Regards sociosémiotiques croisés à travers une lecture dynamique et interactive.
Depuis sa création en 1886, la boisson Coca-Cola repose sur un fond mythologique qui puise toute sa source au sein de l’histoire des États-Unis d’Amérique en véhiculant à travers ses artefacts publicitaires les principales valeurs du mythe de l’américanité, à savoir « l’image universelle, exportable, des valeurs que les États-Unis ont conscience de représenter »1. Dès la fin du XIXème siècle, la boisson d’Atlanta est introduite aux yeux du consommateur comme un breuvage thérapeutique aux vertus bienfaisantes, au milieu des élixirs et autres remèdes miraculeux (Monde 1). Dans les années 20, nous retrouvons Coca-Cola dans des affiches publicitaires et supports détourés mettant en avant de jeunes filles légèrement vêtues, souriantes, représentatives de la jeunesse exaltée des « Roaring-Twenties » (Monde 2). En pleine crise économique, les artistes Norman Rockwell et Haddon Sundblom subliment le quotidien des Américains en peignant les aventures de Tom Sawyer (Monde 3) et Santa Claus (Monde 4) aux côtés de Coca-Cola. C’est finalement lors de la Seconde Guerre mondiale que Coca-Cola prend réellement son envol, en s’imposant comme boisson patriotique, suivant le soldat américain partout où il combat (Monde 5). Coca-Cola n’en oublie pas moins l’autre Amérique, en maintenant sa place dans sa terre d’origine, au sein du foyer américain, se recentrant alors sur les valeurs qui sont au cœur de la culture américaine : le foyer et la famille (Monde 6). Dès lors, nous pouvons nous interroger sur les objets publicitaires de Coca-Cola en tant qu’artefacts communicationnels, au sens anthropologique du terme. « La notion d’artefact désigne en anthropologie toute chose ayant subi une transformation, même minime, d’origine humaine, elle est donc compatible avec un point de vue anthropocentrique […] »2, explique Rabardel. C’est donc davantage leur statut social et leur portée symbolique qui nous amènent à voir au-delà de l’aspect marchand ce qui reste des objets publicitaires Coca-Cola. Comment Coca-Cola s’est-il adapté aux évolutions de l’histoire des États-Unis d’Amérique dès le début du XXème siècle (1886-1945) pour s’imposer dans le monde comme le mythe de l’américanité à travers ses affiches publicitaires et supports détourés ? Notre propos s’attachera plus précisément à démontrer comment les objets publicitaires de la marque fonctionnent comme des artefacts communicationnels en véhiculant les principaux idéaux du mythe de l’américanité, et à mettre en relief les grandes périodes de l’histoire des États-Unis d’Amérique qui participent le plus à la construction de ce mythe. Nous adoptons un regard sociosémiotique au sens de Semprini, en analysant « la façon dont un objet de sens particulier [en l’occurrence un objet publicitaire] est pris en charge par un système de discursivité, est utilisé pour soutenir ou critiquer une vision du monde et des systèmes de croyance et finit par alimenter, en tant que ressource sémiotique, ces mêmes systèmes »3, Dans le cadre de cette recherche sociosémiotique, nous utiliserons le support numérique comme espace d’interactivité entre le lecteur et les artefacts publicitaires de Coca-Cola afin de rendre la lecture dynamique. En effet, cette recherche veut permettre au lecteur d’adopter un sens de lecture autonome, non linéaire, en lui proposant de devenir « interacteur »4. Plus précisément, il s’agit de lui donner l’opportunité de cliquer sur le monde iconographique de son choix afin d’en saisir le sens et le contexte, Internet étant un média « hétérochrone » au sein duquel l’internaute possède la liberté médiatique de faire des allers-retours. Nous espérons que le lecteur appréciera ce voyage publicitaire au sein des 6 mondes iconographiques de Coca-Cola, qui retracent l’histoire des États-Unis d’Amérique à travers ses artefacts publicitaires.
Monde 1. Une « potion magique » aux vertus bienfaisantes
Monde 2. « Les Bathing Beauties » de Coca-Cola
Monde 3. Un portrait idyllique de la société américaine : les peintures de Norman Rockwell
Monde 4. Coca-Cola et Santa : la fuite du quotidien par l’imaginaire
Monde 5. Coca-Cola sur le front : une « mission nationale »
Monde 6. Coca-Cola au cœur du foyer : l’autre visage de l’Amérique
1 Gérard Cholot, Daniel Cuzon-Verrier et Pierre Lemaire, Les plus belles affiches de Coca-Cola, Paris, Denoël, 1986, pp. 17-18.
2 Pierre Rabardel, Les hommes et les technologies : approche cognitive des instruments contemporains, Paris, Armand Colin, 1995, p. 59.
3 Andrea Semprini, Analyser la communication II : regards sociosémiotiques, Paris, L’Harmattan, 2007, p. 14.
4 Catherine Guéneau, « Du spectateur à l’interacteur ? », Médiamorphoses, 18, 2006, pp. 68-73.