Depuis plus d’un siècle, Paris est connue comme la capitale historique et symbolique de la mode et du luxe en grande partie grâce à l’organisation de la Fashion Week depuis 1973.  Cette semaine de la mode est un événement incontournable, devenue par anglicisme la Fashion Week. Elle se déroule dans un ordre précis et commence toujours par New York, Londres, Milan pour finir à Paris, également appelées les « Big Four ». Bien que les maisons de luxe soient souvent considérées comme historiques et conservatrices surtout au niveau de leurs défilés, leur virage vers le digital n’est pas si récent.

Qu’est-ce que la Fashion Week ?

Le calendrier de l’activité de la mode étant très chargé, il est compliqué de s’y retrouver au travers des nombreux défilés qui ont lieu tout au long de l’année. Tout d’abord, La Fédération de la Mode et de la Haute Couture, instance nationale, contribue à renforcer le rôle central et stratégique de Paris en coordonnant l’intégralité des défilés. Elle est divisée en trois chambres : la Haute Couture, le Prêt-à-Porter et la mode masculine. Ce que l’on nomme généralement la Fashion Week a lieu en réalité deux fois par an, en septembre ou octobre lorsque la collection de prêt-à-porter printemps/été pour femme est présentée, puis en février ou mars pour la collection automne/hiver. Cet événement est composé de plus de 300 défilés dans la capitale et près de 30 salons professionnels auxquels participent des milliers d’exposants. Ce sont des semaines de folies créatives où les stylistes et leur maison présentent, lors de défilés, l’ensemble de leurs nouvelles collections de prêt-à-porter. Ce type de couture correspond à des produits finis de tailles standardisées afin d’avoir une production en série. Les pièces présentées sont souvent « lissées » avant d’être disponibles, étant trop extravagantes. Par ailleurs, depuis 2009, les collections masculines de prêt-à-porter ont-elles-aussi leur Fashion Week, habituellement au mois de janvier et de juillet, après les défilés de Haute Couture. La Haute Couture est une appellation protégée par la loi en France, conçue pour servir de vitrine sans être forcément commercialisée. De ce fait, Paris est la seule ville au monde à présenter des défilés de Haute Couture. Aussi, les maisons essayent de réduire le délai entre les présentations et la disponibilité des produits en boutique qui crée un décalage problématique de saisonnalité pour un public plus exclusivement professionnel. Juste avant la semaine de la mode, des défilés croisières sont aussi organisés correspondant à des pré-collections. Ce que l’on nomme les « collections capsules » s’introduisent entre ces défilés et présentent des produits plus limités et ciblés.

Une histoire qui ne date pas d’hier…

“L’histoire de la mode de Paris est indissociable du mythe et de la légende” affirme Valérie Steele, historienne de la mode (1).

La semaine de la mode de Paris bénéficie d’une réputation internationale grâce à la mise en scène spectaculaire des collections de couture dessinées par les plus grands créateurs. Cet événement positionne Paris comme la capitale du culte de la mode, de la haute couture à la française, du sens de l’esthétisme et du raffinement.

Bien que les débuts de ces représentations ne soient pas très précis, les premiers défilés ont fait leur apparition au 19ème siècle dans les salons de mode parisiens où les artistes faisaient découvrir leurs nouvelles pièces à leurs clientes sur de vrais modèles. À la fin du 19ème siècle et au début du 20ème siècle, les créateurs Paul Poiret et Charles Worth ont alors souhaité mettre en avant leur travail sur des mannequins. L’artiste Paul Poiret se lance le premier, avec des bals qualifiés « d’extravagants » où ses invités étaient vêtus de leurs plus belles pièces. En 1911, il devient une référence grâce au succès de son bal La mille et deuxième nuit. À Londres, c’est Lady Duff-Gordon qui mettait ses collections en avant lors de grandes cérémonies. Aux États-Unis, c’est en 1903 que les premiers défilés ont commencé dans des magasins afin de mettre en avant le talent du propriétaire. À Paris, les bals se sont succédés en passant de fêtes mondaines à des défilés plus intimes où les créateurs présentaient leur travail. Par crainte du plagiat, les photographes n’étaient pas autorisés. C’est réellement à partir des années 20 que la ville de l’amour est aussi devenue la capitale de la mode avec des créatrices telles que Coco Chanel ou Elsa Schiaparelli.

À partir de la Seconde Guerre mondiale, le monde de la mode a commencé à se structurer, de nouvelles règles ont fait leur apparition avec notamment un nombre de tenues minimum à présenter par saison. Au même moment, l’influence de la mode New Yorkaise grandissait sous l’égide de la première Press Week en 1943. Pensée et inventée par Eleanor Lambert, célèbre publicitaire de mode, cette semaine visait à présenter une sélection de créations de designers américains. Sans même le savoir, cette femme a lancé l’événement qui allait devenir le plus mémorable dans le monde de la mode. En présentant sa première collection lors du défilé New Look en 1947, Christian Dior a affirmé une nouvelle fois l’image iconique de la mode française. La ville de Paris a ensuite eu l’honneur d’accueillir les collections de créateurs renommés comme Pierre Balmain, Hubert de Givenchy, Jacques Fath, Yves Saint Laurent ou encore Pierre Cardin.

En 1973, la première Fashion Week parisienne a eu lieu avec la création de la Fédération Française de la Couture. Pour son inauguration, le défilé La bataille de Versailles a placé officiellement Paris comme capitale de la mode. Par la singularité et l’audace de ce défilé, les photographies des collections françaises et américaines ont fait le tour du monde. Les défilés n’ont cessé d’innover que ce soit du côté de Jean-Paul Gaultier et Karl Lagerfeld ou encore de créateurs japonais.

Depuis les années 90’s, les maisons de luxe ont pris un virage avec l’arrivée de nouveaux créateurs à leur direction comme John Galliano pour Dior, Alexander McQueen pour Givenchy ou encore Stella McCartney pour LVMH. Des défilés de plus en plus surprenants par leurs décors et leurs mises en scène sont dévoilés, faisant la renommée des défilés parisiens. Que ce soit la théâtralité marquée chez Louis Vuitton, Balenciaga et Rick Owens ou l’originalité sans précédent chez Karl Lagerfeld, chaque défilé à son caractère. Depuis plus d’un siècle, ces représentations parisiennes ne cessent de nous surprendre.

La Fashion Week s’est répandue et démocratisée mais les plus importantes qui sont celles de New-York, Londres, Milan et Paris bénéficient donnent à ces villes un statut de “capitale de la mode”. Aujourd’hui, plus de 140 Fashion Weeks officielles ont lieu dans le monde comme c’est le cas à Berlin, Los Angeles ou encore Tokyo. Elles sont de plus en plus nombreuses et cela ne risque pas de changer au vu de l’engouement grandissant pour la mode.

L’industrie de la mode et du luxe entraînée dans l’ère du digital

Depuis des années, les Fashion Weeks arrivent à rassembler le monde entier autour d’une passion commune, la mode. Elles représentent un moment d’échanges, de rencontres, d’émotions mais aussi d’interactions professionnelles. Bien avant le coronavirus, les maisons certes conservatrices ont compris qu’utiliser les nouvelles technologies était nécessaire, que ce soit pour les temps forts des défilés comme pour le reste de l’année. Pour continuer de surprendre leur public, elles s’adaptent à l’ère numérique, que ce soit dans la mise en scène, l’organisation ou la communication de la semaine de la mode.

En 1998, Helmut Lang, designer autrichien, est l’un des premiers à proposer son défilé sur CD-ROM. À partir de ce moment et avec l’avènement d’internet, les maisons ont commencé à changer leurs moyens de communication et les défilés sont devenus disponibles pour le public quelques heures après leur déroulement. Cependant, la communication digitale autour des défilés restait encore faible. Les invités ne recevaient que des invitations papier et n’avaient aucune information ni sur le défilé en lui-même ni même sur les lieux qui ne leur étaient communiqués que peu de temps avant l’évènement, afin de lui conserver un caractère unique, réservé à un public privilégié. Les photos ne circulaient sur internet qu’après le show lorsque les journalistes, acheteurs ou encore influenceurs pouvaient se vanter d’avoir pu y assister. C’est Alexander McQueen qui diffuse en 2010 le premier défilé de mode retransmis en direct dans son émission « Plato’s Atlantis ». Ce direct a amené un flux exceptionnel qui a fait de lui l’un des plus grands génies du monde de la mode. Les maisons ont ensuite rendu leur défilé disponible sur Facebook et sur leur site internet. C’est ce changement majeur que Donatella Versace a qualifié comme « La révolution complète de la technologie » dans le monde de la mode (2).

Pour l’organisation des défilés, les maisons ont commençé à utiliser la digitalisation dans le but d’augmenter le retour sur investissement. Pour ce type d’événement, les maisons se sont mises à investir un budget considérable. Afin de faciliter le bon déroulement de l’événement, les invitations internet ont fait leur apparition, des plans de salle ont été mis en ligne et la technologie RFID permettant un enregistrement plus facile et rapide a été également mise en place. Toutefois, même si l’événement s’est démocratisé grâce à l’utilisation du digital, il ne reste pas ouvert au public mais uniquement aux acheteurs, clients, journalistes de grands titres de la presse de mode internationale et quelques influenceurs et célébrités. Pour ce qui est de leur placement, ceux du premier rang, aussi surnommé « frow », sont choisis de manière stratégique. Chaque personnalité est positionnée dans la salle en fonction de son statut et un espace VIP est mis en place pour les personnalités les plus importantes. Généralement, ce sont les meilleurs rédacteurs en chef, les amis et la famille des créateurs, les célébrités qui sont placés sur ce rang, même si désormais certains blogueurs et influenceurs ont aussi ce privilège. La Fédération transmet la liste des journalistes et photographes accrédités pour chaque saison, base de données pour les invitations. La Fashion Week regroupe environ 800 acheteurs professionnels, 2000 journalistes et un peu plus de 400 photographes.

Progressivement, les maisons ont intégré les nouvelles technologies dans leur stratégie de communication. Cette évolution s’est faite progressivement, les maisons de luxe ayant compris qu’il était devenu essentiel d’être actives sur la toile. Avant la crise sanitaire, les shows commençaient à être retransmis en direct que ce soit sur Instagram, à la télévision ou sur le site internet de la Fédération afin que le consommateur soit redirigé vers le produit. Les réseaux sociaux ont le pouvoir de rendre accessible ce moment, habituellement réservé à un public privilégié. Aujourd’hui, il n’a jamais été aussi simple de suivre la mode, grâce à la place centrale des réseaux sociaux dans la stratégie de communication de chaque maison. Instagram, Youtube, Twitter, Linkedin ou encore Facebook étaient déjà utilisés avant la pandémie où Instagram était le réseau social le plus important pour l’industrie de la mode. Tout au long de l’année, les maisons et leurs marques faisaient rêver leur communauté en les emmenant lors de leurs voyages. Aujourd’hui, des célébrités de la Fashion Week telles que Jennie Ruby Jane, Kylie Jenner et Kendall Jenner sont une source d’inspiration pour la jeune génération, représentant des millions d’abonnés. Même si cette dernière n’est pas forcément la clientèle potentielle des grandes maisons du luxe, continuer de faire rêver cette jeune génération permet de conserver une image d’icône inaccessible. Twitter, permettant de bénéficier d’informations en instantané, détient aussi une place primordiale dans la communication des griffes. En lien avec Google Maps, l’application permet notamment de localiser l’adresse des shows dévoilée à la dernière minute pour les stars et les paparazzis. Que ce soit les comptes des stars ou des influenceurs ou les hashtags créés pour la semaine de la mode, tous permettent de générer plus de trafic. Aussi et ce encore aujourd’hui, les maisons n’ont pas le droit à l’erreur. C’est la raison pour laquelle elles possèdent désormais une équipe dédiée à la veille médiatique afin de contrôler les photos publiées du show. « Il est fascinant de comprendre dans quelles mesures la technologie est en train de transformer notre expérience de la mode, mais aussi les formats réels » énonce Clara Escalera, designer et experte des tendances (3).

Aujourd’hui, l’influence fait aussi partie intégrante de la stratégie de communication au vu de l’importance des influenceurs. Les maisons s’orientent de plus en plus vers eux afin de toucher leur communauté composée également des nouvelles générations. Cependant, elles réfléchissent avec précaution lors de la sélection de leurs influenceurs afin de s’assurer qu’ils sont en adéquation avec leur image de marque. Aujourd’hui, la valeur ajoutée qu’ils apportent est immense, tant au niveau de la notoriété de l’événement que de la création de contenu. Effectivement, les invités appréciant la marque posteront aussi du contenu de leur plein gré, réduisant les coûts tout en augmentant la visibilité. Les maisons offrent aux influenceurs et aux invités en général une belle couverture médiatique.

Bien que les réseaux sociaux aient été intégrés aux stratégies de communication de l’industrie de la mode ces dernières années, les technologies sont encore bien plus poussées aujourd’hui. On citera par exemple la modélisation numérique avancée, l’impression 3D, la réalité augmentée ou encore la réalité virtuelle.

Une accélération soudaine…

Depuis plus d’un siècle, les maisons de luxe participent à la Fashion Week, un événement incontournable qui a peu évolué dans sa forme. Cependant, nous avons remarqué que depuis quelques années les maisons de luxe commencent à comprendre les enjeux et l’importance d’intégrer le digital. Effectivement que ce soit dans la forme ou le fond et ce grâce aux pionniers dans ce secteur, les outils digitaux sont de plus en plus considérés dans le cadre de la Fashion Week. Cependant, les maisons de luxe n’auraient jamais pu s’imaginer que tout allait s’accélérer beaucoup plus vite que prévu…

Sophie VENET – MKP

SOURCES :

Bibliographie :

(1) STEELE, Valérie, Paris, Capital of Fashion, Paris, 2019, Bloomsbury visual arts, 215 pages, p. 7.

Webographie :

(2) Lanz, A. (2020, 25 août). Que valent les Fashion Weeks digitales post-Covid? Heidi.news. https://www.heidi.news/culture/que-valent-les-fashion-weeks-digitales-post-covid

 (3) Lanz, A. (2020, 25 août). Que valent les Fashion Weeks digitales post-Covid? Heidi.news. https://www.heidi.news/culture/que-valent-les-fashion-weeks-digitales-post-covid