Tout comme c’est le cas des marques commerciales, les territoires se font de la concurrence entre eux. Afin de se démarquer des uns des autres, ils mettent en place de véritables politiques afin de rayonner et de faire valoir leur identité.

En préambule de cet article, il convient de définir la notion de territoire. Il s’agit d’un espace de taille variable, habité par des groupes d’individus plus ou moins homogènes, mais qui dépendent de la même entité administrative et qui ont une vision de leur territoire, de sa culture et de son histoire assez semblable. Ce lieu se caractérise par des critères naturels (le paysage), administratifs, culturels (langue ou accent), économiques (niveau de vie), politiques et enfin imaginaires. Ensuite, vient la notion d’attractivité territoriale, qui constitue la base des stratégies touristiques mises en place par les territoires. Ainsi, il s’agit de la capacité d’une ville, d’une agglomération, d’une région, ou encore d’un pays à attirer de nouvelles populations, que ce soit d’une manière permanente ou ponctuelle, ainsi qu’à donner envie à ses habitants de rester. Pour ce faire, de nombreux moyens peuvent être utilisés, tout dépend du contexte, du lieu et de la politique en place, ce qui en fait une démarche globale. Au sein de cette politique d’attractivité, nombreux sont les territoires qui mettent en place des politiques d’attractivité touristique auprès d’une clientèle de particuliers, dans le but d’émerger au sein d’un environnement de plus en plus concurrentiel et de satisfaire des cibles toujours plus demandeuses et exigeantes au sujet de leurs loisirs.

Ainsi, depuis 1887 et la création du terme « Côte d’Azur », désignant la première marque de territoire, leur nombre n’a cessé de croître, et notamment depuis le XXème siècle. On peut retrouver Only Lyon, So Toulouse, Savoie-Mont-Blanc, en France, ou encore I Love NY et I AMSTERDAM pour les plus populaires. Leur objectif est de valoriser les caractéristiques des territoires qu’elles représentent pour se démarquer entre elles et créer une image positive dans l’esprit des consommateurs, leur donner envie de s’y rendre. Mais, si la marque de territoire est là pour appuyer les atouts en termes d’attractivité touristique d’un territoire, on constate qu’il ne s’agit plus seulement de mettre en valeur la destination et ses points forts, il est désormais nécessaire de réfléchir plus en profondeur et de savoir s’adapter à de nouveaux enjeux.

Alors, comment un territoire peut-il désormais développer son attractivité touristique et donc économique tout en conciliant respect de la destination, de l’environnement, des touristes et des habitants ?

La mise en valeur des atouts du territoire : une étape essentielle de l’attractivité touristique

On assiste depuis plusieurs années à une forte concurrence entre les territoires. Cette réalité est à prendre prioritairement en compte dans la mise en place d’une démarche d’attractivité touristique. Toutefois, si les territoires sont aujourd’hui en compétition entre eux, ils disposent tous d’atouts, qui leur permettent de se différencier et de susciter la convoitise. Ainsi, de la même manière que des marques présentent sur le marché des biens de consommation, il est nécessaire de connaître ses avantages et de les valoriser pour se démarquer. Mais alors, sur quels points s’appuyer pour attirer des touristes ? La réponse est à la fois très simple et complexe. En effet, tout ce qui fait la force d’un territoire peut constituer un sérieux avantage concurrentiel. Encore faut-il savoir en tirer profit et l’adapter à la clientèle ciblée. Comme énoncé précédemment, chaque territoire est unique, mais on peut tout de même définir un certain nombre d’atouts sur lesquels la plupart s’appuient pour communiquer, en les adaptant à la réalité de leur terrain.

La localisation, un élément porteur

Le premier aspect non négligeable est l’environnement du territoire, sa localisation. En effet, nombreuses sont les personnes qui décident d’aller dans tel ou tel endroit selon sa position. Ainsi, à l’échelle nationale, certaines personnes seront plus attirées par la Côte d’Azur, tandis que d’autres favoriseront la Côte Atlantique. D’autres encore vont préférer les terres, alors que certains sont plus tournés vers le littoral. Si certaines villes, très largement connues, n’ont pas besoin de communiquer sur leur position géographique pour attirer, d’autres peuvent avoir tout intérêt à jouer là-dessus. Ainsi, Marseille n’a pas besoin d’insister sur le fait qu’elle se situe au bord de la Méditerranée, mais Aix-en-Provence n’hésite pas à montrer qu’elle est placée en plein cœur de la Provence, comme me l’a expliqué Marlène Mangani, chargée de promotion au sein de l’office du tourisme de cette ville. Cette position stratégique permet ainsi à la commune d’attirer des touristes soit portés sur le littoral, soit plus sur les activités à l’intérieur des terres, voire même satisfaire une clientèle qui désire visiter l’ensemble de la Provence. Ainsi, Aix-en-Provence fait de sa position stratégique un véritable atout, sur lequel elle n’hésite pas à s’appuyer. En outre, la région dispose d’une moyenne de 300 jours d’ensoleillement par an, ce qui n’est pas négligeable dans une démarche d’attractivité touristique.

L’accessibilité, un critère indispensable

Ensuite, l’accessibilité du lieu et son réseau de transports peuvent constituer des facteurs de choix déterminants. En effet, un site touristique se doit d’être relié aux autres territoires par un ensemble diversifié de moyens. Ainsi, tout comme un produit doit être facilement trouvable en magasin, on doit pouvoir se rendre facilement dans une ville. Les territoires ont donc tout intérêt à multiplier leurs transports, pour rendre les trajets de courtes, moyennes et longues distances plus simples. Aéroports, gares, infrastructures portuaires, gares routières, autoroutes à proximité, réseaux de transports en commun ou encore parkings sont autant d’atouts sur lesquels s’appuyer. Comme le souligne Madame Josiane Lei, maire de la commune d’Evian-les-Bains, la difficulté pour s’y rendre peut parfois compliquer la démarche d’attractivité. En effet, pour elle, sa ville est « au bout du monde » puisqu’elle se situe au bout d’un axe routier très encombré et n’est pas à côté d’un aéroport. On voit donc ici l’importance pour les élus de développer l’accessibilité de leur territoire pour en améliorer la touristicité.

Les activités, un élément de différenciation

Autre atout majeur : la diversité et la qualité des activités et animations proposées. Peu importe leurs centres d’intérêts, les visiteurs ne doivent pas s’ennuyer. Plus les activités sont nombreuses, plus les touristes auront envie de rester longtemps, voire même de revenir pour découvrir ce qu’ils n’ont pas eu le temps de faire lors d’un premier séjour. La multiplicité des offres est également importante pour satisfaire tous les âges et tous les milieux sociaux. Ainsi, si une famille vient en vacances dans un territoire, il faut pouvoir intéresser les parents, mais aussi les enfants, dont les envies peuvent être très variées. Alors, parmi les activités qui peuvent susciter l’intérêt d’une cible très large, et sur lesquelles les territoires peuvent s’appuyer, on peut citer : les activités culturelles avec des musées aux thèmes variés, des expositions de renom ou des spectacles ; des activités en pleine nature, telles que le canoë, les randonnées ou encore les balades à vélo ; des activités sportives ; des séjours plus inédits, comme c’est le cas dans le Luberon, avec une offre de visite atypique des villages en voiture 2CV, etc.

La gastronomie, « l’art de vivre à la française »

Enfin, on ne peut évidemment pas oublier de parler de la gastronomie, attraction phare de la France et de certaines villes, telles que Lyon, qui est d’ailleurs désignée comme « Capitale Mondiale de la Gastronomie » depuis 1935, grâce notamment à ses 4500 restaurants (ville de France avec le plus de restaurants par habitants). La ville s’appuie sur ce point, pour développer son attractivité, comme le souligne d’ailleurs François Gaillard, directeur d’Only Lyon. Pour lui, la ville est « un concentré de l’art de vivre à la française, avec son patrimoine et sa gastronomie, dans une ville à taille humaine », c’est « la ville où les gens mangent sans occasion particulière, où la bonne chère est au centre de l’expérience ». Cet atout a ainsi contribué à faire de la métropole la « Meilleure destination européenne de week-end » selon les World Travel Awards de 2016.

Le tourisme urbain, un point à ne pas négliger

Les infrastructures et l’architecture d’un territoire ont aussi leur rôle à jouer, notamment au niveau des villes. Ainsi, on observe depuis quelques années, un attrait grandissant pour le « tourisme urbain ». Les villes ont alors tout intérêt à jouer sur ce potentiel et à faire de l’aménagement urbain une de leurs priorités, pour attirer une cible plus portée sur l’urbanisme que sur la naturalité. En effet, le paysage urbain peut facilement constituer un atout distinctif et singulier, qui participe à la différenciation dans un secteur là encore extrêmement concurrentiel. De nombreux points entrent alors en jeu. Il est ainsi possible d’utiliser l’historique de la ville, en cherchant à rénover et à mettre en valeur un patrimoine présent depuis plusieurs siècles et qui contribue à la renommée du territoire. L’ancien maire de la ville d’Evian-les-Bains s’est d’ailleurs attelé à rénover l’ensemble de son patrimoine Belle Époque, et notamment la célèbre Buvette Cachat, lieu emblématique de l’eau Evian.
L’organisation des bâtiments, leur entretien et leur harmonie contribuent eux aussi à instaurer un climat chaleureux et convivial, qui va alors fatalement attirer des touristes, mais aussi donner envie à des personnes de venir s’y installer, voire inciter les habitants à recommander leur ville à de potentiels visiteurs. Finalement, il ne faut pas négliger l’intégration du paysage dans l’aménagement urbain. Si une ville est située en bord de mer, il est préférable de laisser la vue dégagée. De la même manière, les espaces verts sont importants et doivent être parfaitement pensés et intégrés dans le paysage. Tous ces aménagements peuvent constituer de réels atouts pour un territoire.

Les points cités précédemment ne contribuent pas uniquement à l’attractivité touristique et à donner envie aux visiteurs. D’ailleurs, pour être efficaces, ils doivent être accompagnés d’une bonne stratégie de communication. Ils jouent aussi énormément sur le bien-être des habitants et influent donc sur l’attractivité territoriale en général. Or, la qualité de vie d’un territoire a un impact sur son hospitalité. Un habitant qui se sent bien chez lui, va devenir un véritable ambassadeur du lieu, il va pouvoir le recommander et va être agréable vis-à-vis des touristes.

Le défi de la co-construction : une nécessité d’impliquer les citoyens et les entreprises ?

Comme évoqué dans le paragraphe précédent, pour rendre un lieu attractif et accueillant pour les touristes, il est nécessaire de travailler main dans la main avec l’ensemble de ses acteurs économiques : habitants, entreprises, ou encore services publics. En effet, ce sont eux qui sont en première ligne, qui vont côtoyer chaque jour le territoire et la qualité des prestations dépend donc en grande partie d’eux. En outre, ils peuvent avoir un rôle de prescripteurs, d’ambassadeurs. C’est ce qu’a d’ailleurs mis en place le Finistère, avec sa marque « Tout commence en Finistère ».

La place des habitants et des entreprises

Pour être attractif, un territoire doit avant tout être hospitalier, avoir envie d’accueillir des touristes, et donc tout mettre en œuvre pour leur donner envie de venir. Il est alors nécessaire pour les élus et les collectivités locales, qui sont au plus proche des habitants, d’être à leur écoute et de connaître leurs attentes et besoins. A titre d’exemple, des citoyens qui se plaignent d’avoir un aéroport trop bruyant à cause des nombreux vols quotidiens juste à côté de chez eux ne vont probablement pas être très réceptifs face à une campagne de promotion de leur région auprès des compagnies aériennes étrangères.
Ainsi, avant d’attirer de nouvelles personnes, l’enjeu est de convaincre celles qui y vivent d’y rester. Comme nous en avons parlé dans la partie précédente, les infrastructures, l’aménagement et l’accessibilité sont des piliers majeurs de l’attrait touristique certes, mais également des conditions de vie sur le territoire. Les investissements menés pour le tourisme bénéficient ainsi aux habitants, et inversement. Un centre-ville fraichement rénové peut attirer des touristes, mais il s’agit avant tout d’un avantage pour les habitants : nouveaux commerces et services, places de stationnement, rues piétonnes, etc.
En outre, il est important d’arriver à fédérer la population autour du projet, c’est-à-dire la convaincre de porter les valeurs du territoire et dans une moindre mesure, de transmettre son histoire et ses traditions. Comme évoqué par Marc Thébault, directeur de la communication de la communauté d’agglomération de Caen-la-Mer et repris dans le livre Le Marketing territorial – Comment développer l’attractivité et l’hospitalité des territoires, « ce sont les hommes et les femmes d’un territoire qui constituent sa principale richesse ». Ils en sont en effet les premiers représentants et les meilleurs communicants. D’où l’importance de leur faire porter à tous un même discours, le plus positif possible. Il est donc primordial de chercher à impliquer toutes les populations, tous les quartiers autour de cette idée. Cela passe par l’écoute de leurs attentes et la mise en avant de leurs projets.

Rester à l’écoute de la population

Si certains territoires ont besoin de développer leur attractivité touristique car cela contribue au niveau de vie de leurs habitants et à leur développement économique, cette politique peut devenir problématique pour certains autres. Ainsi, un afflux trop important de visiteurs peut dégrader le quotidien des habitants et leur bien-être. C’est le cas de villes telles que Barcelone, Venise ou Amsterdam, devenues des destinations trop populaires. Celles-ci ont alors dû prendre des mesures restrictives, afin de limiter l’afflux touristique et ainsi préserver leurs habitants. Effectivement, la municipalité de Barcelone a fait le choix de limiter l’accès à certains lieux populaires, comme le marché de la Boqueria et a interdit la construction d’hôtels en centre-ville. Venise impose depuis 2019 une taxe aux touristes et ne laisse plus les bateaux de croisière s’approcher de la ville. D’autres lieux choisissent de mettre en place des quotas, comme c’est le cas des Iles Galápagos, ou des autorisations spéciales, notamment pour l’ascension du Mont-Blanc. Ces mesures permettent à la fois de préserver les locaux, mais aussi l’environnement. Nous reviendrons sur ce point par la suite.

Outre les habitants, le développement touristique d’un territoire passe également par une collaboration avec les acteurs privés, les entreprises et même le secteur public. Tous doivent avoir la même envie, avancer dans la même direction et être accompagnés à la hauteur de leurs besoins. Ainsi, promouvoir un territoire, c’est aussi mettre en avant les savoir-faire et les commerces locaux. Il est donc important de préserver les commerçants et de leur apporter l’aide nécessaire à leur développement. Plus ils seront accompagnés et valorisés, plus ils auront envie d’accueillir des touristes, et plus les retombées économiques et les avis de ces derniers seront positifs.

Le rôle des acteurs du tourisme et des collectivités

Ensuite, les offices du tourisme et les CRT (Comité Régionaux de Tourisme) jouent un rôle majeur. Ils sont au plus près des prestataires et des différents acteurs du tourisme et sont donc les plus à même de connaître leurs besoins et attentes. Ils sont là pour animer le réseau, fédérer et valoriser les offres auprès des cibles. Avec la crise actuelle, ces acteurs sont en grosses difficultés et les collectivités territoriales font tout ce qui est en leur pouvoir pour les aider, via des plans de relance et de communication ou des subventions, comme c’est le cas en région Bretagne. Cela montre bien à quel point les entreprises sont importantes pour un territoire qui se veut touristique.

Comme nous venons de le voir, la construction de la démarche en lien avec l’ensemble des acteurs du territoire est plus que jamais nécessaire. L’idée est, qu’à terme, on ne parle plus de « marketing territorial », mais de « co-marketing territorial », c’est-à-dire « un marketing collectif, coopératif, collaboratif, communautaire », comme évoqué par Joël Gayet dans la préface du livre « Marketing territorial, Enjeux et pratiques ». C’est notamment la création de la marque Only Lyon au cours des années 2000 qui a fait émerger cette tendance : « je parle à l’extérieur autant qu’à l’intérieur, et cette fois-ci je le fais à plusieurs voix, sur la base d’un travail de fond » (« Marketing territorial, Enjeux et pratiques »).
Nous avons ainsi pu constater que chaque acteur doit être impliqué dans une des étapes du développement territorial et touristique. Ceux-ci doivent pouvoir donner leur avis et, connaissant parfaitement leur territoire, ils sont les premiers à pouvoir informer de potentiels problèmes, liés notamment au surtourisme. Les habitants et les acteurs privés ont aussi un rôle d’ambassadeurs et peuvent recommander leur territoire. Enfin, on observe de plus en plus un rôle pédagogique. C’est justement ce problème de « tourisme de masse » et de « tourismophobie » que nous allons essayer de comprendre par la suite.

Des problématiques liées au tourisme de masse : quels compromis sont possibles ? 

Certes, le tourisme apporte son lot d’avantages aux territoires. Mais un phénomène d’une telle ampleur s’accompagne inévitablement d’inconvénients. Ceux-ci peuvent d’ailleurs aller jusqu’à provoquer une certaine forme de « haine » des touristes, que l’on appelle désormais, dans les cas les plus extrêmes, la « tourismophobie ». Selon la définition de l’Echo Touristique, il s’agit d’un « rejet de l’industrie touristique et de ses partenaires institutionnels et commerciaux par des habitants d’un territoire, qui se sentent – légitimement ou non – dépossédés de leurs droits, avantages et paisibilité ». Cela fait principalement ressortir le fait que certaines décisions sont parfois prises en faveur d’un groupe de personnes et au détriment d’un autre, qui n’a été ni consulté, ni impliqué d’une quelconque manière dans le processus.

L’une des causes de ce type de réaction peut être liée à une mauvaise gestion de la répartition des ressources économiques. Ainsi, mettre en place une politique de développement touristique a un coût non négligeable. En effet, la mobilisation des acteurs, les moyens alloués et la création d’un plan de communication constituent une part importante du budget d’une collectivité. Or, ce n’est pas le seul point de dépense et les finances d’un territoire sont limitées. Il est donc important, une fois encore, de ne pas privilégier le tourisme au détriment des habitants, en oubliant d’investir de l’argent dans des besoins quotidiens, tels que la rénovation d’une route ou la construction d’une école.

Un risque pour les visiteurs

Le sur-tourisme est certes problématique pour les habitants du territoire, mais pas uniquement. Les touristes eux-mêmes peuvent se retrouver pénalisés, notamment de par un manque d’hébergements disponibles ou par des services qui ne sont pas en capacité d’accueillir autant de personnes, ce qui risque d’en diminuer leur qualité et entraîner ainsi une expérience plus négative. Un des rôles d’Atout France, l’agence de développement touristique de la France, est d’ailleurs de trouver des solutions face à cela, en ne mettant pas uniquement des destinations « top-of-mind » en lumière, mais aussi des lieux moins connus mais qui méritent tout autant d’être visités. L’idée est ainsi de montrer que la France ce n’est pas seulement Paris et la Côte d’Azur et de répartir la clientèle étrangère sur l’ensemble du territoire français, en fonction de ce que chacun souhaite découvrir. Cela comporte toutefois un risque, car, même si certaines destinations ont moins besoin d’être promues, Atout France est en charge de l’ensemble des régions et ne doit ainsi pas communiquer plus sur l’Occitanie que sur la région Provence-Alpes-Côte-D’azur. Un juste milieu doit alors être trouvé entre trop et pas assez, tout en arrivant à équilibrer les flux touristiques.
L’exemple récent le plus marquant de cette sur-fréquentation peut être observé au niveau de la Bretagne, notamment sur les îles en haute saison. De plus en plus de personnes viennent découvrir la Bretagne et cela a été particulièrement le cas cet été, où les français ont été invités à découvrir les régions de France. Certaines communes n’avaient pas les moyens de gérer les flux de visiteurs. Les conséquences ont été nombreuses : saturation des routes, longues heures d’attente pour embarquer sur un bateau, chemins de randonnée encombrés, difficultés à trouver un hôtel ou encore restaurants qui ne pouvaient pas suivre la cadence. Trois solutions peuvent alors être apportées : un soutien accru de la part de la région auprès des prestataires de service, des campagnes de communication visant à étaler la saison pour limiter le tourisme de masse en haute saison face à l’arrêt quasi total des activités en moyenne et basse saison et enfin une communication visant à changer l’image du tourisme en Bretagne. L’idée est alors de montrer que la Bretagne, ce n’est pas uniquement le littoral, avec des îles, des plages et des phares, mais que l’intérieur des terres regorge de lieux peu connus mais tout aussi intéressants à découvrir : villes classées, chemins pour les balades à vélo, ou encore des canaux.
La Provence fait face au même type de problématique. Les mois de juillet et août sont surexploités et, même si les offices du tourisme tentent d’étaler la saisonnalité, cela reste une tâche difficile car la plupart des vacanciers préfèrent voyager en été. Ici aussi, les hébergements sont saturés et les lieux touristiques difficilement accessibles, ce qui diminue la qualité de l’expérience. Or, tous les professionnels du secteur s’accordent pour dire que construire une image positive d’une destination prend du temps, alors que la propagation d’une image négative liée à une expérience client inférieure à ce qui était attendu se fait très rapidement et il est extrêmement difficile de s’en défaire. La nécessité pour les territoires est donc d’arriver à étaler leur saisonnalité et à faire découvrir des lieux moins populaires.

Un danger au niveau environnemental

Si les conséquences négatives du tourisme de masse sont très importantes au niveau des populations locales et de l’expérience client, l’aspect le plus inquiétant à l’heure actuelle s’observe au niveau de l’environnement. Un des exemples les plus connus de cette problématique est la dégradation des fondations de la ville de Venise. Avec plus de 30 millions de visiteurs en moyenne par an, les canaux deviennent extrêmement pollués et abimés. Jusqu’en 2019, ce phénomène était accentué par les bateaux de croisière qui pouvaient entrer dans la ville, provoquant ainsi d’importantes vagues, qui venaient fragiliser les fondations de la cité historique. Le gouvernement italien a rapidement dû prendre des mesures drastiques pour préserver son patrimoine.
De plus, le tourisme utilise inévitablement des ressources naturelles (utilisation d’énormes quantités d’eau pour remplir les piscines des hôtels, par exemple) et génère des détritus. Ainsi, selon un rapport du WWF en 2017, 52% des déchets présents dans la Méditerranée découleraient du tourisme balnéaire. Les substances présentes dans les crèmes solaires nuisent grandement à la biodiversité des fonds marins. La plus célèbre plage de Thaïlande (Maya Bay) a été fermée par le gouvernement jusqu’en 2021 pour permettre à l’écosystème et au récif corallien de se reformer. De la même manière, un lieu extrêmement populaire en Islande (Vallée de Reykjadalur) a été interdit aux touristes car la végétation était endommagée à cause des nombreux passages.
En France, il est impossible de ne pas évoquer le phénomène des photos dans les champs de lavande. Cette plante, qui est en fleurs seulement un mois par an, attire de nombreux curieux venus du monde entier en quête de LA photo parfaite. Les visiteurs n’hésitent pas à parcourir les différents champs, à marcher sur les plantations, voire à les couper pour les emporter avec eux. Or, cette affluence génère de nombreux dégâts. Outre les dommages causés à la nature, ce sont des pertes importantes pour les lavandiculteurs. Si ces-derniers ne sont pas totalement contre le fait d’accueillir des visiteurs dans leurs champs, ils insistent sur la nécessité de respecter les lieux. L’idée ici n’est pas d’interdire, mais plutôt de faire changer les mentalités des touristes.

Les cultivateurs de lavande sont un exemple du rôle des locaux dans la transmission du respect et de la préservation de leur territoire. Les habitants et les entreprises présentes sur les territoires touristiques prennent en effet de plus en plus un rôle pédagogique. Ils sont présents pour informer et faire respecter les lieux. En effet, ils comprennent les enjeux de la préservation et souhaitent mettre en place tout ce qui est en leur pouvoir pour en prendre soin, tout en maintenant une activité touristique, nécessaire au développement économique.
Cet aspect pédagogique et de respect est plus que jamais important dans la période de crise actuelle, qui impacte énormément le secteur touristique et l’économie des territoires.

Crise de la COVID 19 : un tournant dans l’attractivité touristique des territoires

Il est impossible d’aborder le sujet du tourisme sans se confronter à une nouvelle réalité pour le secteur : la crise du Coronavirus. Depuis l’annonce du premier confinement en mars dernier, le marché du tourisme fait partie des plus impactés. De nombreuses restrictions ont été mises en place, freinant ainsi grandement les activités des professionnels du secteur. Selon les spécialistes, les pertes s’élèveraient, pour 2020, à 20 milliards d’euros environ et à une chute du chiffre d’affaires entre 70% et 80% selon les régions. Et cela impacte l’ensemble des acteurs : prestataires, commerçants, transports, restaurateurs, offices de tourisme et même les régions, qui misaient beaucoup sur leur politique d’attractivité. Il a donc été important pour toutes ces personnes de réagir et de trouver des solutions rapidement, tout en travaillant main dans la main. Ici encore, c’est la collaboration entre chacun qui est la meilleure option.

Les acteurs du tourisme ont dû se renouveler et trouver des solutions afin de maintenir un minimum d’activité malgré tout. Comme dans l’ensemble des secteurs de l’économie, nous avons vu apparaitre des alternatives et des innovations. Certains gros événements, attirant habituellement un grand nombre de visiteurs n’ont, bien évidemment, pas pu se tenir. Or, ces rassemblements permettent généralement de faire découvrir le patrimoine local et sont une source de revenu non négligeable pour certaines entreprises. Pour ne pas les supprimer totalement, certains ont été organisés d’une autre manière, en plus petit comité notamment. Ainsi, le « Nautic », un salon breton qui rassemble habituellement un grand nombre de passionnés du nautisme venus du monde entier a été transformé en visites par petits groupes des chantiers navals de Bretagne, ce qui a permis de faire connaître cette activité, d’encourager à l’achat, tout en ayant la possibilité de faire respecter les mesures sanitaires. Cette solution n’est pas un cas unique, le plus important étant de permettre une continuité de service.

Certaines offres ont pu être digitalisées. Je pense notamment aux grands monuments et musées parisiens ou à certains châteaux de la Loire, qui ont proposé des visites virtuelles sur leurs sites internet, permettant ainsi de continuer à faire voyager et découvrir les richesses patrimoniales et culturelles aux personnes intéressées. L’essentiel est de ne pas s’arrêter de communiquer, de ne pas disparaitre totalement de la sphère médiatique et de garder le contact avec les publics cibles. S’il n’est plus possible d’inciter les personnes à voyager immédiatement, des sujets « froids », plus de l’ordre de l’inspirationnel peuvent être abordés, afin de s’ancrer dans les imaginaires et de devenir la destination souhaitée dès le retour possible des voyages.

En outre, entre les deux confinements il a été possible de voyager et les territoires ont donc encouragé les français à visiter la France, via des campagnes visant à la fois à les attirer, à les rassurer sur les mesures mises en place, mais aussi à apporter du soutien aux acteurs locaux. Atout France, qui communique habituellement auprès d’une clientèle étrangère, s’est tourné vers les habitants des différentes régions françaises, en collaboration avec l’Etat, afin de mettre en lumière la richesse et la diversité des territoires. Il s’agit de la campagne « Cet été, je visite la France », déclinée sur différents supports et accompagnée d’un site internet regroupant les lieux à découvrir et toutes les conditions et mesures mises en place à chaque fois.
De la même manière, l’office du tourisme de Provence et la métropole d’Aix-Marseille-Provence ont réalisé cet été la campagne « On a tous besoin du Sud » pour promouvoir la région auprès de la clientèle française. Une déclinaison, « Cet automne, on a tous besoin du Sud » était également prévue mais a finalement été annulée suite à la mise en place des couvre-feux et à la fermeture des restaurants de certaines villes. En outre, la ville d’Evian-les-Bains a mis en place un plan d’action, « Evian par cœur ». Ce sont ainsi plus de 100 petits événements qui ont eu lieu durant l’été : spectacles de rue, soutien aux artisans locaux, concerts gratuits dans les rues, etc. Cette campagne répondait à trois objectifs : amener de la joie et de la gaieté dans un contexte compliqué, faire venir du monde pour soutenir les commerces et l’hôtellerie-restauration et enfin venir en aide au domaine culturel. Ici encore, la ville a fait le choix d’impliquer et d’apporter son soutien à l’ensemble de ses acteurs, tout en faisant venir des touristes et en les rassurant.

Aussi, certains territoires ont décidé d’apporter leur soutien à leurs commerçants, qui dépendent habituellement beaucoup des touristes. Des aides ont ainsi été proposées pour créer rapidement des sites e-commerce, afin de leur permettre de vendre leurs produits à distance. Les communes et les offices du tourisme ont aussi beaucoup tourné leurs communications sur le talent de leurs artisans et la possibilité de continuer à acheter leurs produits, même sans pouvoir se déplacer. Les hôtels ont, eux aussi, su adapter leur offre. S’ils ont été obligés de fermer aux particuliers pendant les confinements, certains ont fait le choix de rester ouverts et de mettre leurs chambres à disposition du personnel soignant ou des sans-abris, entre autres. Le groupe Accord a été le premier à se lancer. Certes, cela n’a pas rapporté d’argent aux hôteliers mais cela leur a permis de maintenir une certaine activité et donc des emplois et ainsi être plus réactif lors de la réouverture. Également, cela a répandu une image positive dans l’esprit du grand public, ce qui n’est pas négligeable dans un tel contexte.

Deux points majeurs ressortent alors de cette situation. Le premier étant la nécessité de ne pas arrêter totalement l’activité ou, lorsque ce n’est pas possible, de ne pas s’arrêter de communiquer, afin de ne pas se faire oublier et disparaître. Le second est un besoin dominant d’être rassuré. Que ce soient les touristes, les habitants ou encore les entreprises, tous ont besoin de connaître les mesures mises en place, sur le plan sanitaire ou économique et de pouvoir connaître la manière dont celles-ci sont appliquées. Cette situation et ce besoin de sécurité est d’ailleurs le même que celui qui s’était imposé suite aux différents attentats en France.
Comme nous l’avons tous constaté, la crise de la COVID-19 a instauré des bouleversements profonds dans l’ensemble des secteurs d’activité. Le tourisme est loin d’avoir été épargné et les changements mis en place vont très probablement perdurer quelques années et apporter un nouveau mode de consommation et de voyage : digitalisation des services, événements en plus petits comités, restrictions d’accès à certains lieux, etc. Également, la fermeture des frontières nous a incités à découvrir ce qui se trouve autour de nous et nous assistons donc à une hausse du tourisme plus local qu’auparavant. Enfin, les difficultés d’anticipation entraînent une augmentation des offres et des réservations de dernière minute, ainsi qu’une obligation de savoir adapter sa communication en urgence.

Un équilibre essentiel pour développer l’attractivité touristique des territoires sans nuire au cadre de vie des habitants et des visiteurs

Il est primordial d’impliquer tous les acteurs concernés dans la construction de l’attractivité touristique d’un territoire : les habitants, les entreprises, les organismes publics, sans oublier, bien évidemment, les touristes eux-mêmes. Le but étant d’arriver à trouver des compromis pour satisfaire, d’une manière égale, l’ensemble de ces personnes, sans pour autant laisser de côté l’objectif initial.

En outre, la capacité à mettre en valeur les atouts de son territoire et à attirer un grand nombre de visiteurs ne doit plus se faire au détriment de l’environnement et du cadre de vie, comme cela a pu être le cas auparavant. Des solutions doivent alors être apportées et mises en place par les collectivités territoriales et les acteurs du tourisme. Si l’idée n’est pas d’interdire totalement le tourisme, essentiel au bon fonctionnement de nombreux territoires et à l’économie de leurs entreprises, il est devenu incontournable d’arriver à le réguler.
De plus, l’arrivée de la crise sanitaire en début d’année 2020 a rebattu les cartes. Les confinements, couvre-feux, fermetures des frontières et autres mesures drastiques ont apporté une nouvelle manière de voyager. De la digitalisation des offres, à une nouvelle manière de consommer, en passant par l’interdiction des événements et visites organisées en larges groupes, il a été nécessaire pour chacun de s’adapter rapidement. Il est très probable que cette nouvelle donne entraîne des bouleversements profonds dans l’industrie du tourisme. Si les prestataires et les voyageurs devront fatalement changer leurs habitudes dans les années à venir, les territoires devront eux aussi adapter leur marketing et leurs communications.

Il semble désormais obligatoire d’être à l’écoute de tous les acteurs d’un territoire et du secteur touristique pour la mise en place d’une démarche de marketing touristique efficace. Cela passe par la satisfaction de leurs attentes et la recherche des meilleurs compromis possibles, ainsi que par leur participation, à leur échelle. En outre, il est plus que jamais nécessaire de prendre en compte l’environnement et de chercher à transformer les habitants d’un territoire en ambassadeurs de la préservation de leur lieu de vie.
Aussi, et nous l’avons vu avec la crise de la COVID-19, il est indispensable désormais de savoir s’adapter rapidement et arriver à apporter des solutions efficaces afin de ne pas disparaitre du devant de la scène. Cela peut, par exemple, passer par une communication différente mais efficace ou encore par une digitalisation de l’offre.

Laura SIMHA

SOURCES

Livres

  • Le marketing territorial – Comment développer l’attractivité et l’hospitalité des territoires ; Camille Chamard (2014)
  • Marketing territorial – enjeux et pratiques ; Benoït Meyronin (2015)
  • Le nouveau marketing territorial ; Joël Gayet (2018)

Sitographie / bibliographie

REMERCIEMENTS

Mme Basse Aurélie, Responsable Pôle Marque Bretagne chez BDI (Bretagne Développement Innovation)

M. Dejaune Léo, Chargé de développement touristique Région Bretagne

Mme Lantheaume Léa, Chargée de projets Marketing et Communication chez Atout France Amsterdam

Mme Lei Josiane, Maire de la commune d’Evian-les-Bains

Mme Mangani Marlène, Chargée de promotion à l’Office du Tourisme d’Aix-en-Provence

Mme Podgorniak Célia, Chargée de Mission chez OTB (Fédération des Offices de Tourisme de Bretagne)

M. Taxil Yann, Attaché de presse de la Métropole Aix-Marseille-Provence