110 millions d’euros. C’est le montant record de la facture délivré à Bein Sport, TF1 et M6, pour la diffusion des matches de l’EURO 2016 [1]. À elle seule, la chaine qatarienne Bein Sport a payé plus de la moitié de cette somme, s’élevant à 60 millions d’euros pour diffuser l’intégralité des matches de l’épreuve. Par rapport aux éditions précédentes, à savoir celle de 2012 et celle de 2008, le montant de la facture pour une diffusion intégrale est en augmentation constante d’environ 5 millions d’euros supplémentaires. Cela représente donc bien l’enjeu qui se tramait autour de la compétition, et les retombées qu’elle a engendrées.
Avant de se plonger dans les stratégies employées au niveau national ainsi qu’un niveau local, il est nécessaire d’en connaître un peu plus sur cette compétition, son organisateur, et la manière dont elle est devenue un évènement médiatique.
L’EURO de football, également appelé Championnat d’Europe de football, est une compétition de football masculin organisé par l’Union des Associations Européennes de Football (UEFA). Cette instance regroupe et représente les principales fédérations de football d’Europe.
Si l’idée d’une compétition entre Nations Européennes est née en 1927 de l’esprit d’Henri Delaunay, alors secrétaire général de la Fédération Française de Football, le projet n’a pas abouti pas du fait de l’absence d’une instance Européenne organisatrice. Il a donc fallu attendre l’année 1954 et la création de l’UEFA pour voir le projet être sérieusement étudié. La compétition a été lancée en 1960, pour revenir à raison d’un cycle de quatre ans. Les premières éditions se sont déroulées avec certaines difficultés, et ont été mises à mal par les conflits politiques de l’époque [2]. Les éditions suivantes se sont déroulées sans encombre.
À partir de 1968, les derniers matches de la compétitions, appelés phase finale, ont été organisés dans un pays donné. Lors de l’édition de 1980, le lieu de cette dernière étape de la compétition était défini à l’avance et n’était plus influencé par les résultats lors de l’éditions précédente. Aujourd’hui, le pays organisateur est défini parmi plusieurs dossiers de candidatures, déposés au moins cinq ans avant la compétition.
Accueillir l’EURO, un coût pour les collectivités
Le 28 mai 2010, l’UEFA a décidé de confier l’organisation de l’EURO 2016 à la France. Le projet Français regroupait à l’origine 12 stades : le Stade Pierre Mauroy de Lille, le Stade Bolleart de Lens, le Parc des Princes de Paris, le Stade de France de Saint-Denis, le Groupama Stadium de Lyon, le Stade Geoffroy-Guichard de Saint-Étienne, le Stadium de Toulouse, le Matmut Atlantique de Bordeaux, l’Orange Vélodrome de Marseille, l’Allianz Riviera de Nice, le Stade Marcel Picot de Nancy ainsi que le Stade de La Meinau de Strasbourg. Ces deux dernières villes ont finalement été contraintes, faute de fonds, de retirer leur candidature. Les coûts de rénovation étaient trop élevés pour les collectivités. Les chiffres annoncés par les autres villes candidates ont donné raison à Nancy et Strasbourg. Le Stadium de Toulouse n’a subi que des rénovations à hauteur de 35 millions d’euros, projet le moins cher de l’organisation [3].
À titre de comparaison, le projet du Groupama Stadium de Lyon fut le plus coûteux : le stade a entièrement été conçu, pour la somme de 405 millions d’euros. Le coût des travaux relatifs aux stades de l’EURO 2016 s’est élevé à 1,64 milliards d’euros. 62% de cette somme provenaient d’investissements privés, tandis que les 38% restant venaient d’un investissement public. Le choix des villes hôtes de l’EURO 2016 en France a aussi été influencé par le flux touristique habituel. Paris, capitale et symbole incontournable pouvait également mettre en avant sa capacité d’accueil des touristes qui faisait d’elle la ville la plus visitée du monde en 2012 : 15,1 millions de voyageurs, devant Londres, 14,6 millions, et New-York, 9,5 millions [8]. Marseille était également une ville touristique forte, dont les infrastructures ont évolué pour assumer le statut de « Capitale Européenne de la Culture » en 2013. Nice possédait le troisième aéroport Français en termes de trafic de passagers, avec 11,5 millions de voyageurs en 2013, derrière Paris-Charles-de-Gaulle (62 millions) et Paris-Orly (28,2 millions).
Un investissement intéressant
Les collectivités qui se sont lancées dans le challenge d’accueil de l’EURO 2016 pouvaient assurément se le permettre financièrement. Mais elles ont aussi su tirer les leçons de l’édition précédent du Championnat d’Europe des Nations, co-organisé en 2012 par la Pologne et l’Ukraine.
Ces observations ont d’abord pu être tirée d’un rapport publié par la banque néerlandaise ABN Amro, le 29 mai 2012 [4]. Ce rapport est venu conclure la longue étude de la banque des Pays-Bas, lors de laquelle les économistes de l’entreprise ont établi des pronostics sur l’impact économique pour la zone euro d’une victoire emportée par l’un des pays où circule la monnaie unique. Selon eux, une victoire de la France s’avérait être le meilleur scénario pour requinquer la confiance des investisseurs [5]. Quoi qu’il en soit et quel que soit le vainqueur final de la compétition, il devait y avoir deux gagnants : les pays organisateurs.
En 2007, l’UEFA a aussi choisi d’attribuer l’organisation de la compétition à l’Ukraine et la Pologne afin de relancer l’investissement de ces deux pays émergents. Capital Economics, cabinet d’étude britannique, a révélé après la compétition que la Pologne avait investi l’équivalent d’1,3% de son PIB dans l’EURO 2012, soit 25 milliards d’euros [7]. Déjà prévus pour les années à venir, le gouvernement Polonais a décidé d’accélérer les dossiers de mise à niveau des infrastructures, la compétition servant de vecteurs à cela. Ainsi, les transports se sont considérablement développés en Pologne avant l’année 2012 : 1 000 kilomètres d’autoroutes, 2 000 kilomètres de voies express et 600 kilomètres de voies ferrées ont été construits ou mis à niveau. Les aéroports de Varsovie, Gdansk, Poznan et Wroclaw ont également été modernisés. Côté transports en communs, 100 nouveaux bus, 193 tramways et 13 trains de banlieue ont été mis en circulation. Pendant le mois de compétition, la Pologne a accueilli près de 800 000 touristes, dont les retombées économiques ont été évaluées à 6,5 milliards d’euros pour le pays [6].
L’expérience en guise de base de travail
En France, l’EURO 2016 a demandé un investissement plus nuancé, dans la mesure ou les réseaux de transport étaient déjà de haute qualité. À l’image du Stade de France à Saint-Denis, construit pour à l’occasion de l’organisation du Mondial 2018, les projets de construction des infrastructures ont vu le jour après une approche méthodique délivrant un budget bien réparti selon les besoins. Dans l’exemple du Stade de France, 610 millions d’euros ont été investis dans les années 90. La moitié était destiné à la construction du stade en lui-même, l’autre moitié à l’aménagement de l’environnement urbain environnant, à l’origine une friche industrielle. Ainsi, les programmes immobiliers de 125 000 m2 ont permis la création de logements, de bureaux, de sièges sociaux d’entreprises et d’organismes publics. Un centre des congrès, un cinéma, un auditorium et des galeries commerciales ont complété l’installation d’équipements culturels et sportifs de proximité dans un secteur plurifonctionnel proche de Paris. Pour faire de l’après-EURO 2016 une réussite en France, chacune des villes organisatrices a mis en avant ces spécificités dans les projets de développement.
À Lille, le Stade Pierre-Mauroy construit sur la commune de Villeneuve-d’Ascq a été conçu selon les besoins de la Ville : cette infrastructure a été élaborée pour accueillir différents évènements et devait donc pouvoir modifier sa configuration selon les besoins. Il possède notamment la spécificité d’avoir un toit amovible, permettant de faire face au conditions météorologiques. Sa position géographique, sur une commune limitrophe de Lille, a engendré l’agrandissement et la modernisation du réseau de transport déjà présent : aujourd’hui, cela permet une meilleure liaison entre le centre-ville et les universités.
À Nice, la nouvelle infrastructure est au centre d’un projet global sur plus de 30 ans : l’Éco-Vallée de la Plaine du Var. La construction du nouveau stade de l’Olympique Gymaste Club de Nice, situé dans un espace peu structuré marqué par la présence d’exploitations agricoles, d’usines et de friches industrielles, devait redonner sens à cet espace. Îlots d’habitation, galeries marchandes, plate-forme logistique agroalimentaire, centre d’affaires et parc des expositions étaient compris dans un projet destiné à créer 50 000 emplois et 4 400 logements.
Le choix du naming
L’EURO 2016 est une conséquence de l’accélération de la mise à niveau des infrastructures sportives de clubs de football en France. En termes de marketing, il n’est donc pas aberrant de dire que le naming des stades de football en France tient d’une part de responsabilité de l’organisation de la compétition pour le pays. Parmi les dix stades utilisés durant le tournoi, quatre bénéficie aujourd’hui d’un naming, cette pratique spécifique de sponsoring qui consiste à donner le nom d’une marque ou d’une société marraine à une enceinte sportive. Les durées de contrat avec ces sponsors oscillent en général entre 10 et 30 ans. Ces quatre infrastructures sont le Groupama Stadium de Lyon, le Matmut Atlantique de Bordeaux, l’OrangeVélodrome de Marseille et l’Allianz Riviera de Nice. Ces quatre nouveaux noms sont très représentatifs de l’époque dans laquelle nous vivons : trois assureurs et un opérateur téléphonique. Cette bataille des assureurs rappelle sans conteste celle que se livraient dans les années 1970 les stations de radio nationale. Le FC Nantes affichait les couleurs d’Europe 1 sur la face avant, de même que RMC chez l’AS Monaco ou RTL au Paris Saint-Germain.
En 2012, Allianz, déjà parrain du stade du Bayern Munich en Allemagne (Allianz Arena), a choisi d’apposer son nom au nouveau stade de Nice (Allianz Riviera), pour la somme d’environ 1,8 millions d’euros par an. En 2015, Matmut et Groupama ont respectivement jeter leur dévolu sur les stades de Bordeaux (Matmut-Atlantique, 3,8 millions d’euros annuels) et Lyon (Groupama Stadium, 6 millions d’euros annuels), avant qu’Orange n’en fasse autant en 2017 à Marseille (Orange Vélodrome, 2,7 millions d’euros annuels)[10]. La somme plus élevée entre Groupama et l’Olympique Lyonnais s’explique par une stratégie pour laquelle l’assureur a souhaité s’inscrire dans les principaux piliers du club : le stade n’est que la partie la plus exposée de l’iceberg, puisque les centres d’entrainement et de formation, inaugurés en 2016, portent désormais le nom de Groupama OL Training Center et Groupama OL Academy. L’assureur justifie cet investissement par la volonté de s’ancrer sur le territoire Rhône-Alpes – Auvergne, consistant à accompagner les initiatives sportives, culturelles et économiques porteuse de performance [9]. Si Groupama affiche ainsi un objectif clair d’image et de notoriété envers le grand public, celui d’élargir et de dynamiser sa relation avec les professionnels n’est pas un secret. Pour cela, l’assureur possède des locaux très haut de gamme pour travailler en BtoC, notamment dans le Groupama Stadium.
La pose des enseignes lumineuses a débuté ! #GroupamaStadium pic.twitter.com/i2J4EmdFcU
— Groupama Stadium (@GroupamaStadium) September 29, 2017
Les villes limitrophes aussi concernées
Les projets de stades sont donc pérennes pour les collectivités accueillant des matches de l’EURO 2016. À 160 kilomètres de Lyon et 140 kilomètres de Saint-Étienne, une ville qui n’accueillait pas de match de la compétition a pourtant pleinement vécu et profiter de la compétition. Il s’agit de la ville de Vichy, dans l’Allier. Désireuse de changer son image de ville à la population vieillissante, la collectivité a décidé de jouer sa carte à fond pour l’évènement continental et donc international. L’implication de la Ville de Vichy n’est pas tombée comme un cheveu sur la soupe : le rapport au sport y est inscrit depuis de nombreuses années déjà, en particulier avec le football. L’équipe de football d’Arsenal en Angleterre, celle de l’AEK Athènes en Grèce, de Lens, du Paris Saint-Germain en basketball, ou encore des équipes de France masculine et féminine du même sport ont effectué des stages de préparations dans les infrastructures dont disposent la Ville de Vichy. D’autres sportifs comme les multiples champions olympiques Michael Phelps et Ryan Lochte y ont également préparé les Jeux de Londres en 2012. Cette même collectivité pouvait se targuer d’avoir organiser des compétitions de renommée internationale comme un Ironman, un championnat du monde d’aviron, de parachutisme, de ski nautique, de jetski ou encore de wake-board.
Autant de référence qui ont su convaincre la délégation Slovaque de football de prendre ses quartiers à Vichy dans le cadre la participation de l’équipe nationale à l’EURO 2016. La ville faisait en effet partie des 66 cités candidates choisies par les organisateurs de la compétition pour accueillir une délégation étrangère. Elle avait ensuite été short-listée parmi 24 villes autorisées à devenir « camp de base » d’une sélection de football. La municipalité a tout fait pour que la délégation slovaque évolue dans des conditions idéales : un mois avant le début de la compétition, la pelouse du camp d’entrainement a entièrement été changée, un coût qui peut rapidement s’élever à plusieurs centaines de milliers d’euros. Claude Malhuret, maire de la ville, a justifié cet investissement : « C’est avant tout la mise niveau pour une compétition européenne des équipements sportifs essentiellement sur le stade Darragon mais aussi au stade omnisport où il faut qu’il y ait un autre terrain d’entraînement qui soit parfait. Cet investissement est important mais il est pérenne. De toute façon tôt ou tard, il aurait fallu qu’on remette à niveau nos équipements. »
[Photos] Euro 2016 : les Slovaques ont pris leurs marques à Vichy https://t.co/FcPBcRrPIO #EURO2016 pic.twitter.com/fFev2dfPTR
— La Montagne (@lamontagne_fr) May 7, 2016
En matière de communication, la ville de Vichy a multiplié les actions. Elle a d’abord choisi de faire participer l’éducation à cet évènement : en effet, les professeurs de l’École de Musique ce sont accordés pour faire jouer à leurs élèves l’hymne national Slovaque lors de l’arrivée de la délégation. La Médiathèque, espace universitaire central autour de l’éducation, s’est doté d’ouvrages spécialisés dans le football mais également dans la Slovaquie, retraçant l’histoire du pays et sa culture.
La Ville de Vichy a aussi décidé de cibler les touristes slovaques venus supporter leur équipe. Elle a créé une plateforme en ligne, ou le slovaque est la langue principale. Elle a ainsi pu les informer sur du contenu vis-à-vis de leur équipe, mais aussi et surtout sur les activités à Vichy et aux alentours, en des termes sportifs mais aussi culturels ou de détente.
La fan-zone, véritable marketplace physique
Chaque ville organisatrice a pu jouir d’une fan-zone, cet espace destiné à rassembler la foule devant un écran géant diffusant en direct. Si le cahier des charges distribué par l’UEFA est très précis et exigeant, notamment en termes de sécurité, les villes sont libres quant aux choix des animations ainsi que de leur gratuité. Afin de promouvoir ces espaces festifs, certaines villes ont décidé de mettre en place des manifestations en dehors du mois de compétition. Ainsi, la ville de Paris a instauré deux séries de concert avant la compétition, avec notamment la venue de la superstar David Guetta : un moyen exceptionnel de créer un engouement avant même le début des festivités de football.
La généralisation de ce concept de fan-zones est née après l’EURO 2004, durant lequel l’UEFA avait mis en place la première fan-zone, à Lisbonne. La ferveur prend véritablement lors de la Coupe du Monde 2006 en Allemagne : un espace est dédié à chaque ville organisatrice, et les retombées plus qu’encourageantes. Près de 20 millions de personnes s’y pressent durant la compétition dont 9 millions dans la seule fan-zone de Berlin. Lors de chaque compétition internationale, l’organisation réitère. Aujourd’hui, avec l’exemple de la fan-zone de Paris située sur le Champ de Mars lors de l’EURO 2016, les fan-zones sont de véritables marketplaces physiques. Les visiteurs peuvent tout d’abord satisfaire leurs besoins physiques : des toilettes sont évidemment mis à disposition, mais ils peuvent aussi se désaltérer et se rassasier. Cela fait donc un premier mode de consommation qui ne n’échappe à aucun visiteur. Pour faire vivre ces lieux en dehors des 90 minutes que représentent le temps d’un match, ont été installés des animations sportives gratuites : football européen, beach soccer (vu à Nice), ou autres tirs de pénalty pendant lesquelles les visiteurs dépensent de l’énergie avant de dépenser de l’argent dans les ravitaillements. D’autres activités, payantes cette fois, offrent de nouvelles possibilités de consommation : à Nice, il a été mis en place une piscine, un terrain de bubble-football, ou encore un de baby-foot humain. Des stands d’activités moins physiques ont également vu le jour : animations digitales et culturelles étaient proposées, que cela concerne les jeux-vidéos ou la mise à disposition d’ouvrage retraçant l’histoires des pays participants à la compétition et leur culture.
Il y a tout juste 1 an nous ouvrions la #FanZone de Lille! 430 000 visiteurs y ont suivi les matchs de #Euro2016 pic.twitter.com/lz2yZT8AHB
— Tristan Delafosse (@DelafosseT) June 10, 2017
Un nouveau lieu de consommation donc né ces dernières années : bien que ponctuel, il offre des retombées économiques extraordinaire. À Saint-Étienne par exemple, la collectivité a engagé 2,6 millions d’euros dans l’organisation. Le maire de la ville, Gaël Perdriau, a annoncé après la compétition un retour sur investissement tenant un rapport de 17. Ce sont en effet près de 45 millions d’euros qui ont été dépensé par les visiteurs sur les lieux des festivités.
Un nouvel espace de communication
Si les fan-zones de l’EURO 2016 ont créé un fabuleux espace de marketing, elles n’en étaient pas moins un nouveau lieu de communication incontournable pour les acteurs de la compétition. La sécurité, priorité absolue des organisateurs, est même devenue un atout pour les marques : à Paris comme ailleurs, les 130 000 m2de la fan-zone ont été parqués à l’aide de murs infranchissables. Autant de centaines de mètres de murs qui ont été décorés, à l’intérieur comme à l’extérieur, aux couleurs de la compétition mais aussi par les marques qui ont acheté les espaces vendus. Le nouvel espace créé, le plus symbolique, reste peut-être la bordure de l’écran géant principal du Champs de Mars de Paris. Avec un écran principal de 420 m2, ce sont 1161 m2de bordure qui ont offert un espace visuel hors du commun pour les marques. La taille de cet espace ne parait qu’anecdotique quand on prend conscience de son exposition : durant la compétition, plusieurs millions de personnes ont eu les yeux rivés sur l’écran pendant des centaines heures de retransmission. Une aubaine pour les marques.
Les organisateurs de la compétition ont défini au préalable dix partenaires globaux, qui ont bénéficié des droits de sponsoring portant en réalité sur la plupart des compétitions pour équipes nationales de l’UEFA. Six autres partenaires, dits « nationaux » car limités au territoire du pays organisateur, ont disposé des droits de sponsoring pour l’EURO 2016.
Parmi les partenaires globaux, Adidas s’est positionné comme le partenaire majeur. Partenaire de longue date, Adidas est l’équipementier de la compétition : c’est donc la marque aux trois bandes qui a dévoilé l’un des objets phares de la compétition, le très attendu ballon officiel. Puisqu’elle en est l’auteur, la marque a été autorisée à commercialiser elle-même ces ballons officiels de matches au grand public [11]. Elle s’est également vu offrir des droits en matière de vente de détail d’articles de sport en relation avec le championnat d’Europe de football. C’est aussi elle qui a approvisionné en produits et notamment l’équipement du personnel, les officiels, les arbitres et les bénévoles de la compétition. Dans sa quête de s’adresser au jeune public, Adidas a reçu les droits de déterminer via des jeux concours, les jeunes ramasseurs de balles au bord des terrains pour les matches et de les équiper en conséquence.
Le ballon officiel de l’EURO 2016, baptisé « Beau jeu », a justement établi un chiffre de vente record. L’équipementier Allemand avait annoncé pendant la compétition en avoir vendu près de 7 millions dans le monde, un chiffre jamais atteint lors des précédentes compétitions [12]. Ceci lui a également permis de faire tomber un autre record : celui de son chiffre d’affaires associé au football. En 2016, Adidas est resté leader du marché du ballon rond avec près de 2,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires : une progression de 300 millions d’euros par rapport à l’année précédente, lui permettant de conserver son avance sur le géant Nike. Une performance qui s’est aussi expliquée par la vente de maillots de football : Adidas était en 2016 (et l’est toujours) l’équipementier de nation comme l’Espagne, double tenante du titre de la compétition, et l’Allemagne, championne du monde en titre. Là encore, un record est tombé : 1,3 million de maillot de la sélection Allemande vendus.
Une stratégie atypique
Pour couvrir l’évènement de la manière la plus efficace possible, Adidas a décidé de changer sa configuration de travail durant les 30 jours de compétition, afin de remplir l’objectif publiquement affiché : être la marque la plus partagée sur les réseaux sociaux tout au long du tournoi. C’est donc surtout sur le plan digital qu’Adidas a momentanément révolutionné ses habitudes de travail. La marque s’est associée à l’agence de marketing digital iProspect, et a provisoirement délocalisé ses équipes à Paris. La mission principale était de proposer un contenu original et pertinent en temps réel sur les principales plate-formes sociales comme Facebook, Twitter et Instagram. Ainsi, les socials strategists de iProspect et les community managers, digital analysts et RP/influence d’Adidas ont fait équipe commune pour suivre les données créées par chaque post et orienter la stratégie en temps réel. Cette approche intégrée a permis de décider efficacement et rapidement des contenus à soutenir en média, de la personnalisation des ciblages ou encore du choix des plateformes à activer pour maximiser la performance des communications Adidas.
Un écrin de rêve créé pour lancer l'#EURO2016.
Découvre la FUTURE ARENA : https://t.co/yAIQnEJtEX#BeTheDifference pic.twitter.com/hPdvc5zRAv— adidas France (@adidasFR) November 13, 2015
Benoit Ménard, Director Managing Editor chez Adidas, a comparé cette configuration comme un véritable laboratoire : « Ce dispositif marque/agence nous a permis d’appliquer une stratégie test and learn efficace, afin d’optimiser nos actions durant toute la compétition et atteindre notre objectif. ». De son côté, le Directeur Social Media de iProspect, Ismael Semani, était tout aussi satisfait de cette collaboration : « La collaboration étroite entre adidas et iProspect est un exemple parfait d’un dispositif véritablement agile, pensé pour tirer le meilleur des plateformes sociales. Les résultats démontrent l’intérêt pour les marques de réfléchir à des modèles d’organisation spécifiquement adaptés au marketing digital. ».
Les chiffres leur donnent raison. Sur le temps de la compétition, Adidas a obtenu plus de 500 000 engagements sur ses contenus publiés. Ses vidéos ont été vues près de 10,9 millions de fois.
Les célébrités, des marques à part entière
Si les plus grandes marques qui partagent les valeurs de l’EURO 2016 ont fait de la compétition un formidable atout de communication et de marketing, les célébrités n’en sont pas moins restées indifférentes. Et qui de mieux que l’un des joueurs du tournoi, qui plus est vainqueur de la compétition, pour illustrer ce propos. Avec 122 millions d’abonnés sur Facebook, 72,8 millions sur Twitter et 125 millions sur Instagram, Cristiano Ronaldo est sans conteste la célébrité sportive la plus suivie. C’est d’ailleurs sur ce réseau social que le Portugais a battu le record de « likes », détrônant la chanteuse Beyoncé, le 12 novembre 2017 en postant un cliché recevant plus de 11,3 millions de likes.
L’activité de Cristiano Ronaldo sur Instagram a été scrutée de près lors du Championnat d’Europe des Nations en 2016. Le ballon rond est très plébiscité sur ce réseau : parmi les 100 comptes les plus suivis dans le monde, 1 sur 5représente de près ou de loin une activité liée au football[13]. L’attaquant vedette du Real Madrid s’est servi d’Instagram pour accroitre encore sa communauté. Il a été intéressant d’observer l’évolution de sa communication tout au long de la compétition, puisque son équipe nationale est allée au bout.
Tout n’avait pourtant pas bien commencé pour le Portugal en juin 2016. Sans l’ombre d’une victoire pendant les phases de poules, la nation ibérique a été très critiquée et son capitaine avec. Il a été le joueur le plus mentionné sur cette phase de groupe, avec un total de 380 000 mentions sur les médias sociaux, dont 55% de mentions négatives[14]. Sur la totalité de la compétition, « CR7 » a été mentionné plus d’1 million de fois, bien loin devant Antoine Griezmann, deuxième joueur le plus mentionné avec 600 000 mentions.
Parmi les 80 photos publiées par Cristiano sur Instagram pendant la compétition, certaines photos dites commerciales ont mis en avant les produits de sa propre marque, CR7, mais également les produits de ses sponsors, comme Nike. Le cliché le plus performant reste celui de la star célébrant la victoire finale avec le trophée, récoltant plus de 3,6 millions de likes.
Le capitaine de la sélection du Portugal ne compte pas que des équipementiers sportifs parmi ses sponsors. Tag Heuer, fabricant de montre de luxe, en fait aussi parti. Sur une photo publiée avant la finale de la compétition, où la montre occupe un emplacement central au poignet de Cristiano, 26 700 personnes ont apposé un commentaire.
L’EURO 2016 a donc servi de vecteur, en France comme ailleurs, pour dynamiser la communication et le marketing de nombreuses marques, qu’elles soient des équipementiers sportifs, des marques de grande consommation ou encore des personnalités elles-mêmes, qui sont représentatives de la société de consommation suivant les époques. Il est notable que lors de chaque évènement de cette ampleur, la recherche de l’optimisation de ce qui a été fait lors de l’édition précédente est une priorité. Les performances sont décuplées au fil des éditions, en raison de la multiplication des publics qui recherchent toujours plus d’interaction.
Bibliographie
[1] : L’EURO 2016 à prix record, L’Équipe, consulté le 26 octobre 2017, 16h24. https://www.lequipe.fr/Football/Actualites/L-euro-2016-a-prix-record/356277
[2] : L’encyclopédie mondiale du football, par David Globlatt, Éditions Chronosports.
[3] : L’EURO 2016 en chiffres, Les Échos.
https://www.lesechos.fr/infographie/2016-06-07_Euro2016/EURO2016.html
[4] : Le foot, nouvel indicateur macro-économique,par Didier Burg pour La Tribune.
[5] : Rapport de l’étude Soccernomics 2012, par la banque néerlandaise ABN Amro.
[6] : Euro 2012 : quelles retombées pour la Pologne et l’Ukraine ?,par Louis Amar pour L’Express.
[7] : Rapport du Ministère de l’économie de la République de Pologne sur l’impact de l’EURO 2008.
[8] :Dix stades Français pour l’Euro-foot 2016, une occasion d’accéler les projets urbains et l’ouverture internationale, par Jean-Pierre Augustin et Vincent Nicolle.
[9] : Partenariat élargi avec l’Olympique Lyonnais, groupama.fr.
[10] :Infrastructures : la lente percée du « naming » à la française, Le Figaro économie, http://www.lefigaro.fr/societes/2015/09/26/20005-20150926ARTFIG00021-infrastructures-la-lente-percee-du-naming-a-la-francaise.php
[11] : Dossier de presse EUFA EURO 2016, réalisé par l’UEFA EURO 2012 SAS.
https://fr.uefa.com/MultimediaFiles/Download/competitions/Presskits/02/12/30/51/2123051_DOWNLOAD.pdf
[12] :Football : Adidas prévoit une année record grâce à l’EURO 2016, Le Figaro économie, http://www.lefigaro.fr/societes/2016/06/16/20005-20160616ARTFIG00198-football-adidas-prevoit-une-annee-record-grace-a-l-euro-2016.php
[13] :Instagram : comment Cristiano Ronaldo a communiqué pendant l’EURO 2016, Le Journal du Net
[14] :Étude co-réalisée par Sport Market et Synthsio sur les réseaux sociaux pendant l’EURO 2016.