience négative, risque de conférer une mauvaise image à sa marque ou son produit, avec une incidence très probablement négative sur ses ventes. Ces cas de mauvaise intégration ont tendance à créer une spéculation et une dénonciation infondée de placements de produits et de marques. En effet, aujourd’hui, à la moindre apparition ou citation d’une marque ou d’un produit, le public crie immédiatement au placement, sans concevoir qu’il s’agit parfois de simples recommandations ou d’un intérêt personnel du diffuseur de contenus pour la marque et/ou le produit concerné. Cette surenchère et cette spéculation nous amènent à nous intéresser au placement qui en est épargné : le placement furtif.

 

6 : Pour consulter le rapport d’étude cité, rendez-vous sur la page Slideshare suivante : https://fr.slideshare.net/conseilsmarketing/etude-sur-le-placement-de-produits

 

 

3. Le placement furtif : la meilleure intégration de produits ?

 

Ce type d’intégration reste encore le placement le moins invasif car le plus discret et le plus naturellement intégré à l’œuvre audiovisuelle. En effet, comme le placement évocateur développé dans l’article précédent, le placement furtif implique que la marque n’apparaisse pas à l’écran et ne soit pas citée. Mais contrairement à celui-ci, aucune caractéristique du produit ou de la marque n’est facilement et clairement identifiable. Seuls les connaisseurs ou fans de la marque, la reconnaissent. Intégré tout en subtilité, le placement furtif est tellement discret qu’on pourrait croire que le contenu audiovisuel ne contient aucun placement. Toutefois, étant donné qu’il s’agit malgré tout d’un placement de produits, la marque reste identifiable à la fin du générique de l’œuvre, dans lequel elle est créditée et remerciée pour le prêt ou le cadeau de ses créations. Il s’agit le plus souvent de vêtements dégriffés, sur lesquels ne figure aucune étiquette, ni aucun logo intégré dans le tissu, ou d’autres éléments susceptibles d’indiquer la marque du vêtement placé à l’écran. Il peut également s’agir de maquillage ou de parfums.

 

D’après ce que nous venons de voir, tout porte à croire que le placement furtif est la meilleure intégration de produits. Cependant, on note quelques inconvénients qui remettent en question l’efficacité d’un tel placement. En effet, l’identification très difficile de la marque, en dehors du visionnage du générique est un frein majeur.7 Certes, si le placement est en accord avec l’œuvre, la marque peut compter sur les spectateurs aguerris pour l’identifier mais malheureusement pour elle, très peu d’entre eux sont suffisamment connaisseurs et aficionados, à la fois de mode et de la marque, pour reconnaître sa patte. De plus, cette reconnaissance déjà rare et difficile, dépend également de l’attention, qui doit être très grande pour ce genre d’intégration. En effet, comme son nom l’indique, le placement furtif ne reste que quelques secondes à l’écran, un commentaire du spectateur à son voisin ou un regard rapide sur son téléphone, suffisent alors pour détourner son attention du placement furtif, déjà peu visible sans objet de distraction. Ces désavantages pourraient certes être compensés par le crédit de la marque à la fin du générique mais encore une fois, en pratique, peu de gens l’attendent pour quitter la salle de cinéma ou vaquer à d’autres occupations lorsqu’ils sont chez eux. Seuls les fans de l’œuvre, dans l’espoir de découvrir quelques extraits ou musiques exclusifs, restent jusqu’à la fin du générique.

 

Ainsi, si le placement furtif est subtil et presque naturellement intégré au contenu, il soulève différents problèmes d’efficacité. Les enjeux résident alors dans l’équilibre entre discrétion et identification, ou au contraire dans le choix de mettre l’accent sur l’une ou l’autre de ses variables. Si l’on fait le choix de l’équilibre, l’annonceur comme le réalisateur, se doivent encore davantage que pour les autres types de placements, de concevoir une intégration en adéquation parfaite avec leur cible respective et l’univers de l’œuvre comme de la marque. Si l’efficacité prime avant la discrétion, des campagnes de communication peuvent être associées au placement furtif. Elles reprennent le contexte du placement dans le film ou la série, ainsi que les codes de l’œuvre et de la marque. L’objectif est de compléter le placement mis en place et d’insister sur le produit ou la marque, souvent passés inaperçus dans le contenu audiovisuel dans lequel ils figurent. Ces campagnes sont des opérations tie-ins, que nous avons étudiées dans l’article précédent. Pour plus d’informations concernant cet outil de communication, je vous invite donc à consulter l’article « Le placement de produits, le placement évocateur et les opérations tie-ins ». Enfin, si l’on privilégie la discrétion, attention tout de même à ce que le placement ne passe pas totalement inaperçu, qui plus est s’il n’est pas accompagné d’opérations tie-ins !

 

Mais aujourd’hui intéressons-nous plutôt aux placements furtifs qui, malgré leur grande discrétion, ont su se faire remarquer sur le grand, comme le petit écran ! Nous allons donc analyser les placements furtifs présents dans Gossip Girl, Skyfall et Batman v Superman : L’aube de la Justice. Le choix de ces oeuvres repose soit sur une affinité particulière, comme c’est le cas pour Gossip Girl et Batman v Superman, soit sur la volonté de traiter d’une saga culte pour ses placement de produits, telle que James Bond, tout en s’affranchissant des intégrations connues de tous. Ainsi, nous nous concentrerons sur les critères d’association d’univers et d’image, mais aussi sur le partage ou non, de cibles communes entre l’œuvre culturelle et l’annonceur. Par extension, nous aborderons également les problématiques d’efficacité et de rentabilité de ces intégrations.

 

7 : Voir la présentation du placement furtif de référence dans La Publicité est dans le film, écrit par Jean–Marc Lehu et publié en 2006.

 

 

4. Gossip Girl et la robe “Ruffled Fillipa” signée Ralph Lauren

 

Commençons tout d’abord par le petit écran ! Comme nous l’avons vu, le placement furtif est souvent égal à vêtements dégriffés. Or s’il y a bien une série qui fait des vêtements ses acteurs principaux, et des objets de convoitise propices au placement, c’est bien Gossip Girl ! Cette série télévisée, véritable défilé de mode, a été créée par Josh Schwartz et Stéphanie Savage, d’après la série littéraire de Cecily von Ziegesar. Diffusée entre 2007 et 2012, elle est l’une des reines du placement de produits furtif. En effet, on ne compte plus les placements pour les marques liées à l’univers de la mode. De H&M à Ralph Lauren, en passant par Marc Jacobs, Jean-Paul Gauthier, Hugo Boss, Valentino, ou encore American Apparel, la série les collectionne (presque) toutes.

 

Intéressons-nous particulièrement à l’intégration de la robe « Ruffled Fillipa » signée Ralph Lauren, dans l’épisode 18 de la saison 1 intitulé « Much ‘I Do’ About Nothing », diffusé le 19 Mai 2008. L’importance et le rôle à part entière des vêtements de luxe dans Gossip Girl, ainsi que la parfaite cohérence d’univers entre le produit et la série, rendent cette intégration pertinente à analyser. Pour présenter le contexte, le personnage Serena van der Woodsen, incarné par l’actrice Blake Lively, porte cette création à l’occasion du mariage de sa mère Lily Van der Woodsen et de son beau-père Bart Bass. Ce placement est furtif car il s’agit d’un vêtement dégriffé, sur lequel la marque n’apparaît pas. Elle n’est pas non plus citée, ni visible à l’écran et sera uniquement créditée dans le générique de fin de l’épisode. De plus, le produit n’est pas clairement, ni rapidement identifiable. Il faut donc être un grand connaisseur de mode ou fan de Ralph Lauren, pour reconnaître la patte de la marque.

 

On peut dire que cette intégration de produits est intéressante car elle se fond parfaitement dans l’intrigue et l’univers de la série, tout en étant à la fois cohérente avec la cible de Ralph Lauren. La robe ici intégrée est tout à fait appropriée pour un mariage et d’autant plus pour un mariage luxueux. En effet, la série américaine prend place à New-York, dans son quartier le plus huppé : l’Upper East Side. Elle dépeint le quotidien et les péripéties de la jeunesse dorée qui l’habite. Ses protagonistes sont des adolescents et des jeunes adultes à la pointe des tendances et ayant un niveau de vie aisé. Ils correspondent donc en tout point à l’image et à la cible principale de Ralph Lauren, qui est redéfinie depuis quelques années et est en 2018 composée de jeunes, appartenant aux CSP +8. Par ailleurs, Ralph Lauren mise sur l’effet de prescription de la célébrité et l’influence de la mode sur la cible visée, pour valoriser une de ses créations. Cette grande figure de la haute couture fait en effet appel à une star aimée des jeunes, pour provoquer chez eux une identification et un désir de ressemblance, à travers son look. Cette identification est alors renforcée car le style et la mode sont deux centres d’intérêts importants des jeunes.

 

En revanche, la cohérence de ce placement de produits est à nuancer au regard de la cible de Gossip Girl. En effet, si la série présente une jeunesse aisée, cette dernière n’est pas représentative de sa cible et ne coïncide pas avec le profil de ses spectateurs, dont nombre d’entre eux ne sont pas des jeunes adultes appartenant aux CSP +. On peut donc s’interroger quant à l’efficacité d’un tel placement auprès des spectateurs de la série. Par extension, c’est également la rentabilité de cette intégration pour Ralph Lauren qui peut être mise en doute. Ainsi, bien que cohérente en termes d’univers et d’image, cette intégration n’est selon moi pas pertinente en raison de la discordance des cibles entre Ralph Lauren et Gossip Girl. Cette dernière remet alors en question l’efficacité et la rentabilité de l’intégration de la robe « Ruffled Fillipa », signée Ralph Lauren. Toutefois, ce placement reste intéressant si la marque a avant tout une problématique d’image.

 

8 : Pour plus d’informations sur la stratégie de communication de Ralph Lauren, consulter l’article de Air of Melty, publié le 7 Janvier 2015 : « Ralph Lauren : Un Polo Bar inauguré à New-York, une expérience de luxe pour les jeunes ! » : https://www.airofmelty.fr/ralph-lauren-un-polo-bar-inaugure-a-new-york-une-experience-de-luxe-pour-les-jeunes-a369057.html

 

 

5. Skyfall et les costumes Tom Ford

 

Après le petit écran, place au grand, avec une marque qui partage la même problématique, dans l’un des volets les plus médiatisés d’une saga culte pour ses placements de produits, j’ai nommé : James Bond ! Ainsi, Skyfall, le 23ème film de la saga James Bond, réalisé par Sam Mendes et sorti le 26 Octobre 2012, ne déroge pas à la règle et fait lui aussi appel à la technique marketing historique et emblématique de la saga. Que serait James Bond sans toutes ses intégrations ? Cependant, nous ne parlerons pas aujourd’hui des célèbres placements de produits pour Aston Martin, Martini ou encore Bollinger mais nous nous intéresserons plutôt à Tom Ford. Comme pour Gossip Girl, l’analyse de ce placement est pertinente en termes d’association d’univers et d’image, entre le film et la marque. Les vêtements de luxe représentent un élément indispensable à la saga James Bond et confèrent à son personnage principal l’élégance, la distinction, mais aussi l’autorité qui fondent son identité. Or, ces trois traits sont partagés par la marque Tom Ford. C’est pourquoi, la maison de haute couture a créé toute une garde-robe de costumes en partenariat avec la styliste du film, spécialement pour 007 dans Skyfall.

 

Tout au long de l’histoire, nous suivons les aventures du célèbre agent secret, dont le costume reste toujours impeccable, peu importe les péripéties et les situations. Ce placement de produits est furtif car comme dans l’exemple de Gossip Girl, les tenues sont dégriffées. La marque n’est donc pas facilement identifiable. Tom Ford compte alors sur la communication autour de l’intégration, telle que dans les articles de presse publiés par les magazines de mode Vogue ou Vanity Fair, pour donner de la visibilité à ses créations et permettre l’identification de la marque, lors du visionnage de Skyfall. De plus, elle espère également que les afficionados de James Bond regarderont son générique, dans lequel est créditée et remerciée la marque. A l’image de James Bond, Tom Ford a ainsi conçu des costumes de style classique et élégants, qui sont en fait tout à fait semblables à ceux habituellement proposés par la marque. Les smokings du célèbre agent secret reflètent alors aussi bien sa personnalité et l’univers de la saga, que ceux de la marque. Ses tenues s’intègrent également très bien à l’intrigue du film. Résistantes et souples à la fois, elles s’adaptent à toutes les aventures vécues par James Bond et restent impeccables dans toutes les circonstances.

 

Au-delà de l’univers et de l’intrigue, la marque s’accorde avec l’œuvre audiovisuelle grâce à leur cible commune. En effet, Tom Ford s’adresse principalement aux hommes et femmes urbains, appartenant aux CSP + et âgés entre 25 et 55 ans9. Cette cible est également celle de la saga James Bond et de Skyfall. Toutefois, on peut l’élargir à un public bien plus vaste, autant en termes de tranches d’âge que de niveaux sociaux car James Bond est une saga intergénérationnelle, qui touche une grande variété de catégories sociales. Ainsi, si ce placement est à la fois cohérent avec l’univers et les valeurs de Skyfall et ceux de Tom Ford, leurs cibles sont, comme pour Gossip Girl et Ralph Lauren, trop différentes pour parler d’une intégration de produits suffisamment pertinente et efficace. Cependant, cette discordance de cibles n’a pas empêché Tom Ford de créer à nouveau les costumes de James Bond, dans le volet suivant de la saga : 007 Spectre, une nouvelle fois réalisé par Sam Mendes et sorti le 11 Novembre 2015. Ainsi, l’on peut supposer que si le partenariat entre le film et la marque a été renouvelé, le placement a été suffisamment efficace et rentable, sur la petite partie de la cible que Skyfall et Tom Ford ont en commun. Au-delà de l’efficacité et de la rentabilité, si comme Ralph Lauren, Tom Ford avait une problématique d’image, alors le placement dans Skyfall et son renouvellement dans Spectre, restent intéressants pour la marque comme pour la saga James Bond.

 

9 : Cibles de Tom Ford abordées dans l’interview « Who is the Tom Ford Customer? | CNBC Conversations », mise en ligne par CNBC sur sa chaîne Youtube « CNBC Life », le 24 Février 2015 : https://www.youtube.com/watch?v=btlgsKIvN0M

 

 

6. Batman V Superman et les tenues Gucci

 

Autre placement furtif d’une marque de haute couture dans un volet d’une saga à succès : Gucci dans Batman v Superman : L’Aube de la Justice. Encore une fois, l’analyse de ce placement est intéressante pour la cohérence d’univers et d’image entre la marque et le film. Les vêtements de luxe représentent à nouveau des éléments essentiels à la crédibilité et au réalisme de l’identité du milliardaire Bruce Wayne / Batman. Réalisé par Zack Snyder et sorti en 2016, ce volet emprunte les pas de Man of Steel, aussi bien en termes d’intrigue que de placements de produits. Toutefois, si Superman était le héros de mon premier article, c’est aujourd’hui au tour de Batman. Incarné par l’acteur Ben Affleck, il porte tout au long du film et de la tête au pied, une garde-robe entière de tenues et accessoires Gucci. Des lunettes de soleil aux costumes, en passant par les chemises, les vestes, les chaussures, les ceintures, les manteaux et les accessoires, la marque de haute couture a prévu toute une collection particulière pour le film. Pour Batman v Superman, Gucci a même créé des boutons de manchettes, des cols et des pinces à cravate, personnalisés avec les initiales du super-héros.

 

Ce placement est une fois encore furtif car comme pour les autres exemples, la marque n’est jamais citée ni présentée à l’écran, excepté lors du générique de fin. Toutefois, de la même manière que Ralph Lauren et Tom Ford, la marque a bénéficié de bonnes retombées presse, qui ont développé la visibilité de ses intégrations de produits dans le film. Ces dernières sont tout à fait pertinentes par rapport à l’intrigue de Batman v Superman et au personnage de Bruce Wayne. En effet, le super-héros Batman est incarné par ce milliardaire et homme d’affaires de la ville fictive de Gotham, qui dirige son entreprise éponyme. Son immense fortune lui permet d’acheter une multitude de gadgets et de technologies, essentiels à sa panoplie de super-héros et sa métamorphose en Batman. Mais lorsqu’il redevient Bruce Wayne, l’homme d’affaires vit à la hauteur de ses moyens et de sa réputation. On ne compte plus les maisons, les voitures, les bijoux, les stylos… mais aussi bien sûr, les costumes et autres smokings de luxe du célèbre milliardaire de fiction !

 

La marque de haute couture Gucci s’intègre donc très bien dans l’univers et l’histoire de Batman / Bruce Wayne. Elle apparaît même essentielle au réalisme et à la crédibilité de l’œuvre car on verrait mal Bruce Wayne porter des costumes bon marché… En termes de ciblage, si Batman v Superman comme Gucci, souhaitent particulièrement toucher les jeunes entre 18 et 35 ans, le profil de leurs cibles respectives est très différent. Batman v Superman appartenant à l’univers DC Comics, il cible toutes les CSP confondues mais s’adresse plutôt à un public averti, fan de la première heure de super-héros. En revanche, Gucci touche avant tout les CSP++ et même si elle s’intéresse de plus en plus aux milléniaux10, la marque cible encore principalement des profils de personnes plus âgées, avec un revenu et un mode de vie plus aisés. C’est pourquoi, comme pour les exemples précédents, on peut souligner une discordance de cibles entre l’œuvre culturelle et l’annonceur, malgré une très bonne association d’univers et d’image. Ainsi, l’efficacité et la rentabilité du placement sont à nouveau remises en cause mais Gucci peut toutefois compter sur les retombées en termes de réputation et d’image.

 

 

L’ensemble des exemples que nous avons analysés nous permettent donc de dégager une récurrence, à la fois dans la cohérence des univers mais aussi dans la discordance des cibles, entre l’œuvre culturelle et l’annonceur. Néanmoins, on note quelques différences dans le degré de discordance des cibles. En effet, pour Skyfall, la marque et le film ont tout de même une petite partie de leurs cibles respectives en commun. Au-delà des exemples étudiés, cette analyse pourrait surement s’appliquer à bons nombres de placements furtifs car beaucoup concernent des vêtements dégriffés et donc souvent des marques de luxe. Or comme nous avons pu le voir précédemment, ces dernières s’adressent souvent à des cibles bien différentes de celles des œuvres culturelles, dans lesquelles elles ont choisi d’intégrer leur(s) création(s).

 

 

Après avoir analysé le contexte dans lequel évolue le placement de produits, ses raisons d’être, mais aussi le cas spécifique du placement furtif, nous nous intéresserons dans le prochain article aux tendances actuelles à travers le prisme des réseaux sociaux. Nous parlerons également de l’intégration de produits en pratique : Qui sont les acteurs du marché ? Quelles sont les modalités de placements ? Les différents types de contrat ? Les coûts ou encore les négociations menées ? Ainsi, nous traiterons des acteurs et des éléments tangibles, qui concrétisent et matérialisent cette association entre le marketing et l’art.

 

10 : Cibles de Gucci énoncées par Challenges, dans l’article « Gucci, très optimiste, pense faire deux fois mieux que le marché », publié le 3 Juin 2016 : https://www.challenges.fr/entreprise/gucci-tres-optimiste-pense-faire-deux-fois-mieux-que-le-marche_20747

 

 


Webo-bibliographie :

1 :« En dix ans, les audiences télé ont baissé » : http://www.telerama.fr/television/en-dix-ans,-les-audiences-tele-ont-baisse-%28mais-tf1-reste-la-premiere-chaine%29,n5427094.php
2 :« C’est une première, les chaînes de TV gratuites perdent de l’argent » : https://www.challenges.fr/media/television-la-rentabilite-des-chaines-gratuites-s-est-degradee-en-2016_557108
3 :« Globalement, quel que soit le média, le coût du contact unitaire baisse » : http://lehub.laposte.fr/interviews/globalement-quel-que-soit-media-cout-contact-unitaire-baisse
4 :« Qu’est ce qui fait zapper la pub ? » : http://www.influencia.net/fr/actualites/media-com,media,est-qui-fait-zapper-pub,6046.html
5 :« Télévision : les Français «zappent» la publicité » : http://www.leparisien.fr/culture-loisirs/tv/television-les-francais-zappent-la-publicite-18-10-2017-7339344.php
6 :Rapport d’étude sur le placement de produits : https://fr.slideshare.net/conseilsmarketing/etude-sur-le-placement-de-produits
7 :« Ralph Lauren : Un Polo Bar inauguré à New-York, une expérience de luxe pour les jeunes ! » : https://www.airofmelty.fr/ralph-lauren-un-polo-bar-inaugure-a-new-york-une-experience-de-luxe-pour-les-jeunes-a369057.html
8 :« Who is the Tom Ford Customer? | CNBC Conversations » : https://www.youtube.com/watch?v=btlgsKIvN0M
9 :« Gucci, très optimiste, pense faire deux fois mieux que le marché » : https://www.challenges.fr/entreprise/gucci-tres-optimiste-pense-faire-deux-fois-mieux-que-le-marche_20747
10 : Cibles de Gucci énoncées par Challenges, dans l’article « Gucci, très optimiste, pense faire deux fois mieux que le marché », publié le 3 Juin 2016 : https://www.challenges.fr/entreprise/gucci-tres-optimiste-pense-faire-deux-fois-mieux-que-le-marche_20747

 

Sources et crédits photos de gauche à droite :

• L’image de Gossip Girl : https://seriesblog.tv/wp-content/uploads/2014/06/gossip-girl.jpg
• L’image de Skyfall : http://www.foxfrance.com/skyfall
• L’image de Batman V Superman : https://serialblogueuses.files.wordpress.com/2016/03/batman-vs-supermanmovie.jpg