D’un marketing territorial intensif au développement d’un tourisme durable, description du changement de stratégie touristique d’une destination

Élue en 2019 Capitale Européenne du Smart Tourism[1], ou du tourisme durable en français, Lyon semble avoir récemment changé de stratégie touristique pour se tourner vers quelque chose de plus responsable. Pourtant, la destination promue sous le nom d’ONLYLYON depuis plus de 10 ans, n’était pas connue pour sa stratégie touristique « verte » à l’origine, au contraire !  Comme le laisse sous-entendre sa marque, Lyon avait au départ pour ambition de devenir LA destination en France (après Paris) et d’attirer un maximum de touristes, une stratégie assez éloignée des valeurs écoresponsables. Une stratégie qui s’est révélée toutefois payante : Lyon est aujourd’hui la 2ème destination touristique en France. Elle a recensé, en 2019, 6 millions de visiteurs et généré 1 milliard d’euros de chiffre d’affaires. Plus de 36 000 personnes travaillent et vivent du tourisme dans la métropole. L’aéroport Lyon Saint-Exupéry est le 4ème aéroport de France, la gare de Lyon Part-Dieu, la 1ère gare internationale du pays[2]. De plus, la destination est régulièrement en tête des classements des « villes incontournables » nationaux et internationaux. En somme, un très beau succès qui est devenu un cas d’école et un modèle de marketing territorial.

Mais alors, si touristiquement parlant, tout va si bien pour Lyon, pourquoi la destination est-elle en train d’opérer un tel revirement de stratégie ? Habitant à Lyon depuis plusieurs années, j’ai vu récemment les discours de l’office du tourisme changer. Les élections municipales de 2020 ont également fait du bruit et les médias ont rapidement titré la mort d’ONLYLYON. La crise du Covid-19, que l’on vit encore actuellement, n’a fait qu’appuyer ces changements. J’étais donc curieuse d’en apprendre plus sur ce qui se cache derrière l’onglet « tourisme différent » du site internet d’ONLYLYON Tourisme et Congrès, ce qui a déjà été mis en place, tout comme ce qui reste à faire. Mon premier article était axé sur les définitions des tourismes durables, j’ai trouvé intéressant de regarder comment une destination telle que Lyon pouvait se transformer pour devenir plus responsable et les raisons intrinsèques et extrinsèques qui justifient un tel changement.

Tendance passagère ou réel mouvement de fond, stratégie à court terme en phase avec les nouveaux élus ou changement d’avenir, Lyon est-elle en train de devenir la future destination urbaine responsable française ? Avant de répondre à cette question, je vous propose de revenir sur le parcours incroyable de cette destination.

QUAND LYON EST ENTRÉE DANS LA COUR DES GRANDES DESTINATIONS EUROPÉENNES

Photo par Jérôme Michaud MRC Production, www.onlylyon.com

Tout d’abord, qu’est-ce que le marketing territorial ?

Une stratégie touristique s’inscrit dans une stratégie plus globale de marketing territorial. Ainsi, avant de commencer mon étude de cas sur Lyon, je voulais revenir brièvement sur la définition de ce dernier, qui est trop souvent réduit à une opération de communication ou à la simple création d’une marque. Le marketing territorial consiste en réalité à l’application des méthodes et des outils marketing pour un territoire. Ce n’est donc pas seulement de la communication, bien qu’elle puisse et doive en faire partie, ce n’est pas non plus du géomarketing, qui vise à analyser les comportements des individus sur une zone géographique donnée, ou du marketing politique, qui a pour but de promouvoir un candidat ou un parti politique[3].

« Le marketing territorial est l’effort collectif de valorisation des territoires pour influencer, en leur faveur, le comportement des cibles économiques par une offre dont la valeur perçue est durablement supérieure à celle des concurrents. »[4]

Le marketing territorial est une démarche qui regroupe plusieurs acteurs d’un territoire : des acteurs politiques, économiques, touristiques, publics et privés. L’objectif est de convaincre les cibles définies de l’attractivité de ce territoire, afin qu’elles y investissent et le consomment. Les cibles ne se limitent donc pas aux touristes, bien qu’ils en fassent partie. On peut choisir de cibler, entre autres, des chefs d’entreprise, des étudiants, des investisseurs immobiliers, des scientifiques…etc. Le développement du tourisme fait donc bien partie des du marketing territorial, mais ce dernier ne s’y limite pas. Toutefois, dans cet article, j’ai choisi de me concentrer essentiellement sur les enjeux touristiques d’une telle démarche.

La notion de marketing territorial est plutôt récente : elle n’apparaît que dans les années 1990 dans les pays anglophones. Mais dans la pratique, le fait d’utiliser des techniques de communication et de marketing par des pouvoirs publics pour promouvoir un territoire remonterait à un peu plus longtemps. En effet, les spécialistes du domaine considèrent généralement la campagne « I love NY » de 1977 comme étant le premier cas typique en la matière. En Europe, c’est Barcelone, avec les Jeux Olympiques de 1992, qui a lancé le phénomène. Puis ce fut au tour d’Amsterdam, avec son célèbre slogan « I Amsterdam », en 2004, d’appliquer les méthodes du marketing à son territoire et d’en faire un réel succès[5]. En France, c’est Lyon qui a été précurseur !

Le marketing territorial à la Lyonnaise

Comme vous l’avez sans doute compris dans la définition, les stratégies touristiques mises en place sur un territoire s’inscrivent toujours dans une démarche plus globale. La destination Lyon, telle qu’on la connaît aujourd’hui, n’aurait pu se développer seule. Une stratégie complète se cache derrière le succès de Lyon, et je ne peux parler de la stratégie touristique de la métropole sans revenir dessus.

La métropole lyonnaise commence à s’intéresser au sujet du marketing territorial dès les années 90 avec quelques actions éparpillées. Mais, en 2005-2006, une étude de l’ADERLY[6] montre que Lyon peine à se faire reconnaître et à bien se classer par rapport aux autres métropoles européennes. Au même moment, Gérard Collomb, maire de Lyon à l’époque, se rend à Chicago accompagné de tous les acteurs institutionnels et entrepreneuriaux de la métropole afin de représenter Lyon lors d’un salon sur les biotechnologies. À cette occasion, il s’aperçoit du manque d’unité des différents acteurs du territoire : sur le salon, chacun possède son propre logo et un discours différent. Cette prise de conscience notamment va amener la métropole à créer, en 2007, la marque « ONLYLYON », première stratégie de citybranding, marque territoriale, française[7].

« En France, Lyon est certainement la première ville à avoir fabriqué et décliné une marque de manière aussi systématique »[8]

Alain Bourdin, sociologue-urbaniste et professeur à l’Institut français d’urbanisme.

Lyon choisit de se positionner comme une « ville globale », avec trois objectifs principaux : faire connaître Lyon, faire aimer Lyon et faire venir à Lyon[9]. La marque sert alors d’étendard commun aux différents acteurs économiques et touristiques du territoire, afin qu’ils unissent leurs voix derrière un seul nom, un seul logo et un même discours porté sur les mêmes valeurs et avantages. Dès sa création, ONLYLYON réunit 13 membres d’envergure composés de l’Office du Tourisme, de la ville de Lyon, de l’Université de Lyon, des Aéroports de Lyon, de la Cité Centre de Congrès, d’Eurexpo, de la CPME69, de la Chambre des Métiers et de l’Artisanat, du MEDEF Lyon Rhône et du Département du Rhône[10]. Aujourd’hui, la démarche regroupe 28 partenaires publics et privés qui construisent ensemble le programme de développement d’ONLYLYON[11].

Pour atteindre ses objectifs, la marque déploie de nombreux outils. En 2007 est lancé le réseau des ambassadeurs. Si le programme comptait au début seulement quelques têtes d’affiche, comme Jean-Michel Aulas, président de l’Olympique Lyonnais, il s’est vite élargi pour y intégrer des chefs d’entreprises, des entrepreneurs, des étudiants, des personnes du monde culturel, à Lyon, en France ou expatrié. Le réseau compte aujourd’hui 27 000 personnes vivant en France et dans le monde.

« Lyonnais de naissance ou d’adoption, vivant à Lyon ou expatriés, les Ambassadeurs contribuent par leurs activités et leur attachement à la ville, au rayonnement de Lyon en France et à l’international. Ce réseau d’influence stratégique est déterminant dans la dynamique du programme ONLYLYON. »[12]

En parallèle, d’importantes campagnes de communication et de relations presse ont été menées. Du côté de la stratégie presse, l’enjeu était de forger pour Lyon une stature médiatique internationale en faisant rayonner la ville dans les principaux médias de la planète. Cela est passé par l’organisation d’événements presse à l’international et par l’accueil de journalistes étrangers à Lyon dans la SkyRoom d’ONLYLYON notamment. Du côté de la stratégie de communication, la marque a déployé par le passé de grands dispositifs d’affichage en France et à l’international, dans les gares et les aéroports. Enfin, ONLYLYON est également très active sur internet et déploie des campagnes ciblées sur les réseaux sociaux, sur Weibo et Wechat pour la Chine ou encore sur LinkedIn pour toucher des décideurs économiques.

Qu’en était-il de la stratégie touristique au départ ?

Le marketing territorial mis en place à Lyon a permis de définir une stratégie touristique globale et efficace pour la destination. Un des objectifs de la démarche est de « faire venir à Lyon », ce qui implique notamment de faire venir des touristes. Le pari de faire de Lyon une destination incontournable pour les « short city break » (séjour urbain de courte durée) qui rivaliserait avec Barcelone ou Amsterdam n’était pas gagné à l’origine. En effet, dans les années 80-90, Lyon n’était pas considérée comme une destination où il faisait bon passer quelques jours. François Gaillard, directeur de l’office du tourisme, déclare lui-même que Lyon était :

« Une ville perçue comme plutôt sombre, plutôt sale, pas très attrayante, pas très valorisée »[13]

La petite histoire raconte que l’amélioration de l’image de la ville auprès des touristes aurait commencé avec l’ « effet UNESCO »[14]. Mais avant cela, il faut remonter dans les années 60 quand le quartier du Vieux-Lyon était sur le point d’être détruit afin d’y construire une autoroute… Un comité de quartier, soutenu par des élus et par le ministre de la culture de l’époque André Malraux, engage alors une action pour sauver ce patrimoine historique. Le Vieux-Lyon devient ainsi le premier quartier classé secteur sauvegardé de France. Quelques dizaines d’années plus tard, en 1998, le Vieux-Lyon entre cette fois-ci au patrimoine mondial de l’UNESCO. Ces événements auraient marqué le début de la réflexion quant au potentiel de la ville comme future destination attractive.

La mise en place de la stratégie touristique s’est déployée en 3 phases14. Phase 1 : la réhabilitation des bâtiments remarquables de la métropole. Lyon a eu droit à un grand coup de rafraîchissement avec la rénovation des bâtiments et des façades. Car, pour attirer du monde, il faut avoir des atouts à montrer. Phase 2 : le ciblage. Le choix s’est rapidement tourné vers le tourisme d’affaires, plus rentable et qui permet d’occuper les chambres d’hôtels pendant la semaine. En parallèle, la métropole et l’office du tourisme ont lancé de grands événements pour augmenter la notoriété de la destination et attirer de nouveaux publics. L’objectif est de donner envie à ces visiteurs de revenir visiter Lyon. Phase 3 : les classements. Une fois que la destination est attirante, que les touristes commencent à la connaître, il ne manquait plus que la reconnaissance pour faire de Lyon une « short city break » européenne incontournable. Une stratégie bien menée : en 2020, Lyon est la 2ème destination des tendances de voyage en France du comparateur Kayak, fait partie de la « Cool Liste 2020 » du National Geographic Traveller, est 2ème également des « Best Big Cities in the World 2020 » du Condé Nast Traveler Reader’s Choice… Bref, une stratégie plus que payante[15].

Comme on peut le constater, dans ses débuts, la stratégie de marketing territoriale autour de la destination Lyon et de la marque ONLYLYON n’était pas axée sur un tourisme raisonné ou responsable. Les acteurs présents dans le projet ont cherché à rapidement faire connaître le territoire avec une stratégie offensive et intensive dans le but d’attirer le plus de monde. Cette stratégie présente aujourd’hui ses limites. Se reposer essentiellement sur du tourisme d’affaires et du tourisme international, en pleine pandémie mondiale, cela ne fonctionne plus. De plus, la destination commence à souffrir d’un début de tourisme de masse, en particulier dans les lieux « totems » de la ville : les quartiers classés au Patrimoine mondial de l’UNESCO.

« C’est la rançon du succès. Ils ont mis en place une stratégie et ça a marché. Aujourd’hui, ils ont des problèmes de surdemande à certains endroits, voire de surtourisme, et il y a des conflits d’usage avec les riverains. »[16]

Estelle Simon, professionnelle du marketing territorial.

Avant d’atteindre des dérives de surtourisme trop importantes, il était temps pour la métropole de réagir. On peut imaginer que cette stratégie en 3 phases est en réalité composée de 4 étapes et que nous entrons aujourd’hui dans ce dernier temps. La destination peut désormais s’arrêter de grandir et entrer dans une phase plus « mature » avec le tourisme responsable.

LE TOURISME RESPONSABLE À LYON : VIRAGE OPPORTUN OU STRATÉGIE D’AVENIR ?

Photo par Chloé Caravati, vue depuis la Basilique Notre Dame de Fourvière.

Pourquoi Lyon va vers un tourisme plus responsable ?

Quel est l’intérêt, pour une destination telle que Lyon, qui a su conquérir le cœur des touristes et qui attire chaque année de plus en plus de monde, de développer un tourisme plus raisonné sur son territoire ?

Tout d’abord, il est important de souligner la prise de conscience globale de la part des consommateurs quant à l’urgence climatique, environnementale et même sociale dans laquelle nous vivons. La crise du covid-19 n’a fait qu’accentuer cette remise en question générale, et le voyage n’y a pas échappé. Il existe aujourd’hui une réelle demande des visiteurs pour plus de durabilité de la part des destinations de voyage. L’étude du site de réservation Booking.com, que je mentionne déjà dans mon premier article, observe que 87% des voyageurs expriment un désir de voyager de façon durable, et 72% d’entre eux veulent pouvoir accéder à ce type d’offre dès maintenant[17]. Ces touristes responsables ne recherchent pas seulement un moyen de répondre à leur conviction, mais croient également que choisir une destination durable leur permettra d’ajouter une expérience positive et authentique à leur séjour. Ainsi, se tourner vers un tourisme plus responsable à Lyon, en plus d’être « bien » pour la planète et pour les humains, répond aux nouvelles aspirations des voyageurs. Transformer Lyon en destination responsable peut alors être une opportunité pour toucher une nouvelle cible, et/ou pour reconquérir une partie de la population française et européenne.

Vincent Gollain, spécialiste du marketing territorial, décrit le « pivot » de la profession comme une nécessité. Selon lui, la phase de l’ « adolescence » des destinations n’a que trop duré et il est urgent que celles-ci rentrent dans des démarches plus « adultes »[18]. En effet, on peut comparer la recherche d’attractivité constante comme la période où un enfant grandit et se construit. Aujourd’hui, et particulièrement à Lyon, la notoriété et l’image de la destination ne sont plus à faire. Lyon est bien reconnue en France, en Europe et même dans le monde, elle n’a plus rien à prouver et plus nécessairement besoin de continuer d’attirer toujours plus de visiteurs. Pour Vincent Gollain, la destination peut maintenant entrer dans la phase du « toujours mieux » qui correspond à l’étape de maturité de la destination, où celle-ci peut se concentrer sur des nouvelles problématiques, comme la construction d’une offre durable.

Ces prises de conscience générales se reflètent d’ailleurs très bien à Lyon. Les résultats des dernières élections municipales de 2020 montrent le souhait des habitants de voir leur ville devenir plus « verte ». La métropole est passée à majorité écologiste. On regrette bien souvent l’écart entre les déclarations et les actions, mais les élections ici montrent justement que les lyonnais et les lyonnaises sont prêts à voir leur ville et les territoires aux alentours se transformer.

« Au-delà d’une demande, les techniciens ont probablement devancé ce qu’ils sentaient être les envies des nouveaux élus. Et le développement d’un tourisme responsable, je pense que c’est un mouvement de fond. Lyon avait déjà anticipé cette tendance, qui n’a qu’été accélérée par l’arrivée de ces nouveaux élus écologistes. »[19]

Estelle Simon, professionnelle du marketing territorial.

Bien plus qu’une tendance passagère, la transformation actuelle des destinations telles que Lyon s’inscrit dans un mouvement de fond à l’échelle mondiale. Il serait donc réducteur de dire que Lyon s’est engagée sur cette nouvelle voie seulement pour satisfaire les envies des nouveaux élus. Au contraire, la destination semble plutôt avoir anticipé les nouvelles aspirations de ses habitants et des touristes, et ce depuis quelques années déjà. Je vous propose de passer en revue les différentes actions qui ont été mises en place sur la destination pour développer le tourisme durable à Lyon.

Que fait la destination Lyon en termes de tourisme responsable ?

La nouvelle phase touristique, qu’on peut qualifier de plus « mature », d’ « adulte » ou de « responsable » semble avoir doucement commencé il y a une dizaine d’année. Elle débute avec le déploiement d’une stratégie en faveur du tourisme de proximité.  On parle de tourisme de proximité quand les visiteurs d’un territoire habitent dans un rayon de 100 km autour de la destination. Il s’agit donc, pour un territoire, de l’activité touristique générée par ses habitants[20]. Ce tourisme représente aujourd’hui une véritable opportunité, d’autant plus en temps de pandémie mondiale où la liberté de déplacement est restreinte. Pour accroître cette nouvelle forme de tourisme au niveau de la métropole lyonnaise et donner envie aux habitants de la région de redécouvrir leur territoire, l’office du tourisme a mis en place différents outils[21] :

  • L’agenda « mon week-end à Lyon » : un calendrier créé pour les habitants, qui recense tous les événements et festivals de la Métropole
  • L’agenda « c’est Lyon qui régale » dédié aux événements culinaires
  • Le guide collector : une sélection de bonnes adresses lyonnaises (restaurants, vie nocturne, shopping, adresses insolites…)

Et plus récemment, l’Office du Tourisme a augmenté la Lyon City Card, son outil phare, d’un jour, la faisant passer de 3 jours maximum à 4. Cela permet aux visiteurs de rester plus longtemps et de réduire un peu leur impact carbone lié au voyage. Une version dédiée aux habitants de la métropole a également vu le jour : la Lyon City Card 365, un pass valable un an, donnant accès à 3 activités touristiques ou culturelles.

Je vous le disais en introduction, en 2019, Lyon a remporté le titre de Capitale Européenne du Smart Tourism. Ce titre récompense les destinations qui mettent en place un tourisme intelligent, innovant, inclusif, solidaire et surtout durable. Quatre critères en particulier ont permis à Lyon de se distinguer[22] :

  • L’accessibilité : on peut venir à Lyon en avion, en train, en voiture, et en vélo (avec la Viarhôna). Lyon a également été élue 1ère Ville Accessible en 2018 par la Commission Européenne.
  • Le développement durable : la ville tente de réduire son impact environnemental, notamment lors de la Fête des Lumières où les installations sont toutes à basse consommation. Elle développe sans cesse son réseau de pistes cyclables et de vélo’v. Enfin, le nouveau label « Lyon ville équitable et durable » permet de mettre en lumière les acteurs locaux responsables.
  • Le patrimoine : la destination tente de concilier touristes et habitants, notamment avec la Convention traboule qui rend accessible ce patrimoine tout en essayant de préserver le calme des habitations.
  • La connectivité au travers de ses nombreux outils numériques.

« Depuis 10 ans, nous travaillons sur la valorisation des circuits courts et de la gastronomie locale, sur le développement des visites guidées partout, la création d’outils pour les habitants et les visiteurs. Ce sont d’ores et déjà des actions qui participent à ce qu’on appelle un tourisme responsable. »[23]

Catherine Romeyer, chargée de développement tourisme responsable à ONLYLYON Tourisme et Congrès.

La même année, la destination a redoublé d’efforts pour faire labelliser ses différentes structures[24] :

  • L’aéroport Lyon-Saint-Exupéry obtient le label ACA 3+, programme mondial de gestion du carbone pour les aéroports.
  • Le centre de Congrès et Eurexpo décrochent la norme ISO 20121, système de management responsable appliqué à l’activité événementielle.
  • L’office du tourisme s’engage dans des démarches pour acquérir l’étiquette environnementale de l’ADEME.

Enfin, toujours en 2019, la destination a intégré le Global Destination Sustainability Index (GDS Index). L’organisme accompagne les collectivités et les organisations nationales et régionales dans la co-création de stratégies touristiques plus résilientes, en évaluant puis améliorant leurs performances en matière de durabilité[25]. Concrètement, l’organisme commence par réaliser un audit de ce qui est fait sur la destination en termes de tourisme, puis accorde un score de durabilité. Une fois que le bilan est fait, le GDS peut aider la destination à travailler sur ses lacunes. Lyon a ainsi obtenu la note de 55/100, soit un peu plus que la moyenne. Bien que l’office du tourisme se vante d’être en tête des villes françaises présentes dans le classement, sur les 21 métropoles d’Europe de l’Ouest, Lyon n’atteint toutefois que la 16ème position [26].

Tous ces labels, et en particulier le titre de capitale européenne du Smart Tourism, peuvent donner l’impression que Lyon est déjà une destination responsable. Néanmoins, quand on regarde le score de la métropole au GDS index on voit qu’il reste encore une marge de progression importante.

Lyon, future destination responsable ? 

À l’heure actuelle, selon moi, il est trop tôt pour qualifier la métropole de Lyon de destination responsable. En effet, même si de nombreuses actions en faveur d’un tourisme local et plus responsable ont vu le jour, un long chemin reste encore à parcourir. L’office du tourisme n’en est qu’au début du déploiement de cette nouvelle stratégie. Le GDS index a d’ailleurs permis d’identifier plus précisément les leviers et les axes d’amélioration à développer. Cette stratégie doit maintenant se développer avec l’aide de tous les acteurs du territoire. Des concertations avec les différents acteurs du secteur touristique ont justement eu lieu en janvier dernier, pour discuter de l’avenir du tourisme à Lyon. D’autres sont à venir en avril[27].

« Des concertations sont en cours, il faut maintenant réfléchir à une stratégie à long terme : une stratégie pluriannuelle de tourisme responsable. Nous devons déjà écouter les professionnels du secteur sur leurs envies, leurs enjeux actuels, leurs moyens et leurs freins. C’est seulement après que nous serons à même de dire ce que nous pouvons réellement faire. Ce serait précipité d’écrire une stratégie sans écouter les préoccupations des socio-professionnels. Des préoccupations d’autant plus sensibles en ce moment, car pour certains, il est surtout question de survivre. »[28]

Catherine Romeyer, chargée de développement tourisme responsable à ONLYLYON tourisme et Congrès.

Au cours de ces concertations, menées par François Gaillard, directeur général d’ONLYLYON tourisme et Congrès, Catherine Romeyer, chargée de développement tourisme responsable à ONLYLYON tourisme et Congrès, et Guillaume Cromer, consultant spécialisé et président des Acteurs du Tourisme Durable, l’office du tourisme souhaite également encourager les acteurs vers plus de certifications, afin de poursuivre les démarches déjà entamées depuis 2019 :

« Inscrire les hébergements sur des écolabels, engager les agences événementielles à mieux gérer les déchets, encourager les aéroports et les sociétés de transport vers une certification internationale ISO 14001, développer des réflexions RSE… » [28]

Consulter et certifier est un bon début, mais ensuite il ne faut pas oublier d’agir concrètement. Pour Siméon Baldit-de-Barral, co-fondateur et président d’On the Green Road, association lyonnaise qui promeut le tourisme responsable, trois problématiques sont encore à travailler sur la métropole avant de pouvoir qualifier Lyon de destination responsable. Premièrement, il est nécessaire d’accélérer le développement du tourisme de proximité et communiquer encore plus auprès des cibles locales, régionales, françaises et européennes proches. Car, si le souhait de Grégory Doucet, nouveau maire de Lyon, qui est de voir « beaucoup moins de gens venir à Lyon en avion »[29], veut se réaliser un jour, il faut privilégier alors une communication auprès des publics qui ont la possibilité de venir autrement. Deuxièmement, il est important de répartir de façon plus équilibrée et équitable les flux touristiques sur le territoire. En effet, aujourd’hui, la grande majorité des touristes sont concentrés sur la partie UNESCO de la ville, c’est-à-dire : la Presqu’île, le Vieux Lyon et Fourvière. Et ce n’est pas seulement parce que ces lieux sont beaux, c’est surtout le résultat d’une communication massive, centrée uniquement sur ces totems et qui en a fait des lieux incontournables à cocher sur la liste des choses à faire à Lyon. Malheureusement, aujourd’hui ces quartiers souffrent de surtourisme et la qualité de vie des habitants s’en voit dégradée. De plus, toutes les dépenses se retrouvent concentrées dans un même endroit et profitent ainsi toujours aux mêmes acteurs. Ce qui m’amène donc au troisième point, qui est de faire profiter des bénéfices du tourisme à plus d’acteurs et notamment aux acteurs locaux, responsables et solidaires.

« Il y a vraiment un tourisme plus régional à penser et un tourisme plus éclaté à développer au niveau de toute la ville et toute la métropole, qui bénéficierait à plus d’acteurs. »[30]

Siméon Baldit-de-Barral, co-fondateur et président d’On the Green Road.

Finalement, ces trois problématiques nous amènent vers un dernier enjeu plus global qui relève de la communication. Ici, je ne veux pas dire que la communication est responsable des dérives du tourisme à Lyon, ni qu’elle peut être la solution miracle. Néanmoins, elle a un rôle majeur à jouer dans le développement de cette nouvelle stratégie. En effet, mieux cibler localement les futures campagnes d’envergure et diminuer les campagnes à l’international, mettre en lumière d’autres lieux moins connus et pas seulement les quartiers « UNESCO » de la ville, et enfin rendre plus visible les petits acteurs locaux responsables présents sur le territoire, participeront sans aucun doute à l’accélération du développement du tourisme responsable à Lyon. ONLYLYON Tourisme et Congrès a d’ailleurs bien conscience de la force et de l’utilité de la communication et du travail qui reste à faire à ce niveau-là :

« On a mis en place des process mais on manque certainement d’une meilleure communication, à la fois interne et externe. C’est un peu symptomatique de nos organisations, qui ont parfois du mal à rendre compte de ce qu’elles font. On pense toujours qu’on n’en fait pas assez. L’Office du tourisme de Lyon, depuis plusieurs années, a déjà une manière de travailler responsable, ou qui va vers un tourisme différent, et aujourd’hui il est temps d’en rendre compte. »[31]

Catherine Romeyer, chargée de développement tourisme responsable à ONLYLYON tourisme et Congrès.
Photo par Chloé Caravati, Quai du Rhône

Depuis ses débuts, la stratégie de marketing territorial de Lyon a beaucoup évolué. Si la marque ONLYLYON est née pour faire de Lyon LA destination incontournable des short city break en Europe (et même dans le monde), aujourd’hui, elle est en train d’opérer un virage vers plus de durabilité. Bien qu’il soit impossible, à l’heure actuelle, d’affirmer que Lyon est une destination responsable, je veux croire qu’elle saura continuer à déployer des efforts pour en devenir une à l’avenir.

La destination est sur une bonne lancée, les nombreux outils déjà mis en place, les différents labels attribués ou en cours d’attribution et les titres remportés sont encourageants. De plus, les politiques et les habitants semblent aspirer également au développement de ce nouveau tourisme sur leur territoire. Les techniciens de l’office du tourisme ont aussi la volonté de continuer à accélérer ces démarches, notamment par la communication. Les concertations qui ont lieu en ce moment avec les acteurs du secteur touristique permettront de dessiner une trajectoire commune pour le développement du tourisme responsable et d’accélérer sa mise en place en ne laissant personne de côté.

J’ai le sentiment que Lyon est sur la bonne voie et j’espère qu’elle saura rester pionnière comme elle l’a été dans le passé, mais cette fois-ci en termes de tourisme responsable. Je vous donne donc rendez-vous dans 10 ans pour voir où en sera la destination lyonnaise. Nous verrons s’il s’agissait simplement d’une mode ou si elle est devenue effectivement la capitale européenne du tourisme durable ! Affaire à suivre…

Chloé Caravati – COMAL, avril 2021

[1]                ONLYLYON Tourisme, Lyon élue Capitale Européenne du Smart Tourism, ex aequo avec Helsinki, 2020, www.lyon-france.com

[2]                ONLYLYON Tourisme, Bilans et études, 2020, www.presse.lyon-france.com

[3]                SIMON, Estelle, Cours de Marketing Territorial 2020, module n°1, Introduction et diagnostic, ISCOM Lyon, suivi de novembre à janvier 2020.

[4]                GOLLAIN, Vincent, Définition du marketing territorial, 2018, www.marketing-territorial.org

[5]                BEUZE EDRAGAS, Florence, BOURON Jean-Benoît, Notion en débat : marketing territorial, 2019, www.geoconfluences.ens-lyon.fr

[6]                GOLLAIN, Vincent, ONLYLYON, le marketing territorial à la sauce lyonnaise, 2018, www.marketing-territorial.org

[7]                La Tribune, Lyon, champion du marketing territorial, 2012.

[8]                BOURDIN, Alain, interview dans Rue89Lyon, La méthode Only Lyon ou le buzz territorial, par BURLET, Laurent, 2016, www.rue89lyon.fr

[9]                BURLET, Laurent, La méthode Only Lyon ou le buzz territorial, 2016, Rue89Lyon, www.rue89lyon.fr

[10]              ONLYLYON, Les membres fondateurs, www.onlylyon.com

[11]              GOLLAIN, Vincent, ONLYLYON, le marketing territorial à la sauce lyonnaise, 2018, www.marketing-territorial.org

[12]              ONLYLYON, Les ambassadeurs, www.onlylyon.com

[13]              GAILLARD, François, interview dans Marsactu, Lyon, une stratégie touristique très « marquée », dossier « Marsactu chez les Gônes », par LAGACHON, 2012, www.marsactu.fr

[14]              LAGACHON, Lyon, une stratégie touristique très « marquée », dossier « Marsactu chez les Gônes », 2012, www.marsactu.fr

[15]              ONLYLYON Tourisme, Lyon dans les classements – 2020, 2021, www.presse.lyon-france.com

[16]              SIMON, Estelle, professionnelle du marketing territorial et professeure à l’ISCOM Lyon, interview réalisée en mars 2021.

[17]              Booking.com, The Future of Travel, 2020

[18]              GOLLAIN, Vincent, Une page se tourne, l’urgence d’un marketing territorial adulte et responsable, 2020, www.marketing-territorial.org

[19]              SIMON, Estelle, professionnelle du marketing territorial et professeure à l’ISCOM Lyon, interview réalisée en mars 2021.

[20]              ATOUT France, Tourisme de proximité, mythes et opportunités, 2015, édition Atout France, Paris, 118 pages.

[21]              ONLYLYON Tourisme, Lyon, un tourisme différent, www.lyon-france.com

[22]              ONLYLYON Tourisme, Lyon élue Capitale Européenne du Smart Tourism, ex aequo avec Helsinki, 2020, www.lyon-france.com

[23]              ROMEYER, Catherine, chargée de développement tourisme responsable à ONLYLYON Tourisme et Congrès, interview réalisée en janvier 2021.

[24]              ONLYLYON Tourisme, Lyon au premier rang des villes françaises du « GDS Index », www.pro.lyon-france.com

[25]              Global destination sustainability movement, www.gds.earth

[26]              Global destination sustainability movement, 2019 results, Ranking and Results, www.gds.earth

[27]              ONLYLYON Tourisme, Tourisme responsable à Lyon : les acteurs de la destination réunis autour des enjeux actuels, www.pro.lyon-france.com

[28]              ROMEYER, Catherine, chargée de développement tourisme responsable à ONLYLYON Tourisme et Congrès, interview réalisée en janvier 2021.

[29]              Tribune de Lyon, Dossier : le doux rêve d’une relance écolo, 2021

[30]              BALDIT-DE-BARRAL, Siméon, fondateur et président On The Green Road, interview réalisée en mars 2021.

[31]              ROMEYER, Catherine, chargée de développement tourisme responsable à ONLYLYON Tourisme et Congrès, interview réalisée en janvier 2021.