« L’esprit de l’homme est ainsi fait que le mensonge a cent fois plus de prise sur lui que la vérité » a écrit Erasme dans Eloge de la Folie (1509).
Dans les années 1950, Hugh Beaver (1890-1967), directeur général de la brasserie Guinness, participe à une chasse en Irlande. Il s’interroge alors sur la rapidité d’un oiseau, à savoir le Pluvier doré. Ne trouvant pas la réponse, il prend la décision de créer un ouvrage qui répondra à de nombreuses interrogations. Le « Guinness book » était né. Aujourd’hui cependant, rien n’est plus simple : nous nous dirigeons vers Internet, la plus grande base de données au monde, et en quelques clics nous trouvons la réponse à nos questions. Mais peut-on considérer cet outil comme fiable ? Est-ce que l’information diffusée est nécessairement vérifiée et fiable ?
Internet en effet participant à la diffusion de l’information dans un monde hyper connecté, permettra aussi bien aux vraies qu’aux fausses informations d’être diffusées. Ainsi, les fake news, cousines de la rumeur et sœur du complot, sont des faits qui sont faux, diffusés sur internet ou d’autres médias et qui ont pour but de manipuler, d’influencer un tout un chacun1.
I – Philippe le Bel, le roi de la Fake News
Roi de France de 1285 à 1314, il va accuser Bernard Saisset, évêque favorable au pape et hostile au roi, d’être un traître ayant tenu des propos injurieux à son égard. De ce fait, celui-ci va être arrêté sans tarder et les rumeurs vont aller bon train. Il va aussi nuire aux Templiers et ternir leur réputation : « crachant sur le crucifix, baiser naturel sur l’anus, sodomie… » Résultat : dissolution de l’ordre des Templiers. Oups…
II – Comment fonctionnent les Fake News aujourd’hui ?
Grâce au titre ! Il suffit d’utiliser des titres qui attirent : incroyable ! choquant ! scandaleux ! Et l’affaire est dans le sac. Pour capter l’attention, il suffit de trois mots : « peur, dégoût, surprise ».
Il existe trois types de fake news :
– La désinformation pour manipuler.
Quelle est la différence entre la désinformation et la mésinformation ? La désinformation renvoie à une information mensongère, faussée, tandis que la mésinformation est un défaut d’information sans intention de mentir.
Le film Vice2 d’Adam McKay sorti en 2019 illustre ce type de fake news et donc de la manipulation des opinions. Il s’agit de l’histoire de Dick Cheney, habile connaisseur des arcanes de la politique américaine, élu vice-président aux côtés de Georges W. Bush. Bien avant Donald Trump, Dick Cheney a manipulé les opinions et ses alliés pour arriver à ses fins.
Dans Petite histoire de la désinformation de Vladimir Volkoff, paru en 1999, on retrouve d’ailleurs différentes opérations de désinformation. Il s’agira par exemple du stratagème utilisé par Ulysse pour conquérir la ville de Troie, le fameux cheval en bois qui permettra de mettre un terme à la guerre et de remporter la victoire.
– La propagande pour endoctriner.
Le long-métrage Tito et les oiseaux3 réalisé par Gustavo Steinberg, Gabriel Bitar et André Catoto Dias est intéressant sur ce point. Une étrange épidémie ronge la société : les gens sont malades de peur et se transforment en pierre à chaque fois qu’ils ont peur. Et cette peur est une arme politique de surveillance des citoyens. Ce film souligne l’importance de la capacité critique de l’information difficile à mettre en œuvre devant le flot de l’information constante que subit la société dans son ensemble.
– Le complotisme pour déstabiliser.
Ce phénomène naît lors d’évènements traumatiques forts pour l’individu (comme lors d’un attentat) et donne lieu à des incohérences ou à des bizarreries. En 1921, dans Réflexions d’un historien sur les fausses nouvelles de la guerre, Marc Bloch déclarait : « les fausses nouvelles, dans toute la multiplicité de leurs formes (simples racontars, impostures, légendes) ont rempli la vie de l’humanité ». Le complotisme est un réel danger pour la société dans la mesure où l’individu va systématiquement remettre en cause l’information au détriment de la véracité des faits.
III – Les dangers des Fake News
Le principal danger de ces fausses nouvelles est de se propager très rapidement grâce aujourd’hui à Internet. Un seul clic suffit et il se répand telle une trainée de poudre. Il en est de même avec les SMS, MMS, Whatsapp, Skype, ou autres messageries instantanées. Et voilà les frontières géographiques abolies… L’information voyage sans frontière et sans contrôle, sans limite. Cette fake news peut même se transformer en arme idéologique car plus on la croit, plus nombreuses seront les personnes à la véhiculer. Il devient alors facile de manipuler les opinions et donc les masses pour changer le cours de l’histoire et par la même occasion devenir un risque pour la démocratie… Cependant, ce type de manipulation ne concerne qu’une infime partie des informations données sur un laps de temps donné, une journée par exemple. Cela est donc rassurant.
Un autre danger, pas des moindres, est la crédibilité de la source de l’information. Une source en apparence sérieuse, voire officielle (comme les politiques ou les médias), et l’information mensongère sera plus facilement accueillie comme vraie. De là l’importance de la vérification des informations et la prudence à adopter face à l’emballement médiatique qui peut pousser à réagir publiquement et trop rapidement. Comme dit l’adage, « prudence est mère de sûreté ».
IV – Peut-on combattre les Fake News ?
Cela est tout à fait possible. Tout d’abord, en éduquant les individus et en développant leur esprit critique4. Comment ? En questionnant l’information, en développant l’argumentation et en encourageant les débats. Et cela devrait être une mission essentielle et primordiale de l’école et ce dès le plus jeune âge, l’enfant étant le premier confronté à ces fake news. Et il se doit d’apprendre à discerner le vrai du faux. Il faut également développer le « fact-checking » qui permet de vérifier les faits, les données ou les propos rapportés. Cela permet de clarifier le débat public même si cela est très compliqué du fait de l’impossibilité de vérifier l’ensemble des informations portées à notre connaissance tous les jours, et ce du fait notamment de la distance liée aux évènements pouvant par exemple avoir lieu à l’international (comme un fait rapporté qui aurait lieu dans un pays éloigné…).
V – Le Deep Fake
Après les fake news, le deep fake ou falsification de l’image high tech a fait son apparition. Cette technologie consiste à remplacer le visage et la voix d’une personnalité dans une vidéo. L’exemple de Scarlett Johansson illustre ce phénomène et peut effrayer : sa tête a été utilisée par des chaînes de vidéos pornographiques. Il en a été de même pour Barack Obama dont l’image a été détournée afin de monter une vidéo dans laquelle il insultait le président Trump5. Cependant, cette technique n’est pas si simple. En effet, les mots prononcés doivent être accordés avec le mouvement des lèvres, et il faut respecter les émotions de l’individu. Tout cela est très algorithmique.
VI – Que dire des Hoax6 ?
Un hoax « se définit comme une information fausse, périmée, ou invérifiable propagée spontanément par les internautes. Il peut concerner tout sujet susceptible de déclencher une émotion positive ou négative chez l’utilisateur : alerte virus, disparition d’enfant, promesse de bonheur, pétition, etc. les hoax revêtent des formes diverses et variées.
En conclusion, il faut faire attention à démêler le vrai du faux, c’est-à-dire faire la part des choses, et donc le tri, ceci afin de ne pas se laisser entraîner par les nouveaux médias et le flot des informations qui nous sont transmises. Mais il faut surtout être capable de faire preuve d’esprit critique afin d’éviter toute supercherie même s’il peut paraître difficile aujourd’hui de tomber dans le piège de l’infox, surtout devant la rapidité à laquelle l’information circule. La prise de recul et la prudence restent deux piliers indispensables pour lutter contre les Fake News.
Sources
1 Définition fake news Wikipedia
4 Le Parisien « Fake news : comment lutter contre cette menace ? », 28/12/2018
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