Un portrait idyllique de la société américaine : les peintures de Norman Rockwell

Illustrateur officiel du Saturday Evening Post de 1916 à 1963, Norman Rockwell (1894-1978) est considéré comme l’un des meilleurs illustrateurs américains du XXème siècle. Connu pour sa façon si réaliste de peindre le quotidien des Américains, les six œuvres que Norman Rockwell a réalisées pour la société Coca-Cola (entre 1928 et 1935) n’en illustrent pas moins le souci que l’artiste et la firme ont en commun, à savoir montrer l’Amérique sous son meilleur jour : « La popularité de l’œuvre de Rockwell s’explique sans doute par le sujet qui en est au centre : ses compatriotes américains. Les thèmes qu’il traite touchent aux racines mêmes de la tradition américaine, et il déploie tout son talent pour exalter cette tradition. Loin de lui l’idée de rechercher le laid ou le sordide. Seuls l’intéressent les traits les plus beaux, les qualités de ses contemporains. »[1]. Dans ce troisième monde iconographique, nous allons étudier deux supports détourés en carton utilisés pour promouvoir Coca-Coca qui reprennent des peintures de Norman Rockwell afin de mieux comprendre comment la marque a su véhiculer un message gai et optimiste aux Américains à travers ses publicités pendant cette période de crise économique.

3.1. Tom Sawyer, c’est l’Amérique…

Figure 5 : Support détouré en carton, 1931

 

L’image de ce jeune garçon criblé de taches de rousseur, avec un sourire espiègle et innocent, est sans doute celle qui a été la plus utilisée pour promouvoir Coca-Cola au début des années 30. En effet, cette illustration (Figure 5) parue en 1931 sur le marché américain a été déclinée sous différents supports publicitaires de la firme Coca-Cola à partir de la peinture originale de Norman Rockwell (affiche, support détouré, plateau, calendrier). Nous étudierons cette publicité dans son support détouré, mais nous ferons aussi des allusions aux autres supports. Nous attacherons beaucoup d’importance au contexte en amont dans l’analyse de cette image – au processus de production de l’image plus précisément – afin de voir en quoi les intentions de l’auteur semblent rejoindre finalement celles de la firme Coca-Cola. Pour ce faire, nous nous appuierons essentiellement sur la grille d’analyse proposée par Laurent Gervereau dans son ouvrage intitulé Voir, comprendre, analyser les images[2], grille essentiellement composée de trois phases : la description (1), l’étude du contexte (2) et l’interprétation (3). A chacune de ces phases correspond un champ disciplinaire différent : l’histoire d’art (1), la psychanalyse/sociologie (2) et la sémiologie (3). Commençons donc par la description (1) de cette image : un petit rouquin aux taches de rousseur nous esquisse un large sourire sur cette publicité en tenant à la main une bouteille en verre Coca-Cola. Il est vêtu d’une chemise bleue avec des bretelles, d’un pantalon retroussé vert et d’un chapeau de paille. A première vue, il semblerait que Norman Rockwell se soit inspiré du personnage de la littérature américaine enfantine, Tom Sawyer. Mais avant de rentrer dans l’interprétation de l’image, Laurent Gervereau nous invite à décrire l’image suivant trois points : la technique (1.1), la stylistique (1.2) et la thématique (1.3).

En ce qui concerne les informations matérielles de l’image (1.1), on peut clairement identifier le nom de l’émetteur de cette image puisqu’elle est signée « Norman Rockwell », et donc ne laisse aucun doute possible quant à son créateur. Déjà à ce stade de l’analyse, le fait que la peinture soit signée Norman Rockwell joue un rôle important dans l’interprétation de l’image, puisque le nom du peintre est fortement connoté dans l’esprit des Américains à l’époque, les années 30 étant considérées comme l’âge d’or du célèbre illustrateur américain. On ignore cependant la date de production de l’image originale, mais on peut se référer à sa date de publication, comme le fait remarquer à juste titre le Musée Norman Rockwell dans son ouvrage consacré aux œuvres de Rockwell : « Il est à la fois facile et difficile de dater les œuvres de Rockwell. Étant donné qu’un nombre considérable d’entre elles sont parues dans des publications, on peut généralement leur attribuer une date, à une ou deux années près. Il est plus difficile toutefois de savoir avec exactitude leur date de création : Rockwell datait rarement ses œuvres. »[3]. On peut donc supposer que cette image ait été peinte par Norman Rockwell au cours de l’année 1930, dans un contexte de crise économique en Amérique. Suivant le support utilisé pour promouvoir la boisson Coca-Cola, l’image diffère. En effet, dans cette publicité (Figure 5), le jeune garçon apparaît sans le chien, pourtant présent dans l’image d’origine de Rockwell[4]. Outre cette absence, on peut également remarquer que suivant le support, le cadre de l’image change : tantôt rectangulaire lorsque l’image est matérialisée dans une affiche publicitaire de la firme, tantôt prenant la forme du petit garçon lorsque l’image est matérialisée dans un présentoir de table. Le support s’avère être donc déterminant dans le cadre de l’analyse d’une image car il conditionne sa mise en forme. Par conséquent, suivant le support utilisé pour cette image (affiche, plateau, présentoir de table, calendrier, …) l’impact sur le public sera différent. La peinture à l’huile s’avère être, quant à elle, la principale technique utilisée par Norman Rockwell. Le Musée Norman Rockwell a décrit les différentes étapes qui précédaient la peinture à l’huile chez l’artiste américain : « A la fois perfectionniste et technicien confirmé, Norman Rockwell se consacra pendant ses soixante ans de carrière à la peinture à l’huile, dans le plus grand respect de la tradition. Pour ce faire, il devait respecter plusieurs étapes : esquisses, dessins, études de couleurs aboutissaient à une peinture à l’huile, dont la reproduction devenait ensuite couverture de magazine, illustration de texte, de calendrier ou d’article, ou encore affiche publicitaire. » [5]. Si l’on regarde de plus près ce qui caractérise le mieux la technique utilisée par Norman Rockwell on se rend compte que, en plus du souci permanent de se rapprocher de la réalité de ses modèles (modèles vivants ou photographies), Rockwell cherchait avant tout à raconter une histoire dans chacune de ses œuvres, comme le souligne une fois de plus le Musée Norman Rockwell de Stockbridge : « Sa conscience professionnelle et son sens de l’humour transparaissent dans toutes ses créations, ainsi que ce don hors du commun de construire des scènes qui racontent une histoire. »[6]. Norman Rockwell semble donc s’inscrire dans la lignée des « storytellers » à travers sa peinture, faisant de ses œuvres de véritables images narratives. Cette publicité Coca-Cola peinte par Norman Rockwell n’échappe pas à cette règle puisqu’elle semble nous raconter une histoire, celle d’un petit garçon à l’allure décontractée, qui semble s’accorder une pause pendant sa journée, voire totalement faire l’école buissonnière, à l’image du personnage Tom Sawyer.

Au niveau de la stylistique (1.2), on peut remarquer que deux couleurs prédominent dans cette image : le vert et le jaune. Là encore, nous pourrons nous tourner vers la symbolique des couleurs dans la culture occidentale pour voir en quoi le choix de ces couleurs vives peut jouer dans la construction du sens. En ce qui concerne la composition de l’image d’un point de vue général, nous avons affaire à une organisation corporelle.

Enfin, au niveau de la thématique (1.3), même si le titre de l’œuvre originale peinte par Rockwell n’est pas indiqué sur les supports promotionnels de la firme Coca-Cola, il nous paraît important d’en parler ici, ne serait-ce que pour voir si la thématique d’ensemble de l’image correspond à celle du titre donné à l’œuvre. La peinture originale de Rockwell se nomme « The Barefoot Boy »[7]. Ce titre correspond donc à la description de l’image et le fait que le garçon représenté à l’image soit déchaussé nous ramène, semble-t-il, aux thèmes de la nature, de la jeunesse innocente, et de la liberté. Ces thèmes ne sont pas sans nous rappeler ceux abordés dans les histoires intrépides de Tom Sawyer et de son ami « sauvageon » Huck, personnages nés de la plume de Mark Twain dans « Les Aventures de Tom Sawyer » (1876) et « Les Aventures d’Huckleberry Finn » (1884). En effet, au terme de cette phase descriptive, il semblerait déjà apparaître une première piste d’interprétation : Norman Rockwell se serait, semble-t-il, inspiré du portrait de Tom de Sawyer, si ce n’est pas celui de Huckleberry, le meilleur ami de Tom dans les romans de Mark Twain, qui mène une vie de bohème.

Mais avant de rentrer dans la phase d’interprétation (3), nous allons étudier le contexte de l’image (2). Nous nous concentrerons essentiellement sur l’étude du contexte en amont, le contexte de diffusion étant assez difficile à définir compte tenu du peu de données que nous disposons, sans oublier que notre objectif est avant tout de montrer quel est le rapport entre cette image et l’histoire personnelle de Norman Rockwell. Parmi les thématiques véhiculées par l’image, celles de l’enfance et de la nature semblent clairement être mises en avant puisqu’au niveau iconique, il ne fait aucun doute que « le garçon sans chaussures » symbolise l’enfance (ainsi que l’innocence qui lui est associée), mais aussi la nature dans son aspect le plus calme et apaisant puisque le garçon y est représenté assis au pied d’un arbre. L’enfance et l’idéalisation de la vie à la campagne sont des thèmes qui transparaissent à travers l’histoire personnelle du peintre, comme le souligne le Musée Norman Rockwell de Stockbridge :

« Norman et son frère aîné Jarvis ne détestaient pas la ville et s’y amusaient comme tous les petits citadins de leur âge, mais ils aimaient par-dessus tout les étés passés en famille à la ferme, dans un coin isolé au nord de l’Etat de New York. A l’âge adulte, aussi bien dans ses écrits que dans ses illustrations, Rockwell idéalisera la vie à la campagne ; jamais il ne manquera de l’opposer à l’atmosphère sordide de la grande ville, faisant remarquer un jour : “ J’ai comme l’impression d’être gravement atteint de cette incorrigible – et bien américaine – nostalgie de la vie à la campagne, simple et saine, qui nous fait tourner le dos au monde compliqué des grandes villes.”»[8]

Nous voici donc au cœur de notre réflexion : le retour à l’enfance et « la nostalgie de la vie à la campagne » semblent être des thèmes chers à Norman Rockwell, mais également des thèmes collant parfaitement à la stratégie publicitaire employée par Coca-Cola dans ces années-là, puisque nous pouvons interpréter ces thèmes comme un retour à une période « simple », « saine » et surtout apaisante de la vie de chacun. Le rapport entre cette image et la société des années 30 semble donc être évident à nos yeux : véhiculer une image positive et la plus apaisante possible de la société américaine pendant la récession économique.

Il suffit d’adopter dans une troisième phase d’interprétation (3) une approche sémiologique pour parvenir à s’en convaincre. En effet, nous pouvons creuser un peu plus cette analyse d’image en étudiant quelques signes plastiques, à commencer par la couleur verte. Le vert peut revêtir différentes significations dans la culture occidentale d’après Michel Pastoureau : « couleur de la nature », « couleur calmante », « couleur de la jeunesse »[9] et « couleur de la liberté, car couleur et de la nature et de la jeunesse »[10]. Le vert semble donc assez bien symboliser les thèmes de la nature, de la jeunesse et de la liberté. On peut également se tourner vers des signes plastiques plus spécifiques à l’image comme le cadre et le cadrage. Le cadre est considéré comme un « élément spécifique de l’image car c’est lui qui l’isole, qui la circonscrit, qui la désigne comme image »[11] selon les termes de Martine Joly. Là encore, tout dépend du support utilisé : si l’on se réfère à ce support détouré, l’image n’est pas délimitée par un cadre mais semble être interrompue par les limites du support. En effet, on a affaire avec ce carton découpé à une manière « qui consiste à faire se confondre le bord du support et les limites de l’image »[12]. C’est un procédé qui transforme complètement l’image d’origine de Norman Rockwell, puisque le spectateur ne voit pas plus loin que le cadre imposé par le support. Ce procédé revêt une importance capitale dans l’interprétation de cette image publicitaire, comme le souligne si bien Martine Joly dans son livre consacré à l’analyse du message visuel fixe : « Ce procédé de faire se confondre le cadre (ou les limites) de l’image et le bord du support a des conséquences particulières sur l’imaginaire du spectateur. En effet, cette coupure, attribuée à la dimension du support plus qu’à un choix de cadrage, pousse le spectateur à construire imaginairement ce que l’on ne voit pas dans le champ visuel de la représentation, mais qui néanmoins le complète : le hors-champ »[13]. Si l’on se réfère à la peinture originale de Rockwell, le cadre isole l’image et limite ainsi toute part d’imagination alors que ce support détouré laisse la porte ouverte à l’imagination du récepteur. En effet, le récepteur a la possibilité d’imaginer la suite du décor et de construire ainsi un univers apaisant et naturel autour de lui. C’est une certaine façon d’entretenir une part de rêve à l’heure où ce pays est confronté à la crise économique. En ce concerne le cadrage, nous avons affaire à un plan de demi-ensemble, à savoir « une personne dans son environnement proche »[14]. Ce choix de cadrage n’est pas sans incidence sur l’interprétation de l’image : situé à mi-chemin entre le plan d’ensemble et le plan rapproché, le plan de demi-ensemble paraît autant insister sur la relation entre la personne représentée et son environnement que sur sa personnalité. Personnage atypique et charismatique, il semblerait que nous ayons affaire ici à un « Tom Sawyer des temps nouveaux », qui entretient avec le destinataire une certaine complicité avec sa bouteille de Coca-Cola. Ce support publicitaire semble donc dégager une atmosphère positive et chaleureuse en véhiculant des valeurs réconfortantes pour le moral des Américains, moral assez bas pendant cette période. Parmi les valeurs qui sont au cœur de la collaboration entre Rockwell et Coca-Cola, on retrouve celle de « lien social » (ou de « sociabilité »). Intéressons-nous donc à cette valeur en regardant comment elle est si justement « mise en valeur » dans cette publicité, mais aussi dans la plupart des images publicitaires Coca-Cola peintes par Norman Rockwell.

3.2. Coca-Cola, meilleur compagnon de l’homme ?  

Si l’on observe de près les principales œuvres peintes par Norman Rockwell pour Coca-Cola[15], nous remarquons que dans chacune des images représentant un jeune garçon, la couleur verte y est présente. Il ne fait alors aucun doute que cette couleur joue un rôle important dans l’interprétation de ces publicités. Elisabeth Brémond nous éclaire un peu plus sur la symbolique du vert, en particulier sur le vert « franc et simple » tel qu’il est représenté dans ce support publicitaire de 1931 : « Ce vert-là indique un état de forme printanière, de désir partagé et de bien-être, caractérisé part la vigueur, la santé, la sociabilité. C’est la couleur de la verte jeunesse, sa gaillardise et ses plaisirs adolescents, « le blé en herbe »[16]. Or la « verte jeunesse » et la « gaillardise » sont des caractéristiques propres aux personnages créés par Mark Twain, et ce jeune garçon pourrait aussi bien représenter Tom Sawyer que Huckleberry Finn, son fidèle compagnon d’aventure. A un niveau très connoté donc, la notion de « lien social » semble ici faire surface de manière implicite. Quand on sait que Norman Rockwell a illustré les « Aventures de Tom Sawyer » en 1936[17] et les « Aventures de Huckleberry Finn » en 1940[18], nous pouvons facilement penser que cette publicité Coca-Cola met en place un imaginaire autour de ces deux jeunes aventuriers. Dans son ouvrage consacré au « Rêve américain », Marie-Christine Pauwels nous renseigne davantage sur la symbolique du personnage d’Huckleberry Finn après avoir établi le lien qui pouvait exister entre la littérature de Mark Twain et le Rêve américain : « L’on attribue communément la création d’un « genre littéraire américain » véritablement organique, marqué à la fois de ce souffle épique de liberté et de l’optimisme dont est pétri le Rêve américain, à Walt Whitman et Mark Twain. (…) Huck Finn deviendra symbolique d’un certain esprit américain, d’une Amérique en mouvement, toute entière tournée vers l’avenir, frondeuse, ouverte aux expériences nouvelles. »[19]

Dans les publicités Coca-Cola des années 30, Rockwell semble mettre en scène le même personnage amical, plein d’optimisme et de joie de vivre (moment de détente et de plaisir lors d’une partie de pêche dans la figure 6). Si ce jeune garçon né du pinceau de Rockwell s’avérait être réellement Tom Sawyer ou Huck Finn, la boisson Coca-Cola pourrait alors être interprétée comme la boisson de la jeunesse aventureuse, mais également comme celle qui permet de trouver du réconfort, à l’image d’un ami fidèle. Aussi, si l’on regarde de près les trois peintures d’origine de Rockwell[20] mettant en scène le jeune garçon, on peut remarquer que notre « jeune aventurier » est dans chacune des images accompagné par un chien. Quand on sait que le chien est considéré habituellement comme le compagnon le plus fidèle de l’homme, on peut se demander si Coca-Cola et Norman Rockwell n’ont pas voulu retransmettre la valeur de l’amitié à travers ces images publicitaires, dans une Amérique confrontée alors aux conflits sociaux.

Nous pouvons prendre l’exemple de ce second carton découpé de l’époque pour illustrer nos propos (Figure 6). En effet, dans ce support publicitaire Coca-Cola de 1935, c’est le message linguistique[21] qui nous éclaire un peu plus sur les intentions de la firme. Avec ce message linguistique – totalement absent dans la peinture d’origine de Rockwell – c’est bien les intentions de la firme qui sont clairement mises en avant et non celles de l’illustrateur. Coca-Cola met une fois de plus l’accent sur le lien social et l’amitié à travers ce message linguistique : le jeune garçon, ici représenté en train de pêcher sereinement avec son chien, semble avoir trouvé en Coca-Cola la meilleure des compagnies.

Figure 6 : Carton découpé, hauteur 92, 7 cm, 1935

 

En effet, la boisson gazeuse est ici associée à un moment de détente (encore une scène qui illustre la célèbre « pause qui rafraîchit » …) et tout laisse à penser que Coca-Cola est le meilleur ami de l’homme : le message linguistique d’abord, que l’on pourrait lire comme « Coca-Cola et vous, c’est pour la vie », et la présence du chien ensuite, qui laisse envisager la possibilité qu’il y aurait peut-être un compagnon encore plus fidèle que l’animal de compagnie… Coca-Cola. Tout cela n’est que de la supposition, mais l’objectif final de Coca-Cola n’est-il pas d’amener le consommateur à devenir fidèle à son produit ?

Au final, le jeune garçon semble partager avec Coca-Cola une belle histoire dans chacune des œuvres de Norman Rockwell : lors de la pause déjeuner (ou pendant que le garçon fait l’école buissonnière) Coca-Cola est là pour le rafraîchir et le détendre sur la publicité de 1931 (Figure 5) ; sur celle de 1932[22] on le voit afficher le même sourire que sur celle de 1931 (Figure 5) au contact de la bouteille Coca-Cola, après avoir travaillé la terre ; et sur celle de 1935 (Figure 6), on le découvre en train de pêcher, une canne à la main et une bouteille de Coca-Cola dans l’autre. Par conséquent, les œuvres de Rockwell mettant en scène le jeune garçon avec la bouteille Coca-Cola semblent nous inciter à nous regrouper, à partager des moments agréables entre amis par l’intermédiaire de cette histoire en images. En effet, ce sont bien les qualités de « storyteller » de Rockwell qui sont mises en avant dans ces publicités puisque nous voyons se dérouler sous nos yeux l’histoire d’une amitié grandissante entre le garçon et Coca-Cola.

En s’associant avec l’illustrateur Norman Rockwell, il semblerait que Coca-Cola ait trouvé le moyen de redonner le moral aux Américains et de leur véhiculer un univers paisible et amical à travers ces petites scènes de la jeunesse innocente et vagabonde :  « Il n’essaye pas de changer les choses ; il invite les gens à rire sous cape, non à désespérer ; à rejoindre un groupe d’ami fidèles, à ne pas rester seul ; à se rappeler, non à prophétiser »[23]. Au final, les intentions de la firme Coca-Cola transparaissent clairement dans les peintures que Norman Rockwell a réalisées pour la boisson gazeuse, dans la mesure où ces dernières s’attachent à montrer une seule facette de la société américaine : l’Amérique souriante et rayonnante, qui n’est pas sans nous rappeler celle des « Roaring-Twenties », déjà dépeinte dans notre second monde iconographique.

 

[1] Musée Norman Rockwell de Stockbridge, Norman Rockwell : chroniqueur du XXème siècle, Courbevoie, Soline, 1998, page 8.

[2] Laurent Gervereau, Voir, comprendre, analyser les images, Paris, Editions La Découverte, 2000 (3ème edition), 191 pages.

[3] Musée Norman Rockwell de Stockbridge, Norman Rockwell : chroniqueur du XXème siècle, Courbevoie, Soline, 1998, page 16.

[4] Voir l’illustration en question en couverture de cet article.

[5] Musée Norman Rockwell de Stockbridge, Norman Rockwell : chroniqueur du XXème siècle, Courbevoie, Soline, 1998, page 13.

[6] Idem, page 15.

[7] « Le Garçon sans chaussures ».

[8] Musée Norman Rockwell de Stockbridge, Norman Rockwell : chroniqueur du XXème siècle, Courbevoie, Soline, 1998, page 10.

[9] Michel Pastoureau, Dictionnaire des couleurs de notre temps : symbolique et société, Paris, Bonneton, 1999,  page 221.

[10] Idem, page 222.

[11] Martine Joly, L’image et les signes : approche sémiologique de l’image fixe, Paris, Armand Colin, 2005, page 109.

[12] Idem, page 111.

[13] Martine Joly, Introduction à l’analyse de l’image, Paris, Armand Colin, 2005, page 82.

[14] Martine Joly, L’image et les signes : approche sémiologique de l’image fixe, Paris, Armand Colin, 2005, page 114.

[15] Voir les illustrations en question en couverture de cet article.

[16] Elisabeth Brémond, L’intelligence de la couleur, Paris, Albin Michel, 2002, page 219.

[17] Musée Norman Rockwell de Stockbridge, Norman Rockwell : chroniqueur du XXème siècle, Courbevoie, Soline, 1998, page 51.

[18] Idem, page 57.

[19] Marie-Christine Pauwels, Le rêve américain, Paris, Hachette, 1997, page 67.

[20] Voir les illustrations en question en couverture de cet article.

[21] «Friends for life», qui signifie « Amis pour la vie » en français.

[22] Voir l’illustration en question en couverture de cet article.

[23] Bernard Danenberg (Galleries), Thomas S. Buechner (text), Norman Rockwell : a sixty year restrospective (catalogue of an exhibition), New York, Harry N. Abrams, Inc. Publishers, 1972, page 22.