Dans cet écrit nous analyserons la place de l’innovation dans le fonctionnement de la Foodtech et questionnerons les relations entre les différents acteurs qui évoluent ensemble.  Nous tâcherons de répondre à des questionnements fondamentaux ; est-ce que les start-up ont réussi à transformer le marché de l’alimentaire ? Est-ce que l’innovation est-un élément central dans la construction des start-up ? Dans quelles mesures les grandes entreprises industrielles peuvent-elles survivre face aux nouvelles structures émergentes ? Peuvent-elles coexister voire évoluer ensemble ?

 

Comme nous l’avons vu dans le contexte de recherche, les start-up sont au cœur de la construction de l’écosphère FoodTech. Frichti, Uber Eats, QuiToque ont en commun d’être des start-up évoluant dans la FoodTech. Les start-up sont majoritairement des entreprises jeunes qui innovent et apportent de nouveaux produits ou services sur le marché de l’alimentation. Aujourd’hui, on en dénombre plus de 500 en France. Il est donc important de bien définir la notion de start-up pour pouvoir répondre aux différentes problématiques de cet article.

 

Prenons la définition de Steve Blank, l’un des pères fondateurs de la Silicon Valley et qui s’est beaucoup intéressé au fonctionnement des start-up. Une start-up est une organisation temporaire à la recherche d’un business model industrialisable et permettant une croissance exponentielle14. On pourrait traduire cela plus simplement en disant qu’une start-up est une entreprise qui est à la fois en pleine croissance et en recherche constante d’innovation. Pour mieux comprendre le principe de start-up, nous pouvons nous intéresser aux différents critères qui font qu’une entreprise est une start-up ou non.  Tout d’abord, les start-up sont à la recherche d’évolution et de croissance, c’est le premier critère. Il faut comprendre que le statut de start-up est temporaire, c’est une phase dans la vie d’une entreprise et elle doit pouvoir en sortir. Deuxième critère, elle va chercher un modèle industrialisable et reproductible à grande échelle afin de pouvoir exporter le concept dans d’autres villes voir d’autres pays. On parle également de scalabilité, c’est le fait de bénéficier d’économie d’échelle permettant à l’entreprise de grandir plus rapidement. Pour permettre cette croissance, les start-up sont à la recherche d’un financement important, notamment grâce à des levées de fonds. Elles vont déjà rechercher le Business Model le plus adapté possible à leur structure. Ce dernier va permettre de présenter leur projet en fonction de ses objectifs financiers15. C’est donc un outil indispensable pour convaincre les investisseurs et obtenir des sources de financement. Une technique fortement utilisée, car entre 2013 et 2017, on a dénombré plus de 217 levées de fonds dans l’écosystème de la Foodtech16. Dernier critère, mais pas des moindres, c’est l’innovation. C’est une véritable barrière à la concurrence grâce à l’usage de technologies nouvelles et à la modification les usages permettant d’inventer de nouvelles manières de consommer. L’innovation va leur permettre de se démarquer et trouver un moyen d’exister et d’augmenter leur rentabilité.

Ce modèle d’entreprise séduit tellement que « l’esprit start-up » se duplique même au sein des PME et des grands groupes qui ont à leur tour investis le monde de la FoodTech. Cet esprit peut se traduire par une ambiance de travail conviviale rythmée par une diversité de projets et de décisions à prendre, une bonne circulation des informations grâce à des services qui communiquent entre eux de façon horizontale et des stratégies créatives et innovantes pour briser la routine et favoriser l’efficacité de tous17.L’innovation c’est justement ce qu’on va prendre en compte dans cet article pour analyser et mettre en exergue le fonctionnement des acteurs de la FoodTech.

 

 

I. L’innovation : un élément central de la stratégie des marques

 

Nous avons pu constater que l’innovation est une source de croissance favorisée par les entreprises et notamment par les start-up. Les dépenses en recherche et développement sont en hausse depuis plusieurs années18. Nous allons donc chercher à comprendre dans quelles mesures l’innovation peut-elle aider les entreprises à se développer. L’innovation est un élément clé du marketing, on parle de marketing de l’innovation, c’est-à-dire, l’ensemble des pratiques et techniques marketing spécifiquement imaginées, pour s’adapter à un environnement d’innovation19. Aujourd’hui, les entreprises vont miser sur toutes les nouvelles technologies comme le système de Cloud pour la Data, la réalité virtuelle et l’intelligence artificielle pour l’expérience client.

Cette intégration de l’innovation dans la stratégie a de nombreux avantages. Cela va leur permettre d’anticiper les tendances, de suivre l’évolution concurrentielle du marché et d’ainsi faciliter l’adoption de leurs produits ou services par les consommateurs20. Ce sont des avantages d’autant importants pour les acteurs de la FoodTech, qu’ils vont chercher de nouvelles façons de consommer tout en évitant de brusquer la population. Sur un marché aussi attractif, l’innovation va permettre aux entreprises de se démarquer en mettant en avant le savoir-faire, l’expertise et la qualité de l’entreprise. Elles vont créer un nouveau besoin, un nouvel usage selon l’offre spécifique qu’elles souhaitent proposer (d’où l’importance de créer un business model personnalisé). Cette innovation peut leur permettre de faire la différence et de mettre en exergue des avantages concurrentiels comme par exemple la simplicité d’utilisation, le prix attractif ou bien la mise en place de services additionnels. Le consommateur est donc le premier touché par les effets de l’innovation21. Cela va aider les entreprises à atteindre de nouvelles cibles et générations de consommateurs. Les marques cherchant désormais à divertir et émerveiller leurs clients ; la nouveauté et l’originalité du processus vont donc susciter la curiosité et le désir de consommer.

Cependant, il est important de souligner le critère suivant : la surinformation des consommateurs d’aujourd’hui22. Ils savent désormais faire la différence entre une vraie et une fausse innovation, la nouveauté ne suffit plus. Il faut davantage se concentrer sur la valeur ajoutée du produit ou du service pour le consommateur voire pour l’intérêt public. Le produit/service doit être différent de ceux existant sur le marché, mais surtout porteur de sens. Ainsi, il est important pour les entreprises d’utiliser le planning stratégique afin d’observer les consommateurs et de faire ressortir les tendances et les comportements de ces derniers, c’est qu’on appelle des insights23. Cette recherche d’insights est autant importante pour la communication que lors de la phase d’innovation plus en amont, où l’on va pouvoir répondre le plus justement possible aux besoins des consommateurs.

Cette technique de marketing d’innovation concerne tous les acteurs mais s’adresse principalement aux entreprises en phase de lancement de produits innovants, comme les start-up. En effet ce sont celles-ci qui sont les plus aptes à prendre des risques et donc à imaginer de nouveaux concepts. Les grandes entreprises auraient trop à perdre et préfèrent pour la plupart opter pour le risque zéro. Cependant, elles participent tout de même, en finançant, rachetant ou bien en s’associant à des start-up qui innovent dans le même domaine24. Ce nouveau fonctionnement a fait naître un nouveau type d’innovation, connu sous le nom d’open innovation. C’est un concept qui a été théorisé en 2003 par Henry Chesbrough, enseignant chercheur à Berkeley. Selon lui l’open innovation ou innovation ouverte est l’utilisation de flux de connaissances sortants et entrants pour accélérer à la fois l’innovation interne et le marché des usages externes de l’innovation25.

En d’autres termes, l’innovation ouverte repose sur la collaboration entre les différents services d’une entreprise (services marketing, commercial, R&D, etc.). On va chercher à partager les connaissances, les idées et faire confiance aux différentes compétences et expertises de chacun. Plus l’entreprise aura une organisation ouverte en interne, plus elle va capter de nouvelles idées et plus elle sera innovante.

Les start-up ont donc réussi à se faire une place dans l’économie grâce à leur modèle de développement intégrant l’innovation. Elles sont mêmes devenues pour certaines des exemples de « success stories » qui fascinent les plus grands acteurs du marché. Aujourd’hui, on doit compter sur elles pour modifier et faire évoluer le marché agro-alimentaire. Cependant on peut se demander comment ces start-ups vont évoluer dans le futur ? Elles vont à leur tour grandir. Vont-elles continuer de prendre le risque d’innover ou bien vont-elles chercher à investir dans de nouvelles start-up à leur tour ? On peut se demander si ce modèle d’innovation est viable tout au long de la vie d’une entreprise connaissant les risques et les investissements financiers que cela représente. Pour le moment les start-up sont reconnues pour leur côté innovant et nous allons étudier plus en détail comment cette innovation se traduit au sein de leurs stratégies.

 

 

II. L’innovation dans les start-up

 

Les réseaux de la FoodTech

 

Nous avons pu comprendre que le fonctionnement des start-up les poussent à innover. En plus de cela, l’Etat et des institutions publiques et privées ont mis en place des solutions permettant de faciliter l’innovation. Il existe un réseau important autour de la FoodTech qui vient accompagner les start-up. Ce sont des dispositifs favorisant l’innovation des start-up. Il y a d’abord des écosystèmes spécialisés dans la Foodtech. On en dénombre cinq, à Dijon, Brest, Lyon, Montpellier et Rennes/Saint Malo. Ils ont comme objectif de « fédérer tous les acteurs de la FoodTech et les accompagner dans le développement de leur projet. ». Ces 5 pôles souhaitent faire émerger des talents et des start-up à fort potentiel, faciliter la transformation digitale dans l’industrie agro-alimentaire et renforcer l’attractivité de la FoodTech française en Europe et à l’échelle mondiale. A l’initiative de l’Etat, ces écosystèmes soutiennent les start-up grâce à des aides financières et matérielles26. Il existe également des incubateurs, un espace dédié pour le développement des start-up. L’incubateur leur offre un accompagnement, des conseils avisés et l’opportunité d’agrandir leur visibilité en rencontrant de grandes entreprises et de potentiels investisseurs27En plus de cela il existe plusieurs concours en France et en Europe28 permettant de faire émerger des projets ambitieux. Enfin il y a eu le développement de nombreux salons professionnels au cours des années en France. Ils s’adressaient d’abord aux groupes industriels, agriculteurs et services d’hôtellerie et de restauration. Désormais avec l’expansion de la FoodTech, les start-up ont investis ces salons. Prenons l’exemple du SIAL, le Salon International de l’ALimentation qui réunit tous les deux ans les professionnels de l’industrie alimentaire29.  Cette année, les stars du salon ont bien souvent été des start-up qui grâce à des solutions innovantes tentent de répondre aux défis de l’alimentation du futur (réduire l’empreinte environnementale de la production et de transformation alimentaire, préconiser une cuisine fait-maison, saine et intelligente)30. Ainsi, nous pouvons voir qu’il y a de nombreux dispositifs qui aident les start-up à se développer et surtout à innover dans le domaine de la FoodTech.

Afin de pouvoir analyser et comprendre comment l’innovation impacte cet écosystème, je me suis intéressée en particulier à deux secteurs de la FoodTech. Tout d’abord, celui du Retail & Delivery avec Nelio et Kazidomi car c’est un des secteurs les plus fluctuants et actifs aujourd’hui où il y a de nombreuses entreprises et donc là où il est plus difficile de se faire une place aujourd’hui. Et puis la Foodscience avec Feed, Chiche et Little Gustave car c’est le secteur qui va le plus évoluer dans le futur31 et qui permet de répondre au mieux aux questions d’alimentation du futur que l’on abordera dans le deuxième article.

Pour pouvoir faire ressortir et analyser les enjeux, les besoins, les problématiques et les conséquences de l’innovation des acteurs de la FoodTech, j’ai mené plusieurs entretiens auprès de professionnels qui ont entrepris dans ces deux secteurs. Suite à cette étude j’ai pu faire ressortir plusieurs axes importants.

 

Ces entreprises en plus d’être des start-up ont un point commun : une bonne compréhension de leurs marchés et des attentes des consommateurs. Elles ont toutes vu le jour, car leurs fondateurs ont perçu un manque, une occasion ou une solution à investir. C’esti ainsi que l’innovation voit le jour et parfois même en amont de la création de l’entreprise. Dans la FoodTech, le principe de nouveauté est primordial, on l’observe notamment grâce à ces deux exemples ; pour le fondateur de Nelio « j’ai perçu un manque d’activité de ce côté » et de Kazidomi « nous voulions revaloriser le bio auprès des consommateurs ». Cette observation s’applique pour de nombreuses start-up, elles se sont créées dans des domaines où aucunes autres entreprises n’existaient. Comme nous l’avons vu précédemment la recherche d’un business model viable est une priorité pour les start-up, c’est d’ailleurs ce que j’ai pu retenir de Nelio en particulier. C’est une entreprise de livraison à domicile de produits frais d’artisans. Elle a été créée pour venir en aide aux petits commerçants qui s’essoufflaient face aux géants tout en veillant à apporter plus de qualité dans nos assiettes. D’abord à Lyon grâce aux Halles Bocuse, le concept s’est exporté à Paris l’année dernière. Lors de l’entretien, j’ai compris que l’innovation se traduisait par une application entièrement personnalisée pour le service et pour les clients, mais également la recherche d’une rentabilité entre Nelio, les artisans et les livreurs. En écrivant cet article, je comptais montrer l’innovation de leur application, mais j’ai découvert courant mars que Nelio cessait temporairement son activité à Lyon. J’ai ainsi pu appréhender la notion de business model via cet exemple. Nelio avait la bonne idée, innovante, novatrice et les bons outils, une application totalement pensée pour son service. Cependant son business model, pour le moment n’est pas applicable dans toutes les villes et pour tous les types de consommateurs. Suite à ce travail de mémoire, ma connaissance du marché et mon expérience passée chez Nelio l’année dernière, j’ai émis plusieurs hypothèses qui peuvent expliquer cette remise en question. J’ai remarqué que le service a l’air beaucoup plus attractif dans la Capitale, là où les consommateurs sont beaucoup plus habitués au service de livraison. De nombreuses start-up de la FoodTech ont d’ailleurs choisi Paris comme siège social car ce sont les consommateurs les plus avertis pour ce type de service. Pour Nelio, cela peut s’expliquer du fait de la grandeur de la ville, les consommateurs peuvent alors profiter du service de livraison de plusieurs artisans des différents arrondissements directement depuis chez eux. Lyon comme d’autres villes de province sont plus petites, elles n’ont donc pas les mêmes problématiques que la Capitale. Il faudra donc que l’entreprise trouve une solution différente pour répondre aux besoins des Lyonnais, des besoins qui sont différents des Parisiens. En retravaillant son business model, Nelio recherche un fonctionnement qui soit applicable à Paris et à Lyon, mais également dans d’autres villes pour le futur.

Si on vous demande de payer 100 € à l’entrée d’un supermarché afin de pouvoir consommer, vous penserez que c’est une idée saugrenue voire impensable ? C’est pourtant le concept de Kazidomi, une épicerie en ligne qui veut démocratiser et rendre plus accessible le bio. C’est un système innovant d’e-commerce en ligne, reposant sur le principe d’un abonnement. Concrètement, les consommateurs doivent débourser 100 euros à l’année afin d’obtenir des réductions allant de 20% à 50% sur des produits sains et bio. Cette solution lui permet aujourd’hui de compter sur plus de 2000 références, mais surtout plus de 10 000 abonnés. Le grand avantage de ce modèle économique innovant, c’est que la marque a réussi à créer un système de fidélité auprès de ses clients et la fidélité, aujourd’hui c’est une valeur que toutes les marques cherchent à conquérir. En effet, c’est de plus en plus compliqué pour les marques de conserver ses clients face à la multiplication d’acteurs et de point de ventes. En gagnant leur fidélité, Kazidomi a réussi à augmenter le panier moyen, à développer sa propre marque de références et à construire une relation transparente avec ses clients. La marque évolue sur un marché de niche, mais grâce à un système innovant, elle a réussi à performer là ou d’autres auraient échoué. Son succès peut se mesurer grâce à sa dernière levée de fond s’élevant à 1 millions d’euro en mars 2019. Aujourd’hui, son innovation lui permet d’exceller car on sait que le bio est de plus en plus favorisé par les consommateurs. Les magasins spécialisés tout comme les grands distributeurs qui s’y intéressent déjà, vont sûrement tenter de baisser les coûts afin d’attirer les consommateurs. Le prix du bio est aujourd’hui un des plus gros freins pour les consommateurs. On peut ainsi espérer que dans le futur le bio sera aussi accessible que les produits classiques d’aujourd’hui. Kazidomi, arrivera-t-elle à conserver sa clientèle ? Le système de payer avant de consommer doit sûrement freiner de nombreux consommateurs. Ils ont besoin d’être rassuré et l’achat en ligne de produits de consommation rebute encore les acheteurs. Par la suite, la marque, ne devra-t-elle pas trouver un autre système afin de conserver la fidélité de ses consommateurs ? Il se peut que la marque doive à nouveau être force de proposition en matière d’innovation afin d’avoir toujours un coup d’avance sur les indénombrables concurrents.

 

Sur un autre marché de niche, Little Gustave propose la livraison de petits pots pour les enfants en bas âge. Un abonnement classique au mois pour les enfants entre 6 mois et 18 mois, l’innovation se situe surtout au niveau du choix de la segmentation. Ils ont été un des premiers acteurs à s’intéresser aux marchés de l’alimentaire pour les enfants, appelé le babyfood. Entre les différents scandales sanitaires, le lait Lactalis ou bien les couches remplies de produits toxiques, il est de plus en plus difficile pour les parents de faire le bon choix d’alimentation pour leurs enfants. Little Gustave leur offre donc une solution simple, sûre et saine. La marque a réussi à percevoir là où l’innovation pourrait être une force en ciblant les enfants, mais surtout les parents qui ne lésinent pas sur les dépenses pour offrir le meilleur à leurs chères têtes blondes. La marque s’est donc fait une place dans le paysage de la FoodTech, cependant la fidélité de ses clients est de courte durée. En effet le cycle de vie de son client est beaucoup plus faible en s’adressant aux bébés, elle doit donc constamment rechercher de nouveaux clients ce qui peut devenir problématique dans le futur. En poussant la logique encore plus loin, on peut se demander si les entreprises dans la babyfood auront-elles vraiment un futur au vu de la baisse de fertilité en France et dans le monde, mais également la mode du « Do It Yourself » qui poussent les consommateurs à se débrouiller par eux-mêmes pour se sustenter.

 

 

Au niveau de la stratégie de communication, j’ai également pu observer que les start-up ne manquaient pas d’idée pour innover et après une veille et une analyse des différentes stratégies, nous pouvons faire ressortir des critères de développement. Il y a d’abord la segmentation de leurs cibles, leur permettant d’être remarquables et différentes auprès des bonnes personnes. C’est le cas pour Kazidomi ou My Little Gustave qui se sont installées sur un marché de niche et qui arrivent à capter l’attention de leur cible beaucoup plus efficacement que d’autres. En effet, même si leur cible est beaucoup plus petite, elle sera davantage fidèle, elle se sent plus concernée et plus écoutée car l’entreprise répond parfaitement à son besoin.  Afin d’adopter une communication personnalisée, les entreprises utilisent de plus en plus la data, l’outil idéal pour comprendre et connaître sa cible. Cette analyse de la data permet aux entreprises d’ajuster leurs moyens en fonctions de la cible et des retombées. Elles misent également de plus en plus sur l’interactivité et les nouvelles technologies32 ; comme la réalité augmentée ou virtuelle, la 3D et l’intelligence artificielle.  Ce sont des formes d’innovation qui commencent à révolutionner le mode de consommation et qu’elles utilisent dans leurs entreprises afin de capter l’attention des clients. Nelio avec son application tente de récupérer le plus d’information pour connaitre les différentes consommations de ces cibles, leur parcours d’achat à travers l’application mais permet également à ses clients de suivre en direct ses livreurs afin de leur offrir de l’instantanéité. Cette recherche constante de data pose aujourd’hui de plus en plus de problèmes sur le plan éthique. Les entreprises sont en quête d’information sur les consommateurs afin d’améliorer leurs services et d’augmenter leur rentabilité. De leurs côtés, les consommateurs sont de plus en plus sensibles à la conservation de leurs données. Internet a rendu compliqué la sauvegarde des informations et les consommateurs ne veulent pas se sentir envahis dans leurs vies personnelles. C’est dans ce contexte que l’Union Européenne a fait voter la loi RGPD en mai 2018, pour protéger les données personnelles des européens sur internet. Les entreprises sont donc contraintes d’expliquer clairement les données qu’elle conservent, comment et pourquoi, au risque de se voir fortement sanctionner. Enfin les marques essayent de créer un lien et un sentiment d’appartenance avec leur cible, elles cherchent à adopter une communication unique afin de déclencher des réactions sur les réseaux sociaux. Pour cela, elles misent sur la transparence33, être dans le vrai et ne pas faire de sur-promesse, d’autant que les consommateurs, sont de plus en plus suspicieux et défiants vis-à-vis des marques. Ce sont d’ailleurs les enseignes alimentaires qui sont les premières concernées et qui vont chercher un nouveau mode de fonctionnement et de communication. La Foodtech est un marché vaste qui attire désormais autant les start-up que les grands groupes industriels. Ainsi nous allons tacher d’analyser les différentes relations qu’elles entretiennent.

 

 

 

III. Et les grands groupes ?

 

Suite aux développements de nouvelles tendances de consommation, plus durables et respectables de l’environnement, les enseignes de la grande distribution n’ont pas eu d’autres choix que de s’adapter aux attentes des consommateurs34. Ils ont vu l’arrivée de la FoodTech chambouler leur fonctionnement et cela les a obligés à trouver des solutions pour réagir. En effet ces derniers, grâce à leurs connaissances des nouvelles technologies et leur innovation peuvent apporter une réelle valeur ajoutée et ainsi permettre aux groupes industriels de rester dans la course. Cependant, cette collaboration reste tout de même complexe, certaines entreprises décident de racheter la start-up, aux risques de la voir disparaître dû à une mauvaise gestion de la relation35.

Il faut donc réussir à investir dans les start-up, à collaborer avec elles pour réussir à développer un projet commun. En s’intéressant de plus en plus à cet écosystème, on peut observer différents types de collaborations entre les industriels et les start-up. Il y a la relation classique client-fournisseur, le rachat de la start-up par le grand groupe et le partenariat gagnant-gagnant permettant aux deux d’évoluer, d’innover de proposer de nouvelles offres sur le marché36. Dans la suite de cet article, nous allons mettre en exergue des exemples qui illustrent bien la relation enseignes et start-up nous permettant d’analyser les liens qu’ils entretiennent et de voir les freins et les avantages.

La première solution engagée par certaines enseignes est le rachat ou la prise d’actions majoritaires auprès des start-up37. Cette action pouvant être vu d’un mauvais œil et pourtant utilisée par un bon nombre de groupes. Cette relation complexe repose sur l’équilibre et la place laissée à la start-up pour s’exprimer et apporter son regard nouveau à l’entreprise.

 

Publicité Carrefour pour le service QuiToque

 

En mars 2018, le groupe Carrefour a décidé de racheter la start-up QuiToque, spécialiste de la livraison de paniers-repas à cuisiner chez soi38. Ce rapprochement permet à Carrefour de proposer une nouvelle offre de consommation innovante à ses clients et d’apporter une légitimité à QuiToque. En effet comme le précise le directeur Alexandre Bompard « Carrefour a pour ambition de devenir le leader mondial de la transition alimentaire ». Quelques mois plus, tôt en janvier 2018 c’est le groupe Sodexo qui a décidé de racheter FoodChéri, livreur français de repas cuisinés. La restauration étant au cœur de l’activité du groupe, cette nouvelle alliance parait tout à fait logique39. C’est l’occasion idéale de s’adapter à ce nouveau type de consommation tout en mettant un pied dans le digital. FoodChéri obtient bien des avantages, la marque renforce son offre auprès de nouvelles entreprises tout en développant son activité auprès des particuliers français.

Ce type de collaboration permet à une start-up de grandir beaucoup plus vite grâce au soutien, à la légitimité et à la puissance de l’entreprise qui la rachète. À l’inverse, pour l’entreprise, cela lui permet d’entrer dans l’univers de la FoodTech, d’être perçue comme une entité innovante, sans prendre de risque au sein même de sa structure. Cependant, cette solution peut être risquée, la start-up, par le futur peut totalement disparaitre au profit de la marque qui la rachète. Au vu de sa notoriété, le service proposé peut être directement intégré au sein de la grande entité et les consommateurs en oublient l’originalité proposée par la start-up. De plus elle perd toute indépendance et il sera beaucoup plus compliqué pour elle de grandir sans être dans l’ombre du grand groupe.

 

Certains gros groupes alimentaires ont décidé de participer à l’évolution de la FoodTech en se regroupant au sein de plateformes d’innovation. C’est le cas de Seb qui a rejoint le réseau Vitagora en Bourgogne et est devenu un membre actif40.  Vitagora est un pôle de compétitivité dans l’agro-alimentaire ». Il est situé en Bourgogne Franche-Comté et réunit start-up, PME, grandes entreprises et laboratoires de recherche afin de favoriser l’innovation collaborative ». Engagé dans la FoodTech, Vitagora lance son programme d’accélération « AcceleRise renommé « ToasterLab » en 2017. Ce programme permet aux start-up sélectionnées de réussir leur lancement tant sur le plan commercial qu’industriel grâce notamment à l’aide d’investisseurs et de partenaires tel que SEB41. Victime de son succès, la plateforme envisage d’ouvrir le programme pour les PME et grandes entreprises afin qu’elles soient accompagnées dans leur transition numérique. Les groupes Elio, Carrefour, Up et Danone vont encore plus loin, en s’associant à la ville de Paris pour construire un nouvel incubateur Smart Food Paris. Crée en 2016, cet incubateur a pour but de devenir « la référence en matière d’innovation dans la capitale42 », un bon moyen pour ces groupes de détecter les start-up émergentes.

 

Concours Innovation imaginé par Casino

 

Enfin, certaines marques décident de créer des événements afin de participer au développement de la FoodTech. William Saurin a mis en place une bourse de l’innovation de 20 000 euros pour aider les start-up dans leur développement43. Quant à la marque, c’est un moyen efficace pour se tenir au courant des nouvelles tendances technologiques. Coca-Cola a lui décidé de miser sur des déjeuners Pitch & Lunch à Saint-Marie-la-Blanche (Côte-d’Or)44, là où il possède un centre de recyclage de leurs bouteilles. L’occasion idéale pour les start-up de faire connaître leur projet auprès d’une firme internationale et espérer construire un projet futur avec elle. Enfin il y a Casino qui a décidé de lancer son propre concours « C’Demain » qui va permettre aux candidats d’obtenir un accompagnement de A à Z, du pitch aux prototypes jusqu’à la mise en rayon. 2019, est une année charnière pour le groupe qui compte également sur l’aide de ses collaborateurs et de ses clients pour imaginer le magasin du futur45.

Ces deux solutions sont selon moi plus raisonnables mais surtout plus viables pour les deux entités. Les grands groupes font un pas en avant dans la FoodTech mais laissent la place aux start-up pour se développer et évoluer. Les grands groupes ont ici un rôle de pilier et de support pour les nouvelles entreprises. Elles vont aider grâce à un soutien financier mais surtout grâce à leurs expertises et leurs expériences. Les deux acteurs vont ressortir gagnant de cette collaboration, elles vont créer des liens tout en gardant une indépendance. Elles vont chacune collaborer au sein du même écosystème qu’est la FoodTech, tisser des liens et faire évoluer le marché de deux manières différentes, ce qui ne peut que l’enrichir.

 

 

En Résumé 

 

A travers cet article nous avons pu analyser la place de l’innovation dans la FoodTech et comment elle se traduit à travers quelques exemples de start-up. Nous avons pu déceler que c’est grâce à l’innovation que les start-up ont réussi à se faire une place dans l’économie agro-alimentaire français. Il est désormais important pour elles, qu’elles conservent ce caractère innovant, voir qu’elles l’améliorent afin de rester performant avec les années. Nous avons également compris que la FoodTech se dote maintenant de différents acteurs qui doivent travailler ensemble pour enrichir l’écosystème. Le plus grand enjeu sera de trouver sa juste place pour permettre à chacun d’évoluer dans le temps. Ainsi, ces collaborations fonctionnent sur un système gagnant-gagnant offrant la possibilité de se développer aux deux partis. D’autant plus que 2019 est l’année de tous les défis pour les distributeurs. Avec l’arrivée de la loi alimentation, les enseignes doivent être beaucoup plus juste sur leur prix, afin d’améliorer les conditions de vie des agriculteurs et redonner du pouvoir d’achat aux consommateurs. Cette loi promeut également une alimentation plus saine et durable, en favorisant la tendance des produits sans gluten, bio et locaux46. Les distributeurs se doivent d’être encore plus transparents qu’avant, sachant que les consommateurs sont à la recherche des produits de meilleure qualité quitte à consommer moins. C’est ce que l’on analysera dans le prochain article à venir.

 


SOURCES : 

14: Steve Banks – “What’s A Startup ? First Principles” – 25 Janvier 2010 – https://steveblank.com/2010/01/25/whats-a-startup-first-principles/

15 :  Etude d’Estimeo & Mazars – Les start-up early-stage en France : pratiques et perspectives – Décembre 2018

16 : DigitalFoodLab – La FoodTech en France 2013 – 2017 – Novembre 2017 – https://www.digitalfoodlab.com/foodtech-france-2013-2017/

17 : Capital Management – « C’est quoi, avoir l’esprit start-up » – Août 2015 – https://www.capital.fr/votre-carriere/c-est-quoi-avoir-l-esprit-start-up-925485

18 :  Ministère de l’Enseignement supérieur de la Recherche et de l’Innovation  – Résultats détaillés pour 2016 et premières estimations pour 2017 – http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid135727/enseignement-superieur-recherche-et-innovation-en-chiffres.html 

19 : Bureau d’étude en innovation Stratinnov – Les enjeux du Marketing de l’Innovation – Mars 2018 – https://www.stratinnov.com/2018/03/02/enjeux-marketing-de-linnovation/

20 & 21 : Bureau d’étude en innovation Stratinnov – Les enjeux du Marketing de l’Innovation – Mars 2018 – https://www.stratinnov.com/2018/03/02/enjeux-marketing-de-linnovation/

22 : Monde des grandes écoles et universités – L’innovation, élément clef du marketing – Avril 2011 – http://www.mondedesgrandesecoles.fr/l%E2%80%99innovation-element-cle-du-marketing/

23 : Jean Claude Besson –Intervenant à l’ISCOM Lyon –  Cours d’Insights et Tendances – 2018

24 : LSA Conso – 10 conseils pour optimiser la collaboration entre grands groupes et start-up – Juillet 2016 – https://www.lsa-conso.fr/food-tech-10-conseils-pour-optimiser-la-collaboration-entre-grands-groupes-et-start-up,242175

25 : Henry William Chesbrough – Open Innovation: The New Imperative for Creating And Profiting from Technology – Septembre 2006

26 : La FoodTech – Réseau Thématique French Tech – https://lafoodtech.fr/ 

27 & 28 : DigitalFoodLab – La FoodTech en France 2013 – 2017 – Novembre 2017 – https://www.digitalfoodlab.com/foodtech-france-2013-2017/

29 : Salon International de l’Alimentation – https://www.sialparis.fr/

30 : DigitalFoodLab – Rapport du SIAL 2018 – Décembre 2018 

31 : DigitalFoodLab – La FoodTech en France 2013 – 2017 – Novembre 2017 – https://www.digitalfoodlab.com/foodtech-france-2013-2017/

32 : DigitalFoodLab – Vidéo Youtube – La communication pour une startup Food – Novembre 2017 – https://www.youtube.com/watch?v=61q8UncpBoM

33 : DigitalFoodLab – Vidéo Youtube – La communication pour une startup Food – Novembre 2017 – https://www.youtube.com/watch?v=61q8UncpBoM

34 : LSA Conso – 10 conseils pour optimiser la collaboration entre grands groupes et start-up – Juillet 2016 – https://www.lsa-conso.fr/food-tech-10-conseils-pour-optimiser-la-collaboration-entre-grands-groupes-et-start-up,242175

35 :  Relation Client Mag – Enseignes : quelles leçons tirer des foodtech ? – Mars 2017- https://www.relationclientmag.fr/Thematique/strategies-1255/Breves/Enseignes-quelles-ons-tirer-foodtech-314881.htm#UErbifs32Xs6mBxf.97 

36 & 37 : Relation Client Mag – Enseignes : quelles leçons tirer des foodtech ? – Mars 2017- https://www.relationclientmag.fr/Thematique/strategies-1255/Breves/Enseignes-quelles-ons-tirer-foodtech-314881.htm#UErbifs32Xs6mBxf.97

38 & 39 :Forbes – FoodTech : Carrefour Avale La Start-Up Quitoque – Mars 2018 –  https://www.forbes.fr/business/foodtech-carrefour-avale-la-start-up-quitoque/?cn-reloaded=1

40 : L’Usine Nouvelle – La FoodTech alimente l’innovation – Décembre 2017 – https://www.usinenouvelle.com/editorial/la-food-tech-alimente-l-innovation.N622943

41 & 42 : Vitagora – Le réseau des innovateurs alimentaires –  https://www.vitagora.com/

43 & 44 : Interview Directeur Vitagora, Christophe Breuillet – Toaster Loab 

45 : L’Usine Digitale – Food Tech, magasin de demain… Casino innove avec 3 concours auprès des start-up, des clients et de ses collaborateurs – Décembre 2018 – https://www.usine-digitale.fr/article/cdemain-le-concours-de-casino-pour-faire-decoller-les-start-up-de-la-food-tech.N778944

46 : Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation – https://agriculture.gouv.fr/egalim-tout-savoir-sur-la-loi-agriculture-et-alimentation

 

Innover pour exister ?

Illustration 1

Image mise en avant

Freepik

Vecteurs créés par Unitonevector

 

Illustration 2

Steve Blanks citation

Le Shift

https://le-shift.co/c-est-quoi-une-startup-definition-difference-entreprise/

 

Illustration 3

 Réseau de la FoodTech
FoodTech https://lafoodtech.fr/

 

Illustration 4

 Logo Nelio
Nelio https://www.nelio.io/

 

Illustration 5

 Logo Kazidomi
Kazidomi https://www.kazidomi.com/fr/

 

Illustration 6

 Logo Little Gustave
Little Gustave https://littlegustave.com/

 

Illustration 7

 Publicité Carrefour pour le service QuiToque
Carrefour https://www.carrefour.fr/services/quitoque

 

 

 

Illustration 8

 Logo Vitagora et Toaster Lab
Vitagora https://www.vitagora.com/

 

Illustration 9

Concours C’Demain Casino
Casino https://www.groupe-casino.fr/le-groupe-casino-lance-cdemain-un-grand-concours-dinnovation-pour-penser-le-commerce-de-demain/