Aujourd’hui, l’esport est un phénomène mondial qui s’est installé parmi les nouveaux acteurs du divertissement. Les compétitions sur les jeux les plus populaires rassemblent plusieurs millions de personnes. L’audience globale est en constante augmentation et nous pouvons constater que l’esport en plus de se développer à l’international prend de plus en plus forme à différentes échelles. Que ce soit les régions, mais aussi les pays, les acteurs et les instances se forment et l’esport tend donc à devenir un marché stable et développé dans le monde entier.

Nous pouvons nous demander quels sont les enjeux de l’esport pour les années à venir et quelles peuvent être les tendances à surveiller. Nous allons aussi nous intéresser aux perspectives d’avenir de l’esport que ce soit par la technologie ou par le sport et sa potentielle intégration aux Jeux olympiques.

LES ENJEUX POUR L’ESPORT

Les acteurs se professionnalisent et permettent à des entités extérieures de comprendre et d’investir le marché, mais certaines questions restent ouvertes. Nous allons ici étudier les enjeux majeurs de l’esport.

STABILISER ET ENCADRER L’ESPORT

Si l’esport se développe sur différents jeux, il faut toutefois bien prendre en compte le fait qu’il ne se développe pas à la même vitesse sur tous les jeux. Nous avons pris connaissance du fait que tous les éditeurs n’investissaient pas l’esport de la même manière, étant pleinement actifs, partiellement ou, n’y prenant pas part. Reste cependant la nécessité pour l’esport de se structurer est d’établir des instances pour réguler l’écosystème à un niveau global.

LES DROITS DE DIFFUSIONS & CRÉATION DE STADES.

Comme nous avons pu l’évoquer, l’esport se calque sur le sport pour ce qui est de son fonctionnement et de son organisation et cela compte aussi pour les moyens de générer de l’argent. Cependant, l’esport, nous l’avons vu, n’est pas pleinement positionné sur la question des droits de diffusion et de vente de tickets. Avec l’intérêt croissant pour l’esport à travers le monde, de plus en plus de médias vont eux aussi vouloir profiter du phénomène.

A contrario du sport où il faut payer pour regarder des matchs ou des contenus, l’esport le propose gratuitement sur les différents réseaux que sont Twitch, YouTube, etc. Nous pouvons imaginer que dans les années à venir certains médias, certaines plateformes de diffusion voudront posséder l’exclusivité et maximiser leur audience.

Aujourd’hui les retombées économiques des partenariats passés entre éditeurs et diffuseurs ne sont pas redistribuées aux équipes. Les structures esports ne profitent pas de la création de valeur de la diffusion des matchs auxquels elles prennent part. Nous pouvons donc supposer que dans les années à venir la question de la répartition de ces revenus se posera et qu’elle contribuera à modifier la manière que nous avons de consommer l’esport.

Nous pouvons aussi être amenés à penser que la création de stades ou d’arènes pour les équipes se développera dans les années à venir. Jusqu’alors peu d’équipes profitent de telles infrastructures, mais nous observons que la mise en place du système de franchise et l’impulsion des jeux comme Overwatch ou encore Rainbow Six nous confortent en ce sens.

Ainsi les équipes pourraient accueillir leurs fans lors de matchs amicaux et de rencontres compétitives et dégager ainsi une nouvelle forme de revenu.

Une des premières équipes à se doter d’une arène pour accueillir des spectateurs a été annoncée en mars 2019. Ce sont les Philadelphia Fusion, une équipe professionnelle du jeu Overwatch qui en profitera en 2021. La réalisation d’une telle opération étant rendue possible grâce au partenaire de la structure, ComCast Spectacor, qui finance ce projet de 50 millions de dollars.

RASSEMBLER LES EFFORTS

Aujourd’hui, nous pouvons observer deux entités qui tentent de mener à bien cette mission au niveau international : la WESA (World esport association) et L’IeSF (Fédération internationale d’esport)

La WESA a été fondée en 2016 à la suite de l’initiative des acteurs de l’esport comme l’ESL et des équipes professionnelles (Fnatic, G2 esports, Optic Gaming etc…). Cette association cherche à standardiser et réguler l’esport, mais plus particulièrement à organiser l’esport et à travailler auprès des équipes, des joueurs et des structures organisatrices de compétitions.

L’IeSF, quant à elle, est la structure la plus développée et existe depuis 2008, à cette époque elle réunissait alors 9 associations et a évolué pour maintenant, en 2019, comptabiliser 53 pays membres. La mission que se fixe cette fédération nous montre les enjeux de l’esport, à savoir :

  • Promouvoir l’esport et les esportifs
  • Continuer de fédérer de nouvelles nations
  • Mettre en place une régulation et des standards pour l’esport à l’international

La régulation et la mise en place de standards pour l’esport permettraient au marché de se stabiliser et de donner aux néophytes, mais aussi aux marques, davantage d’information sur le fonctionnement de l’esport et sur le fonctionnement des compétitions.

Un des enjeux pour l’esport est donc de structurer et réguler le marché et son fonctionnement. Cela doit se traduire par un regroupement des instances de régulation et des initiatives qui sont menées pour clarifier le marché et son fonctionnement.

DES PAYS DIFFÉRENTS, DES ENJEUX DIFFÉRENTS

Si l’esport doit se structurer davantage au niveau international, il doit aussi se penser à des échelles nationales. C’est ce que nous pouvons voir avec les associations comme France Esport ou L’Association coréenne pour l’esport (KeSPA). Ces deux associations couvrent toutes les deux des caractéristiques spécifiques à l’image des deux entités internationales dont nous avons parlé précédemment.

France Esport cherche à rassembler les acteurs de l’écosystème esportif français. KeSPA cherche davantage à organiser l’esports sur des jeux spécifiques à savoir League of Legends, Dota 2, CS : GO, etc. Ces associations travaillent avec leur pays pour avancer et établir une reconnaissance de l’esport.

D’autres pays en revanche ne suivent pas ce schéma, c’est ce que nous pouvons observer en Allemagne. En effet, la Fédération des Sports olympiques allemande (DOSB) refuse de reconnaitre l’esport comme sport. Nous pouvons même signaler que la DOSB ne juge pas nécessaire d’adopter l’appellation esport et préfère parler d’e-gaming pour tout ce qui n’est pas relatif à un jeu de simulation de sport.

Si l’esport n’est pas encore reconnu comme un sport, par tout le monde, certaines structures internationales se posent aussi la question, c’est le cas notamment des Jeux olympiques.

 

PERSPECTIVES D’AVENIR

En 2012, l’esport générait 130 millions de dollars de revenus à travers le monde. En 2018 c’est 865 millions de dollars qui ont été engendrés par le marché et les observateurs du marché prévoient d’ici à l’horizon 2022 que l’esport générerait plus de 1 790 millions de dollars[1].

Nous l’aurons compris, l’esport génère de plus en plus d’intérêt de la part de l’audience de fans et de plus en plus de jeux deviennent des jeux esport. Toutefois, si l’esport est un divertissement à part entière pouvons-nous le considérer comme un sport pour autant ?

 

ET SI L’ESPORT DEVENAIT DISCIPLINE OLYMPIQUE ?

L’avenir de l’esport semble excitant et plusieurs questions peuvent se poser à ce sujet. La première concerne sa possible intégration en tant que discipline olympique. Ce sujet divise même au sein de la communauté de l’esport et tous les acteurs du marché ne voient pas une telle intégration de la même manière.

Si certains y voient l’opportunité de démocratiser l’esport et voient les Jeux olympiques comme un moyen de faire découvrir l’esport, d’autres sont plus réservés à ce sujet.

En effet la question principale étant de savoir quels jeux représenteraient l’esport sur la scène internationale pour ce genre d’événement. Les jeux, sont détenus par des compagnies privées et décider de mettre en avant un jeu plutôt qu’un autre reviendrait à faire la promotion de certaines entreprises au détriment d’autres. Se poseraient alors des questions d’ordre financier et publicitaire.

Certains se posent aussi la question de savoir qui aurait la légitimité de choisir les jeux qui seraient présents aux Jeux olympiques. Comme nous avons pu l’évoquer dans un précédent article, l’esport est bien souvent à l’origine le résultat d’une impulsion et d’une volonté d’une communauté. Si c’est au Comité International Olympique que revient la charge de choisir un jeu, quelle sera la légitimité de ce dernier à l’international et au regard de la communauté ?

Ces questions sont donc au cœur des préoccupations des instances de l’esport et des structures qui souhaitent l’encadrer.

Des discussions ont notamment eu lieu en 2017 et 2018 à Lausanne entre le Comité International Olympique (CIO) et l’association mondiale des Fédérations internationales de sport (GAISF), et des acteurs de l’esport (des éditeurs de jeux, des responsables d’équipes professionnels [2]). Ces rencontres avaient pour objectifs de comprendre quels étaient les enjeux à courts et moyens termes et d’étudier dans quelles mesures l’esport pourrait être intégré aux Jeux olympiques.

De ces discussions sont ressortis des éléments majeurs montrant les axes et les enjeux pour l’esport. Ces échanges ont aussi permis de mettre en lumière les conditions pour, un jour peut-être, permettre à l’esport d’intégrer les Jeux Olympiques en tant que discipline officielle.

Le Comité International Olympique et les parties prenantes des jeux reconnaissent l’importance de l’esport à l’échelle internationale.

Kit McConnell, Directeur des sports du CIO déclarait en 2018 lors du Forum sur l’esport :

« Nous sommes heureux d’accueillir notre premier Forum sur l’esport. C’est une occasion unique pour le Mouvement olympique et les représentants de l’esport et des jeux vidéo de nouer le dialogue, d’écouter, d’apprendre les uns des autres et de comprendre les éventuelles possibilités de collaboration. Le CIO et la GAISF suivent de près le développement rapide de l’esport au niveau mondial ; aussi sommes-nous impatients d’entamer les discussions. »[3]

Ce communiqué met en lumière le fait que l’intégration de l’esport aux Jeux Olympiques intéresse autant les jeux vidéo que les structures des Jeux Olympiques. De plus, cette discipline permet de capter l’attention d’une audience jeune dans de nombreux pays, et cela intéresse le CIO et la GAISF.

Le CIO désire contribuer à un monde de paix et sans violence et c’est dans ce sens que les jeux vidéo doivent s’aligner pour intégrer les Jeux olympiques. Les valeurs profondes de cet événement sont : l’amitié, le respect, l’excellence et l’égalité, ces valeurs mettent donc de côté une majeure partie des jeux, notamment les jeux violents.

Si le CIO se montre intéressé et il réfléchit à l’intégration de l’esport au niveau mondial d’autres compétitions ont déjà passé le pas. En effet, les Asian Games, qui sont considérés comme le deuxième événement multisport après les Jeux Olympiques, ont intégré l’esport lors de la dernière édition des jeux tenus en 2018 en Indonésie. La discipline a été intégrée en tant que sport de démonstration et l’objectif est de l’intégrer pleinement à la compétition, c’est-à-dire récompensée par une médaille, lors les prochains Jeux d’Asie.

C’est donc six jeux qui ont été sélectionnés par l’organisation des Jeux d’Asie pour présenter l’esport lors de cet événement à savoir :

  • Arena of Valor — Moba sur mobile de Tencent
  • Clash Royal — Jeu de Cartes sur mobile de Supercell
  • Hearthstone — Jeu de Cartes d’Activision Blizzard
  • League of Legends — Moba de Riot Games
  • Pro Evolution Soccer Simulation de sport : Football de Konami
  • StarCraft II — Jeu de stratégie en temps réel d’Activision Blizzard

Nous remarquons l’absence de jeux violents à caractère réaliste comme les Jeux de Tir à la première personne au profit de jeux Fantasy. Les jeux ont été sélectionnés sur leur popularité dans la région asiatique et nous remarquons que l’esport mobile, qui est très développé en Asie, est bien intégré dans cette première participation des jeux vidéo à une compétition multisport internationale.

L’esport se développe et doit encore se développer pour être intégré dans des événements de ce type. L’intérêt que lui portent des structures extérieures est bel et bien présent et incite tous les acteurs du marché à se positionner et à travailler ensemble pour créer et installer un esport mondial stable et pérenne.

Après avoir étudié tous ces éléments, nous pouvons nous demander si l’esport doit se rapprocher du sport. L’esport est-il un sport qui doit rejoindre les autres disciplines par le biais des compétitions multisports ? Doit-il se suffire à lui-même et créer sa propre compétition rassemblant l’ensemble des jeux et créer sa propre compétition internationale ?

Si l’esport est un marché prometteur, il faut garder à l’esprit que ce marché a généré en 2018, 865 millions de dollars à l’échelle mondiale. Mais en comparaison au marché des jeux vidéo, qui la même année engendrait 137,9 milliards de dollars[4], l’esport n’en est encore qu’à ses débuts et il faut laisser le temps à ce marché de trouver son organisation afin de créer les conditions optimales lui permettant de devenir important, et plus fort.

 

VERS UNE INTÉGRATION ACCRUE DES NOUVELLES TECHNOLOGIES DANS L’ESPORT ?

Les avancées technologiques s’intègrent au fur et à mesure dans l’univers des jeux vidéo et par extension dans l’esport. Aujourd’hui, peu de jeux connus et établis sur la scène esport sont développés avec pour pierre angulaire la Réalité augmentée (AR) ou la Réalité virtuelle (VR).

Pourtant, la réalité virtuelle tend à se démocratiser et nous pouvons observer des jeux se développer et adopter l’esport. Les jeux que nous pouvons citer en exemple sont Echo Arena, Echo Combat, Onward ou encore Space Junkies. Tous ces jeux sont intégrés au sein d’une ligue intitulée « VR League » une compétition organisée par l’organisateur de tournois ESL et « Oculus » (une des principales sociétés société de VR).

Si aujourd’hui ces jeux ne représentent qu’une niche dans le marché des jeux vidéo et de l’écosystème de l’esport nous pouvons imaginer que les avancées technologiques permettront la démocratisation de cette pratique, qui est encore coûteuse aujourd’hui, grâce à son amélioration technique.

Si dans la majorité des cas les jeux présents aujourd’hui restent « simples » et se contentent d’amener les gamers à se tenir debout, s’accroupir, à recharger, ils ne permettent pas de marcher physiquement.

Ces améliorations sont à entrevoir et peuvent déjà être aperçues par le biais de la technologie de « Free Roaming » qui donne la possibilité pour les joueurs de se déplacer librement en étant équipés de matériel de VR, dans des salles de plusieurs centaines de mètres carrés, donnant alors lieu à de nouvelles expériences totalement immersives.

Aujourd’hui les jeux esport en VR semblent être le meilleur moyen d’associer l’activité physique et le divertissement du jeu vidéo. Il est important de suivre ce domaine et d’observer si cette pratique va s’intégrer à ce que nous appelons esport ou alors évoluer de son côté.

 

Intégration de la Réalité virtuelle et des Jeux vidéo pour une expérience immersive et sportive

Intégration de la Réalité virtuelle et des Jeux vidéo pour une expérience immersive et sportive

 

CONCLUSION

L’esport est un marché en pleine croissance qu’il n’est plus possible d’ignorer. La pratique des jeux vidéo de matière professionnelle n’est plus considérée comme un marché de niche, mais bel et bien comme une nouvelle forme de divertissement permettant d’engager une génération aussi bien en digital qu’en physique.

La photographie que nous avons faite ensemble de l’esport est amenée à évoluer pour se structurer dans les années à venir. L’esport est en effet le résultat de l’interaction entre des joueurs et des jeux, mais aussi un divertissement rendu aussi possible par les investissements d’annonceurs qui croient au pouvoir des passions.

De plus l’esport est un univers qui se réinvente sans cesse avec de nouveaux jeux et de nouvelles pratiques liées aux avancées technologiques.

L’esport, au-delà d’être un marché, est une réelle passion qui fait vibrer une multitude d’acteurs.

De nombreux axes d’améliorations sont encore à explorer et à exploiter pour continuer de le faire évoluer, mais l’avenir de l’esport est excitant et nous invite à y prendre part.

Nous avons vu ensemble l’esport dans son aspect théorique et je ne peux que vous inciter à passer à la pratique en vous invitant à vous rendre dans une compétition d’esport ou à jouer à un jeu pour expérimenter et comprendre encore davantage l’esport de la meilleure des manières, c’est-à-dire en le vivant.

Have Fun !

 

 

[1]Statista, « Revenue of the global eSports market 2012–2022 » publié en 2019 sur https://www.statista.com/statistics/490522/global-esports-market-revenue/, consulté en 2019
[2]The Esports Forum [Communiqué de presse]. (2018, juillet). Récupéré 12 avril 2018, de https://stillmed.olympic.org/media/Document%20Library/OlympicOrg/News/2018/07/esports-forum/IOC-GAISF-Esports-Forum-Programme.pdf#_ga=2.153225021.440114717.1555091271-1603808593.1555091271
[3]Comité International Olympique. (2018, 16 juillet). Le CIO et la GAISF organisent un forum sur l’e-sport —Olympic News. Récupéré 12 avril 2019, de https://www.olympic.org/fr/news/le-cio-et-la-gaisf-organisent-un-forum-sur-l-e-sport
[4]Tom Wijman, T. W. (2018, 30 Avril). “Global Games Market Revenues 2018 | Per Region & Segment » via le site : Newzoo. Récupéré 13 avril 2019, de https://newzoo.com/insights/articles/global-games-market-reaches-137-9-billion-in-2018-mobile-games-take-half/