Les médias traditionnels sportifs, géants bien établis
Les médias sportifs français, un univers en pleine croissance et aux multiples facettes. Au détour d’une conversation, entre amateurs de sports ou non, ce sont souvent les mêmes mastodontes qui sont évoqués en premier. Le quotidien L’Equipe en est l’exemple le plus probant. Nombreuses sont les personnes qui dans leurs souvenirs, se rappellent d’un membre de leur famille qui lisait ce journal sportif. Il a bien souvent accompagné les plus grandes épopées des sportifs français, faisant vibrer de nombreux français par la seule puissance des mots. Quelques exemples :
- Yannick Noah et sa victoire à Roland-Garros en 1983 ;
- Les victoires des coureurs français sur le Tour de France (Anquetil, Hinault…) ;
- Les nombreux records du monde et médailles en natation (Bernard, Manaudou, Muffat…).
Et tant d’autres.
Si nous commençons notre article par évoquer ce quotidien, c’est que le média L’Équipe est l’exemple parfait du profond changement qui a touché et touche encore les médias sportifs français. En effet, il est passé d’un journal papier à une puissance machine aux multiples canaux de diffusion : réseaux sociaux, application, chaîne de télévision, chaîne YouTube… nombreux sont ses canaux de diffusion. Quelques chiffres [1] pour illustrer son importance :
- Fréquentation mensuelle appli mobile : 89 917 885 visites totales ;
- Fréquentation Site mobile : 54 151 406 visites totales ;
- 208 964 exemplaires du quotidien, vendus par jour.
La chaîne L’Équipe a réalisé la meilleure saison de son histoire avec 1.5% [2] de part d’audience en 2020-21. Une huitième année consécutive en hausse pour la chaîne lancée en 2012 sur la TNT. La raison ? Un catalogue qui s’étoffe régulièrement, porté par ses sports phares comme le biathlon ou le cyclisme. Pour le football, elle est passée de matchs commentés sans image à la diffusion de matchs internationaux. Une progression fulgurante, marquée par une confiance apportée à certains sports qui manquaient parfois de créneaux de diffusion.
Quelques exemples d’événements sportifs diffusés :
- Football : Copa América, Copa Libertadores, éliminatoires Coupe du monde et Euro, Ligue 2… ;
- NFL et SuperBowl ;
- Équipes de France de volley et de handball ;
- Giro, Strade Bianche, Tour de Suisse et bien d’autres en cyclisme ;
- Sports d’hiver : ski alpin, biathlon, ski-bosses…
- Et d’autres compétitions de judo, boxe.
Vous l’avez bien compris, le catalogue est plus que complet, pour ce qui est la seule de sport chaîne 100% gratuite de la TNT. Face à elles, si l’on ne regarde que la télévision, se dressent différentes chaînes payantes qui proposent à elles-toutes une couverture complète des sports les plus suivis en France. Les plus marquantes :
- BeinSports : Football, Tennis, NBA…
- RMCSport : Football…
- Eurosport : Football, Tennis, Cyclisme, Sports d’hiver…
- Canal + : Rugby, football…
Une nouvelle concurrence s’est ajoutée cette année avec l’arrivée du géant Amazon, qui a récupéré une partie des droits de la Ligue 1. Un nouveau mode de consommation du sport ? Possible, tant l’on sait que les géants comme Amazon et Netflix s’intéressent à un public amateur de sport, à l’image des nombreux reportages. Depuis quelques mois, les formats vidéo produits par la plateforme au N rouge se multiplient. Pour en citer quelques-uns, The Last Danse avec Michael Jordan, biographie de Nicolas Anelka, Tony Parker…
Après ces quelques chiffres notamment centrés sur la partie TV, nous pouvons voir que le monde des médias sportifs français est ultra-concurrentiel et en plein chamboulement. Des changements qui peuvent s’expliquer par l’arrivée du digital.
Le digital, facteur de profonds changements
Les médias dits « traditionnels », comme la télévision, la radio ou encore la presse écrite, ont dû s’adapter sous peine de devoir mettre la clé sous la porte. Aujourd’hui, il n’est pas rare de voir des médias multiplier les canaux de diffusion. Quelques-uns de ces derniers vous sont sans doute déjà venus en tête. Le premier et le plus logique étant les réseaux sociaux. Véritable caisse de résonance, être présent sur ces derniers est indispensable pour les médias traditionnels. Instagram, Snapchat, Facebook… ces réseaux sont utilisés pour le relais des contenus produits par ces médias. Twitter est destiné lui, d’une part au relais, mais également aux réactions en direct.
Très utilisé par les amateurs de sport, l’oiseau bleu propose à ses utilisateurs de suivre les informations sportives en direct et d’en débattre. C’est bien souvent sur cette plateforme que les journalistes, grands médias et autres font le partage de l’information en continu. Que ce soit dans un « bon ou un mauvais sens », Twitter possède une caisse de résonance énorme, ce qui permet à certains contenus d’être partagés des milliers de fois en quelques heures.
Ces derniers mois, un autre géant est en train se faire sa place avec TikTok. Porté par une grande audience et des vidéos courtes, le réseau social possède une croissance impressionnante et un public de plus en plus large. Les médias sportifs sont déjà ou ne devraient pas tarder à partager leur contenu sur cette plateforme.
En parallèle des médias sportifs, ce sont les entités comme les clubs ou les joueurs qui ne manquent pas d’être friands de ces réseaux sociaux. Partage de résultats, d’actualités, de partenariats, il y en a pour tous les goûts. On peut ainsi voir des sportifs se forger une réputation sur les différents réseaux avant même d’être professionnels. Un exemple ? Xavi Simons, pépite qui évolue au PSG et qui est passé notamment par le FC Barcelone. A 18 ans, il possède près de 4 millions d’abonnés sur Instagram et sa réputation ne date pas d’hier. Il était en effet déjà très suivi dans les équipes de jeunes de la Masia, centre de formation du Barça.
Si ce n’est qu’un exemple parmi d’autres, il démontre parfaitement la puissance que peuvent avoir les réseaux sociaux pour le monde sportif. Ses agents misent beaucoup, en plus de son grand talent, sur son aspect marketing et négocient un salaire qui se chiffre au-delà du million. Un point que nous ne manquerons pas d’aborder dans un prochain article.
Revenons à l’usage du digital par les médias sportifs. Après les médias sociaux viennent bien sûr les applications et sites internet. Dans un premier temps, les applis mobiles sont très utiles à des millions d’utilisateurs pour suivre les matchs en direct et lire les articles. Si, certaines comme Eurosport ou RMCSport, sont 100% gratuites, d’autres comme L’Équipe passent progressivement à un contenu payant. D’abord exclusivement papier, le quotidien est devenu disponible via abonnement sur l’application. En quelques années, L’Équipe a rendu ses articles les plus complets payants, accessibles via abonnement, afin de pouvoir s’adapter à cette nouvelle période du digital et en tirer bénéfice.
Ainsi, sur l’application, seuls les comptes-rendus des matchs ou news sportives sont disponibles gratuitement. Un concept que le média partage avec d’autres grands de cet univers comme Le Monde, Les Échos ou encore Le Parisien.
Pourquoi de telles mesures ? Tout simplement car même si la presse écrite reste un média important en France, elle ne cesse de baisser chaque année. Une différence générationnelle joue également un rôle majeur. Les générations les plus âgées auront tendance à privilégier le papier, tandis que les plus jeunes se tourneront vers le digital.
C’est sur ce dernier point que réside un enjeu pour les médias sportifs français : conquérir les amateurs de sport qui s’informent exclusivement sur les nouveaux canaux. En parallèle, d’autres générations ne manquent pas de suivre les informations sur le site web. L’Équipe par exemple, possède un catalogue assez large sur L’Équipe Live, où de nombreux événements sportifs sont disponibles via le site Internet.
Vous l’avez donc bien compris, les canaux se multiplient et représentent des enjeux majeurs pour les médias sportifs français. Si les canaux évoluent, les types de contenus en viennent bien sûr à changer. Les formats courts sont très appréciés sur les réseaux sociaux comme Instagram ou YouTube. Il n’est donc pas rare de voir des résumés d’interviews ou de compétitions être diffusés sous une forme assez dynamique. Une manière de répondre à un public de plus en plus impatient.
Pour les plus férus, les podcasts et autres émissions rencontrent un certain succès. Dans des durées qui vont de cinq minutes à plusieurs heures, des chroniqueurs débattent d’un sujet, pour un format qui est ensuite relayé sur des plateformes comme Spotify, Apple Music ou encore Deezer. Il est également commun de retrouver des émissions diffusées à la radio ou la TV disponibles à l’écoute sur ces dernières. Une manière d’accompagner les auditeurs sur des trajets ou autres via un format pratique.
Bien que déjà établi depuis quelques années, la plateforme Twitch a vu sa fréquentation augmenter très fortement avec la pandémie de la Covid. Ainsi, certains médias y ont vu une manière de développer leur audience et propose désormais des émissions pour débattre des actualités sportives, ou encore des commentaires en direct. Des exemples ? Midi-libre pour le rugby, RMC Sport…
Une particularité que partagent les médias traditionnels avec les nouveaux médias.
Des nouveaux arrivants : les nouveaux médias
Ces dernières lignes nous amènent à un élément central de cet article : les nouveaux médias. Avant de rentrer dans le détail, des définitions comparatives s’imposent :
Médias traditionnels [3] : Les médias traditionnels sont connus aussi sous l’appellation « Médias de masse » et désignent l’ensemble des médias qui permettent de rejoindre une forte audience et une forte cible. Ex. Télévision, Radio, Affichage, Presse.
Nouveaux médias [4] : Les nouveaux médias sont Internet, le téléphone mobile, les médias sociaux, tels que les blogs et les microblogs (Twitter par exemple), les sites Internet de réseaux sociaux comme Facebook, les sites de partage de vidéos tels que YouTube, et d’autres encore. Autrement dit, « nouveaux médias » est un terme général qui décrit un éventail de médias utilisés à des fins très différentes.
Une chose est sûre, l’arrivée du numérique a joué un grand rôle dans l’évolution du monde médiatique. D’une part, en conduisant les médias traditionnels à s’adapter, comme vu précédemment, et d’autre part avec l’arrivée fracassante des nouveaux.
Les médias sociaux (Instagram, Twitter, Snapchat, Facebook…) jouent notamment un rôle prépondérant avec des contenus produits par les utilisateurs. On assiste donc à une grande part d’interaction et d’instantanéité.
Pour comprendre au mieux les rouages des nouveaux médias et leur impact sur les médias sportifs français, nous avons fait le choix d’aller à la rencontre d’un acteur de ce milieu. Lors d’un entretien c’est Mickaël [5], de la chaîne Youtube Talk My Football qui a pris le temps de répondre à nos interrogations.
Issu d’une formation en marketing et communication et spécialisé dans le marketing digital, ce professionnel évolue actuellement au sein de sa propre agence. A côté de ses différentes activités, il parle de sa passion du football au travers de différents contenus diffusés sur YouTube depuis 2019.
En parallèle, il propose des réactions en direct et autres contenus sur sa page Twitter. Si nous devions aborder rapidement quelques chiffres :
- 116 000 abonnés sur YouTube ;
- 22 456 102 vues en cumulé ;
- 19 300 followers sur Twitter ;
- 960 abonnés sur Facebook.
Sur YouTube, Talk My Football, ou TMF, aborde de nombreux sujets sur le football, des analyses de matchs aux réactions sur l’actualité, en passant par des sujets sur le journalisme ou autres. Durant une cinquantaine de minutes, je l’ai questionné sur différents thèmes :
- La chaîne TMF ;
- Le monde du football et du sport ;
- Les nouveaux médias ;
- L’évolution des médias…
C’est sur ce dernier point que se porte notre attention. Aujourd’hui, il est difficile de passer à côté de la transition que vivent les médias, entre l’adaptation de certains et l’arrivée fracassante d’autres. Portés par les réseaux sociaux, certains nouveaux médias jouent désormais un rôle majeur et concurrencent certains dits traditionnels.
Néanmoins, il ne faut pas voir ce monde comme simplement partagé en deux. Les nouveaux médias et ceux traditionnels se mélangent, se complètent et se repoussent sur de nombreux points.
Aujourd’hui, un passionné peut désormais partager très facilement différents contenus et, effectuer un travail parfois proche de celui d’un journaliste. Cela en fait-il un journaliste ? C’est une large question mais, beaucoup vont répondront qu’il doit d’abord bénéficier d’une carte de presse, avant d’être considéré comme tel.
Il n’y a donc pas vraiment de réponse actuellement à cette question, tant les choses changent chaque jour. Un avis A que l’on a un jour peut ainsi se changer en avis B quelques heures après. Néanmoins, pour envisager une réponse, il faut se pencher sur l’évolution du monde médiatique sportif français dans les prochaines années.
Nous n’avons pas manqué de poser la question à Talk My Football.
Comment voyez-vous le futur des médias ? Les nouveaux médias vont-ils prendre le pas sur ceux traditionnels ?
TMF. « Je pense que les deux vont se mixer. Une partie du travail que font les médias traditionnels, les nouveaux médias ne pourront pas le remplacer. Il y a une obligation de moyens. Si un nouveau média en vient à mettre beaucoup de moyens, il en devient un média plus classique.
Les deux vont continuer de cohabiter. Il y aura toujours des créateurs de contenu. Avant, il y avait des barrières énormes pour rentrer dans les médias sportifs français. Aujourd’hui, n’importe qui peut avoir une chaîne YouTube, même s’il est difficile d’avoir de l’audience. Il faut avoir de la chance, un bon timing et être doué. »
Là où il était très difficile de se lancer il y a quelques années, il y a désormais moins de barrières. Attention, le chemin n’est tout de même pas « facile ». Néanmoins, il y a une multiplication des acteurs et ce à tous les étages. Autre chose importante à noter ici avec le terme « créateur de contenu ».
Un créateur de contenu serait donc un nouveau média ? Une question à laquelle TMF a répondu :
TMF. « Question bien complexe. On devient un nouveau média à partir du moment où la ligne éditoriale devient plus importante que la personne. Par exemple, ce qui fait Talk My Football, ce n’est pas moi, c’est la manière dont je parle du football. Je pense que demain, TMF pourrait bien marcher avec quelqu’un d’autre que moi, si la chaîne garde sa ligne éditoriale et son ton.
Je définirais TMF comme un nouveau média actuellement, mais, mon avis peut changer. La ligne de la chaîne est la plus importante. »
Un créateur de contenu deviendrait donc un nouveau média lorsque sa ligne éditoriale est majeure vis-à-vis de sa personnalité. Aujourd’hui, lorsque chacun regarde des vidéos sur YouTube ou autre, il n’est pas rare d’en visionner pour la personne qui est derrière l’écran. Pour d’autres vidéos, nous aurons tendance à apprécier le format.
Un exemple ? Précédemment, nous avons abordé les émissions qui se mettaient progressivement en place pour traiter de l’actualité d’un ou de plusieurs sports. Si, nous apprécions certains consultants, ces derniers changent souvent mais le format, lui, reste. A contrario, nous regardons certains contenus pour la personnalité du créateur (humour, opinion…).
Vous l’avez donc bien compris, le nouveau monde des médias sportifs est complexe et présente de multiples facettes. Aux journalistes avec une carte de presse s’ajoutent désormais des passionnés qui réalisent un travail conséquent et, qui arrivent à en vivre. De là à les classer dans la catégorie journaliste ? Faut-il donc revoir la définition de ce dernier terme ? L’avis de Talk My Football sur cette interrogation :
TMF. « Pour moi, il y a deux questions. Celle légale et celle d’image. La première est très réglementée et, les journalistes bénéficient d’avantages liés à leur poste. Sur le côté image, quelqu’un peut faire un excellent travail, sans pour autant avoir besoin d’être considéré comme un journaliste.
On a beaucoup de passionnés qui créent du contenu et, il y a parfois un complexe dans cet univers. Certains s’interrogent et se disent « j’aimerais bien être considéré comme un journaliste ». Journaliste ne veut pas dire que tu fais du bon ou du mauvais travail. Je ne pense donc pas qu’il y ait besoin de requalifier ce terme, du moins pour les nouveaux acteurs. Pour les anciens, une interrogation pourrait parfois se poser en fonction des organes de presse. »
Nouveaux médias sportifs, amis ou concurrents des médias traditionnels sportifs ? Au cours de cette article, vous avez pu le comprendre, il est aujourd’hui difficile de répondre à cette interrogation. Les deux se complètent et ne manquent pas de venir évoluer chacun sur le terrain de jeu des autres. L’arrivée progressive de passionnés, ou créateurs de contenu, ne manquent pas de diversifier l’offre et d’offrir de nouvelles choses au public. Dans les prochaines années, nous devrions assister à la poursuite de la transformation du paysage médiatique sportif français.
Il est aujourd’hui difficile de passer à côté de l’impact qu’a eu le digital sur les médias. Comme abordé dans notre précédent article, le monde sportif professionnel n’existe pas sans ces derniers et inversement. En corrélation, l’impact sur le monde sportif professionnel n’est donc également pas à négliger. Image des sportifs et entités (clubs, fédérations), communication, réseaux sociaux… Les axes d’études sont nombreux et seront à retrouver dans un prochain article !
[1] Tarifspresse.com, « Tarifs et audiences L’Equipe », https://www.tarifspresse.com/titre/lequipe#:~:text=Le%20Journal%20L’%C3%89quipe%20est,millions%20de%20lecteurs%20chaque%20mois
[2] L’Equipe, « Saison record pour la chaîne L’Equipe », 28 juin 2021 https://www.lequipe.fr/Medias/Actualites/Saison-record-pour-la-chaine-l-equipe/1266557
[3] Définition de média e stratégia, http://www.mediaestrategia.com/services_medias-traditionnels.php#:~:text=Les%20m%C3%A9dias%20traditionnels%20sont%20connus,audience%20et%20une%20large%20cible
[4] Définition de Ace Project, https://aceproject.org/ace-fr/topics/me/meb/mab02e
[5] Entretien vidéo dans le cadre du programme Tangram, réalisé le mardi 22 mars 2022.