“La publicité nous manipule, mais elle le fait d’une façon saine et claire puisqu’elle annonce la couleur.” Ce sont les paroles de Christian Branchas, journaliste et présentateur français. Seulement, la publicité et les marques annoncent-elles vraiment la couleur lorsque celles-ci nous vendent un produit ? Les techniques marketing nous manipulent-elles réellement ? Le neuromarketing est utilisé par les marques mais a longtemps aussi été accusé de manipuler les consommateurs. Comment parvient-il à dicter inconsciemment nos choix malgré sa présence au sein d’une société toujours plus attentive quant au consentement et à la vie privée de ses individus ? 

1) Entre non consentement et manipulation

a) En quoi le neuromarketing peut-il nous manipuler ?

Le neuromarketing peut être perçu comme de la manipulation car il s’appuie sur notre inconscient. L’inconscient est une instance psychique que nous ne pouvons contrôler. Nombre de nos comportements sont adoptés de manière inconsciente. Par exemple, lorsque nous faisons des courses, nos achats peuvent être inconscients. Il n’est pas là une question de trouver du sens ou non à un produit mais simplement d’être inconsciemment influencé par l’histoire, le souvenir qu’une marque nous inspire. Certes, ces comportements inconscients peuvent se retrouver lors du processus d’achat, seulement cela n’est pas le seul domaine où l’inconscient influe sur nos prises de décision. Et quand bien même, beaucoup de décisions d’achat sont inconscientes mais pas forcément guidées par le neuromarketing. 

Nous pouvons par exemple évoquer le biais de disponibilité qui correspond au fait que nous nous tournons plus facilement, lorsque nous devons choisir une marque, vers celle qui nous évoque des sensations, des souvenirs… De ce fait, la publicité, les marques en général ont toujours agi sur notre inconscient en usant du principe du biais de disponibilité. En soi, nous avons simplement, avec le neuromarketing, théorisé cette démarche par le biais d’outils et d’études sociologiques et psychologiques.

Mais alors, que représente la manipulation, qu’est ce que ce principe ? Comment se caractérise t-il ? 

b) La manipulation 

«  La manipulation consiste à construire une image du réel qui a l’air d’être réel », selon Philippe Breton, Docteur en psychologie et Docteur d’État en sciences de la communication. 

La manipulation est en psychologie une méthode, une technique ayant pour but d’influencer les choix ou encore la pensée d’une personne. Celle-ci fausse la réalité de sa cible afin de la faire adhérer à ses idées. 

Celle-ci s’exprime la plupart du temps lors de rapports de force, de conflits d’intérêt, elle est enfouie en chacun de nous, elle peut être assimilée à la représentation que l’on a de soi. En effet, lorsque nous manipulons, nous cherchons à trouver un moyen d’obtenir un dû, que celui-ci soit immatériel ou matériel. Aussi, la manipulation peut se développer et grandir au même titre que nous grandissons, par exemple, notre désir de manipuler quelqu’un peut s’avérer plus fort si l’on connait déjà un rapport de force avec ce quelqu’un en question (par exemple en cas de supériorité hiérarchique).

En grande majorité, la manipulation est vue comme néfaste de la part du grand public ; elle est malsaine et négative. 

Dans le domaine du marketing ou de la communication en général, lorsque l’on applique le principe de la manipulation il est aisé de penser que la duperie est proche. C’est en partie pour cela que le neuromarketing est mal perçu par la population. Pour autant, il ne faut pas oublier que la manipulation fait partie intégrante de nos vies, quelquefois celle-ci est inconsciente mais reste bien présente. Elle peut être subtile et peut se cacher derrière différents rapports qui nous semblent sains et surtout communs dans notre société, tels que la séduction, la persuasion.  La manipulation est la base de nos interactions individuelles. C’est la manipulation qui va nous permettre d’établir une vie sociale, des connexions avec autrui et à coopérer par la suite. 

En soi, la manipulation est omniprésente, elle est avant tout au sein de notre société un moyen de persuasion et de conviction. Elle existe depuis toujours dans le commerce ainsi que dans la communication. Il reste important cependant de différencier la manipulation à connotation négative et l’influence à connotation positive et de ne pas tomber dans l’arnaque. 

c) Les avis de la population

Que pense la population du neuromarketing ? Est-ce de la manipulation ou bien une technique marketing novatrice et intéressante qui peut nous influencer? 

Afin de rendre mon article le plus précis possible j’ai réalisé une étude sur 10 personnes (âgées entre 18 et 26 ans). Après avoir expliqué cette technique marketing j’ai procédé à un entretien en posant diverses questions aux participants. 

L’idée était de comprendre le point de vue d’une jeune génération face aux nouvelles techniques marketing dont celle du neuromarketing. 

90% des interrogés m’ont expliqué que, selon eux, l’inconscient agit sur notre prise de décision au moment de l’achat « on se fait influencer inconsciemment et après on se persuade rationnellement qu’on a fait le bon choix ». 

En continuant l’entretien, 90% des interrogés ont souligné le fait que le neuromarketing était une technique manipulatrice « c’est de la manipulation dans le sens où l’on essaye de nous faire acheter le produit sans même que nous soyons d’accord pour le faire. Cela sous-entend que si au moment d’acheter ce produit, nous étions pleinement conscient de ce que nous achetons, nous ne le ferions sûrement pas ». 

Cependant, quelques rares personnes voient le neuromarketing comme une opportunité dans le secteur de la vente : « c’est de la manipulation positive, le but est de vendre ce n’est pas forcément une mauvaise chose ». 

Les avis sont dès lors partagés mais restent tout de même majoritairement réticents envers le neuromarketing, considérant cela comme une forme de manipulation. 

Maintenant que nous avons pu analyser le principe même de la manipulation au sein du neuromarketing et les avis divergeants de la population à son égard, il serait intéressant de se demander en quoi celui-ci n’est nullement une arnaque et n’est pas un frein à notre liberté. 

2) Une vision altérée du neuromarketing 

a) Le neuromarketing n’est pas une arnaque  

Malgré toutes les critiques et dénonciations faites à l’encontre du neuromarketing, celui ci n’est pas pour autant malhonnête. 

Il est une simple technique dérivée du marketing traditionnel. Il utilise en effet divers outils et s’appuie surtout sur la psychologie de l’être humain afin de proposer des produits, services correspondant aux attentes des consommateurs. Mais pourquoi essayer de comprendre l’humain afin de définir au mieux ses besoins serait répréhensible ?

Commercialement parlant, cela est aussi intéressant de savoir par quels moyens satisfaire ses clients. 

En soi, le neuromarketing n’est qu’une technique proposant des outils plus poussés afin d’accompagner le consommateur dans son processus d’achat. Les conséquences du neuromarketing dépendent de la sincérité de l’acteur commercial et du consommateur. 

En effet, les commerçants mal intentionnés n’ont pas forcément besoin du neuromarketing afin d’arriver à leurs fins. Le mensonge, la tromperie, la malhonnêteté ne font pas partie du neuromarketing, mais peuvent être utilisés à l’encontre du consommateur. Cela n’est en aucun cas du neuromarketing, qui est bien plus sécurisé car réellement encadré. 

Le neuromarketing use de mécanismes persuasifs certes, mais cela fait-il de cette technique une technique manipulatrice pour autant ? Cela reviendrait à dire que les tentatives d’un commerçant de mettre en valeur ses produits est aussi une forme de manipulation. 

Il faut comprendre que le neuromarketing n’a pas pour but de manipuler, mais d’anticiper les attentes des consommateurs. Ce sont cependant les humains, qui par le biais de mécanismes de persuasion, peuvent nous manipuler. C’est ce que nous explique Robert Cialdini dans son ouvrage Influence et manipulation. L’auteur y évoque les six mécanismes de persuasion, pouvant s’apparenter à de la manipulation, et comment reconnaître ceux-ci afin de ne pas tomber dans le piège. Dès lors, ce n’est pas forcément de cette technique dont il faut se protéger mais plutôt des hommes malhonnêtes pouvant l’utiliser. 

b) Le libre arbitre 

Dans le cadre de l’écriture de mes articles j’ai interviewé deux professionnels qui m’ont tous les deux permis de mieux comprendre l’être humain, la complexité de son cerveau et son rapport au neuromarketing. Lorsque j’ai évoqué avec eux le côté manipulateur qui pouvait se dégager de cette technique marketing, les deux professionnels ont mis le doigt sur des points importants. 

Véronique Salman, psychanalyste et auteure m’a notamment expliqué la notion du libre arbitre. Le neuromarketing nous sollicite certes, seulement nous restons maître de nos choix et nous ne sommes en aucun cas obligés d’enclencher un processus d’achat. 

Il peut être difficile de ne pas y céder, car le neuromarketing anticipe bien nos besoins et sait comment combler nos désirs, nos attentes. Cependant, c’est notre personne qui va avoir le dernier mot. 

Le fait de céder dépend dès lors de notre force de caractère, de la qualité de conscience que nous avons. C’est en effet sur la qualité de conscience que repose le libre arbitre.

En bref, la décision finale nous appartient. 

Selon Josselin Uhlrich, spécialiste de la pensée humaine, Docteur en sciences cognitives et neurosciences, le neuromarketing n’est pas de la manipulation.

Il a toujours existé et apporte de nouvelles méthodologies et de nouveaux outils permettant de comprendre le client et ses attentes. Il ne change pas pour autant les habitudes du consommateur ni sa manière de consommer. 

Le neuromarketing est une belle avancée pour Josselin Uhlrich qui explique qu’il est important, afin de faire du bon marketing, de cibler ce dont le consommateur a réellement besoin, mais surtout de comprendre le fonctionnement du cerveau humain afin d’évoluer dans une société plus à l’écoute et compréhensive de l’être humain.

En soi, le neuromarketing n’a pas attendu d’être théorisé pour exister, il se trouve en effet au cœur de chaque interaction commerciale. Par exemple, le simple fait de sourire à l’un de vos clients va permettre d’envoyer un signal positif à ceux-ci. Un sourire va dès lors permettre de créer un lien et donc de coopérer afin d’enclencher le processus d’achat.

Aussi, le spécialiste en pensée humaine m’a apporté le même argument que Véronique Salman en m’expliquant que nous conservons toujours notre libre arbitre et que personne ne peut nous forcer à acheter quelque chose dont nous n’avons pas envie. 

Selon Josselin Uhlrich, le neuromarketing a mauvaise presse car il implique une transaction financière, donc une conséquence « palpable » pouvant se transformer en regret ou bien en culpabilité pour l’acheteur.

Nous avons donc pu voir que le neuromarketing n’était pas forcément une technique manipulant le consommateur mais plutôt une technique anticipant les besoins de celui-ci. Aussi, nous conservons toujours notre libre arbitre et nous ne sommes pas obligés d’adhérer à ce que le neuromarketing souhaite nous faire consommer.

Il serait intéressant désormais de se pencher sur l’avenir du neuromarketing ainsi que sur ses futurs enjeux. 

3) L’avenir du neuromarketing

a) Le neuromarketing au sein d’une société en évolution permanente 

Le neuromarketing s’appuie sur la psychologie humaine, il faut dès lors partir du principe que celui-ci ne pourra s’essouffler, il parviendra toujours à faire partie de notre société. En effet, le neuromarketing continuera d’exister tant que l’homme vivra. Seulement cela est un point de vue uniquement scientifique. Nous avons vu lors de cet article que cette technique était discutée et qu’aux yeux d’une majorité de personnes elle était malsaine et intrusive. 

Éthiquement parlant, nous pouvons dès lors nous demander si le neuromarketing ne pourrait pas s’effacer au profit d’une nouvelle technique plus transparente. 

En effet, de nombreux pays ont émis des restrictions quant à cette technique. Notamment la France qui, pour des raisons éthiques, a fortement limité l’usage du neuromarketing. Ainsi, il est interdit dans ce pays d’utiliser à des fins marketing des outils d’imagerie initialement utilisés dans un cadre médical (tels que l’IRM). 

Mais alors, qu’adviendrait-il du neuromarketing si chaque pays bloquait les outils permettant de comprendre le cerveau humain ?

Si cela se produit, le neuromarketing ne mourra pas pour autant. En effet, cela fait des siècles que l’on étudie le cerveau et ses complexités, il y aura dès lors toujours des études permettant de continuer de faire vivre le neuromarketing. 

b) Futurs enjeux 

Quels sont les enjeux du neuromarketing à l’avenir ? 

Nous avons vu que le neuromarketing n’avait pas forcément bonne réputation, je pense dès lors que l’un des principaux enjeux du neuromarketing va être de gagner la confiance du grand public, en étant davantage transparent sur les méthodes utilisées. Cela peut notamment passer par l’accès aux diverses études sur le sujet (souvent inaccessibles au grand public). 

Prenons pour exemple un enjeu mondial, celui du réchauffement climatique. La planète se meurt et vivre au cœur d’une société de surconsommation y contribue. 

Il est dès lors important que le secteur du marketing et donc du neuromarketing prenne en compte cet enjeu et développe par exemple de nouvelles méthodes afin d’être moins destructeur. 

Nous savons que l’essence même du neuromarketing est de vendre, la vente nourrit une société de surconsommation qui est dès lors un risque pour la nature. Cependant le neuromarketing peut aussi faire en sorte d’aider à son échelle, par exemple en se mettant au service de la cause environnementale, par le biais des diverses techniques de persuasion.

Pour conclure, nous avons pu voir que le neuromarketing était une technique extrêmement discutée par le grand public, qui l’accuse de le manipuler inconsciemment, en l’absence de son consentement. Seulement, après avoir analysé le principe de manipulation, et le fait que celle-ci faisait partie intégrante de nos vies, nous avons compris que le neuromarketing ne manipulait pas de manière malsaine mais influençait en anticipant nos besoins.

Nous avons aussi vu que tout était une question de libre arbitre, et que c’était notre force de caractère qui nous permettait de décider ou non de céder au neuromarketing. Enfin, nous avons vu que le neuromarketing continuera de se développer au sein d’une société en constante évolution et pourra peut être se rendre utile dans différents domaines. 

Je conclurai avec cette citation de Andrea Fryrear, entrepreneuse dans le domaine du marketing et du management et auteure, « Notre travail n’est pas de créer du contenu. Notre travail est de changer le monde des gens qui le consomment. »

Sources :

1) Bibliographie 

  • Décodez la persuasion de Christophe Morin et Patrick Renvoise – octobre 2019
  • Influence et manipulation de Robert Cialdini- (première publication 1984)-2014

2) Webographie 

3) Interviews

  • Véronique Salman : psychanalyste et auteure – décembre 2022
  • Josselin Uhlrich : Docteur en sciences cognitives, spécialiste pensée humaine – mai 2023
  • Étude qualitative réalisée auprès de 10 personnes.

4) Vidéos 

  • Neuromarketing : le secret des décisions/ strategemarketing – 2018
  • Neuromarketing et ses secrets/ strategemarketing – 2019
  • Neuromarketing : votre cerveau les intéresse/ Cash investigation – 2016