La notoriété et l’image de marque sont des éléments clés dans la carrière d’un sportif. Les performances sportives exceptionnelles ne suffisent plus à garantir sa popularité auprès du grand public et auprès des entreprises du secteur. Il faut désormais être bon sur et en dehors des terrains.

Selon une étude de Mordor Intelligence[1], l’industrie mondiale du sport professionnel représentait en 2020 environ 250 Milliards de dollars. Dans un marché pesant autant économiquement, rien n’est laissé au hasard, et l’image joue un rôle essentiel. Certains clubs comme les New York Yankees (équipe de la ligue américaine de baseball) ou les Dallas Cowboys (équipe de la ligue de football américain Nation Football League) valent aujourd’hui plus de 6 ou 8 Milliards de dollars[2], et d’autres équipes comme Manchester City ou le Réal Madrid génèrent des revenus estimés à près de 700 Millions de dollars annuellement[3]. C’est pourquoi ces entreprises affichent un désir d’être associées à des sportifs étant désormais plus que des athlètes, mais bien de véritables marques capables de générer des profits par leurs performances mais également par leur image. Si le Paris Saint-Germain s’était offert les services de l’icône David Beckham, fatigué et en fin de carrière, pour seulement 5 mois, il s’agissait bien là d’une opération beaucoup plus orientée marketing que sportive.

Du point de vue des sportifs, il est de plus en plus difficile de se faire une place dans ce secteur ultra concurrentiel, qui pour la plupart d’entre eux ne représentent aujourd’hui malheureusement que des pions au service du profit. Construire son image médiatique est devenu presque aussi important que de performer sportivement. Les entreprises, que ce soient des clubs, des sponsors ou encore des équipementiers ne se risquent plus à s’engager avec des athlètes jugés problématiques en dehors du côté sportif, sous peine d’être associés à leurs mauvaises images, et donc de les impacter négativement économiquement. De plus, les sommes versées par ces entreprises (salaires, sponsoring, etc.) sont de plus en plus exorbitantes, mais représentatives de ce que peut apporter le nom d’un seul joueur sur l’économie et la réputation de ces entités. 

Par ailleurs, être sportif professionnel représente pour la plupart plus qu’un métier, et avoir l’opportunité de rester dans l’histoire de son sport est un objectif important. Se démarquer médiatiquement des autres sportifs est donc tout aussi primordial tant le nombre d’athlètes talentueux est élevé.

Dans cet article, nous allons analyser des situations dans lesquelles des sportifs et acteurs du sport professionnel ont construit ou alimenté leur image médiatique dans le but d’influencer leur carrière, que cela soit de manière positive ou négative.

Afin de bien se rendre compte de l’impact de la médiatisation de nos acteurs du monde sportif, nous prendrons en exemples des individus issus des sports les plus populaires et le plus souvent sous le feu des projecteurs. Par ailleurs, il est important de préciser que certains sports ne sont pas ancrés de la même façon dans tous les pays (football américain = sport n°1 aux États-Unis, mais très peu médiatisé en Europe), c’est donc pourquoi cet article ne fera qu’un tour d’horizon de quelques-uns des sports les plus populaires en France :

  • Le football
  • Le basketball
  • Le tennis
  • La Formule 1
  • Les arts martiaux mixtes (MMA)

Se construire médiatiquement pour devenir maître de sa carrière ou se rapprocher de la légende

Nous n’analyserons que des événements et actions ayant eu lieu en dehors des performances sportives, qui dans les cas suivants, ont permis à ces athlètes d’apporter du bénéfice à leur carrière, et pour certains d’inscrire un peu plus leur nom dans la légende de leur discipline. Néanmoins, toutes les répercussions liées à ces actions sont notamment conjuguées et également associées aux performances des athlètes, et ne sont pas à mettre au mérite seul de l’image médiatique.

Un cas très intéressant est celui de Kylian Mbappé. Le footballeur français du Paris Saint-Germain est aujourd’hui considéré comme l’un des meilleurs de son sport. Très populaire en France, il est d’après une étude IFOP la 4ème personnalité préférée des Français en 2022[4], mais également au niveau mondial puisqu’il est le français le plus suivi sur Instagram avec plus de 94 Millions d’abonnés. Révélé en 2017 avec l’AS Monaco à seulement 18 ans, l’attaquant parisien a su dès ses débuts professionnels qu’il allait devoir faire plus que ses performances sportives pour bénéficier d’un total contrôle sur sa carrière. Un des plus gros tournants pour lui a été la fin de saison 2021-2022. Alors que le joueur arrivait en fin de contrat avec le Paris Saint-Germain en juin 2022, de nombreuses rumeurs le voyaient s’engager avec le Real Madrid pour les prochaines années. En effet, circulent dans la presse ses envies de départ pour être le centre d’un nouveau projet sportif, ainsi que son mécontentement notamment sur la gestion actuelle de son club. En fin de saison passée le joueur avait déjà fait comprendre qu’il souhaitait quitter le club, et affirme publiquement à RMC fin 2021 qu’il aurait voulu partir l’été précédent[5]. Avec ses déclarations, Kylian Mbappé met alors une énorme pression sur son club actuel, prêt à tout pour le conserver, mais aussi au Real Madrid, prêt à tout pour le faire venir. Un jeu « d’enchère » a lieu entre les deux clubs, cherchant à établir un contrat le plus attrayant possible pour le joueur. Il décide en mai 2022, soit un mois avant l’expiration de son contrat, de prolonger avec le Paris Saint-Germain. Grâce à cette signature, il devient alors le sportif le mieux payé au monde[6], et disposerait également d’un droit de regard sur le projet sportif du club (il s’agit ici de rumeurs, les détails du contrat n’étant pas publics), avec par exemple le choix du prochain entraîneur et des recommandations sur le mercato. Le joueur a donc pu, notamment grâce aux rumeurs lancées dans la presse et ses déclarations publiques, obtenir un contrat lui donnant un contrôle immense et inédit (financier et sportif) sur la suite de sa carrière.

Par ailleurs, pour annoncer sa prolongation de contrat au PSG, le joueur a choisi de s’exprimer au 20H de TF1, puis de réaliser conférences de presse et interviews pour divers médias, sportifs ou non. On a ainsi pu voir le footballeur parisien pendant quelques jours être le centre de l’attention médiatique française, lui conférant alors un nouveau statut. Kylian Mbappé bénéficiait déjà d’une grande influence du fait de ses performances sportives hors-normes, mais sa présence dans ces médias a renforcé son importance aux yeux des Français, faisant de lui un symbole du pays, dans un contexte où pourtant il ne représente pas directement la France (ici il ne représente pas l’Équipe de France, mais bien le PSG). En effet, il précise en conférence de presse que le Président de la République lui a demandé lui-même de rester au Paris Saint-Germain[7].

Désormais le joueur possède un statut qu’aucun autre footballeur français (encore en activité) ne possède. Cela se reflète lorsqu’il décide de ne pas participer aux opérations marketing de certains sponsors de l’Équipe de France, souhaitant également modifier la convention des droits à l’image des joueurs (les joueurs doivent obligatoirement participer aux actions commerciales des sponsors de la FFF, quelle que soit l’entreprise)[8]. Il semble même aujourd’hui que Kylian Mbappé représente plus le football français que la Fédération Française de Football elle-même, n’hésitant pas à afficher son désaccord avec elle, et même à prendre position contre les propos de son Président (cf. tweet du 8 janvier 2023).

En outre, de plus en plus de sports s’orientent vers le côté spectacle et divertissement de leurs disciplines et s’adaptent aux attentes du public. C’est donc tout naturellement que les athlètes jouent aussi sur ces aspects. C’est le cas notamment des sports de combat, pour lesquels la médiatisation est énorme. On y trouve de nombreuses prises de parole avant les affrontements. Le but de ces dernières est de proposer du spectacle avant le spectacle, et pour les sportifs cela peut aussi avoir un effet de déstabilisation sur l’adversaire. Connor McGregor, combattant MMA (mixed martial arts) de la ligue UFC (Ultimate Fighting Championship), est passé maître en la matière. Il possède une grande capacité à attirer l’attention sur lui en dehors de l’octogone avec son côté narcissique et ses nombreuses provocations envers ses adversaires. Avant sa confrontation avec le Brésilien José Aldo en 2015, est organisée une série de 8 conférences de presse dans 8 villes différentes en Amérique et en Europe dans lesquelles les deux combattants vont plus chercher à se déstabiliser l’un l’autre plutôt que de parler du combat en lui-même. Le but ici est de créer de l’excitation et de l’engouement avant la confrontation. Le Président de l’UFC annonçait à l’époque qu’il s’agissait de la promotion la plus chère pour un combat de sa ligue, coûtant près de 7 millions de dollars[9]. Ce personnage créé en dehors des combats et couplé à de nombreuses victoires ont fait de Connor McGregor l’un des combattants de MMA les plus connus, si ce n’est le plus connu. Ce statut lui permet également de décrocher des affrontements très lucratifs, notamment celui avec le boxeur Floyd Mayweather, deuxième événement sportif ayant lieu sur une journée le plus lucratif de l’histoire[10].

Autre exemple d’un sport de plus en plus axé sur le divertissement : le basketball, et surtout la ligue américaine, la NBA (National Basketball Association). Très orientée sur l’attaque, les compteurs et les records de points s’affolent, ne laissant que peu de places pour des joueurs à vocation plutôt défensive. Dans ce sport, certains joueurs sont appelés « key players », ce qui signifie qu’il s’agit de joueurs avec des rôles très précis, comme par exemple les spécialistes de tirs à 3 points dans le corner, les spécialistes du rebond, ou encore les spécialistes de la défense. Très importants dans un effectif, ces joueurs sont néanmoins peu mis en valeur, à contrario des joueurs « scoreurs » et leurs statistiques mirobolantes. De plus, la NBA est très concurrentielle pour les joueurs, avec entre autres l’arrivée de 60 nouveaux jeunes joueurs chaque année via le système de la draft. Rares sont les joueurs arrivant à rester de nombreuses années dans la prestigieuse ligue américaine. Il faut pouvoir se démener sur le terrain, mais aussi en dehors pour pouvoir avoir sa place à long terme. C’est ce qu’a très bien compris Patrick Beverley, actuel joueur des Los Angeles Lakers. Il s’agit d’un « key player » à vocation défensive évoluant depuis 10 ans en NBA. De par son style de jeu, il n’a jamais été un élément central et intouchable des équipes dans lesquelles il a évolué. Ce joueur est réputé pour être très sûr de lui-même et très provocateur sur et en dehors des parquets. Il a réussi à se créer une certaine réputation auprès des médias et de la ligue lui valant la peine de toujours réussir à trouver une équipe après ses expirations de contrats. En effet, Patrick Beverley a à son actif de nombreuses déclarations en interviews et en conférences de presse permettant de faire parler de lui, et par conséquent de son équipe. Il déclare notamment être capable de ne perdre aucun duel défensif contre n’importe qui, ou alors qu’il est le meilleur défenseur de l’histoire. Il excelle également dans l’exercice du « trashtalk », pratique très américaine visant à provoquer ses adversaires par la parole. Bon défenseur certes, mais loin d’être le meilleur (nommé une seule fois en 2017 parmi les 5 meilleurs défenseurs de NBA), Patrick Beverley a toujours su faire parler de lui et s’assurer ainsi qu’aucune équipe ne l’oublie dans les périodes de recrutement.

Par ailleurs, les sportifs précédemment cités ont dû se construire eux-mêmes leur image médiatique. Il existe quelques cas dans lesquels les athlètes bénéficient déjà d’une grande visibilité avant même leurs débuts professionnels : grâce à leur nom. En effet être le fils ou la fille d’une légende du sport engendre ces médiatisations et peut permettre d’influencer sa carrière en dépit des performances sportives. Il existe des noms qui, peu importe le prénom devant, susciteront toujours de l’intérêt.

Michael Schumacher, du haut de ses 7 titres de champions du monde, est un des plus grands pilotes de l’histoire de la Formule 1. Sa domination dans les années 90 et 2000 font de lui l’un des plus grands sportifs de tous les temps. Son fils, Mick Schumacher, 23 ans, inspiré par son père, est également un pilote professionnel. Vainqueur du championnat de Formule 3 en 2018 et du championnat de Formule 2 en 2020, c’est tout naturellement que le jeune pilote allemand cherche à rentrer dans la catégorie reine, la Formule 1. L’accession jusqu’à un baquet (siège d’une monoplace) en F1 est très rude, puisque seulement 20 pilotes par an ont la possibilité d’atteindre cet objectif. De même, plusieurs facteurs entrent en compte afin d’avoir la chance de pouvoir concourir pendant une saison. Déjà, de nombreux pilotes sont considérés comme « intouchables » notamment grâce à leurs performances exceptionnelles (Lewis Hamilton, Fernando Alonso, Sebastian Vettel, etc.). Ensuite, la Formule 1 est un sport extrêmement onéreux et les écuries sont très dépendantes des budgets des sponsors et des propriétaires. Très peu de nouveaux pilotes entrent en scène chaque année, seulement un nouveau pilote lors de la saison 2022, notamment à cause du coût d’une monoplace. Les équipes préfèrent faire courir des pilotes expérimentés et fiables, là où des pilotes rookies peuvent rencontrer des difficultés d’adaptation, provoquant des dégâts sur les voitures si précieuses. Aussi, les relations sont très importantes pour les pilotes, notamment celles capables d’amener de l’argent auprès des écuries. Beaucoup d’entre eux sont choisis car ils sont liés à des sponsors. Et de nombreux exemples ont pu être observés. En 2019, l’équipe Racing Point doit choisir entre deux pilotes : le français Esteban Ocon et le mexicain Sergio Perez, ayant affiché des performances similaires la saison passée. Elle choisira alors le pilote mexicain car ce dernier détenait le soutien de Carlos Slim, milliardaire mexicain, pouvant apporter de nombreux sponsors avec ses nombreuses entreprises. Certains « coups de pouce » sont flagrants, notamment lorsque les pilotes en question peinent à performer. On peut penser au pilote russe Nikita Mazepin, dont le père était propriétaire de l’entreprise sponsor principal de l’écurie Haas, ou encore au pilote canadien Lance Stroll, fils du propriétaire des écuries Racing Point puis Aston Martin. Tous ces facteurs rendent les rêves des pilotes d’accéder en Formule 1 très compliqués.

L’écurie Haas était à la recherche d’un pilote pour la saison 2020. Cette équipe souffrait au classement en championnat, terminant avant-dernière lors des deux saisons précédentes, mais aussi financièrement. Alors en période de négociations avec l’entreprise allemande IONOS, pour obtenir un contrat de sponsoring, l’une des exigences dans la signature de ce contrat est de faire concourir un pilote allemand. Mick Schumacher, champion en titre de Formule 2, apparaît alors comme grand favori pour prendre cette place disponible. Autre élément pris en compte par Haas, la renommée du pilote allemand. Guenther Steiner confie dans l’émission “Drive to Survive” de Netflix que choisir le fils du légendaire Michael Schumacher apporterait forcément une plus grande visibilité à l’écurie, que ce soit au niveau des fans mais aussi au niveau de potentiels nouveaux sponsors. A l’époque, il était possible de se dire que ce recrutement pouvait apporter également sportivement au vu de ses performances dans les catégories inférieures. Même si Mick apparaît nettement supérieur à son coéquipier Nikita Mazepin en 2020, il se fait surclasser en 2021 par son nouveau coéquipier Kevin Magnussen. Son image médiatique obtenue dans un premier temps par son nom ne suffira pas puisque Haas ne prolongera pas son contrat. Le jeune pilote allemand n’a pas obtenu de baquet dans une monoplace pour la saison 2023.

Cet exemple de médiatisation grâce à la parenté est assez courant et peut s’observer actuellement au basketball. Lebron James Jr, surnommé Bronny, fils de Lebron James, a déjà une très grande visibilité alors qu’il n’est pas encore un joueur professionnel et joue encore au lycée. Certains de ses matchs sont même diffusés et il est courant de voir quelques-unes de ses actions dans les médias sportifs et sur les réseaux sociaux. Le futur basketteur est même suivi par plus de 6,9 Millions de personnes sur Instagram. Son arrivée très probable en NBA dans les prochaines années aura un impact très important d’autant plus que son père a affirmé vouloir rejoindre l’équipe de Bronny, peu importe la franchise dans laquelle il se trouvera[11]. Pour rappel, Lebron James est l’un des plus grands athlètes de tous les temps, et devrait d’ici la fin de la saison devenir le meilleur marqueur de l’histoire de la NBA.

Les sorties médiatiques aux retombées négatives sur les carrières

N’étant pas un exercice facile, il arrive que ces acteurs du monde sportif professionnel éprouvent des difficultés sur la gestion de leur image médiatique, entraînant parfois des conséquences néfastes sur leur carrière. A l’instar de la première partie nous prendrons certains exemples reflétant l’impact que peut avoir une mauvaise médiatisation dans des sports différents.

Les conférences de presse et interviews des sportifs professionnels sont très répandues, et les maîtriser est devenu primordial. La grande majorité d’entre-elles sont supervisées par des attachés de presse, veillant au bon déroulement de ces dernières, à ce que l’athlète réponde aux questions les plus pertinentes, mais veillant aussi à ce que l’athlète n’émette pas de propos tendancieux pouvant nuire à sa propre image et à l’image de son équipe. Mais des dérapages arrivent vite, d’autant plus avec les réseaux sociaux. Beaucoup de sportifs ont un libre usage de leurs comptes et ne passent pas par des community managers, pouvant ainsi publier ce que bon leur semble sans se soucier des potentielles retombées. Le 27 octobre 2022, le basketteur américain Kyrie Irving publie sur Instagram et Twitter une affiche promouvant un film à caractère antisémite. Le meneur des Brooklyn Nets est une star de la NBA, champion en 2016 et sélectionné 7 fois au All-Star Game. Son équipe lui demande alors de retirer expressément ses dernières publications ainsi que de présenter des excuses publiques. Kyrie Irving fait d’ailleurs polémique plusieurs fois en dehors des terrains, notamment pour avoir tenu et partagé des propos complotistes, et pour avoir fait partie des joueurs ne voulant pas se vacciner pendant la pandémie du Covid-19. Sa non-vaccination lui avait d’ailleurs valu la peine d’être interdit de jouer des matchs au sein de la ville de New York pendant une longue période de la saison 2021-2022. A la suite de ses publications, la franchise des Brooklyn Nets donne l’occasion à son joueur de s’excuser en conférence de presse, ce que Kyrie Irving n’a pas fait. Son équipe prend alors la décision de suspendre le joueur jusqu’à ce que des excuses soient faites, ce qui n’arriva que 3 semaines plus tard, l’écartant ainsi pendant 8 matchs. Les sanctions à son égard ont été plus loin puisque la NBA le chargea d’émettre des dons à des associations œuvrant contre les discriminations à hauteur de 500.000 dollars. De même, c’est son équipementier Nike qui annonce ne plus collaborer avec le basketteur américain[12][13]. Nous pouvons tout de même nous questionner sur les sanctions prises à son encontre notamment de la part des Brooklyn Nets, et nous demander quelles auraient été les conséquences si de tels propos avaient été émis par un joueur moins important de l’effectif. Peut-être que dans ce cas les performances sportives sont passées avant l’image, bien que celle du joueur, de l’équipe et de la NBA soient entachées. La carrière sportive de Kyrie Irving n’a été que peu influencée après cet événement, même si son image devrait freiner certaines équipes tentées de le recruter. Les sponsors quant à eux ont été plus radicaux dans les décisions concernant leur partenariat avec le joueur.

Cependant, d’autres sportifs professionnels ont pu avoir des interventions médiatiques bien plus impactantes sur leur carrière. C’est le cas très récent de la légende du football Cristiano Ronaldo. En effet, le 16 novembre 2022, juste avant le début de la Coupe du monde de football au Qatar, l’attaquant portugais réalise une interview dans l’émission du journaliste anglais Piers Morgan, dans laquelle il va fortement critiquer son équipe actuelle Manchester United, le tout diffusé sur la chaîne TalkTV au Royaume-Uni et sur Fox Nation aux États-Unis[14]. Pour redéfinir le contexte de cette interview, Cristiano Ronaldo faisait son retour dans le championnat anglais en 2021 dans l’équipe qui l’avait vu éclore à la fin des années 2000. Après une saison plutôt réussie du côté du joueur portugais, Manchester United voit arriver pour le début de la saison 2022-2023 un nouveau coach, qui ne considère pas Cristiano Ronaldo, alors âgé de 37 ans, comme un élément central du projet sportif du club. Ne participant qu’à peu de rencontres, le quintuple Ballon d’Or demande à la direction de le transférer dans une autre équipe. En novembre 2022, l’attaquant portugais est toujours à Manchester United. Ayant déjà montré son mécontentement à propos de sa situation au club sur le terrain, il organise alors cette interview, dans laquelle coach et dirigeants sont pointés du doigt. Le club mancunien a alors été obligé de rompre d’un commun accord le contrat de Ronaldo[15]. Objectif réussi pour le joueur, qui ne voulait plus évoluer au sein de cette équipe. Un problème se présente toutefois : aucune équipe européenne ne veut de lui. En effet, en plus de son âge avancé pour un footballeur professionnel, personne ne veut alors signer quelqu’un venant de critiquer publiquement l’équipe avec laquelle il était lié. Cristiano Ronaldo réussit quand même à trouver un bon de sortie en Arabie Saoudite, dans le club d’Al-Nassr, avec lequel il a signé un contrat d’une valeur exorbitante. Bien que son objectif premier avec cette interview ait été atteint, cela impacte négativement l’aspect sportif de sa carrière puisqu’il évolue désormais dans un championnat peu compétitif et faiblement médiatisé.

Par ailleurs, les relations avec les médias n’étant pas choses aisées, il arrive que certains sportifs décident tout simplement d’interagir le moins possible avec eux. Si cette décision est peu impactante pour des athlètes professionnels considérés comme « moyens », cela devient plus problématique pour des stars de renommée mondiale.

Lors du tournoi de tennis Roland Garros de 2021, la japonaise Naomi Osaka, alors numéro 2 mondiale au classement WTA (Women’s Tennis Association), annonce qu’elle ne participera pas aux conférences de presse[16]. Dans un premier temps, la joueuse dit ne plus vouloir répondre à des questions posées plusieurs fois lors de mêmes conférences ou à des questions pouvant mettre le doute sur ses performances. Or, il est stipulé dans les règles de ce tournoi du Grand Chelem que tous les participants ont des obligations médiatiques. Cela commence d’abord par une amende à chaque conférence ratée, et les organisateurs menacent même de plus lourdes sanctions allant jusqu’à l’exclusion du tournoi. Plusieurs joueurs du circuit s’offusquent même de ce boycott de la part de la japonaise, estimant qu’elle ne joue pas à jeu égal avec eux, et que répondre à la presse fait partie de leur métier et de leurs obligations. Face à cette situation, Naomi Osaka décide de se retirer de son propre chef de Roland Garros, dès le deuxième tour. Elle ne fera son retour face à la presse qu’en août 2021 à l’occasion d’une conférence en marge du tournoi de Cincinnati, dans laquelle elle fondra en larmes après une question sur son rapport avec les médias. La joueuse de tennis s’affiche désormais comme fervente défenseuse de la santé mentale des athlètes, et met en cause les relations avec les médias. Relations qui donc l’ont poussée à rater plusieurs tournois importants et cruciaux dans une carrière.

Autre exemple de sportif peu à l’aise avec les médias : Kawhi Leonard. La star de la NBA ne s’affiche que très peu en conférence de presse et n’accorde quasiment pas d’interview. Les rares occasions où le joueur a pu se présenter face à la presse ont d’ailleurs démontré qu’il n’était pas à l’aise dans l’exercice, ne répondant que par des phrases courtes et apportant peu d’informations. Ses sorties sont par ailleurs raillées sur les réseaux sociaux, confortant sans doute le joueur dans sa décision de répondre le moins possible aux journalistes. Ces éléments pourraient n’avoir que peu d’impact sur la carrière du basketteur américain, mais cette habitude de ne pas communiquer est beaucoup plus problématique quand il s’agit des relations avec sa propre équipe. En effet, lors de la saison 2017-2018 le joueur se blesse dès les matchs de préparation. Il est indisponible pendant plusieurs mois. Lorsqu’il revient enfin sur les parquets, il joue seulement 9 matchs avant de subir une nouvelle blessure, anodine cette fois-ci. Mais les relations entre lui et les San Antonio Spurs, franchise dans laquelle il évoluait à l’époque, vont se dégrader quand le joueur décide d’aller se faire soigner loin des équipes médicales de son équipe, à New York. Les deux parties vont de plus en plus s’éloigner, d’autant que Kawhi Leonard ne donne aucune nouvelle à son équipe ou aux médias. Alors que les Spurs avaient construit leur projet sportif autour de lui, le silence du joueur devient rapidement problématique. Les médias affichent leur incompréhension et tendent à mettre en cause l’équipe médicale de la franchise texane. Kawhi Leonard ne réapparaitra pas de la saison, et oblige les San Antonio Spurs à échanger le joueur pour éviter de compter parmi leur effectif quelqu’un ne souhaitant plus jouer pour l’équipe, bien qu’encore sous contrat. Cette situation a eu un effet très néfaste sur les Spurs, qui n’ont pas retrouvé les play-offs depuis son départ, mais aussi pour Kawhi Leonard, créant une image de joueur capricieux et peu porté sur l’esprit d’équipe. Néanmoins, il remporta les finales NBA la saison suivante avec les Toronto Raptors  (qu’il quittera dans la foulée). Une situation plutôt similaire a actuellement lieu cette saison, puisqu’il a seulement joué la moitié des matchs avec son équipe depuis 2019, les Los Angeles Clippers, et que ses absences sont rarement annoncées et expliquées.

L’un des objectifs de tout joueur NBA est de finir dans le Hall of Fame de la ligue, rendant hommage aux joueurs les plus marquants de l’histoire du basketball. Malgré des statistiques et un palmarès déjà impressionnants, la question peut se poser sur la légitimité qu’aurait Kawhi Leonard à en faire partie, tant son image médiatique en dehors des parquets est quasi-inexistante et pour le peu détériorée.

Pour conclure

Construire son image médiatique en dehors des terrains, est une tâche ardue pour un sportif professionnel, tant elle se différencie de la « simple » performance sportive. Bien gérée, cette médiatisation peut engendrer une évolution de carrière notable, permettant d’attirer équipes, sponsors, soutien du grand public et rapprochement du statut de légende. En revanche, mal négociée ou mise de côté, elle peut impacter de manière très négative la carrière de ces athlètes, les éloignant du rêve de faire partie de l’histoire de leur discipline. Dans tous les cas, il est clair que, de nos jours, cette relation avec les médias est un facteur crucial d’influence positive ou négative sur les carrières sportives professionnelles.

Sources

[1]https://www.mordorintelligence.com/fr/industry-reports/fantasy-sports-market

[2] https://www.forbes.fr/classements/classement-les-50-equipes-les-plus-valorisees-dans-le-monde-du-sport-en-2022/

[3] https://www2.deloitte.com/content/dam/Deloitte/br/Documents/consumer-business/deloitte-football-money-league-2022.pdf

[4] https://www.ifop.com/wp-content/uploads/2023/01/119570-Top-50-des-personnalites-Decembre-2022-PUBLICATION.pdf

[5] https://www.eurosport.fr/football/ligue-1/2021-2022/mercato-kylian-mbappe-confirme-ses-envies-j-ai-dit-fin-juillet-que-je-voulais-partir-du-psg_sto8571282/story.shtml

[6] https://www.ouest-france.fr/sport/football/kylian-mbappe/mbappe-messi-lebron-james-le-classement-des-sportifs-les-mieux-payes-de-la-planete-b5e45830-5444-11ed-966e-2c1ebced77af

[7] https://www.leparisien.fr/sports/football/psg/direct-psg-kylian-mbappe-explique-son-choix-de-rester-a-paris-suivez-sa-conference-de-presse-23-05-2022-76PTVMDMVVGZZGTGLMKTQ4ICUA.php

[8] https://www.tf1info.fr/sport/fff-droits-a-l-image-mbappe-refuse-de-participer-a-la-seance-photo-des-bleus-2232760.html

[9] https://www.news.com.au/technology/online/social/the-ufc-189-world-tour-is-dana-whites-most-expensive-gamble-ever/news-story/1f4c5cd44793f37189e9ea4b21d18a64

[10] https://www.tdg.ch/un-combat-du-siecle-qui-a-rapporte-gros-912053166969

[11] https://www.lefigaro.fr/sports/basket/nba/nba-james-veut-jouer-avec-son-fils-et-n-exclut-pas-un-retour-a-cleveland-20220220

[12] https://www.eurosport.fr/basketball/nba/2022-2023/nba-les-nets-suspendent-irving-qui-refuse-de-s-excuser-pour-avoir-promu-un-film-antisemite_sto9213244/story.shtml

[13] https://www.20minutes.fr/sport/4013453-20221205-basket-nike-separe-star-nba-kyrie-irving-fait-promotion-film-antisemite

[14] https://www.eurosport.fr/football/premier-league/2022-2023/interview-de-cristiano-ronaldo-a-piers-morgan-manchester-united-n-a-effectue-aucun-progres_sto9229554/story.shtml

[15] https://www.leparisien.fr/sports/football/cristiano-ronaldo-et-manchester-united-officialisent-leur-divorce-dun-commun-accord-avec-effet-immediat-22-11-2022-OEOUKAKBHZDQ5MRWCAYK7G4FXA.php

[16] https://www.lemonde.fr/tennis/article/2021/05/30/roland-garros-naomi-osaka-menacee-d-expulsion-pour-son-refus-d-assister-aux-conferences-de-presse_6082095_1616659.html