Aujourd’hui, avec l’essor du « tout internet » les consommateurs attendent une instantanéité, une certaine rapidité dans tout ce qu’ils entreprennent. Le numérique a par exemple ouvert de nouvelles frontières qui ont permis de créer un nouveau type de relation entre les marques et les consommateurs. Cependant, certaines marques ont du mal à suivre l’évolution technologique, et certaines se demandent même comment remettre l’homme au centre alors que tout ne jure que par la technologie. En réponse à ce changement, certaines méthodes réflexions permettent d’ériger un nouveau « contrat » marque-consommateur, comme le service design thinking. Stefan Mortiz, coach et consultant pour l’innovation des services, l’expérience client et la collaboration multidisciplinaire, disait du service design thinking que c’est « une réflexion sur la conception des services, une aide à innover (créer de nouveaux services) ou à améliorer les services (existants) pour les rendre plus utiles, utilisables, souhaitables, pour le client et d’autre part, efficaces pour les organisations. Il s’agit d’un nouveau domaine holistique, multidisciplinaire et intégratif.1». Ce nouveau contrat se base sur le service design thinking pour placer l’individu au centre de tout et permettre en parallèle à une marque de mieux entretenir et diffuser son image. Elle permet notamment aux marques de se concentrer sur la création d’expériences aussi bien tangibles qu’intangibles.

Pour mieux saisir les qualités et avantages du service design thinking, je vais dans un premier temps vous présenter la globalité de son processus et de ses outils. Puis, pour illustrer la démarche et ce qu’elle apporte aux marques, j’ai choisi de prendre pour référence l’entreprise Décathlon qui en 2014 à développer l’espace : ALIVE by Décathlon, en s’appuyant notamment sur le service design thinking. Dans une interview, Vincent Ventenat, Directeur de l’innovation de Decathlon explique que cet espace était à créer, car l’objectif était « d’accélérer la potentialité de l’innovation en donnant à chaque collaborateur les méthodes et les outils nécessaires à la transformation de ses idées et en renforçant la cohésion et la culture d’innovation des équipes porteuses de projets.2». En 2017, une déclinaison internet de ce projet vit le jour: « Décathlon création ». Enfin, je conclurais cet article en abordant l’aspect plus-value apporté aux marques par la démarche, si… elle est utilisée de façon adéquate.Cet exemple me permet de mettre en avant comment le service design thinking peut permettre à une marque de repenser ses services et l’expérience qu’elle propose, toute en développant son identité.

Le service Design thinking en quelques mots

À l’origine le Design Thinking est une méthode qu’utilisée les designers pour créer ou innover à partir de produits déjà existant. Cependant, ce processus prend véritablement le nom de Design Thinking lorsque Tim Brown et David Kelly, professeur à l’université de Stanford créent leur entreprise IDEO en 1991 et adapte cette méthode à d’autres domaines comme les services, le management ou encore le marketing.

Le service design thinking est ce que l’on peut appeler un « processus itératif3 ». Il est composé de 4 étapes et débute par « l’exploration », puis la « création », la « réflexion » et enfin « l’Implémentation ». Selon Damien Newman, il est « un processus qui est en réalité dynamique et non linéaire. Autrement dit, il est tout à fait possible d’articuler le schéma de base. Un point très important à comprendre, car ce schéma est une approche itérative4 ». Cette approche peut permettre à une marque de répondre à un problème, en développant des outils qui lui donnent les moyens de délivrer à son client une expérience unique, qui lui est propre et qui se différencie de la concurrence. Elle peut donc innover tout en gardant le contrôle de son image.

1. Exploration : Comprendre, préparer et anticiper

Cette première étape désigné « exploration » a pour objectif d’anticiper les challenges à venir, de préparer les recherches et de rassembler les inspirations clefs pour répondre à une problématique. En alignant ainsi les objectifs de l’entreprise pour placer le consommateur au centre de toutes les attentions, il devient possible d’édifier un large tableau de la situation actuelle et à venir. Pour y arriver, l’entreprise doit analyser les données récupérées sur les comportements et les motivations des consommateurs, vis-à-vis d’un service ou d’un produit proposé. La problématique peut très bien concerner un service de la marque peu efficace ou comment répondre à une nouvelle attente du client. J’ajouterais que l’idée, n’est surtout pas de trouver une réponse a la problématique dès cette première étape, mais plutôt de mettre sur table et de réunir toutes les données que l’on a à disposition pour pouvoir visualiser et analyser la situation de la manière la plus large et exhaustive possible. Ainsi, Décathlon souhaitait proposer des services et des produits toujours plus adaptés à la demande et au besoin du client. En 2015, l’enseigne décide donc d’ouvrir à Villeneuve d’Ascq l’espace « Alive Décathlon ». Un espace conçu pour imaginer les produits de demain.

La marque de sport est partie du constat que l’on ne trouvait pas toujours chaussure à son pied lorsque l’on entrait dans un magasin de sport, ou que les produits proposées n’étaient pas forcément faciles ou aisés d’utilisation. Décathlon qui désire accompagner les passionnés souhaitant vivre à fond leur sport, a en collectant les avis et feedback des clients, imaginé un espace physique où l’on reprend à zéro la conception des produits. En imaginant cette espace, la marque récupère non seulement des informations sur les attentes des clients mais lui permet également de tester la déclinaison et le positionnement de l’entreprise pour ainsi pouvoir le renforcer. Du point de vue du branding, cette espace permet d’étayer et étoffer le message que Décathlon propose : des produits de qualité, toujours plus innovant, mais qui reste accessibles à tous.

2. « Création » : Générer et désigner des idées

Avant d’aborder la 2ème étape, Il faut rappeler l’important de bien garder à l’esprit que cette démarche n’est pas figée, et que des allers-retours entre les différentes étapes est tout à fait possible. L’étape de Création a pour but de générer le plus d’idées possibles, qu’elles soient bonnes ou mauvaises, pertinentes ou non, les « fausses pistes » ou erreurs ne sont pas à éviter, elles doivent être identifiées au plus tôt de la démarche car elles seront beaucoup facilement rectifiées et modifiées d’autant plus qu’elles participent à l’identification des facteurs clefs. L’étape de création, peut s’apparenter à un brainstorming mais qui n’en est pas tout à fait un. Elle est le moment ou l’on cherche à identifier les facteurs clefs en analysant par exemple une journée type d’un consommateur qui utilise un service proposé par l’entreprise.

Ainsi quand Décathlon donne la parole à ses clients, l’entreprise identifie et comprend ce que cherche le client. On est au-delà du simple commentaire ou avis sur un produit. Chaque personne qui à une idée d’un nouveau produit, peut également soumettre via le site internet le projet qu’il a en tête. Autre élément important, pour valider ou nom un nouveau concept, il est crucial de faire intervenir toutes les parties prenantes et cela commence par consommateurs jusqu’aux employés. En associant, confrontant tous les éléments recueillis lors de la première étape, puis en les analysant, il en résulte l’identification de points clefs, d’opportunités sur lesquelles la marque peut s’appuyer pour continuer le processus entamé.L’enseigne peut alors organiser des ateliers de brainstorming au sein de son espace dédié, ou par association des bonnes informations collectées définir un nouveau produit sur lequel travailler.

Sous la forme d’espaces de co-working, d’atelier créatif, d’inspiration ou d’incubation, tout est en place pour réunir et rassembler les données pertinentes nécessaire à l’initiation de la 3ème étape, de réflexion et prototypage.

3. La « réflexion » : créer et tester les prototypes

La « réflexion » est l’étape ou les idées et les concepts développés deviennent tangibles. Cette 3ème partie, se base sur la construction d’un prototype à partir des points clefs, les « touchpoint », qui ont été identifiés lors de l’étape précédente.

Cependant, l’élaboration de ce prototype nécessite le respect de plusieurs règles. Il faut par exemple, pouvoir le tester in vivo auprès d’un petit groupe de personnes, créer des story-boards et surtout, récupérer les feedbacks. En procédant de la sorte, s’opère la libération de la créativité et de l’émotion que le prototype peut induire. Ces émotions peuvent être mises en avant et permettre d’identifier plusieurs axes d’amélioration ou des points à prendre en compte qui n’étaient pas apparus jusque là, de nouvelles opportunités à saisir.

Dans notre cas, Décathlon propose de créer un service pour tester tous les nouveaux produits par les clients de la marque. En effet, le plus important dans cette partie reste bien de recevoir des feedbacks, mais aussi des ressentis des émotions qui peuvent se dégager de l’utilisation d’un nouveau produit pour apporter les dernières modifications et améliorations. Mais il est également important de noter le fait que nous passons de l’intangible au tangible ce qui permets au client d’expérimenter.

4. « Implémentation » : continuer à avancer

La dernière étape est celle de l’implémentation. Cette partie est celle où l’on doit débrider la pensée pour élargir les champs d’investigations, prendre en compte l’environnement pour mettre en exergue et identifier qu’elles ont été les « succès » du projet, tout en n’oubliant pas documenter et encadrer l’innovation pour qu’elle reste dans la bonne voie. Comme toute innovation, il faut pour la faire vivre recueillir des informations et continuer à communiquer le message clef, que ce soit par l’image corporate de l’entreprise, ou encore par les employés.

Pour aller dans ce sens, Décathlon a ainsi souhaité poursuivre son projet de mise en avant de la relation client et a donc adapté sa plateforme ALIVE by Décathlon sur le nouveau média du web : Décathlon création5. De fil en aiguille, l’enseigne a pris en compte, intégrer et assimiler dans son environnement, les retours identifiés lors de la précédente étape. Il en a résulté la création d’une plateforme communautaire tout à fait unique en son genre. En effet cette dernière ne repose plus sur l’idée de proposer des projets, mais de devenir testeur pour les équipements de son sport de prédilection.

En procédant de la sorte, les clients de la marque sont véritablement assimiler et intégrer au cœur du processus puisqu’ils valident ou non les nouveaux produits. Ils intègrent d’eux même le processus. Et d’autre part, les irrégularités atour de la communication entre l’identité perçu par les clients, et celle des employés ou de la direction se retrouve lisser, et permette à la marque de construire dans un seul et même sens.

Le service design thinking, une méthode qui en l’apparence ne connaît pas de frontière.

Antoine Lesec, président de l’agence Zakka disait dans une interview donnée au site La réclame que pour lui une marque « se construit à l’intersection de fondamentaux figés, et d’éléments beaucoup plus dynamiques6 ». Ici, le service de design thinking n’a pas pour objectif de bouleverser les actions ou l’univers créé par les marques, mais plutôt de rendre à la fois ses actions plus rythmées et flexibles en n’oubliant pas de maintenir l’individu au centre de ses préoccupations. De la sorte, une marque ouvre de nouvelles possibilité en terme de service pour le client sans pour autant changer son identité.

Cependant il est légitime de penser que la limite de la démarche se trouve dans l’application du service design thinking. En effet, ce n’est pas un processus linéaire et l’objectif n’est pas d’aller du point A à Z, mais d’enrichir notre raisonnement. Je tiens à souligner ce point, car le service design thinking et de mon point de vue une méthode et surtout une réflexion autour d’un problème qui se résout par la créativité, la création de prototypes ou encore par l’observation. Elle permet de repenser notre conception d’un service, de le faire évoluer avec le temps. De ce fait, utiliser le service design thinking ne s’improvise pas, car si la méthode n’est pas comprise peut très vite se résumer à un basic brainstorming, ou un assemblage de post-it.

En construisant l’espace Alive by Décathlon puis en en déclinant le concept sur internet, l’enseigne a compris qu’il fallait repositionner l’humain au centre de leurs actions. Décathlon n’applique pas linéairement la méthode, mais il l’ont adapté à leur problématique et y ont répondu en faisant intervenir différentes parties prenantes du début à la fin. le service design thinking permet de rendre l’image de la marque dynamique et surtout en lien avec ses valeurs. Il devient donc un atout pour les marques qui souhaite innover en permanence tout en restant en accord avec leur positionnement.

Le service design thinking peut donc se destiner à tout types d’entreprises, car cette méthode est une méthodologie, une façon de raisonner pour reformuler les besoins et mieux y répondre. De ce fait, le besoin peut venir de n’importe qu’elle partie de l’entreprise. Il peut s’agir d’un besoin pour mieux manager un projet, ou encore du client qui souhaite un service client plus efficace. Il devient donc un atout pour les marques qui souhaite innover en permanence via tout en restant en accord avec leur positionnement.

Traduit de l’anglais : Service design thinking helps to innovate (create new) or improve (existing) services to make them more useful, usable, desirable for client and efficient as well as effective for organisations. It is a new holistic, multi-disciplinary, intergrative field, This is Service Design Thinking (2011)

Lievens, G (2018), Oorace imagine la relation client du futur pour Alive by Decathlon (en ligne), Ecommerce Nation. Disponible sur : https://www.ecommerce-nation.fr/oorace-imagine-la-relationclient-du-futur-pour-alive-by-decathlon/

Stickdorn, M. and Schneider, J. (2011). This is service design thinking. Amsterdam, The Netherlands: BIS Publishers.

Traduit de l’anglais : « Although design processes are in reality nonlinear, its possible to articulate an outline structure. It is important to understand that stucture is iterative in its approach » , Stickdorn, M. and Schneider, J. (2011). This is service design thinking. Page 125, Amsterdam, The Netherlands: BIS Publishers.

Lievens, G. and Lievens, G. (2018). Oorace imagine la relation client du futur pour Alive by Décathlon . [online] ECN | E-commerce Nation. Available at: https://www.ecommercenation. fr/oorace-imagine-la-relation-client-du-futur-pour-alive-by-decathlon

La Réclame. (2018), Le branding est-il dissociable de l’expérience ? (en ligne) Disponible sur : https://lareclame.fr/zakka-interview-minute-antoine-lesec-186207