« Le développement durable place la communication au centre du dispositif sans jamais le formuler, et pourtant, sans communication, il ne saurait exister de développement durable. »
« Communication et environnement, le pacte impossible », Thierry LIBAERT (1)

Comme nous l’avons évoqué dans l’article précédent, l’événementiel tente par différents moyens de changer ses habitudes afin de réduire ses impacts néfastes sur la nature et sur l’environnement. La communication joue aujourd’hui un rôle essentiel dans notre société. Devenues un outil du quotidien, les nouvelles technologies de l’information et de la communication sont maintenant confrontées à de nouveaux enjeux tout comme les événements. Elles se révèlent d’une importance capitale notamment dans la préservation et la protection de la faune et de la flore. Alors comment la communication se donne aujourd’hui un rôle de protecteur pour faire émerger une conscience collective ? Comment a-t-elle réussi à se donner un caractère utile et essentiel ? Comment les différents acteurs s’en servent pour alerter les publics ?

La préservation de la biodiversité se traduit par des initiatives, des points de vue, des débats ou encore des projets. Pour ce faire, il faut appliquer une certaine éducation pour informer la population, le grand public. La communication a donc sa part de responsabilités et est d’une nécessité inévitable, elle doit agir pour sensibiliser. 

Comment communiquer sur un sujet aussi sensible et technique ?

@024-657-834 – Pixabay

Pour qu’une communication soit efficace, elle doit contenir le bon message, être adaptée à la bonne cible et être acheminée par le bon canal. Si un des paramètres fait défaut, il est fort probable que le message souhaité ne sera pas ou mal compris. Chaque secteur a son jargon, son champ lexical, parfois plus technique pour certains que pour d’autres. Pour un sujet délicat et scientifique comme celui des changements climatiques, les professionnels du secteur se doivent de rendre leurs messages simples et compréhensibles pour tous les publics. La problématique est donc de trouver la « bonne » façon de communiquer et adaptée pour ainsi établir une communication environnementale percutante. Il est important de préciser qu’il n’existe pas qu’une seule façon de communiquer. Chaque structure communique différemment, tout dépend de son champ d’expertise, du message à faire passer, de son public… Une problématique importante donc et qui se trouve être vouée à l’échec dans un grand nombre de cas, due à plusieurs facteurs : la complexité des termes employés, de l’information transmise ou encore à des règlements imposés. Il se peut également que le moment ait mal été choisi pour communiquer. Une multitude de facteurs que l’émetteur se doit d’étudier en amont, au risque que le message manque sa cible.

Mais alors pourquoi le domaine de la biodiversité est confronté à de nombreux problèmes de communication ? 

Être vigilant sur le fond du discours… 
Tout d’abord, comme nous venons de l’indiquer le vocabulaire choisi est essentiel. Chaque mot a son sens, il ne faut négliger aucune information transmise. Les lecteurs ne seront, pour la plupart, pas des experts et ne seront donc pas forcément au courant des questions soulevées lors d’une campagne de communication par exemple. Sur un sujet comme celui-ci, un message concret sera toujours plus impactant qu’un message qui ressemble à un rappel à l’ordre, à une leçon. Le récepteur n’apprécie pas d’être jugé ou désigné comme responsable, même si cela est le cas. Les changements climatiques résultent forcément d’actions ou de comportements, mais rien ne sert de blâmer quelqu’un directement à travers la communication. Le message ne passera pas et le lecteur se sentira gêné ou encore vexé. Le ton employé joue toute son importance.

Dans ce domaine-là, mieux vaut alors rassembler et être positif que d’être dans la négativité et critiquer. Il faut mettre en avant des solutions réalisables plus que des problèmes irréversibles. Faire un état des lieux de la situation, informer convenablement et montrer comment agir et comment changer les choses. L’utilisation d’exemples et de cas concrets facilite la transmission du message et aide à prouver son importance. Le grand public se sentira tout de suite plus concerné s’il se reconnaît dans la situation. C’est ici qu’intervient le storytelling dans la communication. Très utilisé en politique, il permet aux cibles de mieux se projeter et d’être plus impliquées. Cela peut passer par une histoire, un visage, un nom etc. Prenons l’exemple de la campagne de publicité de Charity Water (2) qui souhaitait, par le biais d’une vidéo, faire réagir le public et informer sur la difficulté pour les pays en développement d’accéder à l’eau potable. La première campagne fut un terrible échec. Elle met en scène, dans une vidéo animée en motion design, des personnages dessinés et colorés en bleu avec une voix off qui prononce un discours réaliste. Pendant cette vidéo, on voit les petits personnages aller chercher de l’eau potable loin de chez eux. Les retombées et les dons espérés suite à cette campagne n’ont pas été atteints. La deuxième vidéo, plus choquante et plus courte (1.07 minutes contre 3.23 minutes), a quant à elle fait énormément réagir. Cette dernière représente une famille américaine et d’autres personnes, dans la ville de New York, avec eux aussi leur bidon vide qui vont chercher de l’eau d’un lac, sale. Il n’y a aucune parole dans cette vidéo, juste une musique émouvante à base de notes de piano. La seconde a été davantage percutante car elle mettait en scène de vraies personnes du quotidien, dans lesquelles on peut tous se reconnaître, et en se basant sur l’émotion. 

Les scientifiques, les institutions, les groupes politiques ou encore les associations ou ONG, ont leur propre façon de communiquer sur le sujet de l’environnement. Le public peut donc se sentir perdu, surtout en soulevant le fait que l’information sur ce sujet ne manque pas. Il existe une surinformation, une infobésité, sur le sujet des catastrophes climatiques, de la nature en général. Beaucoup de chiffres différents, de pourcentages, de données scientifiques. La conséquence de l’infobésité est la contradiction inévitable des différentes prises de paroles. Il est donc important de vérifier les sources, d’où proviennent ces données. Chose qu’un lecteur ne fera pas forcément puisqu’il ne connait pas les sources en question et n’étant pas un spécialiste, il ne saura pas si ces dernières sont fiables ou non. Le grand public ne sait alors plus qui croire, plus quel canal lire, et pour finir ne sait plus quoi penser sur l’environnement.  

« Il est bon de rappeler que même parmi les écologistes circulent bon nombre d’idées parfois conflictuelles sur le fonctionnement des écosystèmes et sur l’interaction entre les espèces et les habitats. Il est également bon de rappeler que les connaissances que les agriculteurs et autres ont de la nature peuvent s’avérer justement déterminantes pour la gestion de la faune sauvage. » (3)

… mais aussi sur la forme choisie !
Se pose également la question de l’outil, du canal utilisé pour être le plus efficace possible. Nous connaissons bien les outils traditionnels, ancrés dans l’histoire et qui perdurent avec le temps comme le cinéma, la presse ou encore la radio. Le print est devenu un des moyens de communication les plus utilisés depuis plusieurs générations. L’impression de flyers, d’affiches, de brochures, de journaux, de magazines, la création d’encarts publicitaires, sont une forme de communication papier qui se diffuse en masse dans les rues, les commerces ou encore les bureaux de presse. Alors, lorsque l’on parle de communication, le lien que l’on fait avec le développement durable paraît davantage négatif. On parle de gaspillage de papier, de déforestation, de déchets, de pollution entre autres. Une tendance qui évolue car elle s’est confrontée aux problématiques environnementales. L’utilisation du papier est alors en déclin depuis plusieurs années ou des solutions plus éco-responsables sont adoptées par les différents acteurs de la communication. Des types de papiers plus écologiques ont été développés, des alternatives pour utiliser moins de plastiques et de papier, et surtout des produits réutilisables sont apparues comme avec les exemples que nous avons pu étudier dans l’article précédent. La diminution de l’utilisation du papier se traduit également par l’arrivée d’autres moyens de communication tels qu’internet et les réseaux sociaux, qui se sont ancrés dans les mœurs. Considérés comme beaucoup plus efficaces, ils permettent une plus grande portée, une visibilité plus importante en ayant l’opportunité de toucher une cible internationale. Contrairement au print, la communication digitale permet une interaction entre l’émetteur et le récepteur, il est possible d’échanger sur le sujet ou de demander plus de renseignements sur certains points par exemple. Une communication plus interactive qui intègre des vidéos, des films, des activités se trouve alors être plus percutante. 

Focus pollution digitale
Ces nouvelles technologies de communication sont considérées comme révolutionnaires et moins polluantes. On omet pourtant de parler de la « pollution digitale » qu’engendre leur utilisation. Une notion encore peu connue du grand public et qui pourtant a de quoi interpeller et faire réagir. Une enquête réalisée en 2018 par Occurrence, le cabinet d’études et de conseil, pour la start-up Digital for the Planet, a indiqué que 73% des Français affirment ne pas connaître le terme d’« écologie digitale » en raison du manque d’information face à cette pollution numérique croissante (4). Or, il a été démontré que : « Si internet était un pays, il serait le troisième consommateur mondial d’électricité, derrière la Chine et les États-Unis » (5). Une nouvelle problématique qui soulève plusieurs interrogations quant à l’utilisation de ces outils.

Inès Leonarduzzi, présidente de l’ONG Digital For The Planet, militante contre la pollution digitale, donne son opinion « On a gagné en pouvoir d’achat ces vingt dernières années, mais perdu en savoir d’achat ; notamment en ce qui concerne le digital. Quand on interagit sur un réseau social ou qu’on achète de l’espace de stockage en cloud, on ne nous dit pas ce que ça coûte réellement à la planète ». (6)

Différents outils apparaissent petit à petit pour essayer de réduire les émissions que cause le digital. On peut citer comme exemple la création de moteurs de recherches plus responsables comme Ecosia qui plante un arbre à chaque recherche effectuée.

Pourquoi est-il essentiel de communiquer sur ce sujet ? Quels sont les objectifs ?

A contrario, en étudiant bien la question soulevée précédemment, on remarque toute l’importance que jouent la communication et les réseaux sociaux dans la protection de l’environnement. La communication a plusieurs objectifs et intervient à plusieurs niveaux. Un de ses objectifs premiers, si ce n’est véritablement le premier, est d’informer et de promouvoir. Informer sur un sujet d’actualité, promouvoir une marque, une nouveauté, et bien d’autres sujets. C’est aussi un outil de fidélisation. La fidélisation clients est primordiale pour une marque. C’est ainsi qu’elle va se créer une communauté et que ses clients vont pouvoir revenir dans le temps pour lui permettre de perdurer. Il existe plusieurs outils de communication pour fidéliser : une newsletter mensuelle ou trimestrielle, des codes promotions envoyés par mails, ou par courrier, des enquêtes de satisfaction etc. 

La communication, polluante mais tout de même essentielle à l’environnement ? 

Nous allons ici démontrer que la communication et l’utilisation des réseaux sociaux ont une importance extrême dans la préservation de la faune et de la flore. En effet, les campagnes de communication ne sont pas réservées aux marques et entreprises. Les associations et les organisations non gouvernementales réalisent de nombreuses actions de communication. Ce concept de pouvoir diffuser une information en masse est un outil stratégique pour toutes ces structures. Internet et les réseaux sociaux permettent de médiatiser une information et de la rendre publique. Chaque individu peut alors se l’approprier et choisir de la diffuser à son tour ou non. Mais alors comment la communication environnementale tente d’impacter les populations pour que celles-ci réagissent ? 

Un article du site de Gossement Avocats, experts du droit de l’environnement, définit la communication environnementale comme « l’ensemble des décisions et messages diffusés en interne et en externe par une entreprise ou une collectivité et qui sont susceptibles, directement ou indirectement, d’avoir une incidence, immédiate ou non, pour la protection de l’environnement » (7)Il est nécessaire de communiquer sur les réalités de l’environnement, de façon à vendre l’importance de sa préservation et de celle de la biodiversité, ce qui encouragera une participation collective. La communication environnementale a elle aussi différents objectifs dont ceux énoncés précédemment. Nous allons maintenant en aborder deux nouveaux, en les illustrant de divers exemples de campagnes de communication. 

Communiquer pour sensibiliser 

Comme nous l’avons précisé précédemment, tout le monde n’est pas expert sur le sujet de l’environnement et nous n’avons pas tous le même degré d’accès aux informations. Sans communication, les citoyens ne seraient alors pas au courant de ce qu’il se passe dans les autres pays, ou dans d’autres villes. Les acteurs ou experts vont alors rendre ces informations accessibles au maximum et sensibiliser les publics, faire passer des messages clairs et parfois choquants pour faire réagir. Au niveau de l’environnement, le premier objectif est de sensibiliser sur ce qu’il se passe, comme les changements climatiques ou la pollution de masse, pour faire changer les comportements et démontrer que les actions des Hommes ont des conséquences partout dans le monde, à plus ou moins grande échelle. Cependant, il est peu probable qu’une personne « lambda » consulte les études d’experts rendues publiques, ou des sites officiels pour s’informer de l’actualité quotidienne. C’est alors ici que l’utilisation de la communication digitale prend tout son sens. Films, documentaires, articles, vidéos ou photos sur les réseaux sociaux… C’est par le biais de tous ces outils que le citoyen va s’informer dans un premier temps. Les experts ne sont pas les seuls à jouer ce rôle de sensibilisateur, et ceux qui impacteront le plus les citoyens sont ceux auxquels ils se rapprochent quotidiennement, ceux par lesquels ils sont influencés et en qui ils ont confiance. : des personnalités publiques, des journaux, des plateformes web et même des marques, tout ce qui fait partie du quotidien du grand public d’aujourd’hui et qui rendent les informations crédibles et beaucoup plus accessibles en termes de langage mais aussi d’outil. 

Dans son livre « Communication et environnement, le pacte impossible », Thierry LIBAERT a émis plusieurs hypothèses pour définir le lien entre le développement durable et la communication. Dans sa troisième hypothèse qui définirait la communication comme une partie du développement durable, il exprime que : 

« (…) la communication est souvent réduite à un rôle instrumental au service du développement durable, pour améliorer la fluidité des relations entre parties prenantes, pour mieux sensibiliser aux enjeux du développement durable ».

Des marques s’engagent à non seulement changer leur façon de faire, mais également à faire passer un message fort à leurs consommateurs. C’est le cas de la marque française de prêt-à-porter Lacoste. Réputée pour son polo et pour son allure sportive, Lacoste est bien identifiable grâce à son logo, le crocodile. C’est ce même outil identitaire qu’elle a choisi d’utiliser pour avertir ses clients. En 2018, la marque a lancé une collection limitée qui a fait le buzz en remplaçant le logo de ses fameux polos, par des espèces en voie de disparition. En collaborant avec l’IUCN, l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature, et son programme « SOS-Save Our Species », Lacoste prouve son engagement envers l’environnement et sensibilise le grand public sur ses réalités. 10 espèces en voie de disparition et peu connues ont alors pris la place du crocodile, et le nombre de vêtements produit correspondait au nombre d’animaux de ces espèces encore vivants. 

“La moitié des bénéfices sont reversés directement à l’IUCN afin de financer des actions concrètes de protection de la nature et l’autre moitié est investie dans des actions de communication destinées à donner de la visibilité à cette cause et au programme “Save Our Species”, affirme la marque à Sciences et Avenir (8)

Dans son article « Comment définir la viralité sur les médias sociaux? », Najima Sahloumi a déterminé que pour qu’un sujet, un contenu sur les réseaux devienne viral, « il doit arriver à un moment où les internautes en ont réellement besoin ou tout du moins lorsqu’ils pourront être sensibles à ce contenu » (9). Le contenu sera davantage partagé en touchant aux émotions, puisque les personnes se sentiront davantage concernées. C’est sur quoi se basent les associations et les marques pour communiquer sur ce thème et espérer plus de visibilité et de réactions. 

L’organisation internationale WWF, qui lutte pour la protection de l’environnement dans le monde entier, a bien compris tout l’enjeu des réseaux sociaux. Très présente sur les réseaux et très active, elle met en place différents outils pour sensibiliser les publics. En juillet 2015, elle a lancé une campagne de collecte de fonds, via les réseaux. Cette campagne est née de la collaboration de l’organisation indépendante et d’une agence publicitaire londonienne. En lançant le #EndangeredEmoji sur Twitter, WWF souhaite sensibiliser sur les différentes espèces animales, présentes dans nos téléphones, qui sont menacées d’extinction : 17 au total. Alors à chaque émoji tweeté, 10 centimes seront collectés en tant que promesse de dons par les participants à la campagne, pour préserver l’espèce représentée. (10)

Le directeur de la communication du WWF France a d’ailleurs affirmé dans un communiqué de presse que : « En utilisant l’un des principaux réseau social au monde pour mettre en évidence les espèces en voie de disparition, nous espérons recueillir des fonds essentiels pour leur conservation et procéder à une sensibilisation à l’échelle mondiale ». (11)

En postant une vidéo qui choque ou qui dérange, on peut espérer créer le buzz et des retombées médiatiques. Ce qui a été le cas pour la vidéo d’un habitant de Nice, publiée en 2018, qui se montrait en train de ramasser des déchets sur une plage. Cette vidéo a généré un mouvement collectif phénoménal et de nombreux challenges ont suivi comme par exemple le « No plastic challenge ». De nombreuses personnes ont alors suivi l’opération et postaient des vidéos d’elles durant lesquelles elles nettoyaient des plages entières ou en ramassant les déchets qu’elles croisaient pendant leur footing. Ce phénomène a provoqué l’engouement et a même dépassé les frontières en se mondialisant. Un effet de buzz tel que celui-ci prouve à quel point les réseaux sociaux ont un impact sur les mentalités et sur l’environnement. (12)

Sensibiliser avec une communication positive ?
C’est la philosophie de Yannis. Le défi qu’il s’est donné en créant sa page Instagram « Les Belles Nouvelles ». Un compte qui partage chaque jour une bonne nouvelle sur l’actualité planétaire environnementale. J’ai eu l’opportunité d’échanger avec lui sur son initiative et sur les causes pour lesquelles il milite. Un échange très enrichissant et bienveillant. Il m’a paru essentiel de parler de sa façon de voir les choses dans mon article. 

Instagram, compte @Lesbellesnouvelles

Entrepreneur, il a créé il y a 5 ans une start-up de déménagement collaboratif, et alimente seul en parallèle son compte Instagram depuis bientôt 2 ans. Compte pour lequel il souhaite se consacrer à temps plein dans le futur. Pourtant, Yannis n’était pas prédestiné à consacrer sa vie à l’environnement. Bien qu’ayant grandi dans une famille plutôt éco-friendly, il n’était pas du tout réceptif au discours écologique. Très friand de l’actualité il était conscient des mauvaises nouvelles et des catastrophes écologiques qui se produisaient : « Il existe plusieurs réactions lorsque l’on entend une mauvaise nouvelle. Des gens sont dans le déni en se disant « ce n’est pas possible », d’autres baissent les bras « de toute façon fichu pour fichu, autant profiter » et puis il y a certains chez qui ces informations font office « d’électrochoc » ». Et c’est dans ce troisième profil qu’il s’est reconnu. Avec le temps, il a changé, mûri et a eu cette prise de conscience. Il s’est alors dit « Comment à mon niveau, je peux faire ma part ? ». Pour lui, si chacun peut changer ses habitudes à titre individuel, l’impact est beaucoup plus grand lorsque l’on s’inscrit dans une démarche collective. Et c’est ce qu’il a voulu faire. « J’aime les réseaux sociaux, je suis plutôt bon pour communiquer et m’adresser aux gens, alors pourquoi pas utiliser ces compétences pour sensibiliser à une cause qui m’est importante ». Il a alors choisi Instagram comme une évidence pour lancer sa page, un réseau facile, qui touche les jeunes et qu’il affectionne. 

Je lui ai évidemment demandé pourquoi communiquer de façon positive. Il m’a affirmé que l’électrochoc qu’il a pu avoir par le biais des mauvaises nouvelles ne marche pas sur tout le monde. Pour lui, se focaliser sur le négatif a des effets pervers, « le négatif attire le négatif, il ne mobilise pas les gens alors que le positif rassemble ». Sa façon de communiquer est alors optimiste mais tout en restant réaliste, c’est pourquoi il nuance chacune de ses nouvelles : « je ne considère pas que tout va bien, mais pas non plus que tout va mal, et elle est là la différence entre mon approche et celles des autres ». Il considère tout de même que toutes les approches sont complémentaires et nécessaires. Avec sa page, il souhaite faire ce qu’on ne retrouve pas sur les autres médias ou dans l’actualité, c’est-à-dire faire une communication positive et non moralisatrice. Yannis souhaite ainsi montrer que le monde change, que des actions en faveur de l’environnement sont prises partout dans le monde grâce à la mobilisation de citoyens, d’entreprises, d’associations, de villes et de gouvernements. Il m’a déclaré : « Par exemple si je décide d’arrêter de manger de la viande pour des raisons écologiques je vais me dire que ça ne sert à rien puisque je suis le seul à le faire. Alors que si nous avons une information qui montre que la consommation de viande baisse en France ou dans le monde, alors cela encouragera inévitablement les gens à continuer ».

Son objectif, in fine, est d’informer un maximum de personnes pour qu’ils puissent agir dans leur quotidien mais aussi collectivement. « A partir du moment où l’on a conscience de ce que l’on fait et de l’impact de notre mode de vie sur l’environnement, on peut agir. La clef, c’est la sensibilisation et l’éducation ». Se considérant lui-même comme un média, il estime qu’ils sont un outil formidable et qu’ils ont cette chance de pouvoir diffuser une information : à l’international, rapidement et gratuitement ; « Je suis tout seul chez moi et j’arrive à informer 100 000 personnes juste avec mon téléphone, et ça c’est génial »

Pour Yannis, les réseaux sociaux sont indispensables, « on ne peut pas sensibiliser sans communiquer », mais il reste vigilant par rapport à leur utilisation et surtout aux « fake news ». Il est certain qu’ils sont une clé dans le combat pour la préservation de l’environnement mais que le message peut très vite être déformé. Et c’est là qu’il a un vrai rôle de journaliste à jouer, pour ne pas divulguer de fausses informations et conserver sa crédibilité auprès de son audience. 

Communiquer pour dénoncer 

Comme nous venons de le démontrer, la communication sert d’outil de sensibilisation pour le grand public. D’autres structures, notamment des Organisations Non Gouvernementales ou des associations, utilisent la communication en menant à bien des opérations à grande échelle pour dénoncer certains comportements, dénoncer des actions et les exposer sur la sphère publique et médiatique. Ces dénonciations ont pour objectifs une réprimande voire une punition, une réparation. Réprimer l’action en question pour empêcher que celle-ci continue de se développer.

Je parlais précédemment de l’effet de buzz d’une vidéo ou d’une campagne, je me dois donc de parler d’au moins une des campagnes de Greenpeace, l’organisation internationale qui place au centre de ses préoccupations les grands défis environnementaux de notre époque. L’une des dernières actions choc est celle réalisée le jour du Sommet sur le Climat, en décembre 2019, pendant lequel se réunissaient au Conseil Européen de Bruxelles, les chefs d’États Européens pour discuter des objectifs climatiques 2050. Le matin même, plus de soixante militants ont recouvert l’édifice de banderoles avec écrit « Climate Emergency Greenpeace », décorées de dessins de flammes. Des fumigènes ont également été brandis avec des sons d’alarmes en fond, une mise en scène qui donnait l’illusion que le bâtiment était en feu. Greenpeace dénonçait ici des promesses vagues et non tenues et une inaction des pouvoirs politiques quant aux catastrophes climatiques qui faisaient rage à cette époque. Les opérations de communication de l’ONGI résonnent très souvent dans les médias et font beaucoup parler d’elles. En effet, elle n’a peur de se confronter à quiconque, même aux plus gros. On peut citer notamment Apple, Volkswagen, Total et d’autres hommes politiques comme Nicolas Sarkozy. Très adepte des buzz médiatiques, Greenpeace juge que ce sont les moyens les plus efficaces pour dénoncer et toucher le grand public. (13)

@Markusspike – Pixabay

Des militants moins connus et moins imposants que les ONG, tentent, par les réseaux sociaux, de dénoncer eux aussi la pollution environnementale qu’ils rencontrent dans leur quotidien ou en exerçant leur profession. Rich Horner, plongeur britannique, a publié en mars 2018 une vidéo sur Facebook d’une de ses plongées en Indonésie. Venu pour filmer des espèces marines, cette vidéo prend une toute autre tournure et devient une vidéo d’alerte. Elle dénonce et prouve que tout le plastique qui n’est pas brûlé se retrouve déversé dans les océans, polluant ainsi la nature et mettant en danger la vie de toutes les espèces. L’homme précise que tous ces déchets ne se désintégreront jamais totalement. Devenue virale, sa vidéo a été visionnée plus d’un million de fois en seulement quelques jours. (14)

L’ONGI maritime SeaShepherd est un autre exemple d’organisation qui milite et dénonce, par ses actions, les réalités marines, comme le braconnage, la surpêche, des pratiques illégales et leurs conséquences. En janvier 2020, SeaShepherd a publié sur les réseaux sociaux des photos qui dérangent. Celles de différents dauphins retrouvés dépecés sur une plage bretonne. Ce post avait pour but de signaler la destruction et la consommation de mammifères marins protégés, une pratique illégale mais non respectée par de nombreux pêcheurs. Pour aller plus loin dans cette campagne et heurter la sensibilité du public, des activistes ont déposé deux jours plus tard au Trocadéro à Paris, le corps sans vie de deux dauphins retrouvés échoués sur une autre plage. Cette action avait pour but de dénoncer la surpêche industrielle, les méthodes de pêche destructrices, et montrer que les consommateurs ont également leur part de responsabilité. Pour relayer l’action, des photos et des vidéos ont été publiées sur tous les réseaux de SeaShepherd et des journalistes étaient présents sur place. L’organisation dérange car elle dénonce, elle est donc très souvent la cible de menaces, d’attaques mais continue sans cesse de se battre pour protéger les écosystèmes marins. (15)

En 2019, SeaShepherd avait déjà beaucoup fait parler d’elle sur les réseaux grâce à une autre de ses opérations : « Sound of Sea ». En avril de la même année, Guillaume Néry, apnéiste français, a publié sur twitter une vidéo avec une bande son quelque peu étonnante. La vidéo a alors fait réagir et de nombreuses personnes ont tenté de deviner d’où provenaient ces bruits. Quelques jours après, l’association a pris la parole pour annoncer qu’elle a été réalisée dans le cadre de sa nouvelle campagne. Elle expliquait avoir réalisée un montage de différents sons, de cris d’animaux marins, enregistrés dans les profondeurs des Océans. L’opération de communication avait pour but d’éveiller les consciences en révélant au grand jour les conséquences de la pêche. (16)

« Il ne peut exister de réel développement durable fondé sur le secret ou l’absence de participation du public, et il en est de même pour toute organisation publique ou privée. L’intégration communicationnelle dans le développement durable n’a pas pour utilité d’enrichir ou de renouveler celui-ci, elle a pour fonction de lui assurer une réelle pérennité. »
Thierry LIBAERT

D’autres groupes vont encore plus loin dans le combat pour la protection de l’environnement. Appelés groupes de pression, ils utilisent les provocations ou encore les menaces pour faire changer les choses. Ils mettent en place des actions à très grande échelle, la plupart du temps illégales, plus radicales encore. Greenpeace, de part ses actions et la mobilisation internationale de ses militants, est d’ailleurs souvent qualifiée comme étant un groupe de pression. 

Tous ces exemples nous montrent que les acteurs et les militants qui se battent pour la préservation de l’environnement utilisent les réseaux sociaux et les buzz médiatiques dans le but d’alerter le grand public et de provoquer des changements, des réponses concrètes des décideurs politiques. Entreprises, marques, ONG, associations et même des personnes inconnues, s’engagent pour créer une mobilisation générale et une prise de conscience grâce aux nouvelles technologies comme les réseaux sociaux et à l’influence qu’elles ont sur les citoyens.

L’influence
Les réseaux sociaux permettent de rendre visibles les combats menés par les organisations ou les entreprises. Mais provoquent-ils vraiment un changement ? L’influence qu’ils ont est-elle suffisante ? A-t-elle un réel impact sur la prise de conscience collective ? D’autres acteurs influencent-ils de façon plus efficace et interactive les modifications des comportements ?


Sources

Livres :

  • LIBAERT Thierry, « Communication et environnement, le pacte impossible »
  • Centre Naturopa Conseil de l’Europe et la Direction de l’environnement et des pouvoirs locaux, « La communication et la biodiversité : actes », éditions du Conseil de l’Europe, 2001, 90 pages, pages 7 à 10. 

Interview :

  • Yannis, créateur de « Les Belles Nouvelles » 

Articles :

(1) LIBAERT Thierry, « Communication et environnement, le pacte impossible », Chapitre 2.

(2) ROSSI Théo, « Storytelling : 5 types d’histoires efficaces pour séduire et enchanter vos lecteurs », WebMarketing&Co’m, 2016.

(3) Cahier technique n°68 « Communiquer et négocier pour la conservation de la nature » Chapitre 1.7 « Problèmes spécifiques posés par la communication sur la nature », 1.7.1 « Qu’est-ce que la nature », European Centre for Nature Conservation, 2002. http://ct68.espaces-naturels.fr/problemes-specifiques-poses-par-la-communication-sur-la-nature

(4) Occurrence et Digital for the planet, Communiqué de presse, « Les Français face aux enjeux de l’écologie digitale », 2018. 

(5) « Comment lutter contre la pollution numérique », Arcéos, 2019. http://www.arceos.fr/lutter-contre-la-pollution-numerique/

(6) EMERY Mathilde « La pollution numérique : un prochain enjeu écologique majeur », Bioaddict.fr, 2018. 

(7) GOSSEMENT Avocats, « Communication environnementale et de développement durable : le risque juridique », 2010. 

(8) TASSART Anne-Sophie, « Sur des polos Lacoste, le crocodile laisse sa place à des espèces menacées méconnues », Sciences et Avenir, 2018. 

(9) SAHLOUMI Najima, « Comment définir la viralité sur les médias sociaux ? », g1site, 2013.  

(10) Communiqué de presse « Le WWF transforme les tweets en dons avec la campagne #EndangeredEmoji », WWF, 2015. 

(11) Citation de Jacques-Olivier Barthes, Directeur de la Communication au WWF France, sur le même communiqué de presse, via le site internet WWF.

(12) DUFETEL Camille, « Les opérations de nettoyage des plages se multiplient : comment y participer ? », L’InfoDurable, 2018. 

(13) MOENS Anne-Françoise, « Sommet sur le climat : action choc de Greenpeace », Greenpeace Belgique, 2019. 

(14) N. Hugo, « Un plongeur britannique se filme en train de nager au milieu d’un océan de déchets plastiques », Demotivateur, 2018. 

(15) T.P., « SeaShepherd dénonce le dépeçage de dauphins dans le but d’être mangé », France 3 Bretagne, 2020. 

(16) RABIET Lucile, « L’ONG SeaShepherd a recréé le cri de détresse des océans », Sciences et Avenir, 2019.

Vidéos :

« Ce plongeur se retrouve dans un océan de déchet à Bali », LeHuffPost, 2018.
https://www.youtube.com/watch?v=Ng2HO4pZp20

« SeaShepherd | Deux dauphins morts à Paris », SeaShepherd France – Officiel, 2020.
https://www.youtube.com/watch?v=zVPiMGiPLho

 « Sound Of Sea – Sea Shepherd », SeaShepherd France – Officiel, 2019.
https://www.youtube.com/watch?v=yJA3xv5G8x0