Contexte de recherche

Vous vous apprêtez à lire un article d’une jeune communicante passionnée par la publicité, qui se pose beaucoup de questions sur tout ce qui l’entoure, qui a l’esprit critique et qui remet en cause beaucoup de choses, elle y compris. Si vous n’aimez pas la controverse, si pour vous notre société va pour le mieux et si vous pensez qu’il n’y a pas d’urgence face aux bouleversements climatiques, sociaux et politiques, alors les écrits qui vont suivre risquent peut-être de vous faire sourire. 

On m’a dit qu’un sujet de mémoire devait être personnel c’est pourquoi je dois vous en dire un peu plus sur moi et sur ma vision des choses avant d’aller plus loin. J’ai toujours été très curieuse et à l’école certains professeurs me reprochaient de poser trop de questions, comme si je cherchais la petite bête à tout prix. Mais la vérité c’est que j’ai toujours voulu tout comprendre, et que j’étais encore plus intriguée quand c’était compliqué, flou ou paradoxal. 
Très vite j’ai compris sans vraiment savoir pourquoi que je voulais faire de la communication. Dès le début de mes études j’ai tout de suite été fascinée par ses mécanismes que beaucoup sous-estiment, par ses techniques et par tout le travail, la réflexion et la créativité qui se cachent derrière une simple publicité. Au fur et à mesure de mon cursus, j’ai découvert l’impact de la publicité et des marques sur notre quotidien à tous et sur notre société, et cela n’a que renforcé ma passion pour cette science, un mélange de création, de stratégie, de compréhension de l’autre et de sens pratique.
Je dois aussi vous préciser que je suis captivée depuis mon adolescence par la psychologie, par le pouvoir de l’inconscient sur nos actions et par les mécanismes qui régissent nos émotions et nos choix. Je n’ai pas lu des dizaines de livres et je ne prétends pas tout connaitre mais j’ai expérimenté dans ma vie quotidienne les bienfaits de se remettre en question, d’interroger mes actes et mes décisions. Tant de choses impalpables, difficiles à prouver qui pour moi rejoignent sur beaucoup de points la publicité. Tout cela m’a amené à trouver le métier que j’ai envie d’exercer, le planning stratégique : un mélange de compréhension des marques et de leur marché croisé d’un regard sur les tendances de consommation et d’une analyse des motivations profondes des consommateurs pour aider les entreprises à trouver un discours unique.
Me voilà donc à la fin de mes études dans un contexte mondial en pleine mutation (crise environnementale, économique et sociale, changement des modes de consommation) et plus récemment la crise sanitaire du COVID 19 qui paralyse notre société et rend les projections impossibles. Je me questionne alors sur mon futur professionnel de communicante mais aussi de citoyenne : comment continuer à faire ce qui me passionne tout en respectant notre planète, mes valeurs et mon éthique ? Comment donner du sens à mon travail ?
Je me suis aperçue que la publicité sous toutes ses formes donnait du sens à cette consommation toujours plus grande, et qu’elle n’impacte pas que l’achat ou les ventes de telle ou telle entreprise mais qu’elle modélise aussi le fonctionnement de notre société. En prenant du recul sur les nouvelles techniques marketing, de publicité et sur les tendances d’achat actuelles, j’ai réalisé que beaucoup de choses étaient en fait complètement paradoxales et j’ai voulu questionner le sens, les fins de cette société d’hyperconsommation dans laquelle nous vivons, qui semble être à un tournant crucial de son histoire.

Domaine d’investigation de ce mémoire

Nous verrons que l’on assiste à une quête de sens et d’utilité à la fois des marques et des individus à travers une remise en question de leurs comportements, de leur but et de leurs impacts sur la société et la biodiversité.
Même s’il existe beaucoup de sujets sur lesquels les marques s’engagent (le féminisme amorcé avec le mouvement #MeToo, l’égalité qui en découle, le “no norme” qui regroupe beaucoup de sujets autour de l’inclusion comme le body positivism, l’homosexualité, le no gender…), il y en a certains qui me tiennent plus à cœur et sur lesquels je vais me concentrer. Ceux visant à protéger notre écosystème et à transformer nos modes de consommation pour qu’ils soient plus responsables et durables tels que le local/le Made in France, la transition alimentaire, le Bio, l’authenticité et la transparence mais aussi le No Plastic, le recyclage, la seconde main etc.
Je voudrais questionner dans ce mémoire ces engagements écoresponsables, leur efficacité et l’écart entre volonté et action de la part des marques et des consommateurs.
Dans quelle mesure les engagements responsables des marques et les désirs de changement durable des consommateurs sont-ils efficaces et concrets ? Est-il vraiment possible de modifier la trajectoire de cette société de consommation de masse pour créer une autre façon d’habiter cette planète avec un mode de vie plus raisonné, plus juste et plus durable ?

Le challenge est immense et sera difficile à relever. Si nous voulons y arriver, il faut d’abord savoir ce que cela implique, les choses auxquelles nous devons renoncer.
Je vais me restreindre aux marques de grande consommation car c’est à mes yeux celles qui ont façonné nos habitudes égoïstes, celles qui concentrent les plus gros impacts de par leur production de masse et paradoxalement, celles qui s’engagent le plus. Devenues de véritables figures politiques, dans quelle mesure les marques arrivent-elles à concilier leurs objectifs commerciaux avec les défis durables ? Peuvent-elles réinventer leur business model et démontrer une raison d’être cohérente avec des actions concrètes ? Même si cela signifie une rémunération plus juste de l’approvisionnement et une production qui privilégie la qualité à la quantité ?
De plus, nous verrons que la consommation citoyenne apparaît comme la solution miracle qui permettra à l’humanité mais aussi au capitalisme de survivre à ce changement de société en valorisant les entreprises les plus durables et les plus justes avec des individus responsables. Je ne peux m’empêcher d’être un peu sceptique. Oui, les populations ont pris conscience des impacts de leur consommation et de la nécessité d’en changer, mais sont-elles prêtes à renoncer aux fraises en hiver, à prendre le temps de faire leurs courses chez des petits producteurs ou à résister à l’envie d’une énième paire de baskets fabriquée en Chine ? Nous, consommateurs qui sommes les plus nombreux, sommes-nous vraiment motivés à changer nos habitudes de consommation et à accepter de renoncer à un certain confort ?

L’ENGAGEMENT DES MARQUES ET DES CONSOMMATEURS, LA RÉPONSE À UNE CRISE EXISTENTIELLE ?

Aujourd’hui plus que jamais, que vous soyez directeur d’une entreprise, chef de produit, investisseur, fondateur d’une startup ou juste n’importe quel français devant sa télévision, vous n’avez pas pu passer à côté des spots publicitaires emplis d’engagement et les valeurs portées haut et fort par les marques.
Un autre levier de différenciation” pour Bertrand Lavalou de l’agence Inbound Marketing, “un critère déterminant“ pour l’agence Elan Edelman ou encore un “pivot de la stratégie de marque” selon E-marketing, peu importe son nom, l’engagement semble apparaître comme un atout indispensable pour entrer en résonance avec les préoccupations et les idéaux des consommateurs afin de générer une préférence émotionnelle et in fine, l’achat. 
Qu’il soit social, environnemental, éthique ou politique, l’engagement d’une marque suppose qu’elle ait d’abord pris conscience de sa responsabilité envers la société ainsi que de son rôle et de son impact sur toutes les parties prenantes qui l’entourent (ses employés, ses clients, ses fournisseurs, ses distributeurs…) avant d’agir. 

LE RÈGNE DE LA RAISON D’ÊTRE

Il y a quelques mois lorsque j’étais à l’école, j’ai découvert un nouvel élément à définir dans l’élaboration de la mission d’une marque : sa Raison d’être. Retranscrire en quelques mots son utilité, la raison de son l’existence, sa vocation pour l’Homme et la société au-delà de la création de richesse. Pas si simple. Surtout pour quelqu’un qui se questionne, comme la plupart des gens, sur le pourquoi de sa propre existence, il fallait tenter d’expliquer celle d’une marque. 
Mercedes Erra, Fondatrice et Présidente de BETC pointait du doigt dans son article « L’ère du Purpose » publié en Février dernier sur LinkedIn cette nécessité qu’ont les Hommes :

“ Être ne nous suffit pas, en général. Il nous faut une raison d’être. Les entreprises, qui ne sont que des organisations humaines, ne fonctionnent pas autrement.”

MERCEDES ERRA,  L’ère du Purpose 

Comment affirmer sans paraître démagogue voire mensonger qu’une marque existe pour quelque chose de plus grand qui dépasserait l’intérêt économique ? Justifier l’activité d’une méga marque présente sur les cinq continents, d’une entité historique ou des dizaines de marques que l’on consomme quotidiennement en leur donnant du sens me paraissait être un véritable challenge. Surtout qu’il fallait pouvoir le prouver. En effet, définir une raison d’être qui n’est pas alignée avec les actions de l’entreprise revient à faire une simple opération de communication, et ce n’est pas le but. 
 Pour m’aider, on m’a conseillé de repartir de zéro, d’aller chercher dans l’histoire de la marque pour trouver ce qui a motivé à l’époque son créateur à investir tel ou tel marché et à résoudre telle problématique avec un nouveau produit ou service. Ça m’a fait un peu fait penser à une introspection. On parle alors du “mythe fondateur” d’une entreprise, qui consiste à utiliser grâce au storytelling, la légende, l’acte de son fondateur pour retranscrire les valeurs de la marque. 

“Le mythe est bien plus qu’une explication, c’est un acte héroïque dont on transmet le récit de génération en génération. Il relie les hommes et les femmes de l’entreprise entre eux en étant à la base de la culture commune.” 

 Pierre-Olivier Brial, Directeur Général de Manutan International

Par exemple, l’enseigne KFC a vu le jour grâce à un pompiste qui s’est rendu compte que les touristes de passage avaient peu de temps pour manger et a ainsi eu l’idée du premier fast food, en inventant une recette de poulet panné ultra rapide à préparer. Les frères Michelin ont accéléré la mobilité en développant le pneu démontable pour bicyclette après avoir aidé un cycliste anglais qui avait crevé. Ou encore Steve Jobs qui depuis son garage, a eu pour ambition de démocratiser l’usage de la technologie.
 
De prime abord, cela m’a paru plus simple pour les marques historiques qui avaient révolutionné nos modes de consommation par le progrès. Mais les start-up récentes comme Blablacar (le fondateur a eu l’idée lorsqu’il n’avait plus de train pour rentrer passer Noël dans sa famille) ou Respire (à la suite de son cancer du sein, la fondatrice décida de créer des déodorants naturels, Made in France, bons pour la peau) m’ont donné tort. 
C’est vrai, toute entreprise voit le jour pour une raison souvent animée par le(s) fondateur(s). Et celles qui n’avaient pour motivation que de faire du profit se doivent de réfléchir sérieusement à leur utilité pour la société.  
 
Cependant, pour définir une raison d’être, on m’a dit d’aller plus loin dans ma réflexion en définissant ce que la marque apporte réellement aux consommateurs en tant qu’individus. Au-delà des bénéfices rationnels mis en avant par ses concurrents (comme le prix, la qualité, l’expertise) la marque doit dégager les combats, idéaux et les problématiques de vie qu’elle partage avec l’individu (l’amour, la famille, la vieillesse, l’accomplissement de soi, la santé…)     
Et pour être pertinente, la Raison d’être doit entrer en résonance avec les enjeux, les préoccupations actuels de la société (mouvements sociaux, ruptures politiques, urgences climatiques, bouleversement des rapports aux médias, nouveaux modes de consommation) et est contrainte de prendre en compte des dimensions éthiques ou sociétales pour refléter sa propre vision du monde de demain. 
Par exemple, la Société Générale a récemment défini sa nouvelle Raison d’être : « Construire ensemble, avec nos clients, un avenir meilleur et durable en apportant des solutions financières responsables et innovantes. » 
D’autres marques ont une raison d’être plus évidente comme Lego qui « Inspire et développe les constructeurs de demain », Danone qui “ Apporte la santé par l’alimentation au plus grand nombre” ou encore Twitter qui “donne à chacun le pouvoir de créer et de partager des idées et des informations instantanément, sans barrières.”

Tout ce travail de réflexion du sens profond des actions d’une entreprise semble être la clé d’une bonne stratégie pour conquérir ou fidéliser des clients.
En effet, selon Bertille Toledano, Présidente de l’agence BETC Paris, “une stratégie devient une bonne stratégie quand elle permet d’exprimer un sens sur son marché et faire comprendre quel est son apport, sa vision, sa raison d’être et pourquoi on aurait encore raison de la choisir.
 
Et bien évidemment comme souvent, cela n’est pas nouveau. 

LA RESPONSABILITÉ SOCIALE DES ENTREPRISES, UN ÉNIÈME GREENWASHING OU UN VÉRITABLE MOYEN D’ACTION ? 

Dès 1953, l’économiste Américain Howard Bowen publiait Social Responsibilities of Businessman, reconnu comme le premier ouvrage à avoir interrogé la responsabilité de l’entreprise, l’éthique des affaires et la pertinence d’intégrer la dimension sociale dans sa stratégie organisationnelle pour en tirer non pas des profits, mais des bénéfices à long terme. Par exemple, si une entreprise rémunère davantage ses salariés, elle aura une meilleure image et ces derniers auront accès à un pouvoir d’achat supérieur. 

Un sujet vieux comme le capitalisme au succès récent

Depuis, bon nombre de travaux sont venus compléter celui de Bowen et des scientifiques, des organisations internationales se sont intéressées au sujet. En 1987, le Rapport de Brundtland, publié par la Commission mondiale sur l’environnement et le développement des Nations Unies, définit la politique nécessaire pour parvenir à un  «Développement durable ». 
Plus récemment en 2015, l’ONU publie les 17 Objectifs de Développement Durable (ODD) comme outil de référence pour accompagner les entreprises dans le changement. En France, ce changement devient une affaire légale en 2019 avec la loi PACTE (Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises) et notamment l’article 61 qui introduit une rupture profonde : “ la société́ doit être gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité”. Toutes ces politiques sont communément classées sous le registre de la Responsabilité Sociétale (Sociale) des Entreprises ou RSE, un terme assez flou qui regorge de définitions. J’ai choisi celle d’ISO, un organisme dont l’une des missions depuis 1990 est de protéger les droits des consommateurs et de l’environnement, qui la caractérise comme : “ La responsabilité d’une organisation vis-à-vis des impacts de ses décisions et activités sur la société et sur l’environnement, se traduisant par un comportement éthique et transparent qui :
–       Contribue au développement durable, y compris à la santé et au bien-être de la société 
–        Prend en compte les attentes des parties prenantes ;
–       Respecte les lois en vigueur et qui est en accord avec les normes internationales de comportement ; 
et qui est intégré dans l’ensemble de l’organisation et mis en œuvre dans ses relations »

Mais alors pourquoi l’essor de l’engagement et de la RSE qui existe depuis plusieurs décennies ne se sont démocratisés que depuis peu sous la Raison d’être ?

C’est peut-être à cause des scandales alimentaires et sanitaires qui ont mis en lumière les abus industriels (Lactalis, Findus…), des catastrophes environnementales dues à la surconsommation et des prévisions alarmistes des scientifiques qui ont soulevé, après des interrogations, une prise de conscience générale de la non-pérennité de notre système ultra libéral. En démontrent les nombreuses marches pour le climat organisées dans tous les pays du monde, les questionnements des individus vis à vis de leurs institutions, le score historiquement élevé du parti écologique aux Européennes en 2019 ou encore le succès des nouveaux acteurs qui bousculent nos habitudes de consommation avec des offres éco-socio-responsables (Vinted, Yuka, Blablacar, Back Market, Lime…)
Désormais, les marques ne peuvent plus ignorer leur impact sur notre écosystème et les moins vertueuses essayent désespérément de prouver qu’elles compensent les torts qu’elles ont causé. Comme si, finalement, ce n’est qu’au pied du mur, lorsque tout le monde pointe du doigt nos dysfonctionnements, qu’elles ont enfin pris conscience et décidé de réagir.
Par exemple, la compagnie aérienne Air France qui, de par son activité dégage énormément de CO2, s’est fixé comme objectif pour 2030 de devenir neutre en carbone notamment en plantant 110 00 arbres en 2019 ou encore en réduisant le poids à bord de ses vols pour dégager moins de CO2. Ces mesures sont louables mais elles réduisent le combat climatique à de simples compensations plutôt que de s’attaquer au business model de l’entreprise et d’innover avec des moteurs plus propres par exemple. Pour Augustin Fragnière, auteur d’une analyse approfondie sur le marché de la compensation volontaire, « la compensation carbone permet de continuer à faire des choix problématiques pour le climat à moindre coût ».

“Il est toujours moins douloureux de compenser que de changer de comportement

AUGUSTIN FRAGNIÈRE

La RSE séduit les chefs d’entreprise car elle est synonyme de performances ! 

En effet, selon l’enquête Sparnews en 2019, 58 % des entreprises mentionnent explicitement les Objectifs de Développement Durable et certaines ont intégré́ leur pilotage dans leur plan stratégique en développant des feuilles de route assorties d’indicateurs qui rendent compte de leur contribution. De plus, 60% d’entre elles déclarent avoir défini une trajectoire carbone cohérente avec les scénarios du GIEC à 2°. Enfin, elles sont tout de même 56% à déclarer calculer le coût énergétique (SCOPE 3 des reporting RSE) de l’usage de leurs produits par les consommateurs.
 
Les entreprises sont donc de plus en plus nombreuses à prendre en compte leurs externalités négatives, à tenter d’y remédier en réinventant leur business model car cela permet d’augmenter leur chiffre d’affaires ! La Business & Sustainable Development Commission qui fédère des entreprises et des organisations non-gouvernementales, a estimé le potentiel commercial à 12 000 Mds$ par an d’ici à 2030 dans les seuls secteurs de l’agro-alimentaire, de l’urbanisme, de l’énergie et des matériaux, de la santé et du bien-être, nous indique la BNB Paribas. De quoi rassurer sur le plan économique les entreprises encore frileuses à s’engager.
Mais définir une politique RSE peut aussi générer un autre type de profit avec des bénéfices internes à l’entreprise, plus tournés vers l’humain. Par exemple, l’engagement d’une entreprise permet de renforcer la cohésion en interne auprès des collaborateurs et même de relancer l’innovation. Toujours selon la même enquête Sparnews, pour 59% des cadres,l’engagement social est un facteur de motivation pour les salariés. 
 
Cette étude montre bien que les entreprises ont tout intérêt à intégrer les ODD dans leurs stratégies à long terme, d’abord pour stimuler leurs salariés dans leur travail mais aussi soutenir l’innovation, la recherche & développement et de facto, augmenter leur chiffre d’affaires. 
Mais derrière les recommandations de l’ONU, les marques ont un plus grand enjeu à s’engager : (re)conquérir le cœur de consommateurs pleinement conscients des impacts dramatiques de leurs modes de vie, et cela passe bien sûr par la publicité ! 

DES AGENCES DE PUBLICITÉ FACE À UN TOURNANT DÉTERMINANT POUR LEUR AVENIR

Je ne pouvais pas étudier les marques et leurs promesses d’engagements sans mentionner les agences de publicité qui les accompagnent. Si les entreprises sont en pleine mutation, observe-t-on ce même déclic chez ceux qui influencent nos modes de consommation ? En tant que future communicante inquiète et persuadée que la publicité doit aussi s’adapter et guider des modes de vie (vraiment) plus responsables, je me suis intéressée à deux agences qui semblent prôner une autre communication et un rapport nouveau entre les individus et les marques.  

La « bénévolence », le credo de l’agence Change

Après avoir été à la présidence de l’agence Léo Burnett (filiale de Publicis), Patrick Mercier décide de fonder en 2009 sa propre agence indépendante : Change. Avec la volonté de bousculer les choses et un état d’esprit de challenger, Change clame que l’utilité et la responsabilité constituent la garantie d’une croissance saine pour les marques et souhaite les aider à améliorer concrètement la vie des gens en communiquant avec attention. C’est ce qu’elle appelle la bénévolence ou la bienveillance en Français, l’unique façon de réconcilier des consommateurs engagés avec des marques challengées. Et bien évidemment, l’agence met aussi un point d’honneur à rendre cette bénévolence inattendue grâce à la créativité et à l’innovation. En effet, comme le précise Patrick Mercier, « la bénévolence signifie une transformation réelle de l’entreprise et cela peut impacter la façon de concevoir les produits, de les tester, de leur donner un sens, de rendre utile ses innovations avant de les distribuer. »

Goodvertising Agency, une publicité créative responsable

Thomas Kolster publiait en 2015 Goodvertising, un ouvrage questionnant le rôle de la publicité à l’heure où les enjeux éthiques et environnementaux deviennent de plus importants pour des consommateurs informés et plus puissants que jamais. Le publicitaire fait le constat qu’une agence de publicité « ne peut plus se contenter d’affirmer que la marque ou le produit de leur client est vertueux : elle doit désormais faire comprendre que le client lui-même se comporte et agit de façon responsable. »
De par son grand succès, Thomas Kolster fonda Goodvertising Agency, une agence d’un nouveau genre qui souhaite conseiller et aider les entreprises sur la façon de transformer les risques environnementaux, sociétaux et sanitaires en opportunités de marché où la croissance du résultat net va de pair avec la création de meilleures communautés et d’une meilleure planète. Un modèle où les marques feraient partie de la solution et non du problème.
Avec des expertises en développement durable, elle accompagne par exemple les brasseurs Carlsberg sur une nouvelle stratégie responsable « Together Toward Zero » avec pour ambition de diminuer l’impact carbone de la marque, le gaspillage de l’eau et sur le « drink responsibly ». 
 
Ces deux exemples d’agences de publicité d’un nouveau genre nous montrent qu’il est possible de créer une relation plus « sincère » et plus utile entre les entreprises et les individus pour qu’ils contribuent ensemble à changer nos modes de consommation. En effet les consommateurs, plus engagés que jamais, sont sensibles aux valeurs éthiques et morales des marques qu’ils consomment. 

MIEUX CONSOMMER, UNE NÉCESSITÉ POUR LES CONSOMMATEURS

Aujourd’hui, nul ne peut nier que nous sommes tous responsables de la fonte des glaces, de l’extinction de dizaine de milliers d’espèces, de ces millions d’hectares, poumons de notre planète, partis en fumée, ou encore de ces tonnes de plastique qui polluent nos océans et tout ce que cela coûte à l’humanité. Pour notre profit et notre confort, certains produisent dans des conditions indignes, dangereuses et récoltent tous nos déchets. Aujourd’hui, les reportages, les ONG et même les journaux télévisés ne manquent pas de nous le rappeler. 

Inquiets et conscients que leur mode de vie devra changer, 89% des Français ont récemment déclaré qu’il y a urgence à agir pour l’environnement et 86% qu’il y a urgence à agir pour une société plus juste, selon l’étude de Kantar datant de Janvier 2020. De ce fait, les consommateurs tentent de modifier leur comportement d’achats et d’aller à l’encontre de la surconsommation, notamment en diminuant leurs achats de produits neufs.

En effet, selon l’étude dOney et OpinionWay réalisée en 2020,  90% des consommateurs européens se disent sensibles à la consommation raisonnée et 85% des Français déclarent avoir déjà acheté de l’occasion / seconde main. L’argument rationnel du prix arrive souvent en premier lieu puisque le consommateur réalise une économie par rapport à un produit neuf, mais le fait d’acheter d’occasion s’apparente aujourd’hui à un petit geste individuel du quotidien qui change la donne face à l’impact carbone de chacun. De plus, le succès des plateformes d’échange entre particuliers (comme Vinted ou Blablacar) renforcent la solidarité, la cohésion sociale et l’économie collaborative avec l’idée “d’aider” l’autre grâce à quelque chose qui ne nous dessert pas. Leboncoin l’a également bien compris dans sa nouvelle plateforme de marque avec sa conviction que finalement “Le bonheur des uns fait le bonheur des autres”.

Expert et renseigné, le consommateur est aussi très préoccupé par les modes de fabrication des produits qu’il consomme. Selon la même étude  Oney et OpinionWay, cela concerne 34% des Français. En découle l’utilisation massive de Yuka, (15 millions d’utilisateurs en Janvier 2020) l’application décryptant les étiquettes des produits alimentaires et cosmétiques pour analyser leur impact sur la santé. De plus, l’alimentation bio est véritablement entrée dans le quotidien des consommateurs, avec 91% d’entre eux qui déclarant en consommer selon une étude d’Infopro Digital, réalisée du 16 au 20 janvier dernier

Consommer pourrait devenir un vrai acte citoyen 

De par les produits qu’il consomme et les marques qu’il choisit, l’individu fait entendre sa voix et ses opinions. La consommation devient alors plus qu’un marqueur social et identitaire, un véritable acte politique.
Cela a peut-être toujours été le cas, mais aujourd’hui plus encore avec le bio, le vrac, le vegan, l’électrique et la seconde main, la façon dont un individu consomme reflète ses idéaux et ses intérêts. Même le collectif Action Consommation définit l’acte d’achat comme “l’expression économique d’une attitude générale au quotidien. Individualiste ou responsable et solidaire, quasiment un acte politique.” 
En effet, chaque jour le consommateur exprime ses opinions politiques, écologiques ou sociétales de façon plus ou moins consciente en ouvrant son porte-monnaie et en préférant une marque plutôt qu’une autre. 
Ce phénomène est appelé « consommation citoyenne » et Baptiste Mylondo s’interroge sur la portée de cette nouvelle forme de consommation, présentée comme la solution plus durable et la plus juste alternative à notre modèle actuel, dans son livre Des caddies et des hommes : Consommation citoyenne contre société de consommation sorti en 2005. 
Selon lui, la consommation citoyenne est à la fois engagée et responsable car l’acte d’achat prône les choix de société d’un individu et le responsabilise à la fois au développement durable en tant que consommateur et à la citoyenneté.
De plus, la consommation citoyenne ne se base pas sur un territoire d’appartenance mais sur le rassemblement de personnes ayant des idées humanistes et des principes universels, où le développement durable est un facteur essentiel. 
En prenant conscience de ce nouveau pouvoir adossé à la consommation, le citoyen devient alors acteur d’une société civile mondiale avec des capacités d’actions au-delà des frontières (comme le boycott d’une marque ou le choix d’acteurs équitables) portées par des associations et des citoyens qui luttent contre la mondialisation et son marché. 


SOURCES :

Livre :
Baptiste MYLONDO – Des caddies et des hommes : consommation citoyenne contre société de consommation – Broché – 27 Octobre 2005 

Articles :
–       Bertrand LAVALOU – 01/10/2018 – Engagement de la marque, un autre levier de différenciation – 1min30 
–       Thomas LOISEL – 06/12/2019 – L’engagement des marques comme le pivot de leur stratégie – E-marketing 
–       Mercedes ERRA – 18/02/2020 – L’ère du “purpose”​ – LinkedIn 
–       Pierre-Olivier BRIAL – 26/09/2016 – Quel est le mythe fondateur de votre entreprise ? – LinkedIn 
–       Vincent BOUQUET – 10/02/2020 – Comment Société Générale a défini sa raison d’être – Business Les Echos 
–       Valentine PUAUX – 04/02/2020 – QUELLE OPINION DES FRANÇAIS SUR LA COMMUNICATION RESPONSABLE ? – CBNews 
–       Nathalie RAULIN – 11/01/2019 – Enquête Cevipof : flambée de défiance contre les institutions politiques – Libération
 
Études :
–       Edelman – 2019 – L’engagement des marques, un critère déterminant pour les consommateurs Français  
–       Sparnews – 2019  – Les nouveaux modèles de performances
 
Interview :
–       Bertille TOLEDANO – 13/11/2019 – Stratégie : « exprimer du sens, exprimer une vision, exprimer un point de vue » – INFLUENCIA