Nous avons vu dans le précédent article intitulé “L’Union Européenne, une marque singulière qui parle à ses citoyens ?” que l’Union Européenne (UE) comme marque rencontre de nombreux défis pour établir une communication directe avec ses citoyens. Le public ciblé est en effet très large et parle une multitude de langues, rendant les communications plus complexes. Bâtir une approche à la fois objective et émotionnelle permettra à l’UE de se rapprocher de ses 446 millions de citoyens.
Nous allons dans cet article explorer une autre solution : familiariser les plus jeunes à l’Union Européenne dès l’enfance. L’institution intègre cet aspect important dans sa stratégie de communication globale à ses citoyens. Quels sont les enjeux d’une communication juste et factuelle auprès des 5-30 ans ? Tout au long de cet article, nous allons donc voir pourquoi elle leur parle, ce qu’elle veut leur dire et les stratégies qu’elle met en œuvre pour que ses messages soient entendus par les jeunes européens.
Avant cela, faisons un point sur l’identité de cette cible. Qui sont donc les jeunes européens ? Ce sont tous les citoyens de l’Union Européenne qui ont entre 0 et 30 ans. Cette cible est nombreuse : il y a en effet 151,9 millions de jeunes européens de 0 à 30 ans dans l’Union Européenne en 2021 (Eurostat, 2022, Statista, 2022). Dans cet article nous exclurons les plus jeunes enfants, et nous considérerons la tranche des 5 à 30 ans. Par ailleurs, nous allons diviser cette population en deux sous-groupes : les enfants de 5 à 15 ans et les jeunes de 16 à 30 ans.
1. Pourquoi l’UE leur parle-t-elle ?
Pour mieux comprendre la stratégie de communication de l’UE auprès des plus jeunes, j’ai échangé avec Mme Anne-Sophie Fabry1, qui travaille à la Direction Générale de la Communication à la Commission Européenne. Elle travaille plus particulièrement dans le service Publications pour les citoyens, dans l’unité Enfants de 5 à 18 ans.
Toute la démarche stratégique de l’UE a été résumée par Mme Fabry dans la phrase suivante : « développer la communication objective et factuelle de ce que fait l’UE pour ses enfants ».
Un but avant tout éducatif
L’UE est responsable de l’éducation de ses plus jeunes citoyens. Ceux-ci sont en effet son futur et sa relève.
L’Union Européenne veut donc les éduquer par le biais de l’école pour leur apprendre son existence, sa création, son histoire et ses principes. Elle veut également leur expliquer leurs droits et les bénéfices de son existence. Il s’agit bien sûr de donner à chaque enfant l’information adaptée à son âge, selon ce qu’il peut comprendre.
Pour cela, les solutions sont nombreuses. L’histoire de l’UE peut être expliquée en image et en histoire pour être plus accessible. De même, beaucoup de mesures mises en place par l’UE comme l’euro, la libre circulation des biens et des personnes, les standards d’hygiène et de sécurité, peuvent être expliquées aux enfants avec des mots simples et des exemples dans leur vie quotidienne. Les plus petits sont capables de comprendre que la pièce qui sert à acheter le pain est la même dans d’autres pays, ou que les aliments du supermarché sont contrôlés pour protéger leur santé.
Pour un choix libre en connaissance de cause
Il semble évident que l’on ne peut faire un choix que lorsque l’on connaît bien les deux propositions qui nous sont faites. L’approche objective nous permet ensuite de prendre une décision réfléchie. Il en est de même en politique.
Or, nombreux sont les interlocuteurs qui tentent de décrédibiliser l’Union Européenne. Des partis politiques (souvent nationalistes), ou des personnes convaincues de l’inutilité de l’organisation tentent de rallier les citoyensà leurs convictions. Malheureusement, il est courant que la désinformation, les informations inexactes ou les préjugés circulent dans ce type de discours.
Pour l’Union Européenne, informer ses enfants lui permet d’une part de lutter contre la désinformation et les fausses idées en communiquant de manière factuelle. D’autre part, cela l’aide à développer la liberté de ses enfants en « éveillant leur conscience » explique Mme Fabry. En effet, la liberté est une des valeurs fondamentales de l’Union Européenne, mais on ne peut poser un choix libre que lorsque l’on connait toutes les possibilités.
L’Union Européenne renseigne donc ses enfants, leur donne les clés de compréhension nécessaires pour qu’ils puissent décider par eux-mêmes ce qu’ils en pensent.
Il est évident que l’UE cherche à susciter l’adhésion de ses enfants au projet de paix, d’unité qu’elle porte. Puisque cette génération incarne la relève, l’UE tente d’être attractive pour que le projet européen continue d’exister dans le futur.
Pour autant, nous évoquions la liberté, et l’UE veut que ce choix d’adhésion vienne des jeunes eux-mêmes, sans que cette décision ait été forcée par une quelconque propagande. L’équilibre à tenir est donc à toujours redéfinir.
2. Besoins des cibles
Ces messages visent donc les plus jeunes européens, de 5 à 30 ans. Cependant, nous allons voir que les stratégies de communication diffèrent entre deux sous-groupes : les enfants de 5 à 15 ans d’une part et les jeunes de 16 à 30 ans d’autre part.
En effet, ces personnes, par leurs différences d’âges ne rencontrent pas les mêmes besoins et les mêmes problématiques.
Besoins des 5 – 15 ans
Les enfants européens ont comme tous les enfants une soif de connaissance.
Ils veulent découvrir le monde qui les entoure, et ils sont désireux d’apprendre toujours plus. Très curieux, ils sont intéressés par beaucoup de sujets et posent beaucoup de questions. Les enfants de cet âge ont besoin d’explications. En grandissant, leur réflexion devient plus précise et ils développent également leur esprit critique (Ministère de l’Éducation Nationale, n.d.).
En conséquence, les stratégies de communication mises en œuvre pour ces enfants auront pour objectif de favoriser leur apprentissage et leur éducation. Les écoles et les enseignants vont donc être des partenaires essentiels pour aider l’Union Européenne à enseigner à ses jeunes citoyens ce qu’elle veut leur transmettre. La pédagogie sera également un élément clé pour rendre l’UE accessible et intéressante pour eux.
Besoins des 15 – 30 ans
Les adolescents et jeunes adultes de 15 à 30 ans ont des besoins différents. Ces jeunes finissent l’école, démarrent leurs études, commencent à travailler… Ils deviennent adultes et autonomes. Cette cible est cependant plus complexe : si l’immense majorité des enfants est à l’école et a un quotidien similaire, le quotidien des jeunes peut être très différent selon leurs choix d’orientation.
Ces jeunes sont encore en construction, mais veulent pouvoir parler et être entendus, considérés pour ce qu’ils sont et ce qu’ils défendent. Ils ont de grands projets et veulent transformer le monde. Leur besoin de développer leurs connaissances reste présent, et l’Union Européenne se doit de leur apporter un contenu stimulant et riche intellectuellement pour les faire réfléchir.
Comme ils appréhendent le monde avec plus d’autonomie, l’UE se doit de les rejoindre là où ils sont. Aujourd’hui, le numérique et le digital sont absolument essentiels pour leur parler. Les réseaux sociaux et les ressources sur internet seront une part importante de la stratégie pour cette cible.
3. Comment l’UE déploie-t-elle des actions de communication pour répondre à ses objectifs et aux besoins de ses cibles ?
Plus les enfants apprennent tôt, plus ils sont à même de comprendre ce que l’UE fait pour eux, qui sont de futurs citoyens européens. C’est donc fondamental pour le futur de l’Europe.
Mme Fabry m’a donc expliqué deux canaux stratégiques qui permettent à l’UE de transmettre ses savoirs aux plus jeunes.
Le Réseau d’écoles européennes
Le premier est le réseau des écoles européennes. 150 000 écoles des 27 États Membres font partie de ce réseau. La communication se fait donc par mail, grâce à une newsletter envoyée à chaque établissement. Chaque établissement est ensuite chargé de transmettre cet email à tous ses professeurs. Les directeurs d’école et les enseignants sont donc des alliés essentiels pour faire connaître l’UE aux enfants. L’équipe dédiée aux publications pour les 5-18 ans juge nécessaire d’aider les enseignants en faisant venir le contenu jusqu’à eux.
En effet, pour des raisons de confidentialité et de respect des lois RGPD, l’UE ne peut directement cibler les parents d’enfants, à moins que ceux-ci n’aient expressément donné leur accord, me rappelait Mme Fabry. Les équipes pédagogiques sont donc les cibles prioritaires pour la mise en œuvre de cette stratégie.
Création de plateformes digitales
1. Espace Apprentissage
Le deuxième canal stratégique est le site web « Espace Apprentissage »2. Celui-ci a été créé pour rassembler sur cette unique plateforme tous les contenus éducatifs, activités et informations dont les enseignants ont besoin. Encore une fois, l’équipe dans laquelle travaille Mme Fabry rassemble tous les contenus éducatifs créés par l’ensemble des institutions européenne (au-delà de la Commission) sur une seule plateforme. Cela a pour but de simplifier le travail des enseignants en leur proposant des activités prêtes à l’usage, et dont toutes les informations sont correctes. Cela réduit le risque de désinformation ou de fausses informations dont nous parlions plus haut.
Les activités sont classées par âge et par thématique, pour trouver facilement ce qui conviendra à chaque enfant. Tous les contenus proposés sur Espace Apprentissage sont disponibles dans les 24 langues officielles de l’UE. L’accessibilité est donc optimisée pour que tous les enfants européens reçoivent la même instruction. Ce site est aussi bien sûr ouvert aux parents qui peuvent également proposer les activités à leurs enfants chez eux.
Le site propose également un onglet “Échanger entre enseignants”, qui permet aux professeurs de se retrouver, de discuter des expériences d’apprentissage avec les outils, de participer à des séminaires de formation.
2. European Youth Portal
La deuxième plateforme spécifique est celle du Portail pour la Jeunesse, qui s’adresse aux 16-30 ans et rassemble les services de l’UE pour les jeunes. Elle a également servi de site internet de référence pendant l’Année Européenne de la Jeunesse en 2022, dont nous allons parler plus en détail ci-dessous.
Tout d’abord, nous constatons que le site est très coloré et très dynamique. Ce n’est pas un site institutionnel « ennuyeux » ou « monotone ». Nous pouvons imaginer que les équipes qui ont travaillé sur la conception de ce site ont eu pour objectif principal de le rendre attractif. Ce site porte également les couleurs de l’Ukraine, pour rappeler l’engagement constant de l’UE aux côtés de ce pays en guerre.
La Plateforme Vocale
La Plateforme Vocale est située sur le Portail de la Jeunesse. Elle a été conçue pour que les jeunes européens puissent enregistrer et ensuite partager un message vocal dans lequel ils expriment leur vision pour l’Europe.
C’est une expérience digitale, qu’il est possible de vivre dans deux modes différents : immersif ou accessibilité. Le mode immersif permet d’entrer dans une « galaxie » virtuelle, où chaque point représente un message vocal sur lequel l’utilisateur peut cliquer pour l’écouter et/ou lire les sous-titres. Il est possible de naviguer dans cette galaxie grâce aux flèches du clavier, d’aller d’un message à l’autre et même de réagir grâce à des boutons réactions. Le mode accessibilité permet de dérouler les mêmes enregistrements sous forme de liste.
D’un point de vue communication, il est particulièrement intéressant qu’une institution comme l’UE développe des outils immersifs et dont l’expérience est plaisante. Tout d’abord, cela vient casser l’image d’une institution lourde et vieillissante. Cela accentue sa crédibilité auprès des jeunes et montre qu’elle est un acteur crédible dans le domaine du digital. Enfin, cela développe l’attractivité et la visibilité de ses supports de communication et d’information.
L’UE montre également par la création de cet outil qu’elle veut donner la parole aux jeunes et écouter ce qu’ils ont à dire. Les jeunes parlent donc de ce qu’ils souhaitent pour l’Europe, dans plusieurs grandes thématiques comme les valeurs européennes, l’écologie, le numérique, l’inclusion. L’attachement à la liberté et à la démocratie, l’interdiction des pesticides, le souhait que les enfants grandissent sans éco-anxiété, l’amélioration de la législation européenne, critiques de l’obsolescence programmée sont autant de sujets évoqués par des jeunes de toutes les nationalités de l’UE.
Création d’évènements pour les jeunes
Année Européenne de la Jeunesse
J’ai eu l’opportunité d’échanger avec Mme Karin Fehringer3 sur l’Année Européenne de la Jeunesse (AEJ), et sur la communication liée à cet évènement.
Mme Fehringer travaille à la Commission Européenne, plus précisément à la Direction Générale de l’Éducation, de la Jeunesse, des Sports et de la Culture. Elle a directement travaillé sur les activités de communication liées à l’AEJ (EYY en anglais pour European Year of Youth).
Il semble évident que cette année s’adresse particulièrement aux jeunes européens de 16 à 30 ans, et nous allons expliquer pourquoi ci-dessous. Auparavant, attardons-nous sur les raisons de cette année dédiée à la jeunesse.
- Origines de cette année dédiée à la jeunesse
Régulièrement, certaines années sont désignées pour devenir des années thématiques, avec pour objectif de mettre en lumière un sujet ou un groupe. 2018 était ainsi l’année de l’Héritage Culturel, 2009 était dédiée à la Créativité et l’Innovation, 2003 au Handicap.
En septembre 2021, la Présidente de la Commission Européenne Ursula Von der Leyen annonce que 2022 sera l’Année Européenne de la Jeunesse (AEJ). Cette annonce constitue déjà une communication à elle seule. Par là, elle affirme que l’UE prend soin de ses plus jeunes citoyens.
- Objectifs de cette initiative
Cette décision vient porter une attention particulière aux jeunes. En effet, les enfants et les jeunes ont été très touchés par la crise sanitaire du Covid-19. Début 2022, l’invasion russe en Ukraine et la guerre qui suit envahissent l’actualité, déjà très négative et anxiogène pour tous. Enfin, la crise environnementale fait aussi peser un poids sur les épaules des jeunes, de plus en plus nombreux à souffrir d’éco-anxiété. Selon différentes études, 85% des jeunes se sentent concernés par le changement climatique, et 70% sont très ou extrêmement inquiets (National Geographic, n.d., Statista, 2021,).
Ainsi, « l’une des thématiques importantes de cette AEJ était la santé mentale. Les jeunes avaient besoin d’échanger là-dessus, et l’objectif était d’offrir l’espace pour en parler, sans crainte de stigmatisation. » explique Karin Fehringer.
En effet, la vision de cette année était d’offrir des opportunités de participer à des activités d’apprentissage et d’engagement civique, de rencontrer de nouvelles personnes, de découvrir d’autres cultures, d’améliorer les perspectives d’emploi, de partager des idées, le tout à disposition de tous les jeunes européens.
- Moyens déployés
La campagne vidéo pour promouvoir l’AEJ montre les principaux objectifs de cette année. Mais plus intéressant encore, elle cherche à engager tous les jeunes. Car en milieu de vidéo, le ton change et le spectateur peut lire : « plus que jamais, l’Europe a besoin de chaque jeune pour défendre les valeurs européennes et construire un meilleur futur. »
Concrètement, près de 13 000 activités ont été organisées à travers toute l’Europe et même au-delà. Santé mentale, breakdance, ramassage des déchets, escape game, racisme, sécurité routière, initiation à la recherche scientifique, conférences sur la biodiversité, ateliers pour les personnes en situation de handicap, concours scientifique, concours photo, etc, sont autant de thématiques et d’évènements qui ont réellement eu lieu durant cette année, et dont il est possible d’avoir l’historique sur le site de l’AEJ.
L’Année européenne de la jeunesse 2022 a aussi été l’occasion pour les commissaires européens d’aller à la rencontre des jeunes afin d’entendre leurs préoccupations, leurs perspectives et leurs propositions concernant les défis les plus pressants d’aujourd’hui (European Youth Portal, 2023). De telles actions continueront au-delà de cette année 2022. Ainsi, la commissaire Stella Kyriakides a présidé le 22 février 2023 la 26ème édition de ce format appelé « Youth Policy Dialogue ». Cette rencontre diffusée en live pour être accessible au plus grand nombre portait sur la santé mentale.
Tous ces moyens ont été mis en œuvre pour déployer les compétences et les savoirs des jeunes européens, tout en leur faisant découvrir et connaitre les actions de l’Union Européenne pour eux.
Maintenant que l’AEJ est terminée, l’équipe communication de la DG EAC prépare des questionnaires d’évaluation. « Le but est de recueillir les avis et retours des jeunes sur cette année et les actions déployées » explique Karin Fehringer.
EYE2023 : European Youth Events
The EYE (European Youth Event) est un évènement qui a lieu régulièrement depuis cinq ans au Parlement Européen à Strasbourg. C’est l’opportunité de réunir des milliers de jeunes de 16 à 30 ans et d’échanger avec des experts, des activistes, des députés, des influenceurs et des décideurs au cœur de la démocratie européenne.
Pendant deux jours, les 9 et 10 juin 2023, les participants pourront réfléchir autour d’ateliers et de stands. Deux parcours seront proposés, le Election Track et le Green Track, pour guider les réflexions des jeunes autour des élections législatives européennes en 2024 et sur l’environnement et l’écologie (European Youth Events, n.d.).
Discover EU
Discover EU est un programme Erasmus+. Il permet aux jeunes de 18 ans de remporter un pass de train pour voyager et découvrir l’Europe pendant un mois. Grâce à ce pass, les jeunes peuvent donc découvrir d’autres pays européens que le leur et « acquérir des compétences de vie précieuses pour l’avenir, telles que l’indépendance, la confiance et l’ouverture à d’autres cultures » (Portail Européen de la Jeunesse, n.d.).
Par cette initiative, l’Union Européenne offre à sa jeunesse de voyager, de se forger une expérience en allant rencontrer d’autres cultures, de se cultiver, d’apprendre des autres.
Concrètement, « pour gagner les 35 000 titres de transport en jeu, ce sont 1,5 million de personnes connectées. Il faut donc un environnement informatique vraiment solide, c’est pourquoi 12 personnes y travaillent à plein temps. » explique Karin Fehringer.
Euroschola
Ce programme dépend du Parlement Européen, et offre l’opportunité aux jeunes européens de 16 à 18 ans de venir pendant une journée assister aux échanges parlementaires à l’hémicycle à Strasbourg. Accompagnés par leur professeur, les lycéens ont l’occasion de se familiariser avec le fonctionnement des institutions européennes, de discuter de la démocratie, des droits fondamentaux, des valeurs européennes et d’exprimer leurs opinions personnelles sur les décisions prises au niveau de l’Union européenne (Youth Hub, n.d.).
C’est l’occasion pour ces jeunes de venir rencontrer des experts en politiques européennes, de discuter avec des députés européens. Le parlement organise ensuite un atelier autour du thème « Debout pour la démocratie : Voter aux élections européennes de 2024 » (Parlement Européen, 2023). C’est l’occasion de rappeler aux jeunes européens qui seront en âge de voter que c’est leur responsabilité, pour une Union Européenne qui réponde à leurs attentes.
Présence sur les réseaux sociaux
L’Union Européenne est présente sur les réseaux sociaux et possède de nombreux comptes.
Les trois principales institutions européennes ont le leur : la Commission Européenne communique sur @europeancommission, le Parlement Européen sur @europeanparliament et enfin le Conseil Européen via @eucouncil. Ces trois comptes réunissent déjà une audience de 1,4 million de personnes.
Regrouper ou segmenter les contenus ?
Les comptes présentés ci-dessus sont parmi les plus importants que détient l’Union Européenne, mais on peut encore en dénombrer des dizaines d’autres selon les organismes, les agences, les délégations… @europeancentralbank, @eu_eurostat, @eu_civilsociety, @eu_partnerships, @eudiplomacy, @europeanspaceagency, @ue_france… sont quelques exemples. Plusieurs autres comptes comme @european_youth_eu (94 000 abonnés), @ep_eye (43 000 abonnés), @euroschola (5 804 abonnés), @eurodesk (12 100 abonnés) s’adressent tout particulièrement aux jeunes. Le but n’est pas ici de dresser une liste exhaustive, mais de montrer la diversité des comptes et des contenus produits.
Face à autant de profils différents, j’ai interrogé Mme Fehringer. Je me suis demandé si autant de comptes ne perdaient pas les cibles, et si un compte regroupant tout ne serait pas plus judicieux. Sa réponse a été la suivante : « Chaque compte cible un groupe particulier (les jeunes, les fans d’astronomie, les diplomates etc…) et le touche avec un contenu qui l’intéresse particulièrement. »
En effet, un seul compte ne pourrait pas poster toutes les actualités de l’UE, même avec des dizaines de posts par jour. Et cette dernière stratégie poserait quelques problèmes : les followers pourraient se désabonner d’eux-mêmes, en raison d’un contenu trop fréquent qui les spammeraient, et de thématiques trop variées qui les perdraient également.
Ainsi, segmenter les contenus par compte est la stratégie social media pertinente pour l’UE, d’autant plus à l’heure où la tendance est à personnaliser de plus en plus les messages en fonction des cibles.
Il est également à noter que l’identité des comptes est alignée. Les comptes officiels sont certifiés, ce qui permet de les repérer, et ils ont tous une photo de profil similaire : le logo de la Commission Européenne au-dessus d’un bandeau coloré avec la thématique inscrite (ci-dessous le compte Instagram @ourplanet_eu). Ces jours-ci, les logos européens ont porté les couleurs du drapeau ukrainien en raison de l’anniversaire de l’invasion russe le 24 février 2022.
4. Comment ces actions de communication sont-elles perçues par les jeunes ?
Comment les jeunes européens perçoivent-ils toutes les actions mises en place par l’Union Européenne ? Qu’en pensent-ils ? Sont-ils pour l’UE ? J’ai décidé de leur poser quelques questions pour y voir plus clair.
D’un point de vue politique, 72% des répondants se sont déclarés pour l’UE. Nombreux sont ceux qui ont évoqué les bénéfices économiques, commerciaux, sociaux et culturels, notamment sur la scène internationale.
Tout d’abord concernant les mesures mises en place par l’UE. Tous les jeunes de 15 à 30 ans qui ont répondu à mes questions sont citoyens d’un État Membre de l’UE. Un seul ignorait que la citoyenneté européenne s’ajoute à sa nationalité. Tous connaissent les mesures phares que sont l’euro et le programme Erasmus+. Cependant, les autres mesures citées (les standards stricts d’hygiène et de sécurité, la garantie de 2 ans, la fin du plastique à usage unique ou des frais de données mobiles intra-UE, et même la célèbre loi RGPD) ne sont connues que par moins de la moitié des jeunes répondants.
Ensuite concernant la présence digitale de l’UE. les deux-tiers des personnes déclarent ne pas voir les contenus de l’UE sur les réseaux sociaux. Les comptes de la Commission et du Parlement sont les plus connus, mais ils ne bénéficient malgré tout que d’une faible notoriété. Les contenus sponsorisés touchent néanmoins une part de l’audience visée, car un répondant sur dix déclare en avoir déjà vu. Cependant, seulement un quart des jeunes interrogés déclarent avoir entendu parler de l’Année Européenne pour la Jeunesse.
J’ai également demandé à ces jeunes comment ils percevaient les communications des institutions publiques, et particulièrement celles de l’UE. 80% pensent qu’il est important voire essentiel que ces organisations communiquent, mais certains relèvent la nécessité de le faire « avec clarté et objectivité ». Une personne souligne que ces communications sont importantes « pour qu’on arrête de dire que l’UE ne sert à rien ». D’autres défendent « l’accès à l’information », « particulièrement pour les jeunes ». Une seule personne pense que ce n’est pas si important.
Les résultats sont plus nuancés si lorsque l’on demande quel est pour eux l’objectif de ces communications. Si une large majorité reconnait que les institutions cherchent à transmettre de l’information et un tiers y voient une volonté de transparence, la méfiance vis-à-vis de ces communications est palpable. Une partie des jeunes y voit de la manipulation, et une personne sur trois y voit de la propagande. Ceux qui adhèrent aux communications de l’UE les considèrent “fiables”, “officielles”, “vérifiables”, “à la portée de tous”. D’autres considèrent qu’elles constituent une “manière de se légitimer”, de “faire passer des messages positifs malgré les problèmes”. Les opposants dénoncent “l’hypocrisie”, le “manque d’objectivité”, le “biais d’information”, “l’implication des lobbies”, ou encore le fait que les communicants ne soient pas “élus mais motivés par des visions idéologiques”.
La diversité de ces avis et opinions est essentielle. Elle confirme cependant le décalage entre le souhait d’adhésion de l’UE pour son projet et la réalité perçue par les jeunes.
Conclusion
Cet article nous a permis de comprendre comment l’Union Européenne intègre le dialogue avec ses plus jeunes citoyens dans la communication globale qu’elle construit avec ses citoyens. Elle alloue un réel budget au déploiement d’actions comme l’Année Européenne de la Jeunesse et les EYE2023, et de supports comme l’Espace Apprentissage, le Portail de la Jeunesse et la Plateforme Vocale.
Cependant, elle ne bénéficie pas d’une visibilité suffisante, si bien que beaucoup de jeunes continuent d’ignorer les actions qu’elle met en place pour eux. De plus, les communications sur les réseaux sociaux ne sont pas forcément bien reçues par la cible.
Cet article confirme que l’Union Européenne a encore du travail pour se faire connaitre dans un monde de plus en plus digital, pour une communication factuelle et juste auprès des 5-30 ans.
***
¹ Cet entretien téléphonique a eu lieu le 7 novembre 2022.
² Le site Espace Apprentissage est disponible sur ce lien https://learning-corner.learning.europa.eu/index_fr.
³ Ce deuxième entretien a eu lieu le 8 décembre 2022.
Étude qualitative (focus groupes) réalisée auprès de 37 personnes.
Webographie
Cluzeau, T. (n.d.) L’éco-anxiété, le nouveau mal du siècle. National Geographic. https://www.nationalgeographic.fr/sciences/2020/04/leco-anxiete-le-nouveau-mal-du-siecle
European Commission. (2022). European Year of Youth (vidéo en ligne). https://youtu.be/Qrlv4U0Q0c4
European Year of Youth. (n.d.). European Year of Youth. https://youth.europa.eu/year-of-youth_en
European Year of Youth. (n.d.). Plateforme Vocale. https://voices.youth.europa.eu/#/
European Youth Event | Parlement Européen (n.d.). Découvre le programme de l’EYE2023. https://european-youth-event.europarl.europa.eu/fr/programme/
Parlement Européen (2023), Euroschola Draft Programme 28/02/2023 (PDF). https://youth.europarl.europa.eu/files/live/sites/youth/files/assets/documents/euroscola/Draft%20programme%20-%20Euroscola%2028.02.pdf
Portail Européen de la Jeunesse. (n.d.). Activités de l’Année Européenne de la Jeunesse. https://youth.europa.eu/year-of-youth/activities_en
Portail Européen de la Jeunesse. (n.d.). DiscoverEU. https://youth.europa.eu/discovereu_fr
Portail Européen de la Jeunesse. (2023). Youth Policy Dialogue, Toward a more comprehensive approach to Mental Health. https://youth.europa.eu/year-of-youth/news/policy-dialogue-26-towards-comprehensive-approach-mental-health-commissioner-stella-kyriakides_fr
Plan Mercredi. (n.d.). Fiche Conseil, Attentes et besoins des enfants (PDF). Ministère de l’Education Nationale. http://planmercredi.education.gouv.fr/sites/default/files/planmercredi-attentes-besoins-participations.pdf
Union Européenne. (n.d.). Espace Apprentissage. https://learning-corner.learning.europa.eu/index_fr
Union Européenne. (n.d.). Les réseaux sociaux. https://european-union.europa.eu/contact-eu/social-media-channels_fr#/search
Villiers, C. (2022). L’éco-anxiété s’empare de la jeunesse. Statista. https://fr.statista.com/infographie/25762/eco-anxiete-jeunesse-part-des-jeunes-effrayes-avenir-changement-climatique/
Youth Hub | European Parliament. (n.d.). Euroscola, Become a member of the European Parliament for a day!. https://youth.europarl.europa.eu/more-information/euroscola.html
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Illustration de couverture : illustration réalisée par Aude Philibert
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