Cet article s’inscrit dans la continuité de l’article : Le brand content digital et les grands parcs d’attractions européens. En effet, pour expliquer les stratégies de contenus de marque des grands parcs d’attractions européens, il est important de souligner dans un premier temps le lien fort entre le brand content digital et la stratégie de communication, et dans un second temps la place du storytelling et de l’émotion au sein de cette dernière.

Le storytelling, ou l’art de raconter des histoires est un procédé très utilisé en communication, marketing et publicité. On traduit souvent ce terme en français par communication narrative 1. Au lieu de vendre un produit par un procédé classique (un slogan, des images du produit et ses avantages), le communiquant va utiliser le récit afin de convaincre le client. Dans ce genre de contenus, le produit ou la marque est le héros de son histoire.

Grâce à la narration, on peut faire appel aux émotions du spectateur, augmentant ainsi son attrait pour la marque. Dans la publicité, le storytelling est le plus souvent fondé sur une histoire vraie (fondation de la marque, histoire du/des fondateur(s)…), mais elles peuvent également être inventées. Une campagne en storytelling peut être ponctuelle ou bien filée depuis des années.

On retrouve le storytelling dans les publicités “classiques”, à la télévision ou bien sur le web, mais aussi via la communication politique, ou même dans la communication interne des entreprises mais surtout dans le brand content. Les deux procédés de communication sont étroitement liés. Le brand content, (qu’il soit numérique ou non) représente les contenus publiés et crées par la marque. Il est souvent fondé sur le storytelling. Pour plus d’informations sur le brand content digital, je vous propose de lire cet article.

En racontant une histoire, on capte facilement l’attention de l’auditeur. Il est ensuite important de le tenir en haleine afin qu’il suive l’histoire. Le storytelling, à l’instar de la publicité, a pour but de créer un besoin, ou bien d’influencer le spectateur dans son choix (notamment en politique).

Pour comprendre l’impact du storytelling, deux expériences ont été réalisées 2 dans deux contextes tout à fait différents.

Le premier avec un jeu vidéo développé par L’Institute for Creative Technology (fondé en 1999 à l’université de Californie du Sud). L’histoire se passe dans une ville en ruines à cause de la guerre. Près d’un terrain de foot abandonné, un groupe d’enfants vient vous prévenir du danger des mines posées dans les environs. Des hommes autour de vous sont suspects et ressemblent aux hommes que recherche votre commandant. Que faire ? Des graffitis sont tagués sur les murs, et votre radio se met à faire du bruit. Il ne reste que 5 minutes et vous vous souvenez soudainement des consignes de votre mission “Méfiez-vous de tout et de tout le monde. Ne croyez en rien ni personne. Mais qu’ils sachent que vous êtes là et sur vos gardes.” Ce scénario a été conçu pour le jeu ES3 (Every Soldier a Sensor Simulation) afin d’entraîner les soldats américains en Irak. Le but est d’utiliser un scénario et un récit afin de tester et forcer les soldats à faire des choix et agir rapidement.

La deuxième expérience a été montée par Diana Hartley auprès de grands dirigeants de multinationales. La consultante a commencé son séminaire auprès de grandes entreprises par lire un livre pour enfant. La première réaction de l’assemblée a été de dire “les histoires c’est pour les enfants”. Mais malgré l’air crispé des dirigeants assis en face d’elle, elle commença à raconter son histoire Harold et le Crayon de Crockett Johnson.

Chacun d’entre nous a gardé sa part d’enfance, et il est facile de la faire ressortir grâce au récit. Les histoires ramènent l’humain vers cette époque innocente qu’est l’enfance, où tout est imaginable, où tout est possible. Le souvenir de ces années d’insouciance réussit à adoucir les visages, faire sourir les gens et installe un climat de confiance. Dans l’expérience faite par Diana Hartley, après avoir raconté l’histoire, l’assemblée était plus à l’écoute, les visages adoucis, et le stage a pu se dérouler avec un public beaucoup plus attentif.

Les différentes formes et la construction du storytelling

Deux types de storytelling sont à distinguer. Il existe le récit oral et le storytelling digital ou en français, numérique. La différence majeure entre ces deux procédés est l’immersion. Avec le récit oral, on va faire appel à l’imagination du public, lui conter une histoire et le laisser se projeter. Le storytelling digital lui fait appel à nos ressentis. On peut prendre l’exemple de la réalité virtuelle, de la 3D, 4D ou plus simplement d’une vidéo ou un court métrage.

Un récit de storytelling se construit de la même manière que dans la littérature. Le schéma narratif est habituellement composé de 5 étapes.

  1. Situation initiale
    On plante le décor et on présente les personnages et leur environnement. Cette étape permet de poser un cadre. La situation initiale est souvent stable, rien ne peut venir perturber la vie du héros.
  2. L’élément perturbateur
    Quelque chose ou quelqu’un va venir perturber le quotidien du héros. Cette étape va représenter le début de l’aventure. On l’appelle également élément déclencheur.
  3. Déroulement
    Ce sont toutes les péripéties du héros et de ses amis. En effet, un héros part rarement seul à l’aventure. Avoir des alliés est très important. C’est souvent grâce à ses amis qu’il triomphe.
  4. Dénouement
    L’aventure est sur le point de prendre fin. C’est le moment décisif où l’on va pouvoir voir si le personnage principal va réussir et atteindre son objectif.
  5. Situation finale
    Une fois le dénouement terminé, vient la fin de l’histoire. Cette fin est souvent accompagnée d’une nouvelle situation stable pour le héros, qu’elle soit bonne ou mauvaise. Une morale accompagne fréquemment la situation finale, que ce soit dans les contes pour enfant mais aussi en storytelling.

Pour toute campagnes de storytelling, il est très important de bien travailler son schéma narratif. Une histoire bien structurée pourra facilement être le fond d’un très bon contenu de marque.

Le storytelling existe depuis la naissance de l’humanité. Le scénariste américain Robert mckee dit que “les histoires sont la monnaie d’échange des rapports humains”3. Cependant d’après Christian Salmon, c’est dans les années 90 que le storytelling a réellement pris sa place dans le monde de la communication et de la publicité. Cette technique de communication a rencontré un franc succès, une renaissance et c’est à ce moment-là qu’est apparu le terme de “storytelling revival”4, symbolisant la renaissance du storytelling.

Le storytelling d’après Matthieu Guével 5 (“strategic content” à L’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture) est l’art de convaincre par l’émotion.

Entre une présentation émouvante et dynamique et un discours argumenté point par point, vous conviendrez que l’une des deux plaît davantage au plus grand nombre. Comme disait Blaise Pascal, “le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point.” Les émotions que l’on ressent laissent des traces et ce genre de présentations sont plus facilement mémorisées.

C’est pourquoi dans cet article, nous nous poserons la question suivante : comment les grands parcs d’attractions européens utilisent l’art de raconter des histoires et l’émotion pour influencer leur public au travers de leur stratégie de communication ?

1 – Le storytelling au service des marques

La recette du storytelling 6 est de pouvoir trouver un équilibre entre imagination et faits réels. Même si c’est une technique très ancienne, il est impératif d’en respecter les codes afin d’obtenir une campagne réussie. Le storytelling amène une connexion forte avec son spectateur, une sorte de complicité. C’est grâce à cela qu’elle est beaucoup plus appréciée que les techniques de publicité classiques qui sont, elles, perçues comme intrusives. Le storytelling délaisse le slogan publicitaire et l’argument de vente “agressif”. Cependant, cela reste une campagne de communication avec des coûts élevés et donc des objectifs de rentabilité pour l’annonceur.

Asseoir son positionnement et ses valeurs par le récit permet une meilleure mémorisation de la marque, sans avoir à utiliser du “matraquage publicitaire” comme avait pu le faire Mercurochrome ou Leclerc auparavant. Répéter son slogan publicitaire 6 fois d’affilée favorise la mémorisation. Si je vous dis “Mercurochrome” tout le monde à en tête “le pansement des héros”, mais également un sentiment d’agacement lié au souvenir de cette publicité. C’est en cela que le storytelling est une technique publicitaire excellente. Le contenu est mémorisé facilement et cela permet même de divertir, ou amuser le spectateur.

Pour cela, il faut une histoire captivante. Plusieurs choix s’offrent à nous : de l’action, de la nostalgie, de l’amour ou encore une satire. Une histoire courte, impactante et claire sera plus facilement appréciée et donc mémorisée.

Être un bon storyteller ne s’invente pas. Quand on pense storytelling et parc d’attractions le premier exemple qui vient à l’esprit est Disneyland Paris. D’après Sébastien Durand 7, expert français en storytelling, Walter Elias Disney lui-même disait “Je suis un Storyteller. De toutes les choses que j’ai faites, je voudrais qu’on se souvienne de moi en tant que Storyteller ! “. Objectif atteint pour le fondateur de The Walt Disney Company. Même s’il est décédé avant l’ouverture de Disneyland Paris le 12 avril 1992, c’est bien lui qui a conçu l’organisation et l’histoire des parcs Disneyland à travers le monde. Le premier parc a été celui de Californie le 17 juillet 1955.

Photographie du parc Disneyland de Californie en 1955

Là-bas, tout est storytelling. D’après le témoignage de Denis Gentile 8, digital storyteller et ancien salarié de Disneyland Paris, le personnel du parc n’est pas nommé simplement “employés” mais “cast members”. Quand une personne rentre dans l’équipe de Disneyland Paris, il fait automatiquement partie du grand spectacle. Pour chaque zone du parc les cast members portent un costume différent cohérent avec l’univers qui l’entoure. C’est cette magie et ce sens du détail qui est transmise à travers leur communication. Dans les parcs Disney, tout est construit autour d’histoires. Prenons “Main Street” dans un parc Disneyland par exemple. Ce sont les rues où le créateur du parc en question a passé son enfance. Les bâtiments, fontaines et buissons sont codifiés pour avoir une ambiance la plus immersive possible dans la grande histoire de Disney. Le storytelling semble être une très bonne solution de communication pour les parcs d’attractions, mais pourquoi ?

a – Quels sont les avantages du storytelling ?

a – 1 Une identité et un positionnement clair

Le storytelling permet de mettre en place un univers propre à la marque. Qu’il soit retranscrit à travers un article, une affiche, ou une vidéo, l’identité de la marque doit être reconnaissable et facilement compréhensible.

a – 2 Donner une dimension humaine à la marque.

En racontant une histoire à son audience, un lien de proximité se crée. Le rôle de la marque n’est plus simplement de donner un message publicitaire pour inciter à l’achat mais de faire ressentir des émotions à son public et créer un lien de confiance. Grâce à cette relation, le prospect sera plus réceptif et souvent plus fidèle. C’est ce qui a été introduit en 1953 en communication par Georges H.Brown, le “brand loyalty” 9. Ce procédé comprend toutes les techniques permettant à une marque de fidéliser le client afin qu’il lui soit loyal et ne se tourne pas vers la concurrence. Le storytelling fait partie des techniques très efficaces pour amener la fidélisation client.

Comme en témoigne Nicolas de Villiers président du Puy du Fou, 65% 10 des visiteurs reviennent en moyenne tous les 3 ans. Ce parc d’attractions est très réputé pour son ambiance et ses spectacles. Le but est de toujours innover et être à l’écoute de leur public.

Spectacle Le signe du triomphe du Puy du Fou

a – 3 Plusieurs objectifs en une seule campagne

En communication, toute campagne créée répond à un objectif précis. Il est difficile de mettre en place une stratégie pour atteindre de nouveaux clients, fidéliser les actuels, et asseoir son nouveau positionnement. Pourtant c’est une des possibilités qu’offre le storytelling. Grâce au récit il est possible de se faire connaître auprès de prospects, inciter les clients actuels à rester auprès de l’entreprise, et convaincre ceux qui hésitent à acheter.

Les avantages du storytelling sont donc nombreux, mais quels dispositifs sont à mettre en place pour réussir sa campagne de storytelling ?

b – Les bonnes pratiques

b – 1 Un storytelling créatif et authentique

Nous l’avons vu précédemment, l’équilibre entre histoire inventée et faits réels est très important. C’est d’ailleurs pour cela qu’il est important de proposer un contenu créatif, mais sans perdre l’authenticité des propos. Pour expliquer cela, nous prendrons l’exemple de la campagne de brand content du Parc Astérix 11  pour leurs 30 ans Chute de menhirs. Pour l’occasion le parc gaulois a décidé d’ouvrir une nouvelle attraction basée sur la 4D :  «Attention Menhir !».

Inauguration de l’attraction Attention menhirs ! le 27 avril 2019

C’est la première attraction de ce genre pour le parc. Dans un théâtre de 300 places assises, les visiteurs peuvent participer à une histoire inédite en 4D. Pour l’occasion, le Parc Astérix a marqué un grand coup de communication.

Dès le 1er Avril 2019, une pluie de menhirs s’était abattue sur l’hexagone. Dans certaines grandes villes de France, des menhirs avaient atterris dans des lieux parfois improbables. Dans la ville de Lyon, le menhir était sur la place Carnot. A Nantes, il fallait se diriger vers la place du Change et le dernier menhir était à Lille place Richebé. Ces lieux sont assez connus, et facilement trouvables. En outre, le menhir caché dans la capitale était lui plus difficile à repérer. Il avait atterri sur une voiture, et la voiture était donc transportée par une dépanneuse. Les automobilistes parisiens ont donc pu apercevoir ce spectacle rocambolesque le 1er mais 2019.

 

La dépanneuse a beaucoup circulé rue du Colisée, rue de Rome et près des Arènes de Lutèce à Paris.

Cette campagne a été minutieusement travaillée et rien n’a été laissé au hasard. Entre les villes choisies et les lieux, tout est en accord avec l’époque d’Astérix et Obélix. C’est ce décalage entre 50 avant jésus Christ et 2019 créé par des menhirs dans la ville qui rend la scène absurde et drôle. De plus, un menhir écrasé sur une voiture, et le tout véhiculé par une dépanneuse marque les esprits.

Le parc Gaulois a une forte présence sur les réseaux sociaux, notamment sur Twitter. Le but des menhirs dans les villes était de faire réagir les citadins, en envoyant une photo du menhir de sa ville via le #Attentionmenhirs avant 20h pour participer au tirage au sort. Le gagnant avait la possibilité de remporter un séjour au Parc Astérix pour 4 personnes.

L’attraction est basée sur une histoire scénarisée et très immersive. En rendant cette histoire réelle, cette campagne de storytelling a pu prendre une nouvelle tournure. Le storytelling est basé sur une histoire racontée par le biais d’un support. Il peut être plus ou moins immersifs, comme un article, qui va plutôt jouer sur l’imagination, ou bien une vidéo où le client est spectateur.

On peut aujourd’hui aller plus loin, avec les nouvelles technologies. Il est possible d’intégrer le consommateur à l’histoire mais il ne pourra pas y participer. Dans tous les cas, on amène le visiteur à entrer dans l’histoire. Cependant, via cette campagne, l’histoire s’est intégrée à la vie courante du consommateur. A ce moment-là, il n’est plus simplement spectateur, mais peut participer à l’histoire en interagissant avec la marque via Instagram et Twitter avec #Attentionmenhirs. Le storytelling prend ainsi une nouvelle dimension.

b – 2 Raconter sa propre histoire

Lorsque l’on parle de campagnes de communication en storytelling, il est important de faire preuve de créativité pour proposer un contenu unique. La grande règle à respecter est donc de ne pas s’inspirer de ce que fait les concurrents. L’important est de raconter l’histoire de sa marque: trouver des valeurs universelles 12, et un axe d’engagement fort pour le public. Disneyland Paris va proposer aux petits et grands de continuer de rêver, Europa Park unir l’Europe avec un maître mot : l’amusement, ou bien le Puy du Fou d’émerveiller avec l’histoire de France. Chaque parc a ses particularités et son univers. L’exemple de la campagne Chute de menhir est également un bon exemple pour illustrer cela. Un décor est posé via la bande d’annonce de l’attraction, et l‘histoire continue dans la vie réelle avec la pluie de menhirs. Une histoire sur mesure par rapport à l’univers du parc.

Nous pourrions également prendre la campagne de Disneyland Paris datant de décembre 2018. Le slogan était “quand la magie devient réalité”. Dans cette vidéo, on voit un petit canard ayant grandi dans un environnement plus ou moins stable, mais toujours accompagné moralement par son héros : Donald. Un jour, il arrive à Disneyland Paris et rencontre son héros. Cette campagne respecte tous les codes du storytelling. Le schéma narratif est présent et bien construit, l’ADN de Disney est présente, et ce petit canard représente tous les enfants du monde.

 

Une fois les clés du storytelling en main, et la campagne réalisée, comment la diffuser efficacement ?

c – Quels supports utiliser ?

D’après Julien Redelsperger, expert en communication et marketing 13, il existe 5 grandes familles de supports :

c – 1 Contenu textuel

Cette catégorie va regrouper tous types d’articles, contenus publiés dans la presse, les livres, mais aussi les livres blancs. Le contenu textuel est très courant sur le web, via les blogs. Ce contenu est facilement partageable sur les réseaux sociaux.

c – 2 Contenu visuel

Ce type de contenu comprend les affiches publicitaires dans les rues, mais aussi les visuels partagés sur les réseaux sociaux, photos, et infographies. C’est un des genres de contenu que les parcs d’attractions européens utilisent souvent pour leurs campagnes.

c – 3 Contenu audio

Les parcs à thème sont très peu friands de ce genre de contenu. Mais comme il fait partie des contenus utilisés pour le storytelling, il me paraissait important de le mentionner. Cette catégorie comprend les podcasts, livres audios ou séries audios.

c – 4 Contenu interactif

Le contenu interactif est très apprécié en storytelling car il permet une réelle interaction entre l’annonceur et son public. Cela peut prendre la forme : d’une application mobile (très utilisée par les parcs d’attractions, pour plus d’informations à ce sujet rendez-vous ici), de jeux en ligne, des questionnaires, du contenu dans les stories Instagram,de la réalité virtuelle…

c – 5 Contenu vidéo

Cette catégorie de contenu est également très appréciée par les parcs d’attractions, car elle comprend les vidéos publicitaires, courts métrages, les stories sur les réseaux sociaux, mais aussi les web séries. Cependant, le temps moyen d’attention pour une vidéo sur le web est de 8 secondes 14. Il faut donc réussir à créer rapidement une atmosphère captivante et tenir en haleine le spectateur afin qu’il ait envie de regarder la suite.

Le contenu vidéo est un pilier de la communication de Disneyland Paris. Leur chaîne youtube est extrêmement active (entre 4 et 6 vidéos par semaine). Elle est organisée en plusieurs émissions, dont la plupart sont basées sur le storytelling.

On retrouve les émissions suivantes :

  • Il était une fois à Disneyland Paris

Cette émission est présentée par Laurent Cayuela, concepteur écrivain à Walt Disney Imagineering Creative Paris. Le parc est dans une stratégie de storytelling constante, et a une grande activité vidéo. Chaque épisode cherche à faire connaître l’histoire de Disneyland Paris à travers une vidéo explicative. On voit le présentateur dans plusieurs endroits du parc en fonction du thème. Des explications claires, et précises sont faites, bien illustrées dans des vidéos courtes (4mn en moyenne). Cette émission compte déjà 21 épisodes avec en moyenne 15k vues.

 

  • Random adventure

Cette émission est basée sur l’expérience que vivent les visiteurs dans les attractions. Ils sélectionnent 4 couples, ou groupes d’amis filmés dans une attraction. Le premier épisode est sorti le 26 avril 2019, et le deuxième le 3 mai 2019. Montrer les ressentis des visiteurs du parc est un bon moyen d’exploiter le storytelling. C’est un contenu différent mais toujours basé sur une histoire vraie. Ce n’est pas cas celle de Disneyland Paris, mais celle de la relation entre le parc et les visiteurs qui est mise en avant.

 

  • Caméra cachée

Cette émission filme la réaction d’enfants et d’adultes rencontrant leurs “héros” favoris. Cendrillon, Blanche Neige, Mickey, Alice, et même Dark Vador (même si avec ce dernier le terme de héros est à discuter). Ces vidéos représentent l’essence même de l’image de Disney, le rêve qui prend vie. Dans cette vidéo, le sentiment de nostalgie est extrêmement fort, car on se revoit enfant souhaitant rencontrer nos héros favoris.

 

  • Vidéos invités

On retrouve également des vidéos avec des personnalités connues, Nous pouvons prendre l’exemple de la vidéo avec Teddy Riner, le judoka français. La vidéo publiée le 17 décembre 2018 mettait en scène le judoka avec sa famille passant Noël à Disneyland Paris. La vidéo de 2 minutes montre la famille du sportif admirant la parade, les enfants heureux, la parade de Noël, leur photo avec Dingo, mais aussi le couple dans une attraction.

 

Même s’il en existe bien d’autres, ces 4 exemples montrent à quel point le storytelling est présent dans la communication de Disneyland Paris. Chaque contenu produit est basé sur une histoire, celle du parc ou celle des visiteurs. L’humain, le rêve et les émotions sont mis au cœur de la communication, ce qui renforce le sentiment de proximité et de confiance.

2 – L’émotion au service de la stratégie de communication

a – Les nouvelles technologies au service de l’émotion :

Lorsqu’on parle d’émotions en communication, le rôle de l’expérience client est extrêmement important. Beaucoup de facteurs sont à prendre en compte dans une campagne de storytelling, et l’émotion se manifeste via différentes actions : en voyant un support de communication, lors d’une participation à une animation, une prestation de services, où bien simplement quand on parle de la marque.

Dans un parc d’attractions, l’expérience client provient fréquemment des services digitaux proposés (application mobile pour se guider, voir le temps réel d’attente dans les attractions, les restaurants ouverts…).

a – 1 Le Futuroscope et l’expérience clients

Pour le Futuroscope, cette expérience utilisateur est une priorité. Dans le parc de 18 hectares, des panneaux connectés sont disséminés. Ils peuvent bouger et afficher des informations différentes en fonction de l’afflux de visiteurs, de l’attente aux attractions… Si une attraction indiquée par le panneau a 1h20 de queue, le panneau va plutôt orienter les visiteurs vers un autre endroit à découvrir. Ainsi même les visiteurs qui ne possèdent pas l’application peuvent profiter de ces services.

De plus, ce type de technologie se fond parfaitement dans le parc technologique. C’est une expérience client boostée avec une action créative et cohérente.

Photo des panneaux connectés du Futuroscope

Les applications sont également utiles pour améliorer la satisfaction client. Cela permet aux visiteurs d’optimiser leur visite, perdre moins de temps, et même commander son repas pour ne pas faire la queue dans le restaurant. Ce sont tous ces services proposés par le parc qui vont permettre d’améliorer la satisfaction client, et leur donner envie de revenir.

Afin d’attirer les visiteurs, les parcs d’attractions redoublent d’imagination pour innover et trouver de nouvelles idées. Chaque année ce sont 20% 15  de leur chiffre d’affaires qui sont investi dans de nouvelles attractions.

a – 2 Storytelling et 4D, là où les histoires prennent vie

Depuis quelques années, l’argent est investi dans des projets basés sur la réalité virtuelle, les hologrammes ou bien la 4D.

Par exemple, le Futuroscope lançait en 2017 “l’extraordinaire voyage”, et le parc Astérix a sorti début avril 2019 sa toute première attraction en 4D “Attention menhirs”. D’après Jérôme Neveux, le porte-parole du Futuroscope, “l’extraordinaire voyage” a coûté 12,5 millions d’euros. L’actionnaire principale du parc gaulois (la Compagnie des Alpes) investit chaque années 10% du chiffre d’affaires généré dans le renouvellement de 20% des attractions. Tous ces investissements portent leurs fruits, car 60% des visiteurs reviennent chaque année.16

La technologie joue un rôle majeur dans la stratégie de storytelling des parcs d’attractions. Il est plus facile de se projeter dans un univers via la 4D ou la réalité virtuelle que par une histoire contée. Ces nouveaux équipements permettent une immersion totale des visiteurs, et une meilleure expérience client.

Le storytelling et l’émotion sont de très bon éléments dans une stratégie de communication, mais comment les marques arrivent-elle à influencer les pensées et désirs des consommateurs ?

3 – Comment utiliser le storytelling pour influencer son public ?

Le storytelling est un très bon procédé pour faire connaître sa marque et gagner la confiance des consommateurs. Cependant cela revient à raconter une belle histoire, et attendrir le public pour créer le désir d’achat. Cette problématique concerne plus globalement le milieu de la publicité, cependant dans le storytelling, on fait appel aux souvenirs et à la nostalgie pour mieux vendre.

Certes le but de la publicité est de vendre, car l’entreprise doit être rentable afin de pouvoir payer ses employés et être prospère, mais le storytelling n’est-il pas simplement devenu un instrument de manipulation ? D’après Lori L. Silverman 17, consultante américaine en management, “la NASA, Verizon, Nike et Land’s End considèrent le storytelling comme l’approche la plus efficace aujourd’hui dans les affaires”.

Le but est donc ici de produire un impact émotionnel afin créer le désir d’achat chez le consommateur. On parle même de séduire les clients pour les faire acheter à travers de belles histoires. Et la morale dans tout ça ? Avant de parler morale et déontologie, quel est réellement l’impact d’une histoire sur le cerveau humain ?

a – L’action du storytelling sur notre cerveau

a – 1 Comment s’organise le cerveau face à une histoire ?

Vous le savez certainement, le cerveau est composé de deux hémisphères 18. Le droit qui se base sur l’expérience ressentie, et le gauche qui au contraire est rationnel. L’un va privilégier la créativité, la spontanéité et l’imaginaire tandis que l’autre va favoriser les limites, la logique et des pensées fondées. Lorsqu’une histoire est illustrée et racontée, ce sont les deux hémisphères qui sont mobilisés. L’un imagine, l’autre donne le sens. De plus, écouter une histoire fait appel aux aires cérébrales de Broca et de Wernicke. Elles correspondent aux zones du langage dans notre cerveau. Ces zones ne sont actives que pour la compréhension du message.

Schéma de l’activation des zones du cerveau humain face à une histoire

En suite s’activent la zone de l’émotion (cortex frontal, cortex sensoriel, cortex moteur)19, puis celle de la mémoire. On les appelle le système limbique (ou cerveau de l’émotion). Ce sont ces zones qui vont permettre à notre cerveau une fois le message décrypté de ressentir les émotions du récit, et d’enclencher la mémorisation du message.

Ce ne sont pas les seules zones actives du cerveau lorsqu’on écoute une histoire, mais ce sont celles qui nous intéressent le plus dans ce la cadre de l’action du storytelling.

a – 2 Une fois active comment les zones du cerveau réagissent ?

Ce qui est important de retenir, c’est que les zones activées lorsque quelqu’un écoute une histoire sont les mêmes que si la personne vivait réellement l’histoire. Le cerveau se base sur l’expérience vécue pour rendre l’histoire plus immersive et compréhensible. En fonction des actions ou des descriptions cela active la zone correspondante (perception sensorielle, olfactive…).

Chaque expression, allégorie ou récit va activer des zones particulières. Si l’on décrit un mouvement, les zones du cerveau actives seront celles du mouvement décrit. Cependant, des expressions abstraites comme par exemple “fraîche comme une rose” 20  n’ont pas immédiatement de sens et le cerveau les perçoit simplement comme du langage. Ce genre d’expression a très peu d’impact sur le cerveau. Alors que si je raconte la joie et l’excitation que m’a procuré la nouvelle attraction d’un parc et que j’ai passé l’attraction les bras levés à crier de peur, les zones correspondantes s’activent.

Les images et illustration déclenchent quant à elles directement une réponse émotionnelle après des spectateurs. En effet, les émotions s’expliquent dans le corps humain par la sécrétion de neurotransmetteurs comme la dopamine, noradrénaline, sérotonine qui vont permettre d’assurer la transmission de notre état émotionnel.  Plus ce sentiment sera élevé plus il sera facilement mémorisable.

Dans une campagne de storytelling, on ne parle pas nécessairement de ROI (Return On Investment) afin de voir les retombées économiques de sa compagne mais de ROA (Return On Attention) 21. En effet, augmenter la confiance du spectateur est essentielle, car le consommateur aime être considéré comme un ami, quelqu’un qui compte et pas simplement un numéro dans un fichier client.

 

Nous l’avons vu, le storytelling est donc un sujet controversé. Cependant, tous les métiers de la communication et de la publicité partagent la même problématique. Créer le désir d’achat chez le consommateur, par pur besoin financier.

Le storytelling est souvent utilisé et semble moins gêner le consommateur que la publicité traditionnelle, alors qu’elle risque de lui générer plus de désirs d’achats. Lorsque l’histoire est basée sur des faits réels et concrets, cela pose à mon avis moins de problèmes. Dans ce cas, le désir d’achat va être créé par conviction. Prenons un citadin qui essaye de manger bio, local et de réduire le nombre au minimum de déchets produits. Il va croiser un spot de storytelling d’un restaurant qui a les mêmes intérêts que lui, mais cette histoire est véridique. Le restaurant fait vraiment des efforts, achète en vrac, fait du compost et va se fournir auprès des fermes de la région. Cela ne pose à mon avis aucun problème déontologique. Il y a peu de faits romancés, le fond est vrai, et le client va vouloir s’investir dans ce à quoi il croit.

Cependant si l’on prend un exemple très connu du storytelling analysé par Roland Barthes avec le panier de Panzani, le problème est à mon sens plus flagrant.

Publicité Panzani des années 60

Cette publicité ne ment pas, car on voit les produits tels qu’ils sont. La mise en scène évoque une sortie de marché, la cuisine italienne authentique et des produits frais. La composition est extrêmement habile et bien réalisée.

Cependant, l’idée globale qui en sort n’est pas réellement ce qu’est la marque. Elle reflète seulement une image et des valeurs. Même si Panzani a vu le jour avec Jean Panzani effectuant des livraisons de pâtes fraîches à bicyclette dans les années 30 23, dans les années 60, les produits Panzani n’avaient déjà plus de lien avec les produits frais. Ils étaient plutôt tout droit sortis de l’usine.

D’après Marie-Eve Bravon 24, formatrice, consultante et maître de conférences en gestion, l’important dans le storytelling est l’intention. Si une histoire est racontée avec de mauvaises intentions, l’auditoire peut s’en apercevoir. Ce qui entraînera sans doute la discréditation et parfois le boycott de la marque. Cependant, lorsque l’histoire est racontée pour divertir, ou dans le cadre de la communication pour améliorer l’expérience clients/utilisateurs, cela va se faire ressentir, et la campagne devrait être une réussite. Bien évidemment l’intention ne fait pas tout, il faut également un fond construit, basé sur des faits réels, et une bonne réalisation. Le but du storytelling n’est pas de cantonner le spectateur à un “récepteur mou soumis à la domination entièrement contrôlée de l‘émetteur” comme le rappel Benjamin Berut docteur en science politique. A mon sens, le but du storytelling est de créer un lien fort avec le consommateur à partir de valeurs réelles partagées, et d’être à l’écoute. Lui raconter des histoires et écouter ses retours. Cela peut être réalisé via les réseaux-sociaux, les sondages, ou bien des évènements réels.

Raconter aujourd’hui l’histoire de la marque, tout en la faisant évoluer main dans la main avec ses consommateurs. Les organisateurs de parcs utilisent ce genre de procédés. Les retours sont plutôt centrés sur l’expérience des visiteurs dans les attractions ou les spectacles. Les organisateurs récupèrent ces résultats via des formulaires en ligne ou des micro-trottoirs, qui permettent aux clients de se sentir écoutés, entendus, notamment lorsque le parc applique les recommandations faites. C’est ce que fait par exemple Disneyland Paris, d’après Julien Kauffmann, son vice-président.25

Le storytelling sera toujours utilisé, que ce soit dans la communication ou même dans la vie quotidienne des utilisateurs, Roland Barthes nous rappelle que : « (…) sous ces formes infinies, le récit est présent dans tous les temps, dans tous les lieux, dans toutes les sociétés ; le récit commence avec l’histoire même de l’humanité ; il n’y a pas, il n’y a jamais eu nulle part aucun peuple sans récit. » 26

 

Sources

1 B.Bathelot – 9 janvier 2019 – https://www.definitions-marketing.com/definition/storytelling/

2 Christian Salmon – 2016 – Le storytelling la machine à raconter des histoires – édition La Découverte – p5-8

3 Frédéric Canevet – 6 avril 2009 – https://www.conseilsmarketing.com/mailings/le-story-telling-lart-de-raconter-une-histoire-pour-vendre

4 Christian Salmon – 2016 – Le storytelling la machine à raconter des histoires – édition La Découverte – p8

5 Matthieu Guével – 2010 – https://testconso.typepad.com/brandcontent/2010/04/storytelling-et-brand-content.html

6 Majedtouahria – 08 juin 2018 – Https://www.textbroker.fr/brand-content-et-storytelling-savez-vous-raconter-votre-marque

7 Denis Gentile – 2 novembre 2018 – http://www.morethanwords.fr/2018/11/le-royaume-du-storytelling-et-son-roi/

8  Denis Gentile – 2 novembre 2018 –http://www.morethanwords.fr/2018/11/le-royaume-du-storytelling-et-son-roi/

9 Georges H. Brown – Brand loyalty – fact of fiction – https://heinonline.org/HOL/landingpage?

10  Delphine Bancaud – 4 juillet 2017 – https://www.20minutes.fr/societe/2098035-20170703-secrets-succes-parcs-attractions-francaise

11 Thomas Liard – 01/04/2019 – https://www.cnews.fr/divertissement/2019-04-01/des-chutes-de-menhirs-pour-les-30-ans-du-parc-asterix-826034

12  Majedtouahria – 08 juin 2018 – https://www.textbroker.fr/brand-content-et-storytelling-savez-vous-raconter-votre-marque

13 Julien Redelsperger –  14 mars 2019 – https://www.julien-redelsperger.com/storytelling-bonnes-pratiques-marketing/

14  L’équipe de youlovewords – 13 juin 2016 – https://www.youlovewords.com/contenu-temps-dattention-internet/

15 Delphine Bancaud – 4 juillet 2017 – https://www.20minutes.fr/societe/2098035-20170703-secrets-succes-parcs-attractions-francaise

16 Delphine Bancaud – 4 juillet 2017 – https://www.20minutes.fr/societe/2098035-20170703-secrets-succes-parcs-attractions-francaise

17  Lori L. Silverman – Wake me up when the data is over. How organizations use stories to Drive Result – Jossey-Bass – Sans Francisco – 2006

18  22 juin 2017 – https://www.theforkmanager.com/fr/blog/comment-utiliser-storytelling-pour-fideliser-les-clients/

19 your-comics.com –  11 octobre 2016 – https://your-comics.com/storytelling-et-cerveau/

20   Marco Bertolini – 14 janvier 2015 –  https://format30.com/2015/01/14/quel-est-limpact-du-storytelling-sur-le-cerveau-de-vos-auditeurs/

21 Muriel Vandermeulen – 12 novembre 2013 – https://www.wearethewords.com/retour-sur-attention-roa/

23 https://www.panzani.fr/histoire-de-panzani/

24  Marie-Ève Bravon – 6 décembre 2012 – http://www.marieevebaron.com/storytelling-influence-ou-manipulation/

25  – Delphine Bancaud – 4 juillet 2017 –  https://www.20minutes.fr/societe/2098035-20170703-secrets-succes-parcs-attractions-francaise

26  Roland Barthes  – 1966 – Communications – Communications, 1966, Vol. 8, pp. 1-27

 

Tables des illustrations


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Description : Photographie du parc Disneyland de Californie en 1955
Source : http://www.ecvdigital.fr/ecole-digitale/actualites/walt-disney-le-pere-du-user-first/


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Description : Spectacle Le signe du triomphe du Puy du Fou
Source : https://www.puydufou.com/fr/spectacles


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Description : Inauguration de l’attraction Attention menhirs ! le 27 avril 2019
Source : https://www.sortiraparis.com/arts-culture/balades/articles/190747-parc-asterix-inaugure-attention-menhir-sa-nouvelle-attraction-4d


Fichier : Image
Description : Photo des panneaux connectés du Futuroscope
Source : https://www.championsdudigital.fr/comment-le-futuroscope-cree-une-fan-experience-unique-pour-ses-visiteurs/


Fichier : Schéma
Description : Schéma de l’activation des zones du cerveau humain face à une histoire
Source :  https://your-comics.com/storytelling-et-cerveau/


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Description : Publicité Panzani des années 60
Source : http://lechatsurmonepaule.over-blog.fr/2015/11/roland-barthes-la-publicite-pour-lespates-panzani-questionnaire-et-elements-de-reponse.html