Nous vivons dans une ère où le digital est de plus en plus présent : casques de réalité virtuelle, intelligence artificielle, magasins connectés… tant d’innovations que l’on a parfois du mal à suivre et qui vont pourtant faire partie de notre quotidien dans les années à venir. L’image, elle, est un élément qui a pris une grande place dans notre vie. Nous la retrouvons partout. De plus, l’amélioration de la fonction photographie des derniers smartphones en vente nous pousse à tout vouloir immortaliser. Si elles souhaitent vivre et survivre, les marques de luxe se voient dans l’obligation de passer au digital. La concurrence étant rude, il vaut mieux pour la marque de luxe investir rapidement dans ce domaine afin de ne pas voir ses clients partir chez la concurrence. Créer ainsi un site e-commerce serait pour elle une réelle opportunité : les individus souhaitant de plus en plus d’immédiateté dans leur vie quotidienne (Sawi, 2017), ils pourront alors visualiser et trouver instantanément ce qu’ils recherchent sur le site de la marque sans pour autant perdre du temps dans les magasins. Bien sûr, la marque a plutôt intérêt à insérer sur son site une partie où elle va se présenter et parler d’elle afin de gagner en crédibilité. Elle va ainsi communiquer en créant du brand content. Le terme anglais « brand content » signifie « contenu de marque » stratégique. Articles, photographies, vidéos, tutoriels, reportages, livres, jeux, expositions… toutes sortes de contenus produits par la marque elle-même. Le brand content a fait son apparition il y a un peu plus de 150 ans. Les marques proposaient alors du contenu à leurs consommateurs sous forme de « primes associées à l’achat du produit, destinées à fidéliser les acheteurs et à rendre la marque sympathique » (Bô, 2010, p. 2).

Dans le cadre de cet article, nous allons nous intéresser au brand content créé par les marques de luxe et analyser leur communication afin de répondre à la problématique suivante : comment les marques de luxe arrivent-elles à se différencier les unes des autres en créant du contenu suffisamment pertinent et interpellant afin de fidéliser une jeune communauté ? Dans un premier temps, nous allons étudier le comportement des 18-25 ans sur les réseaux sociaux, puis nous entrerons dans les stratégies de communication digitale des marques de luxe. Nous verrons ainsi comment Louis Vuitton, Chanel, Nina Ricci et pleins d’autres utilisent les différents aspects du brand content afin de créer une communauté engageante et fidèle à la marque.

1. Marques de luxe : à qui s’adressent-elles ?

Si les principaux acheteurs du luxe sont âgés entre 34 et 44 ans (Romain, 2016), ils ne sont pas pour autant la cible principale de la communication des marques de luxe sur le digital. Celles-ci concentrent leurs moyens sur les acheteurs de demain (Frey, 2016) : la génération Y. Nous les appelons aussi les « digital natives ». Nés entre 1978 et 1995, ils ont grandi dans un univers où la technologie était en plein développement. Nous retrouvons aujourd’hui cette génération sur les réseaux sociaux. Des jeunes très actifs et réactifs, qui créent et/ou partagent l’information en un clic. Les marques doivent donc elles aussi être réactives à l’activité de ses utilisateurs, et répondre rapidement à leurs besoins. Elles doivent également veiller à ce qu’un « bad buzz » ne vienne pas salir leur réputation.

Illustration 1 : Louis Vuitton sur Instagram. Post non promotionnel de Louis Vuitton concernant son nouveau sac Lady in Red.

La communication sur les réseaux sociaux est donc une réelle stratégie pour les marques de luxe. Elles cherchent à toucher un jeune public qui seront les acheteurs de demain et créer une communauté qui les suivra partout, tout le temps. Cette génération préfère d’abord pousser « la porte virtuelle de la marque, avant de pouvoir, un jour, s’offrir en vrai des produits lorsqu’il en aura les moyens » (Frey, 2016). Les jeunes présents sur ces réseaux sociaux sont à la recherche d’identification. Ils suivent une marque parce qu’ils se reconnaissent en elle. Ils partagent ses valeurs, son histoire et développent ainsi de l’affection pour elle. Ils aiment cette marque. Si l’on se réfère à la pyramide de Maslow, ils ressentent les besoins d’appartenance et d’estime. Ils veulent que les créateurs de la marque et/ou la communauté à laquelle ils appartiennent les reconnaissent et les apprécient. Ils veulent être vus par ceux qu’ils considèrent comme leurs héros (Briones, 2017, p. 50).

Les marques de luxe jouent donc sur cet aspect et créent un contenu adapté à la génération Y. Par le biais du storytelling, elles vont raconter leur histoire et ainsi toucher leur jeune public. Le storytelling est « l’art de raconter des histoires » (Pélissier, Marti, 2012, p. 11). Les marques vont alors communiquer sur leurs valeurs, une cause qu’elles défendent ou créer un tout autre contenu qui n’est pas en lien avec ses produits. Elle optera alors pour un discours non promotionnel.

Prenons en exemple Louis Vuitton : la marque de maroquinerie et de prêt-à-porter créée en 1854 communique autour de ses valeurs qui sont l’innovation, l’authenticité des produits et les traditions. À travers ses posts, la marque ne fait pas la promotion de ses produits, mais parle de ses racines.

2. La stratégie des marques de luxe

Désormais, nous savons que les marques de luxe ciblent principalement les jeunes. Nous allons nous demander comment les réseaux sociaux ont pu changer leur façon de communiquer. Pour cela, nous allons nous intéresser aux principaux réseaux sociaux suivants : Facebook, Twitter, YouTube, Instagram et Snapchat. Des réseaux qui se veulent essentiellement visuels avec le partage d’images et de vidéos.

2.1 Être visible en multipliant les réseaux.

Le meilleur moyen pour une marque d’être visible sur le web est d’être présente sur un maximum de réseaux sociaux. En s’engageant ainsi, elle va pouvoir toucher une large cible en multipliant les canaux, chaque réseau social disposant de sa propre ligne éditoriale. Une marque ne va pas communiquer de la même façon sur Facebook que sur Twitter par exemple, et elle ne va pas toucher la même cible en publiant sur Twitter et sur Instagram. Elle doit donc déployer une stratégie propre à chacun de ces réseaux. Le but étant pour elle de créer et garder une communauté active sur chaque réseau social. Elle obtiendra ainsi une cible différente sur chacun de ses réseaux et saura par la suite où communiquer suivant la cible qu’elle souhaite toucher. Mais alors comment savoir identifier ses cibles et comment se différencier des autres marques de luxe ?

2.2 Comment se différencier dans le secteur du luxe ?

Pour répondre à la première partie de cette question, il faut savoir que la marque doit être en continuelle analyse des profils de ses abonnés, et ce, sur chacun des réseaux où elle est présente. Elle va alors se poser des questions de type sociodémographique. Qui sont-ils ? Y-a-t-il une majorité de femmes ou d’hommes ? Quel âge ont-ils ? Où vivent-ils ? Quels types de revenus ont-ils ? Elles vont ensuite s’interroger sur leurs différents modes de vie et leurs comportements d’achats. Afin de les aider dans cette recherche très spécifique et pointilleuse, elles vont utiliser ce qui s’appelle le Big Data. Le Big Data est le fait que les entreprises soient confrontées au traitement d’un volume de données (data) de plus en plus considérable. Ces données représentent de forts enjeux marketing et commerciaux et une mauvaise analyse pourrait mener la marque à une énorme perte de chiffre d’affaires. Les marques vont alors récolter de nombreuses données, les analyser et les utiliser afin de se différencier en créant de la valeur en sachant où, quand et comment interagir avec les internautes qui les suivent. Elles personnaliseront leur relation avec le « consom’acteur » et pourront « lier avec lui une relation d’intimité » (Cointot et Eychenne, 2016, p. 90). Être au plus proche de ses abonnés et s’adresser à chacun d’eux est une chose essentielle qui impliquera davantage l’internaute à suivre la marque au quotidien.

Afin de définir son image actuelle et à venir, la marque va réaliser un croisement des données récoltées grâce au Big Data afin d’anticiper les tendances futures en suivant les prescripteurs et les activités concurrentes. Ainsi, elles vont pouvoir prendre le contrôle et créer elles-mêmes les tendances en influençant les prescripteurs ou influenceurs. Il s’agit là de créer l’achat par le besoin en développant le désir chez le consommateur.

3. Communauté et Influenceurs

3.1 La création d’une communauté digitale

Une communauté est définie par le regroupement de plusieurs personnes interagissant entre elles et ayant les mêmes centres d’intérêts, données démographiques ou encore activités professionnelles. Les membres ressentent un sentiment d’appartenance, ce qui favorise leur implication et le partage d’expériences qu’ils ont vécu. Sur les réseaux sociaux, cela se traduit par un groupe de personnes ayant les mêmes centres d’intérêts ou aimant les mêmes personnes comme des stars ou des leaders d’opinion. Tous font partie d’un cercle et partagent les mêmes passions.

Les marques de luxe possèdent une communauté variée. Entre les jeunes dirigeants d’entreprises et les simples étudiants, elles doivent savoir se positionner et communiquer auprès de ces différentes cibles. Ainsi, elles vont adapter leurs moyens de communication et le ton suivant les endroits où elles se trouvent.

En ce qui concerne la génération Y, celle-ci se trouve notamment sur les réseaux sociaux énoncés en introduction de l’article. Nous remarquons que les marques adoptent une attitude de proximité et tiennent un discours non promotionnel, adapté aux jeunes. L’objectif des marques de luxe est de posséder une communauté engagée, qui leur sera fidèle et s’impliquera dans leur quotidien.

3.2 Créer une communauté engagée

Dans son ouvrage, Briones (2016, p. 49) développe l’aspect des communautés engagées. Après quelques autres recherches, nous pouvons dire qu’une communauté engagée correspond à un groupe de personnes qui est actif aux côtés de la marque. Ces individus vont partager le contenu de la marque et répondre présents lorsque celle-ci aura besoin d’eux. Non seulement ils représenteront les valeurs de la marque, mais ils les défendront dans leur vie quotidienne et oseront aller à l’encontre des avis péjoratifs qu’ils entendront.

Pour créer une communauté engagée, la marque de luxe dispose de plusieurs moyens. Tout d’abord, les publications de la marque doivent être en accord avec le réseau social où elle va les poster. Ensuite, la marque doit être la plus créative possible et surprendre ses abonnés avec des posts originaux, colorés et dynamiques, représentant l’identité visuelle de la marque. La proximité est également un élément essentiel. Les internautes ne veulent plus voir d’arguments de vente mais souhaitent s’immiscer dans la vie de la marque de luxe : coulisses d’événements, vie au sein des bâtiments de la marque, usines de fabrication, recettes de cuisine utilisant les produits de la marque… de nombreux points que la marque pourrait aborder dans les stories des différents réseaux sociaux. Le but étant de faire parler de soi et de créer du contenu facilement relayable. Enfin, la marque doit proposer une interaction avec ses abonnés : plus ils se sentiront importants et sollicités par la marque et plus ils s’investiront auprès d’elle.

Les marques doivent donc construire une réelle relation avec leurs cibles afin que celles-ci se sentent importantes à leurs yeux. Burberry l’a bien compris. Cette marque de luxe poste régulièrement différents contenus sur ses réseaux afin d’impliquer ses fans. Cette marque de luxe possède son meilleur taux d’engagement sur Facebook. Grâce à ses publications principalement vidéos autour de plusieurs sujets de son univers, les fans de la marque se sentent forcément visés par les publications. Ils interagissent donc avec elle, donnent leur avis et suivent les indications de la marque lorsqu’elle les invite à consulter un lien.

Après analyse des recherches, nous pouvons constater que les abonnés sont de niveaux différents. La communauté d’une marque va alors se diviser en plusieurs catégories, comportant notamment des fans et des initiés. Dans son œuvre, Briones (2016, p. 50) nous donne une définition précise du fan : le fan est un passant qui, l’espace d’un moment, vous a croisé en vous saluant. Il est susceptible de repasser vous voir par simple curiosité, ou parce que vous l’avez de nouveau sollicité ; il peut même être un de vos concurrents. Ces personnes vont donc s’abonner à la marque et interagir de temps en temps : aimer des publications, les commenter. Il se rendra de temps en temps sur les pages des marques mais ne s’engagera pas pour autant sur chacune des publications.

Du côté de l’initié, Briones (2016, p. 50) nous donne la définition suivante : l’initié s’illustre par un vrai engagement pérenne à la marque, il voit en elle un miroir sublimant, il partage son credo, ses combats réels ou fantasmés. L’initié va donc être à l’affut des moindres fait et gestes de la marque. Il sera toujours à la recherche des nouveautés et voudra tout savoir sur les secrets cachés de son idole. Aux côtés de la marque pour le meilleur et pour le pire, il n’hésitera pas à s’engager afin de défendre la marque dans ses coups durs. Fidèles serviteurs, les initiés souhaitent se rassembler et communiquer ensemble, ainsi qu’avec les créateurs de la marque.

Nous pouvons désormais noter qu’une compétition est présente entre les fans qui restent anonymes et les initiés qui eux sont reconnus par la marque. Le milléniale est déchiré entre le fait de vouloir s’intégrer à un groupe, une communauté et celui d’en être la star. Certains fans sont donc passés du côté de la lumière et sont devenus des initiés prêts à tout.

Nous pouvons alors constater qu’il existe 2 types d’initiés : les earned initiés et les paid initiés. Selon Briones (2016, p. 53), les earned initiés sont des followers gagnés par la marque. Nous pouvons découper ces earned initiés en 3 sous-parties :
1/ Les client fidèles, qui suivent la marque sur tous les réseaux sociaux où elle est présente. Ils ne demandent qu’à être mis en lumière par la marque. Ils font partie de la communauté engagée de la marque ;
2/ Les aspirants initiés eux sont à la recherche de la « reconnaissance bienveillante » de la marque ;
3/ Les employés, qui eux, représentent les ambassadeurs de la marque. Ils ne sont alors plus de « simples employés » mais deviennent de véritables influenceurs. Des petits infiltrés qui côtoient les mêmes réseaux sociaux que la cible de la marque et peuvent ainsi guider les personnes qui les entourent vers celle-ci. Ils incarnent l’image de la marque et la défend en toutes circonstances.

Du côté des paid initiés, ils représentent toutes les personnes ayant été payées par la marque pour parler d’elle. Que cela soit promotionnel ou informatif, ces personnes sont rémunérées de différentes façons : cadeaux, voyages, ou chèques. Nous verrons par la suite quelles sont ces personnes qui ont été recrutées par la marque et le but de cet arrangement.

4. Le cas Instagram

Nous allons désormais analyser plus en détail la stratégie des marques de luxe sur le réseau social Instagram. Il s’agit d’un réseau de partage d’images uniquement, bien qu’il puisse y avoir du texte sur ces images. Les utilisateurs créent ainsi une galerie qui s’organise en trois colonnes sur leur profil. Instagram est donc un moyen de partager des photographies de son quotidien, des choses que l’on aime et que l’on a envie de montrer. Les instagramers vont alors s’abonner les uns les autres en fonction de leur affinité avec la galerie de la personne. Lifestyle, mode, voyage… autant de thèmes abordés par les instagramers qui sont à la conquête des likes. Sur ce réseau social, le taux d’engagement des internautes pour une marque est 10 fois supérieur à celui de Facebook, 54 fois plus quand que celui de Pinterest et 84 fois plus grand que celui sur twitter. Une réelle opportunité pour les marques de partir à la rencontre de sa clientèle actuelle ou de sa cible marketing et nouer une relation avec elle. Chanel a ainsi acquis de nombreux followers rien qu’en créant son compte. Inactive pendant un certain temps, la marque a tout de même dépassé le nombre de followers des concurrents en seulement 1 jour (Lechemia, 2016). Depuis, elle excelle avec plus de 25,5 millions d’abonnés. Chanel a su se différencier en choisissant de poster principalement des vidéos, tandis que ses concurrents ont choisi l’image.

4.1 Une vie faite de fantasmes

Ce réseau est donc un excellent moyen pour créer l’envie auprès des utilisateurs. Grâce aux nouveaux smartphones et leur appareil photo de plus en plus performant (rivalisant ainsi les appareils photo réflex), les utilisateurs arrivent à composer des photos de qualité et colorées dignes des plus grands photographes, se créant ainsi une vie de rêve qui en font fantasmer plus d’un. Les marques utilisent cette technique afin de toucher le levier émotionnel de leur communauté. En créant des visuels toujours plus valorisants et originaux les uns les autres, elles vont attirer de plus en plus de monde dans leur sphère et ainsi susciter l’admiration et le désir (Pinault, 2017). Elles vont également se servir d’instagramers possédant déjà une forte notoriété et de nombreux followers afin d’agrandir leur champ de diffusion. On les appelle les influenceurs.

4.2 Les influenceurs

Les influenceurs sont des personnes, comme dit précédemment, ayant une forte influence sur les gens qui les suivent. Parfois connus via leur chaine YouTube, certains ont simplement une galerie photo extraordinaire sur Instagram et collectionnent les abonnés. Selon une étude menée par le Cabinet L2, 91 % des marques de luxe font appel à des influenceurs pour communiquer (Auber 2017). Ces Maisons vont tout d’abord choisir les influenceurs étant en cohérence avec les valeurs qu’elles défendent et analyser leur communauté. Cette dernière doit être en adéquation avec la cible qu’elles souhaitent toucher. Une fois cela fait, elles vont alors les aborder en leur offrant des voyages ou en envoyant différents échantillons sous forme de cadeaux. Les influenceurs vont alors poster une photo mettant en valeur le produit soit en le portant, soit en le mettant en scène de façon harmonieuse. La marque sera identifiée sur la photo, et parfois nommée dans la description du post ou mentionnée sous forme de hashtags afin de référencer la photo dans différents domaines.

Nous remarquons alors que la communauté de l’influenceur réagira de différentes manières : certains vont simplement « aimer » la photo, d’autres la commenter ou identifier d’autres personnes et certains plus curieux vont se rendre sur le compte de la marque afin de visualiser d’autres produits. Ils vont peut-être même s’abonner à la marque avec un objectif futur de passer à l’achat.

Les marques récoltent ainsi des abonnés et leur communauté ne cesse d’augmenter. Certaines réutilisent les photos de leurs influenceurs sur leur propre compte. Ceci permet à la marque un gain de temps (Degrandt, 2017) et d’argent, car cela lui évite de planifier un shooting photo. De plus, elle sait déjà que la photo plaira aux fans étant donné le nombre de likes récoltés sur le compte de l’influenceur.

Mais alors qu’est-ce que l’influenceur peut y gagner à créer du contenu pour la marque ?

Comment vu précédemment, les marques envoient des échantillons. Ceci peut être une forme de rémunération. Ou bien en partie. Les influenceurs les plus célèbres demandent une rémunération supplémentaire en plus des cadeaux envoyés par la marque. Cette rémunération est basée sur le nombre de followers, mais également l’engagement de la communauté sur les différents posts (partages, likes…). Est pris également en compte le domaine dans lequel se trouve la personne influente. Plusieurs mêmes marques peuvent faire des propositions aux influenceurs, qui en profitent alors pour négocier et gonfler leurs prix. La personne influente sera plus apte à négocier si elle utilise déjà le produit de la marque. Ce dernier aspect favorisera l’authenticité et créera de la crédibilité envers les communautés respectives de la marque et de l’influenceur. Ainsi selon Verchère (2018), le prix pour un post Instagram peut atteindre 13.000$ par post pour un influenceur possédant 12,2 millions abonnés et monter jusqu’à 550.000$ par post pour un influenceur ayant 128 millions d’abonnés, comme c’est le cas pour Selena Gomez. En voyant ces sommes parfois très importantes, les marques de luxe revoient leur stratégie et utilisent les services des micro-influenceurs. Ces personnes possédant entre 20 000 et 80 000 followers rassemblent une communauté plus proche et plus engageante. En optant pour cette solution, les marques vont alors pouvoir utiliser de nombreux micro-influenceurs répartis comme elles le souhaitent et toucher une large cible, mais très qualifiée. Ces influenceurs peu connus ne demanderont pas d’autre rémunération que le cadeau fait par la marque qui pourra ainsi faire quelques économies. De plus, sur les réseaux sociaux, 82 % des consommateurs suivent les recommandations d’au moins un micro-influenceur. Un pourcentage élevé qui prouve que les fans suivront davantage un influenceur dont le quotidien leur ressemble, plutôt que des égéries ou mannequins qui leur paraissent inaccessibles.

Après avoir contacté les influenceurs ou micro-influenceurs, les marques de luxe laissent ces derniers communiquer comme ils le souhaitent sur leurs réseaux. Les marques de luxe ne publient pas ou peu de contenu créé par les influenceurs. Elles laissent ces derniers faire leur communication et peuvent ainsi porter un regard extérieur et analyser les avis des consommateurs. Sur leurs propres réseaux sociaux, les marques de luxe communiquent grâce à leurs égéries et mannequins.

Stars dans différents domaines, les marques de luxe vont leur proposer de travailler pour elles et devenir les visages de la marque. Les stars vont alors poser lors de différents shootings photos, tourner dans différentes publicités et ainsi faire profiter la marque de leur notoriété. Gain d’abonnés pour la marque, mais également de visibilité, les plus grands fans de la star voudront s’habiller et posséder les mêmes choses qu’elle. Ils vont alors s’abonner la marque pour suivre les nouveautés et espérer voir apparaitre leur idole. La star, de son côté, va publier sur ses réseaux du contenu en lien avec la marque, montrer les coulisses des tournages en créant des stories et ainsi partager son quotidien. Elle va fournir ce que les abonnés ont envie de voir afin d’attirer de plus en plus de monde et les convertir en fans de la marque de luxe.

5. L’utilisation de Snapchat par les marques de luxe

Snapchat est un réseau social de partage de photos éphémères qui disparaissent au bout de 24 heures. Selon Kantar Média, 150 millions de personnes utilisent ce réseau au quotidien. Parmi eux, 71 % ont moins de 25 ans. Il s’agit donc d’un excellent réseau pour les marques de luxe qui souhaitent cibler une très jeune audience concentrée. Filtres, textes, animations… de nombreuses possibilités sont disponibles pour égayer les photos. Mais alors comment les marques de luxe utilisent ce réseau social dans leur stratégie de communication ?

Tout d’abord, ce réseau permet aux marques de luxe de créer un capital sympathie. Elles vont s’adresser à la cible des 13-25 ans en postant des stories créatives, originales, interactives et en cohérence avec les attentes de l’abonné. Snapchat s’avère donc être un bon moyen pour les marques d’éveiller l’abonné au luxe en général, aux codes d’une maison en particulier, de créer un lien, un désir (Frey, 2016). Seulement, Snapchat est un réseau d’image « brut », c’est-à-dire qu’aucune photo n’est retouchée. Une marque de luxe peut-elle donc se permettre de « perdre » son image haut de gamme en fournissant un contenu de moins bonne qualité ? La marque se doit pourtant de réaliser des photos sur le moment car les internautes s’attendent à de l’instantané, du réel. Dans ces circonstances, l’abonné se moque que la photo ou vidéo soit nette ou floue, colorée ou terne, il veut voir quelque chose de concret, sans paillettes et superflus.

Un autre moyen pour la marque de communiquer par ce réseau est de mettre à disposition des fans un filtre lorsqu’ils prennent une photo. Cette méthode a été lancée en 2015 grâce à la plateforme Discover. Celle-ci repose sur un partenariat entre Snapchat et une marque et lui permet de poster différents filtres utilisables par n’importe quel utilisateur du réseau social, abonné ou non à la marque. Quoi de mieux pour une marque de se faire remarquer et inciter des membres à la suivre.

Nous allons donc étudier quelques marques de luxe qui ont intégré Snapchat dans leur stratégie. La première à s’être emparée de ce réseau fut Burberry en avril 2016. Elle avait alors collaboré avec le réseau social lors d’un défilé en 2015 (Farrugia, 2016). Pour le lancement de son parfum « Mr Burberry », elle a également été la première marque à utiliser les Snapcodes : sous forme de QRcode placés sur les produits des magasins de la marque, l’abonné avait accès à des contenus exclusifs pendant une durée limitée : interview du directeur de campagne, coulisses de la publicité et conseils beauté, le fan savait tous des coulisses de la sortie de ce nouveau parfum (Amar, 2016).

Les marques se sont également mises à utiliser des Snapsales, c’est-à-dire qu’elles mettaient à disposition des abonnés des codes offrant des réductions disponibles pendant une durée limitée. Cette façon de promouvoir les produits reste appréciée car les mobinautes ont l’impression d’être privilégiés par la marque qui leur offre un contenu exclusif et temporaire. Cette forme de contenu parait donc moins intrusive, bien qu’elle soit promotionnelle.

Illustration 2 : L’utilisation de Snapsales par Lacoste. Lacoste dissimule des crocodiles au sein de ses stories Snapchat. Les abonnés doivent alors les retrouver en 24h. URL : http://www.e-marketing.fr/Thematique/social-media-1096/Breves/Lacoste-cache-crocodiles-Snapchat-247862.htm

Sous une autre forme que celle des Snapcodes, certaines marques proposaient une expérience tout à fait différente à leurs fans en créant des stories interactives. Lacoste avait par exemple dissimulé des crocodiles dans ses stories vidéos et les utilisateurs devaient les retrouver durant le temps imparti des 24 heures. Les gagnants remportaient un bon de réduction de 20 % sur leur prochain achat. Quoi de mieux pour la marque que d’inciter les jeunes à participer et ainsi entrer dans la garde-robe du jeune consommateur ? De son coté, Louis Vuitton faisait la promotion sur son site internet de son arrivée sur Snapchat le 6 mai 2015 lors du défilé Croisière 2015-2016. Un évènement qui a été suivi par tous les fans s’étant abonnés au compte Snapchat de la marque.

Depuis un peu plus d’un an, les marques peuvent disposer des publicités entre les stories Snapchat. Un utilisateur regardant la story d’un ami, va ensuite voir un contenu publicitaire d’une marque avant de pouvoir visionner une autre story d’ami. Ce contenu peut être ignoré d’un mouvement de doigt, de droite à gauche. Mais la personne peut également balayer l’écran vers le haut afin d’avoir plus d’informations sur un produit ou une marque. Généralement, le lien renvoie vers une page du site internet de la marque. Louis Vuitton utilise régulièrement cette forme de publicité afin de promouvoir ses sacs et accessoires. Sans texte, la publicité est simplement visuelle et animée de la même manière que sur ces autres réseaux sociaux. Cela permet de la reconnaitre facilement.

Les marques sont donc nombreuses à utiliser Snapchat dans leur stratégie digitale afin de s’adresser à un public très jeune. Il ne faut cependant pas oublier que les 13-25 ans ne sont pas les seuls présents sur ce réseau. Il ne faut donc pas diffuser des contenus trop enfantins sous peine de voir certains abonnés plus âgés disparaitre. Selon une étude d’Emarketer parue en février 2017, il est prévu qu’en 2021, le nombre d’utilisateurs âgé de 25 à 34 ans sera supérieur que celui des 18-24 ans. Les marques vont alors devoir s’adapter à ces personnes et devront peut-être proposer un contenu différent et plus haut de gamme, à la hauteur des nouvelles attentes de leurs abonnés.

6. Comment les marques peuvent rajeunir leurs cibles et acquérir un nouveau public grâce au brand content ?

Un autre réseau social qui a déjà fait ses preuves et qui compte chaque jour de plus en plus d’utilisateurs est YouTube. Ce réseau connu d’un grand nombre de personnes permet le partage de vidéos. De nombreux influenceurs ont d’ailleurs été connus sur cette plateforme. Du côté des marques de luxe, c’est Chanel avec plus de 976 640 abonnés qui est en tête de classement. Depuis mai 2005, la marque publie sur sa chaine de nombreux contenus avec un total de 678 vidéos. En plus de ses spots publicitaires, la maison poste les coulisses des évènements et des tournages des pubs, les secrets de fabrications, des tutoriels de maquillage des égéries et pleins d’autres contenus afin d’attirer et de satisfaire leurs cibles. Chanel a ainsi su conquérir « un nouveau public » et se créer « une nouvelle jeunesse » (Briones, 2016, p. 32). Mercure a également su rajeunir sa cible de clientèle et son image grâce à son contenu « The Six Friends Theory ». Une théorie qui voudrait que seulement 6 personnes nous séparent du reste des habitants dans le monde entier. Les liens se feraient grâce à l’ami, d’un ami, d’un ami… La marque a réalisé un casting mondial sur Facebook afin de trouver un candidat qui partira à la rencontre d’un aborigène à l’autre bout du monde, en Australie. Ce casting a permis un énorme engouement autour de la marque : plus 400 candidatures réceptionnées à travers 29 pays participants. Plus de 50 000 votes au total et la marque a gagné pas moins de 130 000 abonnés sur sa page Facebook (Céline, 2015). Une jeune italienne de 21 ans, Ludovica, a été sélectionnée et est partie dans 6 destinations différentes, en rencontrant dans chacune d’entre elles, l’ami d’un ami. Filmée tout au long de cette aventure, Ludovica réalisait également toutes sortes de photos pendant son voyage qui étaient publiées sur les réseaux de la marque. Le format final fut une web-série de quelques épisodes qui ont été vus plus de mille fois. Mercure a ainsi voulu démontrer qu’il s’agissait d’une marque en accord avec son temps, connectée et innovante. En choisissant une personne comme celle-ci, les internautes ont pu s’identifier facilement à cette jeune fille et ont pu, sans en avoir pleinement conscience, intégrer 6 hôtels Mercure différents. Une sorte d’intrusion de la marque dans l’esprit des internautes qui penseront très certainement à Mercure Hôtel lors de leur prochain voyage…

7. Conclusion

Les marques de luxe concentrent donc leur communication digitale autour d’une jeune cible, futurs acheteurs. Elles créent des contenus créatifs différenciant afin d’interpeller les internautes et les inciter à découvrir leur univers. En réalisant des contenus de marque variés et suscitant le désir, les abonnés à la recherche d’identification s’engageront davantage auprès de la marque qui leur correspond. Pour se différencier, la marque doit faire « vivre une expérience où le produit est central ». Il faut faire rêver le consommateur et lui donner l’impression qu’il est unique, sans quoi, les choses pourraient être « assez plates et peu stimulantes », banales et ne suscitera pas le désir chez le consommateur (Gouleau, 2016).

Les marques doivent donc combiner différents réseaux sociaux qui se ressemblent parfois beaucoup, à commencer par Instagram et Snapchat. L’un complétant l’autre, Snapchat mettra en avant l’instantanéité et la fraicheur tandis qu’Instagram permettra à la marque de garder son image conventionnelle. Du côté de YouTube, la marque de luxe diffusera tous les contenus vidéos qu’elle souhaite partager avec les internautes :  campagnes publicitaires ou reportages, contenus de marque … Il parait intéressant pour la marque d’utiliser cette plateforme comme moyen d’archivage. Ainsi, une grande partie de ses contenus vidéos pourront être facilement retrouvés par l’utilisateur en un rien de temps. Du côté de Facebook, la marque de luxe relayera en grande partie ces articles, évènements et photos.

Bien que les marques de luxe ont su s’approprier le domaine du digital, arriveront-elles à suivre les tendances technologiques qui évoluent de plus en plus vite ? Vont-elles devoir redéfinir leurs cibles et leur stratégie de communication suite à la génération Z qui commence à investir les réseaux ?  Et qu’en est-il des marques de distribution ?  Sont-elles aussi efficaces sur les réseaux sociaux ? Les réponses à ces deux dernières questions se trouveront dans mon prochain article : brand content et marques de distribution, comment créent-elles une valeur ajoutée sur les réseaux sociaux ?


Table des illustrations

Titre : Illustration 1 : Louis Vuitton sur Instagram
Légende : Post non promotionnel de Louis Vuitton concernant son nouveau sac Lady in Red.
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Titre : Illustration 2 : L’utilisation de Snapsales par Lacoste
Légende : Lacoste dissimule des crocodiles au sein de ses stories Snapchat. Les abonnés doivent alors les retrouver en 24h.
URL :  http://www.e-marketing.fr/Thematique/social-media-1096/Breves/Lacoste-cache-crocodiles-Snapchat-247862.htm
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Bibliographie 

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AUBER, Pierrick, (2017), [En ligne] http://www.zdnet.fr/blogs/watch-it/les-influenceurs-instagram-ont-la-cote-aupres-des-marques-39858436.htm

BÔ, Daniel, (2010) [En ligne] https://fr.slideshare.net/qualiquanti/les-origines-du-brand-content

BRIONES, Éric, Adeline AMIEL DONAT, Géraldine COHEN, Barbara COIGNET, Jean-Charles COINTOT, Manuel DIAZ, Yves EYCHENNE, Alexandra JUBÉ, David KLINGBEL, Pierre-François LE LOUÊT, Laurent MOISSON, Sylvain PALEY, Fred RAILLARD, Samy THUILLIER et Emmanuel VIVIER (2016), Luxe et digital, Stratégie pour une digitalisation singulière du luxe.

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