6300. En 2017, Le Tour de France a été diffusé à la télévision pendant près de 6 300 heures, le tout sur 100 chaines dont 60 en direct, sur les écrans de 190 pays différents [1]. Évidemment, au-delà d’être le grand évènement annuel incontournable du cyclisme, il est aussi l’un des plus suivis dans le monde entier. Derrière les Jeux Olympiques d’Été et la Coupe Du Monde de football, qui profitent de leur apparition tous les quatre ans, Le Tour de France, bien qu’annuel, se positionne comme le troisième évènement planétaire le plus suivis, avec 3,5 milliards de téléspectateurs l’an dernier [2].

Amaury Sport Organisation, référence en termes d’évènementiel sportif en France, est l’organisateur de la course depuis le mois de mai 1965. L’agence fait partie du groupe de presse Amaury, qui possède également le journal L’Équipe, incontournable de la presse sportive Française.

Sous son format actuel, Le Tour de France est une course de 23 jours, comportant 21 étapes sur près de 3500 kilomètres. Si les récompenses les plus prestigieuses sont individuelles, la compétition se court par équipe : une vingtaine de formations de 9 coureurs prennent le départ lors du premier jour de course.

La genèse du Tour de France est venue d’une idée du journaliste de L’Auto Géo Lefèvre [3].  Afin de concurrencer un autre journal consacré au vélo (Le Vélo), la rédaction de L’Auto s’est lancée dans l’organisation de cette compétition dans un but majeur : vendre toujours plus. Le Tour de France était donc un pur outil de communication et de marketing.

Lors de la première édition, il a rassemblé entre 200 000 et 300 000 spectateurs venus observer les coureurs. Si la ferveur n’était pas celle que l’on connait aujourd’hui chaque été au bord des routes de France, le succès de cette opération pour L’Auto n’en est pas moins resté considérable : le journal, qui vendait en moyenne 30 000 exemplaires quotidiens avant la première édition du Tour, en a vendu plus du double, 65 000 exemplaires, après la course [4]. Ces chiffres sont encore plus impressionnants dans le détail de la course : au terme de la première étape, près de 93 000 exemplaires sont distribués, puis 135 000 après l’étape finale et l’arrivée à Paris [5].

Le format de départ était bien différent de celui que nous connaissons. En 1903, la course s’est élancée pour la première fois depuis la ville de Montgeron en Île-De-France. Elle reliait les principales villes du pays que sont Lyon, Marseille, Toulouse, Bordeaux, Nantes et Paris, pour un circuit de 2 428 kilomètres. Elle ne comportait que 6 étapes dont les distances étaient parfois plus du double de celles d’aujourd’hui.

Au fil du temps, le parcours a évolué et à l’aube de la Première Guerre Mondiale, le Tour de France a entrepris de conquérir la montagne. Si le premier col de l’histoire gravi est celui du Pin-Bouchain, situé entre Roanne (42) et Lyon (69), le premier franchissement du Col du Galibier (2 642m) en 1911 a démontré que la conquête de la montagne était en marche. C’est à partir de cette période que Le Tour a commencé à conquérir le public Français : se sont mélangés public sportif, public de passionnés et public populaire, qui y ont vu l’occasion de célébrer le passage des coureurs chaque été pendant trois semaines [6].

 

Un parcours soigneusement choisi

Lors des éditions suivantes, le parcours du Tour de France a évolué en fonction de l’attractivité de l’année précédente.

Il existe plusieurs critères selon lesquels les portions du tracé sont choisies. D’après Christian Prudhomme, Directeur du Tour de France depuis 2007, le premier critère qui intervient dans le choix du parcours est l’intérêt sportif [7]. Des kilomètres de voies de circulation sont étudiées afin de déterminer des passages qui présenteront un réel intérêt pour les très nombreux professionnels et amateurs de cyclisme. Tous types de voies sont donc sur les tablettes du Directeur de la course. Elles doivent correspondre à tous les profils de coureurs, qu’ils soient à l’aise en montagne ou en plaine, sur les pavés ou sur le bitume. Elles doivent permettre aux participants de se livrer à un véritable combat, offrant spectacle et rebondissement. Le parcours entier est pensé de manière globale pour que chacun y trouve son compte.

Chaque année, La Grande Boucle est malheureusement marquée par les chutes et les accidents. Afin de réduire au maximum ces images trop souvent dramatiques, le second critère de choix du parcours est celui de la sécurité [7]. C’est assurément le critère sur lequel le travail est le plus conséquent sur la durée. Il débute dès les premières investigations sur le choix du parcours, directement sur et autour de la chaussée. À l’aide du personnel responsable des infrastructures de la circulation des départements et des régions ou de leurs représentants, la direction de la course étudie chaque mètre de bitume afin de vérifier que, d’une part, tout est aux normes, et d’autre part, que tout est fait pour limiter les risques d’accident. Le volet sécurité se referme qu’une fois les coureurs ayant terminé l’étape du jour, lors de la compétition.

Le troisième critère correspond à ce qu’on appelle Le Tour de la France. Le Tour de France est aussi une manière de valoriser le pays. Ainsi, l’esthétisme est primordial dans le choix du parcours [7]. Ce dernier doit satisfaire les Français, qui découvrent et re-découvrent les quatre coins de l’hexagone. L’esthétisme doit aussi satisfaire les millions d’étrangers qui, trois semaines durant, ont les yeux rivés sur la France. Cet aspect de l’organisation prend en compte la volonté de faire du Tour de France une véritable vitrine du pays.

Enfin, le dernier critère revient à la capacité des lieux à accueillir l’imposante logistique nécessaire au bon déroulement de la course. Autour de la ligne d’arrivée de chaque étape, une zone technique de plus de 5 000 m2doit pouvoir accueillir 120 semi-remorques, 60 km de câbles, 500 techniciens TV ou encore 600 médias [8].

 

La ville-candidate

Si certaines villes accueillent régulièrement Le Tour De France ces dernières années, cela n’a pas toujours été le cas par le passé. L’organisation de la course a vocation à diversifier la programmation lors de chaque nouvelle édition. Depuis la création de la compétition, une seule ville a connu le passage du Tour lors de chacune des éditions : Paris. C’est ici que se termine chaque année la compétition, au bout des trois semaines de course.

Au contraire, d’autres agglomérations ne voient plus Le Tour de France depuis quelques années. C’est le cas de Bordeaux, pourtant première ville la plus visitée de l’histoire du Tour (excepté la capitale) [9]. Depuis la création de la course, La Belle Endormie a organisé le grand départ à 27 reprises, mais s’est également vu l’accueillir 55 fois le temps d’une étape. Ces huit dernières années, elle ne s’y est pas arrêtée une seule fois. Les raisons en sont multiples : l’année 2016 en est certainement la plus simple. Cette année-là, Bordeaux accueillait déjà le Championnat d’Europe de football. Pour des raisons logistiques et sécuritaires évidentes, les deux compétitions ne pouvaient pas être organisées en même temps dans un même lieu.

Financièrement, accueillir Le Tour de France est l’une des contraintes majeures. Lors de la transmission du dossier de candidature, et si celle-ci est retenue, la Ville doit s’acquitter d’un montant chiffré en dizaines de milliers d’euros. Pour accueillir un départ d’étape, Amaury Sport Organisation réclame 60 000 euros. Pour une arrivée, c’est 110 000 euros. Pour une ville-étape, environ 180 000 euros et pour une ville de repos, 70 000 euros [10]. Ce financement n’est qu’une infime part du budget à prévoir pour l’organisation du départ ou de l’arrivée d’une étape. Le budget réel est souvent six à sept fois supérieur, tant le soutien logistique de la Ville est important.

Mais bien souvent, le coût de l’opération n’est pas supporté uniquement par la Ville : les collectivités territoriales que peuvent être les communautés de communes, les agglomérations, ou encore les départements, s’impliquent dans un financement qui comprend parfois l’aménagement de la voirie, parfois chiffré en plusieurs millions d’euros [11].

Selon les villes organisatrices, l’investissement en vaut clairement l’intérêt. Les retombées économiques et médiatiques sont pharamineuses pour l’économie locale. En moyenne, sur le passage des coureurs, les spectateurs de la course dépense entre 25€ dans les commerces locaux.

Après Paris et Bordeaux, Pau est la troisième au classement des villes ayant été les plus visitées par Le Tour de France. Elle tire son épingle du jeu notamment grâce à sa proximité avec les Pyrénées, chaine de montagne incontournable du parcours. Elle est certainement la ville offrant la plus belle capacité hôtelière – et surtout la capacité nécessaire – pour être en mesure d’accueillir la population de La Grande Boucle. En 2015, les coureurs s’y sont arrêtés quatre jours durant. Mais avant de postuler l’accueil de la 102eédition, la Ville de Pau a réalisé une étude sur l’année 2010, lors de laquelle Le Tour avait déjà passé trois jours ici [12]. Josy Poueyto, adjointe au Maire de Pau en charge du Tour de France, avait précisé à l’époque que le rapport retours d’investissement sur dépenses avoisinait le 10. Pour 1€ dépensé donc, 10€ avaient été gagnés par l’économie locale. Au-delà de l’organisation de la course en 2015, la Ville de Pau a mis toutes les chances de son côté en créant véritablement l’évènement pendant quatre jours. Inauguration d’un musée destiné au Tour de France, le Tour des Géants, défilé du 14 juillet décalé à 20 heures, feu d’artifice…

Si les retombées sont immédiates les jours de courses, les Villes visent également des retours à moyen et long terme, en espérant surfer sur les effets liés aux images filmées, synonyme d’une campagne promotionnelle géante et mondialisée pour leur territoire.

 

Promouvoir le territoire

Certaines régions, parfois même certaines villes, accueillent Le Tour de France plusieurs années consécutives. Le département de l’Ain se mobilise régulièrement pour cette compétition : il a compris que le sport, et notamment Le Tour, est un formidable levier du développement touristique et donc économique par l’attractivité qu’il opère. Une stratégie de marketing territorial se renouvelle chaque année pour pousser les foules attirées par l’évènement à consommer sur le territoire. Si l’évènementiel requiert une stratégie ponctuelle, il s’inscrit tout à fait dans une vision à long terme. Le département de l’Ain a monté une stratégie sur plusieurs années. La compétition a, pour la troisième fois en quatre ans lors de la dernière édition, sillonné ses routes pendant le mois de juillet. « Ici, c’est l’Ain » est donc le nom de la marque de territoire du département. Lors du passage du Tour sur ces routes, personne ne peut rater le nom de cette marque, très visible depuis le bord de la route ou derrière l’écran de télévision.

La présence de cette marque de territoire sur Le Tour de France découle d’un objectif double : elle permet en premier lieu au département de donner une visibilité maximale à son territoire, puis en second lieu de créer de l’adhésion et de l’engouement auprès des populations. Pour cela, elle a choisi un message court qui se veut identitaire : « Ici, c’est l’Ain ! » contient l’essentiel du message dans lequel le département assume une identité forte.

Pour affirmer ce message, le département a mis en place plusieurs actions de communication soigneusement choisies pour véhiculer son message. Sous l’impulsion des entreprises et organisations rassemblées sous ce label, c’est tout le département qui s’est habillé aux couleurs du territoire. Toutes les activités économiques de la région ont reçu de la visibilité grâce aux 50 000 drapeaux distribués à la population [13]. Astucieusement, le département a créé des partenariats, notamment avec la presse quotidienne régionale. Les jours précédents la course, un titre de presse acheté offrait un drapeau au lecteur. Selon la direction de la communication du département de l’Ain, « Les habitants se sont approprié le drapeau. Six mois après l’évènement, on le voit encore planté dans les jardins ou accroché aux façades des maisons. ». La communication a même été poussée jusqu’à l’équipement des forces de protections de la population à l’aide de gadgets vestimentaires portant le sigle de l’Ain.

En 2017, Le Tour de France est passé par Le Puy-en-Velay. Il s’y est même arrêté, le temps de l’une des deux journées de repos traditionnellement accordées aux coureurs durant la compétition. Emmanuel Boyer, Directeur du développement à la mairie du Puy-en-Velay, a expliqué à la Caisse des Dépôts des territoires en juillet dernier que la collectivité a souhaité se servir de cet évènement pour changer le tourisme de cette ville de Haute-Loire : « Le Tour 2017 était un acte fondateur. Jusqu’à présent, nous avions un tourisme de passage. L’ambition est d’aller vers un tourisme de destination. Les trois jours de présence de la caravane du Tour ont été l’occasion de montrer que la ville est une destination, et que s’y déroulent des expositions culturelles, des animations tous les soirs. » [14].

La Ville du Puy-en-Velay avait donc, pour l’occasion, mobilisé l’ensemble des acteurs économiques de la collectivité pour réussir son pari. Afin d’exposer au mieux leurs savoir-faire, les grands chefs ainsi que les agriculteurs avaient travaillé main dans la main pour offrir les meilleurs produits du terroir aux touristes. Des animations populaires et des concerts nocturnes avaient également été organisés. Bien entendu, de nombreuses animations sportives impliquant notamment les clubs cyclistes de l’agglomération avaient fait bouger la ville durant cette période. Pour faire de cet évènement une réussite, la Ville a employé de grands moyens en termes de communication. Il a d’abord fallu créer une plateforme rassemblant toutes les informations utiles au public, en matière de compétition, de manifestations culturelles, sportives et gastronomiques, ou encore d’hôtellerie. C’est de ce besoin qu’est née la plateforme spécialement dédiée à l’évènement : tourdefrance.envelay.com. De la même manière que dans l’Ain, les entreprises et organisations attachées à l’évènement se sont regroupées sous un même sigle : « 2017 Faites un tour au Puy-en-Velay ».

Emmanuel Boyer est, a posteriori, revenu sur les retombées dont à bénéficier la Ville : « Rien que les 6.000 nuitées de toute l’organisation et des suiveurs du Tour dans tous les hôtels à soixante kilomètres à la ronde, c’est trois fois la mise des collectivités réinjectée dans l’économie locale. Il y a encore les retombées en termes de consommation et de tourisme, et la médiatisation, difficile à quantifier mais qui représente des millions d’euros si on la rapporte à une publicité à la télé. Pour un euro investi, on devrait être sur les trois jours à 8 à 10 euros réinjectés dans l’économie en direct. » [14].

Le Néerlandais Bauke Mollema, vainqueur au Le Puy-en-Velay le 16 juillet 2017 / AFP PHOTO / Lionel BONAVENTURE

 

Promouvoir une entreprise locale

Dans un cercle encore plus réduit, Le Tour de France peut aussi être un vecteur économique pour les entreprises locales. Indirectement, cela rejoint la promotion du territoire et de ses savoir-faire. Il est maintenant temps de se tourner vers la Manche. Le Grand Départ du circuit de l’édition 2016 est donné depuis un lieu touristique emblématique : Le Mont Saint-Michel. Son abbaye, qui voit passer plus d’un million de visiteurs chaque année, est l’un des monuments les plus prisés par les touristes en France [15]. Le départ de cette édition offrait donc un cachet supplémentaire et une très belle occasion de se mettre en avant pour les entreprises de la région. C’est en tout cas la réflexion qu’a porté Saint-James, entreprise spécialisée dans la confection de vêtement marins [16], dont les marinières. Organisation réputée, elle a été reconnue en 2013 Entreprise du Patrimoine Vivant, un label attribué par l’État comme une marque de reconnaissance qui distingue des entreprises françaises aux savoir-faire artisanaux et industriels.

Les Tricots Saint-James n’a pas raté l’occasion de mettre en avant la qualité de son savoir-faire. Par sa présence lors de ce Grand Départ, la marque a souhaité affirmer le positionnement de sa marinière comme le symbole de la Manche. Ainsi, plusieurs moyens de communication ont été mis en place pour promouvoir la marque. Saint-James a d’abord équipé d’un accessoire textile, une écharpe marinière, l’ensemble des élus de la Manche, le personnel de l’association Grand Départ et les officiels d’Amaury Sport Organisation, entre autres, le Jour-J. Une mascotte représentant un mouton, symbole de la Manche également, habillé d’une marinière, a également été confectionnée par Saint-James. Appelé « Peloton », l’animal en peluche a fait le buzz sur les réseaux sociaux, à l’aide de photos dans des lieux insolites du Tour : dans le bus d’une équipe, sur le passage des coureurs, …

La mascotte Saint-James sur la route du Tour de France.

Très médiatisé, le Grand Départ a offert des retombées inespérées pour la marque de tricots : l’écharpe a connu un grand succès, notamment auprès des personnalités venues visiter Le Tour de France [17]. Le Prince Albert de Monaco s’est notamment affiché a avec l’accessoire. Les réseaux sociaux de la marque ont permis un fort trafic sur le site marchand.

 

Les marques nationales sur Le Tour de France

Si Le Tour de France est une occasion de mettre en avant les territoires et les entreprises locales aux yeux du monde entier, les grandes organisations nationales en profitent très largement également. Pour cela, plusieurs stratégies peuvent être adoptées : du sponsoring de la compétition à la création d’une équipe, en passant par la caravane publicitaire, chaque support offre de multiples possibilités d’atteindre des objectifs de communication et de marketing.

Il faut un peu remonter dans le temps pour comprendre pourquoi certaines marques ont fait du Tour de France une priorité dans leur stratégie de développement. Après la seconde Guerre Mondiale, la célèbre course cycliste reprend du poil de la bête. En 1948, l’arrivée finale se tient au Parc des Princes, stade de football du Paris Saint-Germain. Cette arrivée marque un tournant majeur dans l’histoire de la télévision : il s’agit là du premier direct hertzien diffusé à la télévision française [18]. Au fil des ans, le petit écran prend de l’importance et s’installe de plus en plus dans les ménages français : une aubaine pour les marques de grande consommation de l’époque. La télévision devient un média majeur et concurrence la presse écrite. À partir de 1955, un résumé de l’étape du jour est diffusé chaque soir. En 1959, les arrivées sont retransmises en direct ; trois ans plus tard, en 1962, ce sont les dix derniers kilomètres puis en 1964, chaque étape est diffusée en direct en intégralité. Le contexte sportif s’y prête, puisqu’à cette époque, une bataille fait rage sur la route entre deux immenses champions : Jacques Anquetil et Raymond Poulidor.

La télévision offre donc un nouveau support de communication aux marques. Dès 1962, les premières équipes de marques font leur apparition. Le Tour de France leur offre de la visibilité sur un support en plein essor, et sur lequel la publicité n’est pas encore autorisée. Ces premières équipes de marques sont bien différentes de celles d’aujourd’hui. Si les époques ont changé, les marques présentent sur les maillots des cyclistes restent très représentatives de la société de consommation. Dans les années 1960, les secteurs alimentaires (Leroux, Ghigi), de l’électroménager (Philco, Grammont, Grundig, Fagor) et de l’automobile (Peugeot, Ford, Michelin, BP) sont très représentés, ainsi que les boissons alcoolisées (Saint-Raphaël, Margnat, Pelforth, Wiel’s) [18]. Aujourd’hui, assurances (AG2R La Mondiale, Cofidis), banques (Fortuneo), ou autres analyseurs de données technologiques (Dimension Data) se partagent les équipes du Tour.

AG2R La Mondiale est l’un des acteurs majeurs du sponsoring sportif en France. Depuis plus de 20 ans, le cyclisme est incontournable pour la communication de l’entreprise. Il faut remonter aux années 1990 pour voir le groupe AG2R La Mondiale investir dans le sponsoring sportif. Ce passage de l’histoire de l’entreprise remonte à une période charnière pour elle. « À l’époque, nous étions très connus des entreprises et du monde professionnel dans le domaine de la protection sociale au sens large du terme et nous avions comme objectif de pénétrer le marché du particulier, a confié Yvon Breton, Directeur Général délégué du groupe à La Tribune » [19]. Les réflexions ont mené AG2R La Mondiale vers le sponsoring sportif. Il a ensuite fallu décider du sport dans lequel investir : « Nous désirions également miser sur un sport où le nom du sponsor est cité, a poursuivi Yvon Breton ». Le football, le basket, ou encore le handball, sports très populaires en France, ne peuvent que difficilement répondre à cet objectif. En 1992, AG2R La Mondiale est devenu partenaire principal de la Transat qui relie Lorient à Saint-Barthélemy – le départ, aujourd’hui, est donné depuis Concarneau.

Malgré la satisfaction qu’a apporté ce partenariat, AG2R La Mondiale s’est rapidement aperçue que la voile ne permettait pas de toucher tous les publics. Cinq ans plus tard, en 1997, AG2R La Mondiale a investi dans le cyclisme, dans la logique de ses débuts avec la voile. Pour Yvon Breton, le choix de ce nouveau sport s’est presque fait naturellement : « Ces deux sports véhiculent des valeurs humaines hors normes auxquelles nous adhérons en interne et que le grand public, je crois sincèrement, attribue à AG2R La Mondiale ».

Les retombées pour AG2R La Mondiale sont chaque année sans équivoque. Le budget global de l’équipe cycliste s’élevait à 15,5 millions d’euros, dont 90% étaient versés l’assureur. Cette année-là, l’étude réalisée par le groupe a démontré que les retombées ont atteint 110 millions d’euros en équivalent d’achat d’espaces publicitaires. La moitié de cette somme, 55 millions d’euros, ont récompensé la présence de la marque sur les trois semaines de course du Tour de France [20].

Sponsoriser une équipe n’est pas la seule stratégie pour profiter de la popularité internationale du Tour de France. Vittel a choisi, en 2007, de devenir l’un des sponsors majeurs de la compétition en elle-même. Au-delà des trois véhicules présents sur la caravane du Tour, Vittel est associée à la course par le biais de plusieurs dispositifs : deux motos fraicheurs, qui alimentent en eau les coureurs échappés – ces coureurs consomment jusqu’à six litres d’eau par étapes, les plaques d’identification présentes sur les vélos des coureurs, ou encore l’importante signalétique qui accompagne les vingt-cinq derniers kilomètres de chaque étape.

Avec plus d’une quarantaine de partenaires officiels chaque année, il n’est pas évident de sortir du lot. « Nous avons choisi de nous distinguer par l’interactivité, répond Françoise Bresson, Directrice des Événements de Marque et du Développement Durable chez Nestlé Waters, et responsable de la marque Vittel. Nous cherchons le maximum de visibilité en plaçant le spectateur au cœur de l’interaction via un programme ludique et interactif » [21]. Ce programme, À vous le Tour, permet de faire passer les spectateurs du bord de la route à la route elle-même, en les plaçant comme acteurs de l’évènement. Chaque jour de course, six personnes gagnent la possibilité de monter à bord des véhicules de la caravane Vittel, mais ont également un accès VIP au Village-Départ.

 

 

Toutes les marques ne peuvent pas pour autant s’associer au Tour de France. Dans leur stratégie globale, les marques doivent veiller à véhiculer les valeurs de l’évènement, mais aussi être parlantes au public de l’évènement. Si Nestlé Waters a choisi Vittel dans son portefeuille de marque pour accompagner Le Tour de France, c’est que son positionnement d’eau de vitalité correspond tout à fait au public de la compétition. À titre de comparaison, Perrier, autre marque de Nestlé Waters, trouve son compte dans des évènements sportifs plus prestigieux, comme le tournoi de Roland Garros.

 


 

Bibliographie :

[1] : Site officiel Le Tour de France. http://www.letour.fr/fr/la-course/chiffres-medias

[2] : Amaury Sport Organisation, http://www.aso.fr/fr/homepage.html

[3] : Le Tour de France en 100 histoires extraordinaires, par Christian-Louis Éclimont, Paris, Éditions First (2013).

[4] : Le Tour de France, un modèle médiatique,par Fabien Wille, Presses universitaires du Septentrion (2003).

[5] : 1903, Le Premier Tour de France,par Jean-Paul Vespini, Éditions Jacobs-Duvernet (2013).

[6] : Le Tour de France cycliste : 1903 – 2005, par Sandrine Viollet, Éditions L’Harmattan (2007).

[7] : Interview de Christian Prudhomme, Directeur du Tour de France, par RMC Sport http://rmcsport.bfmtv.com/cyclisme/tour-de-france-comment-le-parcours-est-il-construit-841661.html

[8] : Le Tour de France 2017 en chiffres, http://netstorage.lequipe.fr/ASO/cycling_tdf/chiffres-clefs-fr.pdf

[9] : Pourquoi Le Tour de France ne passe-t-il plus par Bordeaux ?, Presse Sud-Ouest http://www.sudouest.fr/2017/07/11/pourquoi-le-tour-de-france-ne-passe-t-il-plus-par-bordeaux-3608849-4596.php

[10] : Les coûts du Tour de France, Presse Sud-Ouest, http://www.sudouest.fr/2017/07/11/-3607166-4583.php

[11] : Ces communes qui se battent pour être ville-étape, BFM Business, http://bfmbusiness.bfmtv.com/entreprise/tour-de-france-ces-communes-qui-se-ruinent-pour-devenir-ville-etape-1049302.html

[12] : Tour de France : quelles retombées économiques pour Pau ? , Presse Sud-Ouest, http://www.sudouest.fr/2015/07/17/tour-de-france-quelles-retombees-economiques-pour-pau-2027400-4868.php

[13] : Le Tour de France à destination des Directions de communication des Départements, Assemblée des Départements de France, 2018.

[14] : Interview d’Emmanuel Boyer, directeur du développement à la mairie du Puy-en-Velay, par Jean-Damiens Lesay pour la Caisse des Dépôts des territoires, en juillet 2017.

[15] : Fréquentation touristique des sites de la Manche entre 2013 et 2017, Observatoire du tourisme de la Manche, document pdf, http://pro.manchetourisme.com/sites/promanche/files/2017_Fréquentation%20sites%20et%20lieux%20de%20visite50.pdf

[16] : Présentation de l’entreprise Saint-James, par l’entreprise elle-même sur son site officiel, https://www.saint-james.com/fr/Notre-Histoire

[17] : Saint-James a adopté un nouveau ton, par Clotide Briard pour Les Échos.

[18] : Le Tour de France, reflet de l’histoire et de la société, par Pierre Lagrue, Éditions L’Harmattan (2004).

[19] : Interview d’Yvon Breton, Directeur Général délégué du groupe AG2R La Mondiale, par Jean-François Pibre pour La Tribune.

[20] : Sponsoring – 100M€ d’équivalent publicitaire générés par l’équipe cycliste AG2R La Mondiale en 2017, par Alexandre Bailleul pour Sport Buzz Business (2017), https://www.sportbuzzbusiness.fr/sponsoring-100me-equivalent-publicitaire-generes-equipe-cycliste-ag2r-mondiale-2017-sponsoring.html

[21] : « Le Tour de France place le public au cœur du spectacle », par Agathe Dubuquoy pour We Are Com (2017), https://www.wearecom.fr/2017/07/tour-de-france-interview-francoise-bresson-vittel-nestle-waters/