Comme nous l’avons constaté dans le précédent article, les influenceurs entretiennent, malgré les obstacles, une relation privilégiée, de confiance et de partage, avec leur communauté. Cette relation est perçue comme l’occasion pour les marques d’en tirer profit. Dans cet article, nous allons donc nous demander : quelles sont les stratégies à la base de la relation influenceur et marque et quels en sont les enjeux et limites dans une société de surconsommation où les questions d’éthique et de transparence sont essentielles ? Nous analyserons alors les stratégies des deux parties prenantes, les bénéfices de cette relation, les obstacles et les objectifs de ce lien commercial ainsi que les conséquences de cette relation sur les consommateurs à travers une enquête.

Nous l’avons évoqué auparavant, les influenceurs ont un pouvoir de persuasion et d’influence sur leurs abonnés du fait de leur notoriété et une relation de confiance mutuelle. Travis Bradberry décrit l’influenceur comme « […] quelqu’un qui pense par lui-même, n’hésitant pas à être disruptif ou à susciter la discussion. Il est également proactif, à l’affût des tendances ; il s’exprime avec conviction, rassemblant autour de lui une communauté de passionnés qui lui sont acquis »[1]. Ainsi, les marques ont bien compris le pouvoir que détiennent les influenceurs sur leur communauté qui partage les mêmes centres d’intérêt. Elles ont donc perçu par-là, l’occasion d’augmenter leurs ventes et leurs profits par le biais d’une promotion plus jeune, plus moderne, innovante et surtout moins directe. De l’autre côté, les influenceurs ont vu l’opportunité d’étendre leur notoriété à travers les marques et de profiter d’une rémunération et de cadeaux.

I/ La stratégie des marques : une relation commerciale complexe

Stratégie :

Les marques ont revu depuis ces dernières années leur stratégie de communication ainsi que leur budget média. En effet, la tendance grandissante des influenceurs a provoqué une transformation des modes de communication et des stratégies des marques. En France, alors que la communication d’influence ne représente encore que 1% des dépenses en communication, contre 5 milliards de dollars dépensés dans le monde en communication d’influence, celle-ci a pris une place tout de même importante, car « […] des clients […] dépensent aujourd’hui deux fois plus en influence qu’en Adwords ».[2] Ce qui démontre qu’aujourd’hui la promotion par les influenceurs est peut-être plus appréciée que la publicité en ligne traditionnelle.

 De plus, d’après l’agence de publicité Zenith Optimedia « entre 2016 et 2019 […] les dépenses publicitaires sur les réseaux sociaux devraient croître de 72% passant ainsi de vingt-neuf milliards de dollars à cinquante milliards de dollars ».[3] Cela exprime l’impact des nouvelles tendances du digital, des réseaux sociaux qui ont fait émerger ce nouveau métier d’influenceur et ce nouveau mode de communication. Désormais, les marques passent davantage par des médias tels que Youtube, Instagram et Snapchat et moins par la télévision ou les médias classiques. En effet, ces médias sont moins onéreux et permettent un ciblage précis par centre d’intérêt et de toucher un grand nombre de personnes.

Quel influenceur choisir ?

Ainsi, la marque va cibler l’influenceur qui l’intéresse pour communiquer sur le sujet qu’elle souhaite, en lien avec son univers de marque et son identité pour assurer une cohérence dans sa communication et son image de marque. Le choix de l’influenceur va dépendre du sujet sur lequel elle souhaite communiquer : « une marque de cosmétique fera plutôt appel à une youtubeuse beauté qui est connue pour faire des tutos beauté […] afin de toucher la cible la plus concernée par ses produits ».[4] De même, qu’une marque de prêt-à-porter contactera plus facilement une instagrameuse ou une blogueuse mode pour promouvoir ses vêtements en story ou en photo.

Cependant, il ne faut pas oublier que l’objectif d’une marque est avant tout le profit et les ventes qu’elle va pouvoir faire grâce à l’influenceur. Elle va donc cibler un influenceur susceptible de toucher le plus de monde possible pour que son offre soit visible par une large cible. Elle va alors regarder la taille de la communauté de l’influenceur et son audience pour voir où son offre sera la plus visible, au détriment parfois de son image.

En effet, il peut arriver qu’elle se dirige vers un influenceur avec de nombreux followers mais qui n’a pas une image qui reflète l’identité de la marque. De plus, cela n’est pas toujours avantageux pour la marque de se tourner vers un influenceur avec une grosse communauté, car la collaboration lui coûtera bien plus cher, car le coût d’une collaboration avec un influenceur est basé sur le type de média utilisé (Youtube, Instagram…), le format du contenu (une vidéo Youtube, une story, une photo…) et la taille de sa communauté.

En effet, cela peut porter préjudice à une marque de ne choisir qu’un influenceur par la taille de sa communauté car plus un influenceur est connu et a de followers, plus il bascule du côté « célébrité », « On parle plutôt de starification […] La starification c’est une forme d’idolâtrie que l’on retrouve chez les fans d’artistes musicaux ou de star de cinéma. Vous n’achetez plus un produit pour ce qu’il représente, pour ce qu’il est… mais parce que c’est untel qui le porte ou qui le vante ».[5] Ainsi, les consommateurs vont perdre tout intérêt pour le produit car ils seront focalisés sur l’influenceur. Alors, si la marque veut travailler son image davantage que de s’assurer une visibilité importante et une hausse de ses ventes avec les influenceurs stars, elle va se tourner vers les micro-influenceurs. Ils ont moins d’abonnés, coûtent donc moins cher à la marque et permettent de cibler une communauté précise avec des centres d’intérêt particuliers et donc de travailler son message et son identité de marque.

Elle va également regarder la plateforme sur laquelle elle souhaite faire passer ce partenariat. Depuis le succès d’ Instagram, les marques se ruent sur cette plateforme pour promouvoir leurs produits grâce aux instagrameurs. C’est effectivement le réseau le plus demandé par les marques en 2019 pour 66,7% suivi des blogs à 18,5% d’après l’étude Reech.[6]

Quels types de partenariat ?

            Il faut savoir que 75% des partenariats entre marques et influenceurs portent sur des placements de produits.[7] « Le placement de produit est défini comme toute forme de communication commerciale audiovisuelle consistant à inclure un produit, un service ou une marque ou à y faire référence, en l’insérant dans un programme, moyennant paiement ou autre contrepartie ».[8]Il existe plusieurs types de placement de produit, il y a le placement de produit classique qui consiste à montrer directement le produit, le placement de produit institutionnel qui consiste à promouvoir la marque elle-même à travers le décor, le placement de produit évocateur qui repose sur l’originalité du produit sans en dévoiler le nom et enfin le placement de produit furtif qui dévoile le produit rapidement dans une scène sans que le nom apparaisse ou ne soit cité.[9] Avec le placement de produit, le risque est qu’à cause de sa subtilité, le produit passe inaperçu à travers l’univers et que le décor et le scénario prennent le dessus. Par exemple, c’est souvent que nous percevons des placements de produits dans les films ou séries, mais il arrive que nous soyons tellement pris par l’action en question, l’histoire, que nous passons à côté du produit. La marque doit donc bien penser sa stratégie pour que sa collaboration ne soit pas un échec, une perte de temps et d’argent.

Il y a également la diffusion de codes promotionnels. Ce sont des codes que les marques attribuent aux influenceurs pour qu’ils les diffusent à leurs abonnés et qu’ils proposent une offre promotionnelle à la personne qui utilise ce « code promo ». Ces codes permettent de promouvoir efficacement une offre de produit ou service. J’ai moi-même eu l’occasion plusieurs fois d’utiliser des codes de certaines influenceuses et d’acheter un produit d’une marque que je ne connaissais pas auparavant. J’ai ainsi testé la marque Nicky Paris qui propose des produits capillaires grâce au code promo d’une influenceuse de télé réalité, Mélanie Dedigama, partagé en story de son Instagram. Cela m’a permis de découvrir une nouvelle marque et de profiter d’une offre promotionnelle. C’est donc l’occasion pour la marque d’augmenter sa visibilité auprès des cibles et d’augmenter ses ventes.

Il y a aussi les marques qui proposent aux influenceurs de créer des collaborations autour de la création de produits. Ce fut le cas de nombreuses marques de cosmétique comme EnjoyPhoenix qui avait fait une collaboration avec MAC Cosmetics pour créer son rouge à lèvre ou encore Sandrea26France qui avait collaboré avec Sephora pour créer une palette de fards à paupières. Ce sont des collaborations qui demandent toutefois plus de temps et d’investissement.

Nous avons aussi les tutoriels qui ont connu un certain succès dans les années 2008-2010. Ils permettent de promouvoir un produit en faisant une démonstration de l’utilisation de ce dernier. C’est une sorte de vidéo telle « une notice d’utilisation », durant laquelle le youtubeur (le plus souvent), se sert du produit et commente chaque étape. Les tutoriels étaient à l’époque beaucoup utilisés pour les appareils de coiffure (lisseurs, boucleurs) ou encore les tutoriels de maquillage où les influenceuses testaient les cosmétiques et donnaient leur avis sur le produit.

Certaines marques peuvent décider de pousser la collaboration avec l’influenceur jusqu’à en faire leur ambassadeur et égérie. L’influenceur devient alors le représentant officiel de l’image de la marque et de son identité. C’est le cas de Caroline Receveur qui est aujourd’hui l’égérie de la marque d’épilation Braun depuis 2017.[10] Cependant, c’est une collaboration bien plus coûteuse pour la marque car il s’agit d’une collaboration rémunérée sur la durée et non ponctuelle. De plus, il faut choisir un influenceur en qui la marque a confiance car il véhicule l’image de cette dernière.

Comment prendre contact avec les influenceurs ?

Pour prendre contact avec les influenceurs, les marques ont plusieurs options. Elles peuvent utiliser l’envoi traditionnel de mails aux adresses professionnelles des influenceurs. Elles ont aussi la possibilité de les contacter à travers leurs réseaux sociaux en message privé ou encore par l’intermédiaire d’agences de communication qui mettent en lien les influenceurs et les marques. Dans ce dernier cas, l’influenceur n’est jamais en contact direct avec la marque, l’agence fait le lien et propose les différents produits des marques que l’influenceur peut choisir de promouvoir ou non, puis, la marque indique ensuite si elle souhaite entamer cette collaboration ou non. Il arrive aussi que dans certains cas, ce soient les influenceurs eux-mêmes qui démarchent les marques pour obtenir des partenariats dans le but de se faire connaitre ou de collaborer avec une marque précise.[11] Alors de leur côté, quelles sont les raisons qui les motive à collaborer avec les marques ?

II/ La stratégie des influenceurs : une relation limitée et contraignante

Stratégie :

Pour les influenceurs, les collaborations avec les marques ont de nombreux enjeux. Tout d’abord, cela leur permet de gagner en visibilité. En effet, en proposant des promotions avantageuses sur des marques connues et appréciées du public, cela leur permet d’augmenter leur notoriété et d’atteindre un public plus large, un public attaché à la marque en question.

Ainsi, l’influenceur doit essayer de se faire repérer par des marques avec lesquelles il souhaite collaborer. Pour cela et comme nous l’avons vu dans la partie précédente, il bénéficie de sa notoriété qui définit la taille de sa communauté. « […] On « existe » en fonction de la quantité, de la régularité et de l’intérêt de ses publications. Et du nombre de partage. Le niveau d’influence se mesure qualitativement : citations, likes, intérêt des contenus, nombre d’interactions sur les posts publiés, etc. ».[12] C’est sur ces critères que l’influenceur va devoir travailler pour se faire repérer par les marques.

La rémunération :

De plus, au-delà de la visibilité, les collaborations avec les marques permettent à l’influenceur de bénéficier d’une rémunération supplémentaire. En effet, dans notre interview du 03/12/2019, Floriane Aguera soutenait que la rémunération pour une collaboration avec une marque pouvait prendre plusieurs formes. En effet, pour remercier l’influenceur, les marques peuvent soit lui offrir leurs produits ou services, soit les payer en fonction de ce que la marque leur demande. Sur Instagram, cela peut être une story ou une photo dans le feed ou encore insérer un lien vers le site marchand de la marque. Pour ce genre de prestation, la rémunération est comprise entre 300 et 500 €.[13] Cependant, à ce jour 63% des partenariats ne sont pas rémunérés par les marques.[14] Les influenceurs ne peuvent donc pas vivre seulement des partenariats avec celles-ci.

Le fonctionnement des collaborations :

Ainsi, lorsque l’influenceur est contacté pour collaborer avec une marque, ce qui dans 48,5% des cas se fait par une agence spécialisée dans le marketing d’influence, l’influenceur a le choix d’accepter ou de refuser. [15] En effet, il est important pour l’influenceur de ne pas accepter tout et n’importe quoi en termes de partenariats et de marques. Il doit veiller à ce que la collaboration soit en cohérence avec son identité, son image et son style, tout comme la marque. Dans le cas contraire, il risque de perdre ses abonnés. Il doit également se renseigner sur l’authenticité de la marque et sa fiabilité avant tout.

Par exemple, EmmaCakecup, influenceuse lifestyle et youtubeuse aurait fait la promotion pendant les Black Friday de sites qui étaient en réalité des escroqueries. Elle ne s’était pas renseignée avant sur ces sociétés. En conséquence, elle a perdu la confiance de ses nombreux abonnés et en a perdu certains en cours de route.[16] C’est pour ces raisons que l’influenceur doit choisir une marque en lien avec ses valeurs et ses goûts pour garder en authenticité. En effet, 57,3% des influenceurs choisissent de collaborer avec une marque lorsque le produit ou service leur plaît et 25,3% lorsque les valeurs de la marque sont en cohérence avec les siennes.[17]

En effet, Floriane Aguera avoue privilégier des marques qui ressemblent et sont cohérentes avec son image, sa ligne éditoriale et ses valeurs, pour ne pas perdre ses abonnés. Dans le cas contraire, ils se rendent compte que le partenariat est seulement pour l’argent et dans ce cas, l’influenceur perd sa crédibilité et son audience. Par exemple, récemment, il lui a été proposé de faire la promotion d’une balance connectée. Ne faisant pas de sport, il y a encore quelques mois, elle aurait refusé la promotion. Cependant, ayant changé de ligne éditoriale récemment, axée plus bien-être et sport et s’étant remise au sport, elle a accepté cette collaboration. Mais avant cela, elle aurait refusé, car ce n’était pas cohérent avec son contenu. Elle affirme qu’il faut être cohérent avec ce qu’ils promeuvent au quotidien. Tout comme elle a refusé dernièrement de collaborer avec la marque de gaine Slimiies, car elle promeut désormais l’amincissement et le bien-être par le sport et une alimentation saine et non par du camouflage et des artifices.

De plus, parmi les éléments qui freinent les influenceurs dans la réalisation d’une collaboration avec une marque, on trouve les briefs trop contraignants. En effet, Floriane nous apprend que suite à l’accord passé entre l’influenceur et la marque, ce dernier va recevoir un brief, lui indiquant comment mettre en avant le produit, la ligne éditoriale de la marque à respecter et les choses à ne pas faire. Ainsi, l’influenceur n’est pas toujours libre de dire ce qu’il veut. Cependant, la marque est toujours plus gagnante si elle lui laisse le champ libre, car il sera plus satisfait.

En revanche, certaines marques demandent de respecter un script mot pour mot. Et dans ce cas, l’influenceur perd totalement en authenticité et perd son identité. Ainsi, la collaboration est un échec, car la communauté de l’influenceur ne le soutient plus par manque de cohérence et donc la marque ne réussira pas avoir les retombés qu’elle souhaitait grâce à ce partenariat. C’est l’une des raisons pour laquelle de nombreux influenceurs refusent certains partenariats tout comme Floriane. Moins ils ont de liberté, moins ils veulent collaborer.[18]

Quels types de partenariats pour les influenceurs ?

D’après cette étude, contrairement aux marques, les influenceurs souhaiteraient des partenariats plus engageants comme des contrats d’égérie et d’ambassadeur, de la création de contenu pour la marque comme des vraies publicités, ou encore travailler sur des projets de co-création. Ce qui ressort est une envie de créer de vrais projets impliquants plus que de simple partage d’information, de promotions comme les placements de produits.[19] Ce sont forcément aussi des projets plus coûteux pour les marques et plus avantageux à l’inverse pour les influenceurs en termes de rémunération. On peut alors s’apercevoir que les intérêts des uns ne sont pas toujours en cohérence avec ceux des autres.

La réglementation :

            Parmi les autres contraintes auxquelles doivent faire face les influenceurs dans la collaboration avec les marques, nous avons la réglementation. En effet, comme tout métier et échanges commerciaux, il y a des règles à respecter.

            Tout d’abord, pour tout placement de produit, et partenariat, les influenceurs doivent respecter le principe de transparence : « En juin 2017, l’Autorité de la Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP) a dévoilé […] une charte de la transparence […] ». Les Influenceurs ont le devoir d’indiquer aux abonnés quand le post est sponsorisé et rémunéré, ils doivent indiquer la mention « en partenariat avec… » ou « sponsorisé par… », des mentions souvent indiquées dans les hashtags. [20] Floriane ajoute à cela que lorsque le partenariat n’est pas rémunéré, il n’y a pas d’obligation de préciser, mais la plateforme Instagram lui a déjà redemandé plusieurs fois pour certains posts, afin de vérifier que les règles de transparence étaient respectées. En effet, ces règles ont été officialisées par le fait de nombreux influenceurs qui abusaient des posts sponsorisés et des abonnés qui se plaignaient de l’abondance des promotions et surtout du manque d’honnêteté et d’authenticité. C’est pourquoi, des règles plus strictes ont été imposées aux influenceurs.

[21]

De même, les influenceurs doivent respecter les mêmes règles que la publicité. Par exemple, pour les marques qui mettent en avant de l’alcool, il y a des règles claires. Floriane nous indique que les influenceurs n’ont pas le droit de se mettre en scène avec un verre d’alcool dans un de leur post sponsorisé par une marque d’alcool, on ne doit voir que le verre tout seul. Il en va de même pour « le tabac, les armes à feu et les préparations pour nourrissons » où les règles sont strictes :

–           « Leur contenu et leur programmation ne doivent en aucun cas être influencés de manière à porter atteinte à la responsabilité et à l’indépendance éditoriale de l’éditeur

–           Elles ne doivent pas inciter directement à l’achat ou à la location des produits ou services d’un tiers et ne peuvent comporter des références promotionnelles spécifiques à ces produits, services ou marques

–           Elles ne doivent pas mettre en avant de manière injustifiée ces produits, services ou marques ».[22]

De plus, comme tout travail faisant objet d’une rémunération en contrepartie, l’influenceur doit déclarer ses revenus à l’Etat et versera des impôts. Toute prestation réalisée en échange d’argent doit être déclarée à l’Etat et est considérée comme étant du travail.[23]

Ainsi, la réglementation permet de mettre des limites à ces échanges et de prôner transparence et authenticité auprès du public.

III/ Les abonnés face à ces partenariats : enquête auprès des consommateurs

Les abonnés des influenceuses lifestyle, beauté, mode, etc, sont principalement des jeunes femmes qui ont entre 18 et 35 ans. C’est pourquoi, j’ai décidé d’interroger des femmes d’âges et de milieux différents susceptibles d’être comprises dans cette cible. L’idée est de démontrer les effets des partenariats entre marques et influenceurs sur les abonnés et consommateurs. En effet, cette enquête avait pour objectif de faire ressortir des enjeux commerciaux, d’influence et de confiance des consommateurs envers les influenceurs et ces collaborations.

Les consommatrices interviewées :

22 ans Etudiante en communication – graphisme
22 ans Etudiante en aviation
30 ans Travaille dans une association à but non-lucratif
24 ans Etudiante en communication
27 ans Ingénieure en biotechnologies
24 ans Etudiante en psychologie
23 ans Etudiante en communication digitale
31 ans RRH, pharmaceutique et biotech
27 ans Consultante en pharmaceutique et biotech
22 ans Assistante de programme dans l’immobilier

Grâce à cette enquête, j’ai pu constater que sur 10 personnes interrogées, les influenceuses les plus suivies étaient des influenceuses mode, beauté et de télé-réalité. La moitié suivait des influenceuses lifestyle. Dans les noms qui sont ressortis, nous trouvons des influenceuses « star » comme EnjoyPhoenix, Caroline Receveur, mais aussi des influenceuses de télé comme Nabila, Jessica Thivenin, Cindy Poom, Hilona puis d’autres influenceuses moins connues comme RosaBohneur et Ellesenparlent.

La moitié des personnes interrogées consultent le contenu de ces influenceuses 2 à 3 fois par semaine et les autres tous les jours. Cela démontre l’intérêt que les consommatrices ont envers l’influenceuse et son contenu puisqu’elles le regardent régulièrement.

Les consommatrices et abonnés suivent ces influenceuses principalement par intérêt pour leur domaine de prédilection (lifestyle, beauté, etc.), puis pour se divertir et en troisième lieu par intérêt pour la personne. Le contenu est donc l’élément moteur pour susciter l’intérêt des consommatrices.

Sur les 10 femmes interrogées, 7 d’entre elles avaient déjà acheté un produit avec un code promotionnel ou par un partenariat influenceur-marque. Il y a donc un certain enjeu commercial pour les marques à communiquer par le biais des influenceurs.

Parmi elles, les produits les plus consommés étaient en premier les produits cosmétiques/capillaires, ensuite les produits bien-être (accessoires de sport, cure alimentaire…) puis des produits d’habillement. Une personne avait déjà acheté des chaussures.

Les marques consommées étaient :

  • Bien-être : Top Body Challenge, Fitvia, So Shape
  • Cosmétiques : Luxeol, Magnetic by SL, Bbryance, Nicky Paris cosmetics, L’Oréal
  • Habillement : Princesse Boutique, Sweet Leggings
  •  Chaussures et accessoires : Clarosa, Cluse

La majorité des consommatrices ne connaissait pas la marque avant de la découvrir par le biais de l’influenceuse en question. Cela démontre que l’enjeu de notoriété est important dans ces relations de partenariat. Et parmi celles qui connaissaient déjà la marque, 2 personnes sur 3 n’avaient jamais acheté des produits de la marque avant de passer par l’influenceuse. Encore une fois, on constate que l’influence de ces créatrices de contenu est réelle.

Plus de la moitié des consommatrices a été très satisfaite de ces achats influencés par les influenceuses suivies. Pour la personne qui n’a pas été entièrement satisfaite, la raison était que les publicités faites par les influenceuses étaient exagérées face à la qualité des produits. Nous constatons que ce type d’achat reste rare, moins de 4 fois dans l’année pour la grande majorité.

Après l’achat de produits issus de partenariats, les consommatrices ont tendance à racheter les produits de la marque qui leur ont plu, certaines uniquement grâce à d’autres codes promos. D’autres ne voulaient bénéficier que de l’offre occasionnelle. Ces éléments démontrent qu’il y a également un enjeu de fidélité qui ressort de ces partenariats commerciaux.

            Pour conclure, nous pouvons constater que sur 10 personnes, 7 ont déjà été influencées par un partenariat entre influenceurs et marques. Ce qui est un succès. Les cosmétiques et produits de bien-être sont les plus consommés. En règle générale, ces partenariats permettent aux consommatrices de découvrir de nouvelles marques. Même si elles sont en grande partie satisfaites de leurs achats, nous constatons qu’elles consomment quand même rarement par le biais de partenariats marques-influenceurs, car des méfiances persistent. En effet, même si ces collaborations leur permettent de bénéficier d’offres ponctuelles, elles restent conscientes qu’il s’agit de publicité, que la réalité peut être déformée et embellie à des fins commerciales. De plus, nous constatons que personne ne s’abonne à un influenceur uniquement pour profiter des promotions, elles suivent déjà toute l’influenceuse avant de profiter de ses partenariats, ce qui est positif pour cette dernière et démontre un réel enjeu d’influence.[24]

Ce qui ressort de cette enquête est que les collaborations avec les influenceurs permettent aux marques de conquérir de nouvelles cibles et de nouveaux consommateurs grâce à la publicité effectuée mais aussi de fidéliser cette nouvelle clientèle par le renouvellement régulier de ces actions partenariales. De plus, cela permet aux influenceurs de proposer des offres avantageuses à leurs abonnés et donc de gagner de l’argent si le partenariat est rémunéré. Cela leur permet aussi d’augmenter leur visibilité. Par exemple, une personne satisfaite ayant profité d’un code promotionnel par tel influenceur, pourra recommander à une autre personne de passer par cet influenceur pour profiter de cette même offre. Il y a donc un enjeu communicationnel fort.

En conclusion, nous avons vu dans cet article que la relation entre les marques et les influenceurs a de multiples facettes. Tout d’abord, nous avons un aspect commercial évidant, l’un voulant augmenter ses ventes, l’autre voulant gagner de l’argent et de la notoriété. Cependant, ce sont des relations complexes, avec des enjeux identitaires, d’influence, de transparence, de règlementation, de choix de stratégie, de prise de risque, de vices cachés et arnaques, d’échanges et de confiance/méfiance.

Ce sujet de mémoire aura permis d’analyser le nouveau métier d’influenceur, dont les aspects sont encore flous pour beaucoup de personnes et d’étudier les différentes relations de ces derniers avec leurs abonnés et avec les marques avec lesquelles ils collaborent. Nous constatons que leur statut de personnage public implique des relations complexes avec des enjeux importants d’éthique, de transparence, de confiance, d’implication personnelle et professionnelle. Leur relation avec leur communauté est forte et implique comme dans toute relation un échange, l’un attendant d’être toujours plus nourri en contenu, l’autre d’avoir un retour sur son travail. Les limites sont quelquefois compliquées à discerner entre vie privée et vie professionnelle de l’influenceur et les dérives sont nombreuses. L’influenceur de façon globale a le devoir d’être honnête et transparent avec ses abonnés, il doit se montrer fidèle à ses valeurs pour garder cette communauté et ce même lorsque les offres commerciales avec les marques rentrent en jeu.

Les partenariats entre marques et influenceurs sont devenus des pratiques courantes, mais contrairement à ce que nous pensons, cela ne leur assure pas encore à coup sûr un revenu supplémentaire. Même si les avantages sont nombreux des deux côtés, il ne faut pas perdre de vue son image de marque et vouloir faire de la publicité à tout prix au risque pour la marque de perdre de l’argent et d’investir dans un partenariat qui sera un échec et pour l’influenceur  de perdre sa communauté par manque d’authenticité.

Les influenceuses lifestyle connaissent un grand succès aujourd’hui grâce à la plateforme Instagram en grande partie, qui leur permet de partager des moments de vie, des produits qu’elles aiment et utilisent, des lieux qu’elles visitent, d’échanger de façon interactive avec leurs abonnés. Parmi elles, se trouvent des grands noms que nous connaissons tous, et d’autres qui émergent petit à petit en micro-influenceuses qui ont de plus en plus d’impact auprès de leur cible et qui sont sollicitées par les marques car moins coûteuses.

Le métier d’influenceur est en pleine croissance depuis ces dernières années, il évolue avec les nouvelles technologies et plateformes qui émergent petit à petit. Ainsi, nous pouvons nous demander quel sera l’avenir de ce métier ? S’agit-il seulement d’un métier éphémère, d’une tendance qui finira par s’essouffler ou évoluera-t-il avec les inventions futures ? La société se digitalise de plus en plus et évolue en ce sens, alors ce métier quasi 100% digital perdurera-t-il ? A vous de vous plancher sur la question !


Sources

[1] ATTAL, Stéphane, Influencer c’est la communication d’aujourd’hui : l’opinion publique, arbitre de la communication des idées et des marques, Paris, 2016, Maxima, 139p., p.61

[2] Cinqmars.fr, « Les influenceurs de demain. Quelles tendances ? », 2018, https://cinqmars.fr/les-influenceurs-de-demain-quelles-tendances/

[3] LUCAS, Valentin, Secrets d’influenceur : clés et coulisses du métier, Paris, 2018, Ramsay, 133p., p.67

[4] Ibid, p.68

[5] Le Journal du CM, « La taille de la communauté chez les influenceurs… est-ce important ? », 2019, https://www.journalducm.com/taille-des-communaute-influenceurs/

[6] [7] [14] [15] [17] Reech, “[Étude] Les influenceurs et les Marques en 2019 », 2019, https://www.reech.com/fr/blog/merveilleuses-etudes-et-statistiques/etude-les-influenceurs-et-les-marques-en-2019/

[8]CSA, « Le placement de produit »,  https://www.csa.fr/Proteger/Publicite-et-communications-commerciales/Le-placement-de-produit

[9] 1min30, « Le placement produit : définition et réglementation », 2014, https://www.1min30.com/brand-marketing/le-placement-produit-definition-et-reglementation-10932

[10]Voici, « Caroline Receveur vient de décrocher un nouveau contrat d’égérie ! », 2017, https://www.voici.fr/beaute/news-beaute/caroline-receveur-vient-de-decrocher-un-nouveau-contrat-d-egerie-636981

[11] [13] [18] Floriane AGUERA, interview professionnelle du 03/12/19

[12] ATTAL, Stéphane, Influencer c’est la communication d’aujourd’hui : l’opinion publique, arbitre de la communication des idées et des marques, Paris, 2016, Maxima, 139p., p.62-63

[16]Stratégie,« PROCÈS ENTRE YOUTUBEURS: EMMACAKECUP DONNE SA VERSION », 2019, https://www.strategies.fr/actualites/marques/4030005W/proces-entre-youtubeurs-emmacakecup-donne-sa-version.html

[19] [21] Reech, “Etude 2020 : les influenceurs et les marques », 2020, https://www.reech.com/fr/influence-etude-reech-2020

[20] LUCAS, Valentin, Secrets d’influenceur : clés et coulisses du métier, Paris, 2018, Ramsay, 133p., p.86

[22]CSA, « le placement de produit »,  https://www.csa.fr/Proteger/Publicite-et-communications-commerciales/Le-placement-de-produit

[23] LUCAS, Valentin, Secrets d’influenceur : clés et coulisses du métier, Paris, 2018, Ramsay, 133p., p.88

[24] Enquête consommateurs réalisée du 02/03 au 07/03/20, sur 10 interrogés