Dans un précédent article, nous avons vu comment Internet a permis une facilitation de production et de développement artistique pour les rappeurs, au-delà du cercle de développement classique. Ce n’est évidemment pas spécifique au Rap, même si, compte tenu de sa légitimité vis-à-vis du monde de la musique, il était l’un des genres les plus favorables à ce changement.  Je propose aujourd’hui d’aller plus loin, et d’étudier des styles de musique qui se sont presque exclusivement développés en dehors des circuits de distribution, sans label, sans volonté et objectifs de vente et qui ont réussi à fédérer des communautés, de manière éphémère ou non. Aujourd’hui, nous allons nous pencher sur les microgenres.

Commençons par définir ce terme. Nous pouvons le faire sur 3 aspects (L. Martin, 2021) :

  • Tout d’abord, c’est une sous-catégorie très spécifique de composition artistique, qu’elle soit musicale, littéraire, etc. qui est caractérisée par un style, une forme, un contenu particulier,
  • C’est aussi une catégorie éphémère, souple et provisoire utilisée pour lier et établir des connections entre différents artefacts culturels issus de diverses périodes historiques de différents arts (cinéma, musique, littérature, etc…),
  • C’est enfin un genre spécialisé de niche, classé par une machine ou établi rétroactivement par l’analyse (c’est par exemple le mode de fonctionnement des plateformes de streaming type Spotify qui utilisent des milliers de genres différents pour leur algorithme).

Un microgenre peut donc prendre place dans tout type d’art, parfois simultanément. Nous allons ici nous concentrer sur des mouvements musicaux, même si la musique s’accompagne souvent de tout un univers visuel, comme nous l’évoquerons plus tard.

Pour rappel, ce qui a permis le développement de ce phénomène, c’est la popularisation d’Internet, et surtout du web 2.0. Quand la production et la diffusion artistique étaient auparavant (et le sont toujours dans une certaine mesure) régies par des structures et des institutions (labels, médiateurs, spécialistes d’art), les nouvelles technologies, notamment les réseaux sociaux, les plateformes de streaming, etc.  ont pris un rôle important dans ce circuit de distribution, et dans certains cas, ont développé des nouveaux circuits.

Nous pouvons retenir 3 éléments majeurs (J. Tavares, J. Isidro, 2021) :

  • L’importance des réseaux sociaux dans la formation et l’opinion et la prolifération des mouvements d’influence de cette opinion (processus simultané et circulaire),
  • Un changement dans le processus de formation/conception/diffusion des modèles artistiques,
  • Le développement des technologies numériques, leur facilité d’accès et d’usage, déterminant dans les changements des comportements sociaux et des processus artistiques. D’une part, la production musicale est accessible à n’importe qui ayant un ordinateur. D’autre part, la relation entre artiste et consommateur a grandement été impactée puisque ce dernier devient aussi un acteur du processus de création/diffusion.

Ces microgenres ont aussi une autre particularité en termes de communication qui les distinguent de genres plus classiques tels que le rock ou la pop. Ce sont des genres nés sur Internet et ils héritent de cette culture. Ils sont à la base bien souvent des memes (élément ou phénomène repris et décliné en masse sur Internet, souvent de manière humoristique), se développent et se propagent sur Youtube, Reddit, Tumblr et sont accompagnés d’un univers visuel. J’ai pu interroger plusieurs personnes sur leur rapport avec un microgenre en particulier que nous aborderons plus loin, et tous l’ont découvert soit sur Youtube avec des compilations, soit sur des plateformes de partage d’image avec des memes. Le but des artistes de ce style n’est pas de gagner en visibilité pour passer en radio ou être découvert par des maisons de disque, puisque ce type de genre est étranger à cela. Il n’existe que sur Internet et sur les sites de partage. Il n’y a donc pas d’équipes chargées des relations presse ou de campagne sur les réseaux sociaux. La communication dans le sens le plus strict du terme est faite par les acteurs et pour les acteurs. Il est donc inutile d’imaginer une stratégie marketing et de communication professionnelle puisque ces derniers n’existent pas et la communication se fait ici avec une grande diversité de moyens.

Cas de la vaporwave

Pour analyser ce mouvement, prenons pour exemple un des microgenres les plus étudiés, le Vaporwave. Il est un des plus étudiés pour une raison majeure : c’est l’un des premiers styles provenant exclusivement du web 2.0 à se développer sur plusieurs années, et à avoir une pérennité que d’autres microgenres tels que la Witch House ou le Sea-Punk n’ont pas eue.

Tentative de définition et bref historique

Le genre s’est développé dans les années 2010. Il est assez complexe d’en donner une définition exacte et nous pouvons parler de genre vidéo-musical car une esthétique s’est développée conjointement à la musique et les deux ont indissociables. Nous pouvons dater le véritable commencement avec 2 albums sortis en 2010 et en 2011 qui sont souvent cités comme précurseurs du genre. Le premier, c’est Eccojams Vol. 1 de Chuck Person (pseudonyme de l’artiste Daniel Lopatin), ce dernier l’ayant sorti comme une blague, un meme. Il va pourtant planter les germes de ce que sera le genre puisque l’album est un mélange de musiques des années 80 à 2000, elles-mêmes ralenties et répétées en boucle, le tout étant parsemé de bruitages divers des technologies de l’époque. Le deuxième s’intitule Far Side Virtual de James Ferrero et est basé sur la même méthode de création. Ces 2 albums ont une esthétique visuelle similaire, les pochettes reprenant des éléments graphiques de jeux vidéo retro et des images en qualité 8 bit. Presque toutes les composantes de ce qui deviendra le genre étaient là. La personne qui popularisera le genre est cependant l’américaine Ramona Andra Xavier (MacIntosh Plus) avec son morceau リサフランク420 / 現代のコンピュー sorti en 2011 et qui cumule plusieurs dizaines de millions de vues sur Youtube. C’est d’ailleurs ce morceau et l’album dont il est tiré qui sont cités comme la référence du genre, et qui servent souvent d’introduction au style.

D’un côté, la musique Vaporwave « s’inspire de musiques des années 1980 à 2000, se construisant à partir d’extraits de morceaux funk, new age ou jazz, mais aussi de musiques d’ambiance (muzak), de publicités ou de génériques d’anime japonais. Les musicien∙ne∙s fragmentent ces musiques en samples, les superposent (mash-up), les font tourner en boucle (loop) ou les passent au ralenti (chopped and screwed) pour composer de nouveaux morceaux au rythme lent et répétitif. » (K. Bideaux, 2022). Ces morceaux semblent lointains, provenant presque d’un rêve qui se dissipe peu à peu de notre mémoire et créent une sorte de nostalgie d’une époque révolue, voire inexistante.

De l’autre, l’esthétique et l’aspect visuel se composent de collages numériques de différentes images, logos, visuels de l’univers informatique avec une grande présence du Windows des années 90/2000 ainsi que du matériel informatique. Des images rétrofuturistes, souvent inspirées des publicités, des clips vidéo et des émissions de télévision des années 80 et 90, sont souvent incorporés. Des références à la culture de la consommation, notamment aux marques, aux logos et aux slogans publicitaires, sont aussi utilisées pour créer une esthétique visuelle qui rappelle la culture de la consommation des années 80 et 90. Enfin, des décors inspirés de la Californie et de la West Coast sont mélangés à une vision futuriste du Japon. Tout ce mélange qui semble à première vue dénué de sens et de liant participe pourtant à créer cette atmosphère brumeuse, cette impression d’ailleurs lointains parfois angoissante avec la surexposition des nouvelles technologies qui laisse, comme pour la musique, un goût de nostalgie. C’est d’ailleurs tout l’aspect esthétique qui aurait participé à populariser le genre grâce à l’aspect anachronique et post-ironique des débuts de la culture numérique. Les visuels étaient au départ (et sont toujours) vus comme des memes sur les plateformes comme Tumblr (M. Lin, 2020).

Ces 2 aspects, comme écrit précédemment, sont évidemment indissociables et se complètent : les musiques d’ambiance et d’ascenseurs couplées à des visuels des années 90 participent conjointement à ce rappel de la société de consommation de l’époque, et participent à provoquer un sentiment de nostalgie. Le genre peut aussi se rattacher au « Post-Internet ». Ce dernier désigne le mouvement artistique et culturel qui émerge à la suite de la prolifération de l’utilisation de l’Internet et des technologies numériques dans la société.  Le mouvement Post-Internet se caractérise par une utilisation critique et expérimentale de la technologie numérique dans l’art contemporain et la culture visuelle. Les artistes qui travaillent dans ce domaine s’appuient souvent sur des images, des vidéos, des objets, des sons et des données trouvés en ligne ou créés numériquement pour créer des œuvres qui explorent les thèmes de la réalité virtuelle, de la technologie, de la société de l’information et de la culture de la consommation. 

Finalement, donner une définition unique semble impossible, car c’est un genre évoluant avec le temps, et toutes les personnes que j’ai pu interroger m’en ont donné une sensiblement différente les unes des autres. Il y avait cependant un thème revenant constamment lors de mes échanges avec eux, c’est celui de la nostalgie.

Générations nostalgiques.

Cette utilisation de samples de musiques des années 80/90, de visuels des premières années d’Internet, de cette société de l’époque remixée dans des musiques plus lentes et répétitives, participe à créer un profond sentiment de Nostalgie partagé par l’immense majorité des auditeurs du genre. Conquering_fury m’avait par exemple dit que ce genre lui donnait le sentiment de « nostalgia of a time that never existed […] my generation in particular was heavily involved in internet culture from a young age, so that also likely plays a part » tandis que Criscientperis disait “vaporwave is mostly calming, and it’s also somewhat nostalgic, even if you weren’t born in the 80s or 90s. I guess it’s because they still relate to modern settings likes cities or malls, which haven’t changed much.”. L’impression qu’avait eue eathsluxurypepsi la première fois qu’il écouta un morceau du style fut la suivante « I remember how it struck me as weirdly nostalgic and haunting, and I guess that feeling kept me coming back ».  Elite Zararus, ancien producteur de Vaporwave précédemment signé sur le label TCR Records et s’étant maintenant spécialisé dans la musique ambiante et électronique, m’expliquait que ce genre racontait une histoire qu’il lui serait impossible d’expérimenter dans la vraie vie.

Pour rappel, la nostalgie, est un état émotionnel déclenché par la comparaison entre le passé et le présent et qui implique des pensées et des sentiments concernant des événements, des relations, des lieux ou des personnes du passé (C. Sedikides, T. Wildschut, 2008). Pour être plus précis, la nostalgie musicale impliquerait à la fois des sentiments personnels et des références culturelles. Cette nostalgie se déclencherait donc par l’écoute de certains morceaux associés à des moments clés de la vie personnelle ou à une époque particulière ou, de manière plus large, à des mouvements sociaux ou périodes historiques (Juslin, P. N., Liljeström, S., Västfjäll, D., & Lundqvist,)

Ce sentiment décrit par les personnes interrogées semble donc différer de ces deux définitions, puisque cette nostalgie provient de choses (en partie) inventées et que la plupart des auditeurs du genre n’étaient pas nés dans les années 80/90, époque d’où sont tirés la très grande majorité des samples. Nous ferions donc face à une nostalgie paradoxale et reconstruite (P. Ballam-Cross, 2021).

Les auditeurs adoptent donc une forme collective de nostalgie pour des situations qui n’ont jamais existé. Ils ne sont donc pas nostalgiques des années 80 ou 90, qu’ils n’ont pour la plupart jamais connues, mais plutôt de la construction d’une époque inspirée par la culture populaire et qui n’existe que dans leur imagination. Cette invention peut donc être perçue comme une forme d’évasion, à la fois à travers la musique, les visuels et les commentaires postés par les internautes.

En effet, la plateforme YouTube, qui est le lieu privilégié pour le partage de ce genre musica,l car elle permet de combiner la musique et l’aspect graphique, offre la possibilité aux utilisateurs de laisser des commentaires sous chaque vidéo. Les commentaires postés par les fans de Vaporwave rappellent cette fiction et ce sentiment de nostalgie, et peuvent être qualifiés de “microfictions narratives” (Winston, Saywood, 2019). Cela est également le cas pour tous les genres qui gravitent autour de la Vaporwave, et cet exercice de style est une sorte de culture propre à cet univers. Il repose soit sur la musique elle-même, soit sur l’aspect visuel qui l’accompagne, soit sur le titre, soit sur une combinaison des trois. Si nous prenons la vidéo de l’utilisateur Sega64 intitulée « Employee of the month – Vaporwave Mix », nous pouvons voir plusieurs exemples dans les commentaires les plus aimés. : « POV: You walk into an office building and try to wave good morning to the security guard with a cup of coffee in one hand and a brown leather briefcase in the other. The security guard smiles, waves and presses the button to open the door and you manage to get to the elevator just before it closes. Sales report for the quarter came in this morning and your name is at the top of the list. Your boss’s assistant helps you calculate what your bonus looks like. “Congratulations” she says.” D’Erica D est le commentaire épinglé. Ryan Does Youtube a quant à lui écrit « POV: The bosses desk is our vantage point looking down at the employee. At first glance it looks like a nice setup the employee has until you realize it’s the “low productivity desk”. The boss places you there for a while to “keep an eye on you” until you get your numbers up. No one at that office likes the low productivity/boss is watching you desk. Mike and Stan are checking out some new movie called “Back to the Future” in theaters after work and you got invited to go but you can’t… You’re stuck trying to get your numbers up by putting in unpaid OT… At the low productivity/boss is watching you desk. No worries, it probably won’t be that great of a movie anyway..”.

En postant ces commentaires, les internautes s’engagent volontairement dans la création d’une nostalgie reconstruite et participent à développer la culture autour du genre, en créant, en plus d’un univers musical et visuel, un univers littéraire. Finalement, cela renforce un peu plus le sentiment d’une communauté construite autour de cette nostalgie.

Les spécificités du genre

Ce qui, à mon sens, fait la plus grande spécificité du genre, c’est le fait que ce soit un genre open-source, comme l’a très justement souligné Conquering_fury lors de notre entretien. L’open-source, dans le domaine de l’informatique, est une approche de développement de logiciels ou de projets qui encourage la collaboration et le partage du code source entre les développeurs. Contrairement aux logiciels propriétaires, où le code source est gardé secret et constitue la propriété exclusive de l’entreprise qui le développe, le code source des logiciels open-source est accessible publiquement, permettant à toute personne de le consulter, de le modifier et de le distribuer. L’exemple le plus connu est celui du système d’exploitation Linux.

Si l’on peut parler d’open-source pour ce genre musical, c’est parce que ses moyens de production, de diffusion et d’échange ne sont pas régis par les mêmes barrières que les genres plus classiques : il n’est pas nécessaire d’apprendre à jouer d’un instrument ou la théorie musicale, tout comme il n’est pas nécessaire de savoir dessiner pour créer des visuels. De plus, il n’est pas nécessaire d’avoir un contrat avec une maison de disques pour diffuser son œuvre. C’est un genre qui a été créé sur Internet et presque “par” Internet. Il s’est développé grâce à une génération qui a grandi avec un ordinateur connecté en permanence, et qui façonne les codes du numérique.

Ainsi, n’importe qui peut créer une œuvre dans ce genre, tant qu’il comprend plus ou moins ses codes. Il suffit de se rendre sur YouTube ou d’autres plateformes, de trouver une chanson perçue comme ayant du potentiel, de la télécharger et de la transférer dans une DAW (Digital Audio Workstation) pour appliquer divers effets et obtenir cette ambiance ralentie et ambiante. De même, il suffit de télécharger quelques images, de les coller et de les modifier avec Photoshop. Cet aspect DIY (do it yourself), cet aspect punk, a permis au genre de se développer à l’origine.

MNsquatch777 a évoqué une autre spécificité lorsque je lui ai demandé la différence entre la Vaporwave et les autres genres plus « classiques » : “The first being just how niche vaporwave is. It doesn’t get radio okay of any kind. It’s one of those that’s such an internet genre that it lacks ground elsewhere. It doesn’t have many real world roots outside of the occasional shows that go on.” Le genre est né sur Internet et vit presque exclusivement là. Il ne passe pas à la radio, ne figure pas dans le top 50, n’est pas joué lors de grands festivals et n’est pas représenté par les grandes maisons de disques. Il diffère donc des genres plus “classiques”, et cet avis est partagé par la plupart des personnes interrogées. C’est le cas, par exemple, de cette personne qui a préféré rester anonyme : « Of course it’s different! Vaporwave is a whole different beast compared to those boring old genres. It takes the sounds of the past and transforms them into something new and exciting. It’s all about creating a mood and an atmosphere that transports you to a different time and place. And let’s be real, who wants to listen to the same old rap and pop songs over and over again when you can experience the trippy, surreal world of vaporwave? It’s like taking a mind-bending journey through a neon-lit dreamscape.”

Ces deux spécificités (la différence par rapport aux genres classiques et l’approche DIY) apportent une autre vision au genre, celle d’une critique ironique du capitalisme. Lors de mes recherches, j’ai lu plusieurs articles qui s’accordent sur une critique latente et ironique du capitalisme. Nous en revenons donc à l’idée d’un mouvement punk numérique : facilement reproductible, ironique voire cynique et anticommercial, car le genre repose souvent sur le sampling (réutilisation de musiques déjà existantes), souvent sans l’accord des artistes échantillonnés. Il offre une critique de l’essor du consumérisme et de la mondialisation de l’intérieur, car il réutilise directement tous les éléments de l’utopie capitaliste des années 90 : musiques d’ascenseur et de centres commerciaux, visuels du développement de l’informatique, etc. Tous ces éléments sont exagérés, que ce soit à travers les collages, les couleurs, les répétitions ou les parodies. Le genre fait également de nombreuses références à la culture japonaise (jeux vidéo, animation) et arbore une esthétique kitsch caractérisée par son inauthenticité, sa surcharge et sa médiocrité (K. Bideaux, 2022).

Genre pérenne ou genre mort-né ?

Cet aspect punk était sans doute véritable au début du genre, quand il était encore de niche, mais avec son évolution, cet aspect s’est dissipé. On trouve maintenant des sites tels que Vapor95 qui se spécialisent entièrement dans la vente de produits dérivés estampillés “Vaporwave”. Nous faisons maintenant face, tel une mise en abyme, à une ironie dans l’ironie : le genre serait devenu ce qu’il critique.

Nous pouvons nous demander si ce n’est pas là une conclusion logique pour ce genre. En effet, le genre s’est construit sur un “recyclage” d’œuvres anciennes, de documents, de visuels, de musiques datant d’une époque révolue, d’une époque morte, en les critiquant de manière ironique. Sans cette massification, le genre aurait sans doute connu la même fin que la SeaPunk et n’aurait pas survécu aussi longtemps. Pour Grafton Tanner, « la vaporwave n’est pas plus morte que le rock and roll. Et même si c’est le cas, cela aurait du sens qu’elle le soit n’est-ce pas? Si la vaporwave est morte c’est donc qu’elle a toujours été morte parce que les qualités qui la rendaient uniques sont fondées sur des matières mortes. S’il fallait vraiment lui trouver un qualificatif, la vaporwave serait en fait un zombie : morte mais vivante, un corps réanimé.»

Conclusion

Nous avons ici principalement parlé de la vaporwave et avons examiné comment elle fonctionne, s’est développée et la culture qui l’entoure. Tout ce que nous avons vu peut évidemment être appliqué, du moins en partie, aux autres microgenres qui se sont développés au cours de la dernière décennie. C’est par exemple le cas de la chillwave ou de la synthwave qui se sont développées durant la même époque et qui sont des genres mentionnés par les personnes que j’ai pu interroger. Le lo-fi hip-hop s’est par exemple totalement développé sur Internet jusqu’à devenir un genre plus mainstream. La Japanese city pop, genre qui s’est développé dans les années 70-80 avant de disparaître des radars, n’aurait jamais pu connaître le pic de popularité qu’elle a atteint ces dernières années sans Internet et le développement de ces codes qui font écho à la vaporwave (nostalgie imaginative, visuel l’accompagnant, etc.).

Pour comprendre le développement de ce phénomène, il faut comprendre la culture numérique qui s’est développée et nous pouvons nous poser la question suivante : ces genres qui sont nés d’Internet sont-ils le futur du monde musical, ou sont-ils condamnés à garder cette étiquette de mème et de temporalité succincte ? De plus, nous avons pu constater que la nostalgie était un sentiment bien présent dans le genre étudié, et qu’elle l’est aussi pour ceux qui gravitent autour (chillwave, synthwave, lo-fi hip-hop, city pop…). Autrement dit, la plupart des genres ayant émergé exclusivement sur Internet possèdent cet attribut et il pourrait être pertinent d’étudier plus en détail ce phénomène. Enfin, nous pouvons nous demander si ces genres, pour survivre, n’auraient pas intérêt à se professionnaliser et à se rapprocher des genres plus classiques, à développer des outils marketing et des stratégies, quitte à perdre une partie de ce qui fait leur identité.

Sources

Bibliographie :

Juslin, P. N., Liljeström, S., Västfjäll, D., & Lundqvist, L.-O. (2010). Emotional responses to music: The need to consider underlying mechanisms. Behavioral and Brain Sciences, 33(4)

C.Sedikides, T. Wildschut (2008) Nostalgia: Past, Present, and Future

Winston, Emma and Laurence Saywood. Beats to Relax/Study To: Contradiction and Paradox in Lofi Hip Hop. IASPM Journal 91 (2) (2019): 40–54.

Juslin, P. N., Liljeström, S., Västfjäll, D., & Lundqvist, L.-O. (2010). Emotional responses to music: The need to consider underlying mechanisms. Behavioral and Brain Sciences, 33(4)

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BIDEAUX, Kévin. Seapunk et vaporwave : esthétiques prospectives de deux hétérotopies virtuelles In : Pratiques artistiques et culturelles : jeux du réel et du virtuel entre plausible et incroyable [en ligne]. Paris : Éditions du Comité des travaux historiques et scientifiques, 2022

R. Nowak, A. Whelan (2018) “Vaporwave Is (Not) a Critique of Capitalism”: Genre Work in An Online Music Scene. Open Cultural Studies

G. Wilgos (2017) Waporwave, la musique d’un futur qui n’a jamais existé. Slate

P. Ballam-Cross (2021). Reconstructed Nostalgia: Aesthetic Commonalities and Self-Soothing in Chillwave, Synthwave, and Vaporwave. Journal of Popular Music Studies  33 (1): 70–93

Glitsos, Laura. “Vaporwave, or music optimised for abandoned malls,” Popular Music 37 (1) (2018): 100–18

G. Rouet (2016) Etude d’un milieu musical sur le Web, la Vaporwave, Université de Bourgogne – UFR Sciences humaines