Les nouvelles technologies révolutionnent l’expérience des visiteurs dans les musées, en leur permettant d’interagir avec les œuvres de façon immersive et marquante. La relation entre le virtuel et les musées a nettement évolué au fil du temps et son utilisation comporte plusieurs intérêts et opportunités pour ces institutions, mais également de grands défis. 

La découverte d’une culture sous un nouveau jour

Alors qu’on le désignait comme un risque, le virtuel est de plus en plus utilisé au sein des musées afin d’offrir aux visiteurs des expériences uniques et immersives. Aujourd’hui, il est également utilisé pour des questions d’accessibilité à la culture. La réalité virtuelle n’est pas un outil réservé aux jeux vidéos ou à la vente, elle peut être mise au service de la culture.

D’un point de vue muséal, les nouvelles technologies peuvent être pratiques pour certains publics. Au cours du temps, plusieurs dispositifs ont été mis en place pour garantir l’accessibilité à tous à la culture. On pense notamment aux personnes malvoyantes ou non voyantes pour lesquelles nous avons créé des outils tels que des applications ou encore des podcasts. 

En archéologie, le virtuel peut être utilisé pour reconstituer des édifices, aujourd’hui en ruine, ou bien même des monuments détruits. En 2017, une startup australienne s’est lancée le défi d’utiliser les casques de réalité virtuelle afin de reconstruire virtuellement des sites antiques. A travers cette démarche, l’entreprise cherche à aider dans différents domaines comme le tourisme, l’éducation, mais également la recherche. La réalité virtuelle nous permet donc de visualiser des monuments historiques de plus près. Il en est de même pour les sculptures grecques, où le virtuel agit comme une machine à remonter le temps. Salomé. G, étudiante au Louvre, énonce le fait que « le virtuel nous permet de visualiser à quoi pouvait ressembler certaines choses comme la polychromie ». Grâce à cet outil, nous faisons un bond vers le passé comme nous avons pu l’observer avec la reconstruction virtuelle du théâtre antique d’Orange. Cette expérience a été mise en place en complément de la visite du lieu culturel. Les visiteurs ont assisté à la reconstruction d’une cité romaine, mais également de ce patrimoine. C’est une façon de faire vivre une expérience sensorielle et mémorable. Selon Salomé. G, le virtuel porte un réel intérêt historique, mais il permet aussi « de créer des expériences plus immersives, voire intuitives dans un musée, notamment pour les enfants, mais pas uniquement, et c’est ce qui est le plus attractif. Cela permet donc d’attirer un autre public qui n’aurait pas forcément mis les pieds dans un musée. ».

C’est durant la crise sanitaire que l’utilisation du virtuel a explosé. Nous pouvons encore trouver plusieurs utilisations au virtuel dans le milieu artistique, par exemple, les musées virtuels. C’est une alternative aux visites physiques qui comportent plusieurs avantages. Ces lieux culturels permettent aux personnes ne pouvant pas se déplacer, d’avoir accès à des expositions et à des collections sans faire de visite physique. De plus, les musées virtuels nous offrent la même chose que lorsque l’on visite physiquement un musée, nous pouvons y observer les différentes œuvres d’art, leur histoire, leur contexte. L’avantage ici est que l’expérience est plus immersive et interactive, et que par cette expérience unique, le visiteur pourrait d’autant plus s’intéresser à l’art et à la culture en général. 

En 2017, une grande innovation est offerte au monde entier : le musée UMA. Premier musée en réalité virtuelle qui a collaboré avec plusieurs institutions culturelles afin de pouvoir mettre en place différentes expositions accessibles gratuitement sur internet. « Art should be accessible everywhere, anytime for free. Uma, the Universal Museum of Arts, wants to change our relationship to art. », c’est dans cette démarche que ce musée virtuel a été créé. L’idée initiale était donc de démocratiser la culture en facilitant son accès tout en offrant des expositions éducatives, immersives et uniques. 

Durant la Covid-19, l’UMA a été le seul musée en France ouvert. Alors que la totalité des musées étaient fermés, ce musée virtuel a accueilli plus d’un million de personnes. Cette institution a été capable de réunir de grandes œuvres statiques pour les expositions qu’il proposait. Un des objectifs de l’UMA a été de conserver des œuvres et de les diffuser. Les fondateurs ont créé un lieu sans fin et où rien n’est impossible. A travers ce musée, nous retrouvons le côté pédagogique de tous les musées puisque l’UMA propose de réaliser des expositions en rapport avec les programmes scolaires et garantit à tous l’accès à l’art. C’est, finalement, un lieu qui va servir à la transmission de la culture grâce à la technologique qu’il utilise. Celle-ci permet à ce musée d’augmenter sa visibilité et donc d’élargir sa cible. 

Les lieux culturels essayent ainsi de se réinventer grâce à la technologie. Des audioguides, nous sommes passés aux applications mobiles, puis à la réalité augmentée ainsi que virtuelle, dans le but de créer une expérience plus authentique. Pour certains musées, le parcours du visiteur n’est plus organisé autour de l’œuvre, mais plutôt autour de ce que doit vivre le visiteur : une expérience totalement immersive. Le meilleur exemple sur lequel on peut s’appuyer est L’Atelier des Lumières à Paris. Ce centre d’art numérique fait abstraction de tout ce que nous pouvons observer dans les musées classiques, et propose une diffusion d’œuvres sur des murs qui est rendue plus dynamique grâce aux musiques qui l’accompagnent. C’est une expérience visuelle et sonore, car aucune autre information sur les œuvres n’est donnée au public. On suppose que c’est pour pouvoir pleinement apprécier ce spectacle et attiser la curiosité des visiteurs. 

Pour commémorer le 500e anniversaire de la mort de Léonard de Vinci en France, le Musée de Louvre décide de faire vivre La Joconde grâce à la réalité virtuelle. L’objectif de cette expérience est de créer un lien entre l’œuvre et le visiteur, afin qu’il puisse réellement comprendre et s’informer sur l’histoire de Mona Lisa, et ne plus croire aux mythes sur ce tableau. Le visiteur a la chance de pouvoir découvrir l’œuvre sous ses moindres détails, ainsi que de trouver toutes les réponses aux questions qui peuvent en fasciner certains. Le public a l’occasion de se mettre à la place du peintre et de connaître le processus mis en œuvre pour en arriver à un tel résultat. Cette expérience est un véritable gain de temps pour les visiteurs, car le Louvre est un des musées les plus visités au monde. De ce fait, La Joconde n’est visible que quelques minutes. 

Plusieurs institutions vont également vouloir reproduire l’expérience d’une visite physique dans un monde virtuel, tels que le musée UMA ou Le Musée du Louvre, mais quelles en sont les limites ? 

Le virtuel rencontre-t-il des limites pour les musées et pour l’art en général ?

Affirmer que le virtuel est sans limites est faux. Toute l’euphorie créée autour des nouvelles technologies est due à l’appel de la nouveauté, mais aussi à la volonté d’être authentique et mémorable. Selon certains spécialistes, tout ce qui constitue le virtuel constitue un véritable danger pour les institutions culturelles et l’art en général. Pour les différents auteurs du rapport de Hiscox Online Art Trade « C’[est un] marché [qui] connaîtra des hauts et des bas, mais le monde de l’art [doit] y prêter attention s’il veut rester pertinent à l’avenir. » 

A première vue, la virtualisation des musées semble être avantageuse, mais il y a toujours des limites à prendre en compte. Notamment des limites budgétaires pouvant limiter l’expérience du visiteur, mais aussi des limites autour de la création d’une œuvre ou bien même des limites juridiques. 

Tout d’abord, ce n’est pas une technologie adaptée à tous : le virtuel ne séduit qu’une certaine cible et peut ne pas satisfaire l’entièreté de la population. Dans un lieu tel que l’Atelier des Lumières, les visiteurs cherchant à découvrir plus méticuleusement des œuvres pourraient ne pas être satisfaits de leur expérience, car l’expérience est très différente d’une visite classique où nous pouvons observer l’œuvre dans sa taille réelle. Pour Salomé. G, « même si cela permet de casser des barrières, il n’est pas nécessaire d’installer de la réalité virtuelle dans tous les musées si ce n’est pas pertinent. C’est plutôt du sensationnalisme inutile, ou une perte d’argent pour des musées qui n’ont pas toujours les moyens. ». En effet, rappelons que créer une expérience totalement immersive et réussie est difficile et a un coût. Les visites virtuelles peuvent moins satisfaire que les visites physiques. C’est un coût qui est variable et qui dépendra de différents critères, notamment de l’objectif du projet, la taille du musée ou encore l’équipement utilisé. Même si le virtuel est un outil offrant de nouvelles expériences, il est impératif que les musées le perçoivent comme un réel investissement. 

Nous pouvons également évoquer l’Intelligence Artificielle qui présenterait une multitude d’avantages, sans inventer quoi que ce soit ni faire preuve de la sensibilité propre à l’humain dans la création d’une œuvre. « En tant qu’humain, nous ne créons jamais rien de réellement nouveau non plus, puisque nous avons toujours des influences que nous suivons, ou des codes préexistants à casser. Mais il y a une part de sensibilité et d’interprétation qui est propre à l’humain. ». Par conséquent, demander à une IA de reproduire une œuvre digne de Picasso, ce serait mélanger et construire ce qu’elle a déjà vu, sans prendre en compte le contexte historique. Par exemple, pour La Laitière, une agence de communication a eu recours à l’Intelligence Artificielle pour reconstruire le célèbre tableau de Vermeer en imaginant ce qui se pouvait se cacher derrière. 

La Laitière — Wikipédia

On observe alors un outpainting de l’œuvre originale, l’extension créée par l’IA ressemble fortement à ce que nous pouvons apercevoir dans les spots publicitaires de la marque, ou même dans d’autres peintures. L’IA aurait-elle basé cet outpainting sur ce qui existe déjà ? D’après Salomé. G « si les artistes se basent sur l’IA, pour générer une image qu’ils retravaillent par la suite, ça peut être un outil utile tant qu’on n’en abuse pas. ».

Si le virtuel est un nouveau moyen de communication permettant de briser des barrières, des défis relatifs aux droits d’auteurs vont se poser. Toute œuvre originale est protégée par le Code de la Propriété Intellectuelle et donc, par le droit d’auteur. La numérisation des œuvres pour un musée virtuel impose au musée d’avoir le consentement de l’artiste, sans qui l’œuvre en question ne pourra pas apparaître dans le musée virtuel. Bien évidemment, il y a des exceptions où le consentement de l’artiste n’est pas nécessaire, par exemple, si l’œuvre est tombée dans le domaine public (70 ans après la mort de l’artiste). En d’autres termes, avant de pouvoir créer des expositions ou des musées virtuels, les droits d’auteurs et le Code de la Propriété Intellectuelle doivent être pris en compte dans l’utilisation d’œuvres d’art et d’objets culturels.

Bien que le virtuel ait le pouvoir de prolonger une expérience, il s’agit de trouver un juste milieu dans les musées. C’est un très bon outil qui peut être utilisé pour répondre à différentes problématiques, mais il ne faut pas en abuser pour ne pas dénaturaliser le musée, au point que le visiteur oublie l’objet en face de lui.

Que pouvons-nous en conclure ?

En somme, grâce à l’implantation du virtuel dans les musées, de grands progrès ont été démontrés aux yeux de tous. Nous pouvons préparer notre visite au musée, utiliser un plan interactif, écouter des podcasts avant et après la visite, faire des recherches sur internet après la visite pour compléter ce que nous avons appris lors de ce passage au musée. Nous faisons donc face à une expérience qui est entretenue, même depuis chez soi. 

La Covid-19 a fait émerger de nouveaux moyens de se cultiver et de consommer notre culture. C’est l’occasion pour les musées de créer de nouveaux moyens de communication et d’interaction avec leur public tout en restant cohérents dans la démarche et en faisant en sorte qu’elle soit comprise par le visiteur. Par les musées virtuels, par exemple, qui vont offrir une expérience immersive tout en préservant et en présentant la culture d’une manière innovante et captivante. Cependant, il y a des limites importantes à prendre en compte pour le maintien de notre art. La production du contenu virtuel a un coût que tout le monde ne peut pas investir. Les institutions doivent donc se poser les bonnes questions avant de se lancer.

On peut alors affirmer que le virtuel peut être utilisé en complément des visites virtuelles, afin que l’expérience soit qualitative et immersive. Il y a un équilibre à trouver entre l’utilisation du virtuel, qui ne doit pas se substituer aux musées actuels, et l’expérience physique de la visite, pour assurer aux visiteurs, un moment mémorable et unique. 

Webographie

Entretien

  • Entretien avec Salomé. G, étudiante à l’école de Louvre